Gardant mon élan, j’aperçus du coin de l’œil la bête qui se fit toucher en pleine face par le projectile du petit, et alors qu’il poussait un rugissement de rage, j’arrivai à portée de son jarret : d’un mouvement tout en vitesse, j’abatis mon petit sabre sur a cible, portant avec précision. Un coup rapide mais manquant de force… Ma lame ne s’enfonça que peu dans le cuir du monstre et nulle goutte de sang ne vint teinter mon attaque de réussite. Le combat allait s’avérer rude ; l’adversaire disposait de capacités naturelles de défense bien plus élevées que se que j’imaginais.. Mon geste n’ayant requis aucun ralentissement dans ma course, je m’éloignai de nôtre ennemi, me rendant à quelques mètres sur sa gauche. Je fus surpris de voir que l’ours n’avait pas porté son attention sur moi. Apparemment, de ce que je pouvais voir, sa fureur se dirigeait vers le cerveau de nôtre compagnie qui, malgré sa constitution enfantine, avait réussi un lancer plus valable que ma propre attaque. L’animal s’apprêta à se lancer sur l’être malingre, le volume musculaire de ses pattes antérieures gonflant de manière significative, et, sachant qu’il ne me restait pas plus d’une ou deux seconde pour intervenir, je me m’agenouillai pour pouvoir bondir jusqu’à la bête et détourner son attention de mon infortuné équipier. Arhos, mon sauveur, avait manifestement anticipé plus vite que moi car il abattit son immense lame sur la patte avant gauche, faisant preuve d’une force bien supérieure à la mienne de par le sang qui découla de la blessure. Loin d’en rester là, il alla même jusqu’à la repousser en arrière, l’envoyant bouler de quelques mètres. (Je t’avais grandement sous-estimé, tu me sauves la vie et fait preuve d’une impressionnante dextérité au combat, protégeant tes compagnons.) La créature se leva néanmoins avec rapidement et une fois de plus, ses yeux me paralysèrent. Toute cette fureur meurtrière, cette rage, cette envie de sang… Ses yeux incarnaient sa nature : C’était un prédateur, une création divine que ceux d’en haut avaient doté d’attributs naturels pour tuer. Griffes, crocs, cuir, musculature, elle avait tout ce qu’il fallait pour envoyer ses proies ad padres. Et nous étions ses proies. Mais surtout, ce qui tendait le plus à éveiller la frayeur en moi était l’immense instinct meurtrier que je décelais dans ses yeux… un peu comme le regard qu’Althan m’avait jeté dans la forêt, le jour où il m’avait révélé sa nature d’assassin, le jour où ma vie avait pris un nouveau tournant. Oui. J’étais un assassin, du moins un apprenti. Je n’étais pas né pour tuer mais je suivais la Voie pour devenir plus meurtrier, plus dangereux que le plus éminent des prédateurs naturels. Ce regard qu’elle me lançait… cette arme qui tendait à me privé de ma gestuelle… Je pouvais l’avoir. Un regard encore plus puissant, un regard encore plus fort, le regard d’un assassin, celui d’un simple humain qui, suivant la Voie du dieu de la mort, se verrait modeler par Phaitos pour en devenir une incarnation. Ce regard… oui.
Plongé dans mes pensées, mes yeux fixés sur ceux de la bête, je n’avais point fait de geste, abrité dans les ombres, me tenant à quelques mètres de la lumière du combat. J’avais vu Arhos se battre contre l’ours, se faisant touché par deux fois. J’avais entendu les grognements légers, incertains, que mon cerveau plus que mon esprit désigna comme étant ceux d’oursons. Très certainement ceux de l’ours. J’avais vu Tuia s’éloigner du combat à pas prudents, bien que maladroits, se dirigeant vers la zone d’où provenaient les cris de la progéniture : Qu’allait-il bien pouvoir faire là-bas ? J’avais vu Mahëlen se joindre à Arhos, armée du baton de la blonde Meredith, et le duo réussit à repousser la bête en arrière, la blessant encore, au museau cette fois, mais cela ne se fit pas sans sacrifice car le monstre touchant Arhos une troisième fois.
Toute cette action se déroulait pour moi derrière le même filtre brumeux que l’on connait dans le monde onirique. Je m’étais quelque peu détacher du regard de la bête, m’enfermant en moi, pensant, réfléchissant. J’avais eu une idée. Plus qu’une idée, une envie. Une envie telle qu’elle m’avait détourné d’un combat où ma vie et celles de mes compagnons était en jeu. Barald m’avait conseillé d’apprendre de chacune de mes expériences, de les vivre et de les exploiter pour en ressortir toujours plus fort. De toujours m’entraîner quand je le pourrais et surtout, de créer mon propre style, mes propres techniques et sinon, à défaut de les créer, voler celle des autres si je le pouvais. Voler une technique, voilà ce que je voulais faire. Laquelle vous me demanderez ? Et bien, plus qu’une technique, pour la victime de mon larcin, c’était une aptitude naturelle. Me l’approprier, et bien sûr ce faisant, je l’améliorerai, allait faire de cette aptitude, une capacité de combat qui siérait fort bien à ma (future) condition d’assassin. Le regard de la bête. Voilà ce que je convoitais. Voilà aussi pourquoi je ne faisais guère attention à ce qui m’entourait car tout mon esprit se tendait vers les yeux de ce monstre, ressentant, captant, imprimant en lui ces deux orbes de furies. Je plongeai en chacun des ces yeux, défiant la peur qu’ils m’amenaient, et me délectant de chacun des instants que je captais, me les appropriant. Néanmoins, mon honneur me sortit de ma torpeur car il réagit à cette fameuse troisième blessure du bretteur noir. J’avais une dette de vie envers lui et mon instinct me dictait d’intervenir, de les aider, bien que je fus en pleine apprentissage, en pleine progression. (Et merde ! Bon, qu’est-ce que je peux faire pour abattre ce foutu monstre ?!) Et oui, tel était la question. Ma lame la plus acéré n’avait fait qu’érafler le cuir de l’ennemi et je ne doutais pas que ma meilleure attaque martiale, mon coup de pied retourné, ne lui infligerait pas le moindre dégât sérieux. Déroulant à l’envers le combat dans ma tête, je repensai à l’attaque de Tuia qui avait complètement accaparé l’attention de l’ours. Bien que manquant fatalement de puissance, elle l’avait mis dans une rogne terrible. Oui, j’avais une idée : Ses yeux, ces deux boules qui me fascinaient tant, ces deux armes terribles… ses seules faiblesses. Sans tergiverser plus que ça, je me mis à courir de toutes mes forces de manière à me retrouver dans le dos de mes compagnons, et dans le champ de vision de l’ours par ce biais. J’avais remarquait ultérieurement que les tuniques remises avait une certaine capacité à s’éclairer ; elles émettaient toutes de la lumière. Toutes sauf la mienne. J’étais sûrement le seul qui avait désiré rester dans l’ombre. Je repris alors ma course, fonçant vers la mère ours en hurlant : « Arhos ! Prête-moi ton dos ! » Et en mon for intérieure, je demandai à la magie qui habitait ma tunique de s’éclairer lorsque je lui demanderai. Le plan d’attaque était simple : Prendre appui sur le dos d’Arhos pour sauter assez haut, et, me retrouvant au niveau de la tête de l’ours, j’invoquerais la lumière pour l’aveugler tout en feintant du gauche et finalement, je planterai mon sabre court dans l’un de ses yeux d’un coup probablement mortel au vu de la longueur de mon arme.
Il était certain que mon attaque bouleverserait le cours du combat si elle fonctionnait. Il était certain aussi que j’allais mourir à la moindre défaillance de mon plan…
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-Nous, assassins, ne rendons de culte qu’a Phaitos, le dieu de la mort.
-Pourquoi lui rendre un culte ? -Il est le dieu de la mort et nous la semons. Nous sommes ses envoyés.
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