De mes fouilles pour trouver l’arme idéale, je ressortis plutôt heureux. Il y avait là tout ce qu’un aventurier en mal d’armes pourrait trouver de plus tranchant, contondant ou perforant. Hélas, aucune pièce d’armure à l’horizon : je devrais sans doute me contenter de cette cuirasse verte jusqu’à la fin de cette mystérieuse épreuve souterraine, jeu pervers d’un esprit sans doute dérangé, en quête de souffrance et de manipulation. Je m’y faisais, elle n’était pas de mauvaise facture, et laissait libre les mouvements d’esquive et les gestes agiles qui prévalaient à une bonne survie basée sur les réflexes et l’observation. Ainsi donc, de mes recherches fructueuses, je tirai quelques satisfactions de bon aloi : comme je n’avais aucune arme effilée sous la main, je me dirigeai vers un sabre courbe et fin à la lame acérée et tranchante. Sa garde était simple, sans chichi, mais de bonne facture, lassée de cuir sombre. C’était vraisemblablement une arme de facture elfique à en juger par la petite feuille sylvaine gravée sur le protège-doigts de l’arme, fin et profilé, lui aussi, mais néanmoins solide. Satisfait, je le glissai à ma ceinture pour l’avoir à proximité en cas d’utilisation soudaine. De plus, à ce sabre elfique, j’ajoutai un trio de javelines assez simples en apparence, mais sans doute efficaces. Une hampe de bois polie et légèrement incurvée, pour une meilleure pénétration dans l’air, terminée par une pointe de métal argenté étudiée pour une perforation idéale des ennemis à distance comme au corps à corps, bien que cette arme fût sans aucun doute plus efficace à distance respectable de l’ennemi, afin de lui perforer le garrot avec une précision qui n’était sans doute pas mienne, mais qui pouvait sans doute s’acquérir avec quelque entrainement.
Ainsi équipé, et satisfait, je me tournai à nouveau vers la large salle où les deux équipes qui furent miennes se voyaient mises l’une face à l’autre pour une énigme plus claire, mais également plus sanglante et létale que les précédentes. Le maître des lieux espérait certainement nous voir nous entretuer barbarement jusqu’à ce qu’une équipe, ou qu’un groupe de personnes se reconnaissant comme tel parvienne à laisser de côté la compétition belliqueuse pour pouvoir s’unir sainement dans une nouvelle union au sang neuf.
Mais alors que mes recherches touchaient à leur fin, une brise soudaine me fit frissonner, amenant dans l’endroit une consigne soufflée avec force par un être inconnu et omniscient dans ce lieu oppressant. Comme si ça n’était déjà pas suffisamment clair, voilà que le joueur caché derrière toute cette mascarade funeste réserve sa première intervention pour que nous nous entredéchirions sans logique, nous ruant les uns sur les autres sans aucune civilité. Cet esprit tordu commençait à me plaire, finalement, et je comprenais de plus en plus la psychologie de cet être qui, par la manifestation de son machiavélisme, s’avouait être une personne des plus solitaires. Toutes ces observations, je me les gardai pour le moment où nous serions confrontés à un choix cornélien qui mettrait réellement notre vie en danger. L’issue de tout ceci, la fin des fins. Et cette heure n’était pas encore arrivée, même si visiblement, certains êtres de la pièce semblaient prêts à faire quelques concessions.
Ainsi, je croisai un regard étrange du dénommé Erow, entouré de sa fumée opaque de pipe. Furtivement, il m’indiqua l’orque gigantesque à ses côtés, et je devinai chez lui la même méfiance de l’être à la peau verte que celle que j’avais dissimulée, sans pour autant totalement la cacher. Je lui renvoyai son regard, accompagné d’un sourire mystérieux qui pouvait être équivoque. Le clin d’œil qui suivit l’était moins : je lui garantissais ainsi une alliance secrète connue seule de nous deux, et qui ne valait pour ainsi dire que pour nous deux. Un contrat visuel qui pouvait vite se rompre, selon la tournure des événements, mais qui pour l’instant était profitable aux deux.
Mais tout d’un coup, un vif mouvement me fit sursauter : l’archère aux cheveux bleus s’était lancée sans prévenir contre nos adversaires. Une fois la surprise passée, je faillis soudire face au choix qu’elle opéra : elle s’était ruée vers l’orque, et le menaçait maintenant de toute sa hargne, l’ayant mis à genoux d’un coup dans le dos, et menaçant sa vie d’une lame aiguisée et habile sous sa gorge musclée. Terrible, elle asséna une menace forte aux compagnons de l’orque… Menace qui ne m’était pas destinée, puisque je m’étais clairement rangé de son côté, et elle du mien en attaquant celui contre lequel je l’avais personnellement mise en garde. Ainsi, j’étais un des seuls à pouvoir réellement agir, et lorsque je perçus la lumière orangée dans l’œil torve de l’orque, je criai en m’emparant de l’une de mes trois lances :
« Attention ! »
Ce cri était une assurance personnelle au moins aussi machiavélique que l’esprit du maître des lieux, puisqu’elle m’assurait une survie et une bonne excuse, qu’importe la situation finale de ce combat engagé. En effet, je lançai l’instant d’après ma javeline vers le duo Epardo-Gwaë, espérant toucher l’orque dans mon entreprise, mais ne dédaignant pas pour autant, en cas d’échec, toucher ma coéquipière d’un temps. Dans un cas comme dans l’autre, mon action aurait été salvatrice pour la situation : en touchant Epardo, j’assurais une déconcentration chez l’orque, qui se verrait à la merci de la dague de l’archère, alors que si je transperçais Gwaë, ça permettrait à l’orque de se dresser face à son adversaire et de contrer la menace. Du hasard de mon lancer, de la force de mon bras et de la précision de mon jet dépendait la suite des événements, et des personnes qui poursuivraient l’aventure en ma compagnie, combat ou non.
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- Selen Adhenor -
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