Assise à même le sol, Lilie fut rejointe par Psyché, qui avait jeté son dévolu sur un ouvrage d’herboristerie. En ce lieu de connaissance, tout semblait à portée de main et presque trop facile. Pourtant, des difficultés, la Shaman allait en rencontrer bien suffisamment pour qu’elle ne décidât pas maintenant de se priver de ces informations précieuses.
De fil en aiguille, la Taurion avait découvert comment Khonfas, la seule ville Shaakt du continent, avait vu le jour et s’était développée. Descendante de Caix Imoros, elle fut construite bien après cette dernière, presque en même temps que la mystérieuse ville de Gwadh se trouvant sur Nosvéris et qui, par certain aspect, semble être sa jumelle. La politique de la ville, l’architecture, les personnalités importantes, tout y était détaillé, si bien que Lilie en eut le vertige. Il y avait bien trop de notions à assimiler en une seule après-midi et elle se mit soudain à regretter de ne pas disposer de plus de temps devant elle.
Poussant un profond soupire au bout de quatre heures de lecture concentrée et silencieuse, l’elfe verte s'étira puis se leva pour remettre le livre à l’endroit exact où il s’était trouvé avant sa venue. Elle avait bien sûr remarqué le visage sévère de la bibliothécaire qui l'avait fixée au détour d’une rangée de livres, si bien que la Taurion s’y était reprise à deux fois pour contrôler le placement de l'ouvrage fascinant.
Lilie voulut profiter de la situation pour s’entretenir avec la gardienne des lieux et se rendit courageusement jusqu’à elle à travers les rangées. Sans prévenir, elle se retourna brusquement vers la Shaman, le visage innexpressif, avant de lui placer une pile de trois livres entre les mains. Puis elle ajouta platement :
« Vos lectures pour le voyage, Lilie, puisqu’apparemment vous aimez bien vous documenter. Encore un cadeau d’Alphéa. Le premier, le plus gros et le plus encombrant, est un dictionnaire de la langue commune, parlée sur tout le continent, par tout le monde. »
Elle le feuilleta sous les yeux de la Taurion réjouie, afin de lui expliquer rapidement le fonctionnement de cet objet particulier. Puis elle lui montra la suite sans perdre de temps, en faisant défiler les pages du second cadeau à l'aide de gestes secs et dépourvus de manières.
« Ce livre-ci, plus petit heureusement pour vous, vous en apprendra plus sur la culture des Shaakts en général. Il contient des informations sur leurs légendes, leur religion, la structure matriarcale, leur rapport avec les autres peuples et races. »
Enfin, réticente à ouvrir le dernier présent, elle finit par simplement le tapoter. Elle le commenta également, mais sur un ton peu assuré et même, presque apeuré.
« Et ça… je suis bien contente de m’en débarrasser, les autres sont à rapporter impérativement et en bon état, mais celui-là, vous n’aurez qu’à le brûler lorsque tout sera fini. C’est... C’est… Un recueil de magie noire. Les ombres, les Ténèbres, la mort, le mal… Tout y est. »
Cherchant alors à détendre l’atmosphère, Lilie remercia bien chaleureusement sa bienfaitrice, devinant néanmoins que ce prêt, elle ne le faisait pas par gaité de cœur mais parce qu’elle y avait été contrainte par sa supérieure. Dans le fond, cette réaction était bien compréhensible, cette femme ne devait pas avoir l’habitude de se séparer si longtemps de ses livres, qui devaient représenter toute sa vie.
« J’en prendrai grand soin, c’est promis ! », avança la Taurion bien qu’elle ne pouvait être certaine de ce que ses aventures lui feraient vivre par la suite. Au moins, l’intention était là.
« Et prenez celui que vous étiez en train de lire également. Un oubli de ma part. Bonne chance. »
Et elle s’éloigna sans rien ajouter, n’attendant pas même un « au revoir » de la part de Lilie. Cette dernière n’insista donc pas et s’en retourna auprès de Psyché, les bras chargés.
« Je ne m’attendais pas à ça… », déclara-t-elle avant d’éclater de rire, car elle avait besoin de se décrisper. Ses propos concernaient à la fois la froideur de la femme et les cadeaux qu'on lui avait offerts.
« Moi non plus ! J’avoue que ce coup-ci, je n’étais pas au courant ! »
Mais Psyché n’avait pas pu s’empêcher de ricaner, avant d’ajouter tout naturellement : « Non, en fait je plaisante. Bien sûr que je le savais ! »
Elles quittèrent à nouveau ensemble ce lieu de savoir incroyable et s’en allèrent en direction du réfectoire. L’heure du souper venait d’être annoncée par une cloche retentissante et dans les couloirs, les Sœurs se rassemblaient déjà en conversant bruyamment. Au dehors, la lumière du jour avait commencé à décliner.
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