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 Sujet du message: Comté et château de Mordansac
MessagePosté: Lun 25 Avr 2011 23:08 
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Comté et château de Mordansac


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Il s'agit de l'un des comtés les plus au sud de Valorian. Si autrefois le domaine a été très influent et riche, l'avènement de Tristan a mis un frein titanesque à l'économie du comté. En effet, le comte de Mordansac, Alankert, était l’adversaire le plus virulent de Tristan et a jusqu'à la fin été vu comme l'un des successeurs les plus logiques.

La disparition de ses enfants l'a cependant fait réfléchir et il a retiré sa candidature à la succession. Quelques ragots prétendent que le jour de l'intronisation de Tristan, un messager lui a rapporté la tête de sa fille et de son fils. Depuis, il vit reclus dans sa demeure, retiré de la vie politique.

Ses terres en ont pâti, la plupart de des troupes ayant été réquisitionnés par le duc tandis que les impôts accablent le comté comme nul autre. Beaucoup ont considéré Mordansac comme l'exemple de ce qui pouvait arriver aux ennemis du duc mais, maintenant que celui-ci n'est plus, la suspicion est grande quant à l'implication du comte dans la mort de son ennemi. Aujourd'hui, il reste à voir si oui ou non le comte reprendra la voie de la politique et tentera de saisir les rênes du duché.

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Alors il y a une règle que je veux que vous observiez pendant que vous êtes dans ma maison : Ne grandissez pas. Arrêtez, arrêtez dès cet instant. Wendy dans "hook" (petit hommage à Robin Williams)
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 Sujet du message: Re: Comté et château de Mordansac
MessagePosté: Mar 26 Avr 2011 19:23 
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"Qui est-ce?"

Le garde frontière posait un regard dubitatif sur la jeune fille. Elle avait prit soin de coudre un morceau de tissu sur son pourpoint lorsqu'elle s'était arrêtée au relais suivant. Elle avait aussi dissimulé les armoiries qui décoraient son écu avec de la terre qu'elle avait fait sécher. Le résultat n'était pas exceptionnel, mais l'homme n'avait pas l'air de les reconnaître.

Le marchand répondit, d'une voix lasse. Il avait fait le voyage depuis Tulorim et rentrait enfin chez lui, après plus d'un mois d'absence:

"Cette jeune personne nous escorte, ma fille et moi.
-Vous êtes sûr? On nous a prévenu que des espions tenteraient de passer la frontière.
-Allons mon bon sieur, vous trouvez qu'elle ressemble à un espion?"

Le garde jeta un coup d’œil à l'un de ses camarades, avant de finalement faire signe au marchand de passer. L'homme venait déjà de perdre une bonne moitié de sa cargaison, les taxes étant prélevées à la frontière. La fille du duc souffla, soulagée qu'on ne cherche pas à l'arrêter. Si Tristan avait appris que la fille de son ennemi était arrêtée à la frontière, cela n'aurait fait que de faciliter sa tâche. C'eut été le comble alors qu'elle était venue pour le faire tomber. Quand elle trouverait des alliés, ceci dit.

Lorsqu'ils se furent éloigner, l'homme, qui portait le nom de Renaud, lui dit sur le ton de la confidence:

"Pour qui ils se prennent. Ce n'était pas comme ça avant. Sous Arthur les taxes étaient vivables. Aujourd'hui, le moindre pas de travers et on se retrouve en caleçon, si ce n'est avec la hache sur la tête. Des temps bien durs. Tout ça ne serait pas arrivé avec Alankert, moi je vous le dit.
-Alankert?
-De Mordansac. Le comte de Mordansac. C'est là d'où je viens. Sire Alankert a affronté le duc pour la succession, mais il a abandonné. On raconte qu'on aurait enlevé ses enfants pour le forcer à se retirer. Depuis, les impôts ont monté comme pas permis et notre vie est infernale."

Victoire, ou plutôt Tisis, comme elle s'était présentée à Renaud, connaissait de nom le comté. Elle avait eu le temps de se renseigner un minimum en prenant les rênes du pouvoir, même si ce n'était pas du tout suffisant. Elle savait que plusieurs seigneurs n'appréciaient pas Tristan, mais qu'aucun n'avait osé le faire savoir. Elle ignorait totalement si cet Alankert pourrait lui être d'une aide quelconque, mais elle n'avait que peu de temps et de pistes.

Sur le chemin elle constata le pénible de la vie des paysans. Il y avait des troupes aux armes du duc dans plusieurs villages, qui patrouillaient, ou plutôt harassaient la population. Le ressentiment était fort entre les deux nobles, ce qui se témoignait comme souvent par le traitement douloureux du peuple. Ceci dit c'était sa chance, elle avait bien moins de chance d'avoir des problèmes là que dans une autre seigneurie.

La jeune fille accompagna le marchand jusqu'à son bourg, qui se trouvait à quelques haltées à peine du château du domaine. L'homme lui proposa de rester passer la nuit, tout comme sa fille, mais elle refusa leur hospitalité. Il lui fallait rejoindre prestement la demeure du comte et elle n'avait que peu de temps avant que le pont levis ne soit fermé.

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 Sujet du message: Re: Comté et château de Mordansac
MessagePosté: Lun 2 Mai 2011 20:53 
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Tisis fut guidée dans une petite antichambre, encadrée par deux gardes plutôt nerveux. Personne n'avait osé lui demander son épée, affront suprême pour un noble, mais sa venue avait attiré l'attention des hommes du comte. Elle avait remarqué que la garnison était sur le qui-vive, bien que faible en nombre. Elle doutait quant à elle que le duc tente d'assassiner pareil ennemi politique, pas tant qu'il serait en son pouvoir et servait son rôle d'exemple. Cette suspicion n'allait pas faciliter les choses pour elle.

Après une longue attente, le chambrier accepta de la recevoir. On l'a conduisit dans une pièce assez grande, non loin du logis du seigneur. L'idée de devoir négocier d'abord avec l'homme, puis avec le comte la fatiguait déjà, mais elle n'en montra rien. Une table rectangulaire était dressée; un homme chauve et aux petits yeux y était installé, le visage fermé. Derrière lui se tenait un page ou un serviteur, d'une cinquantaine d'années.

Le chambrier demanda à celle qui se faisait passer pour une dame chevalier de s'installer en face de lui. Il la scruta à chaque pas, sans la lâcher des yeux un seul instant. Elle ne se laissa pas décontenancer pour autant et s'assit en face du conseiller, son arme toujours à la ceinture. L'atmosphère était tendue, on ne lui proposa d'ailleurs ni vin ni eau, sans doute pour lui faire comprendre que les étrangers n'étaient pas les bienvenus.

L'homme se contenta simplement de l'observer, sans lui adresser la parole. Elle ne sut trop comment se comporter: devait-elle parler, en dépit de toute bienséance? Devait-elle au contraire supporter son attitude stoïquement? Dans tous les cas elle ne se sentait pas en sécurité et regrettait presque de s'être présentée en ces lieux. Elle rompit malgré tout le silence:

"Mon nom est Tisis de Blanchefort, j'aimerais parler au comte."

Le chambrier ne fit aucun mouvement, c'est à peine s'il cligna des yeux. Il laissa le silence perdurer encore un instant, mettant Tisis mal à l'aise. Quand vint enfin sa réponse, celle-ci fut des plus sporadiques:

"Pourquoi donc?"

La question était brute et non nuancée, ne permettant guère à la jeune fille d'emmener son sujet comme elle l'aurait voulu. Elle était loin d'être une politicienne avérée et elle avait rarement eu l'occasion de tenir ce genre de discours. Elle avait toujours pu emmener son interlocuteur à lui poser des questions dans un ordre qui l'arrangeait, mais là elle devait commencer de but en blanc. Elle ne pouvait pas non plus tout dire, l'homme pouvant très bien travailler pour le duc Tristan, ou des espions pouvant être présents.

Elle se lança finalement:

"J'ai eu vent d'événements politiques qui pourraient l'intéresser et j'aurais besoin de son aide.

-Soyez plus claire jeune fille. Nous n'avons pas de temps à perdre.
-Je ne peux en parler qu'avec lui. Quel est votre nom d'ailleurs?
-Mon nom n'a guère d'importance. Puisque vous ne voulez pas entendre raison, je vous prierais de sortir de sa demeure et de partir. Vous ne rencontrerez pas le comte."

Tisis se leva et posa les mains sur la table, agacée par l'attitude de l'homme. Les deux gardes firent aussitôt un pas dans sa direction, main sur la garde. Ils n'intervinrent pas, mais les lames étaient prêtes à sortir au moindre faux pas.

"Et bien soit. Vous pourrez lui dire que vous l'avez personnellement dépouillé de sa vengeance et de la justice. Je suis certaine qu'il en sera heureux."

Comptant sur son effet elle poussa la chaise, avant de se diriger vers la porte en bois d'un pas sûr. Si le chambrier la laissait la franchir, elle devrait quitter les lieux sans alliés d'aucune sorte et repartir de la case départ. Elle aurait perdu du temps, ce qui était pourtant l'enjeu majeur de sa course pour détruire son ennemi. S'il la retenait, mieux valait que ce soit pour la présenter au comte et non aux geôles...

Elle posa la main sur la poignée et ouvrit la porte.

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 Sujet du message: Re: Comté et château de Mordansac
MessagePosté: Mar 3 Mai 2011 11:15 
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"Arrêtez."

Tisis se retourna, pour se rendre compte que ce n'était pas le conseiller qui lui avait répondu, mais l'homme qui était resté debout. Cela ne manqua pas de la surprendre, venant d'un homme qui était resté effacé pendant aussi longtemps. Il fit un signe de la main aux gardes, ainsi qu'au chambrier, qui resta dubitatif. L'homme se leva néanmoins, non sans avoir jeté un noir regard à la fille du duc.

Au final, seul resta cet inconnu, Tisis et un homme en arme, qui semblait bien plus âgé que les autres gardes. Celui qui avait donné les ordres s'adressa à elle, les mains croisées dans le dos et son regard azur posé sur son visage:

"Vous excuserez mes manières, la sécurité est quelque chose à laquelle je tiens beaucoup. Je suis le comte de Mordanssac. Parlez maintenant."

La révélation était à moitié étonnante. Sa précaution était sans doute justifiée: Tisis connaissait les méthodes du duc, elle les avait personnellement vécues, aussi était-elle parfaitement à même de comprendre la prudence des ennemis de celui-ci. Il y avait cependant encore un risque que ce soit un subterfuge; elle n'avait aucune idée de son apparence et pour peu qu'elle en savait, il pouvait très bien s'agir de quelqu'un d'autre.

"La sécurité est aussi des plus importantes pour moi. Comment puis-je être sûre que vous êtes le comte et non pas un autre chancelier là pour me jouer un tour?"

Elle ne le croyait pas vraiment, mais elle ne pouvait se permettre de donner sa confiance aussi facilement. L'homme ne se brusqua pas, certainement conscient que le doute était de circonstance. Il se rapprocha de la jeune fille, sous l’œil toujours aux aguets de ce qui devait être son garde du corps, avant de tendre la main vers elle. Il portait une chevalière, assez semblable à la sienne, aux armoiries de Mordanssac. Du moins c'est ce qu'elle put en juger d'après les fanions qu'elle avait vu plutôt flotter sur les tours du château. Le comte lui dit d'un grand sérieux:

"Cette chevalière appartient soit au comte, soit à celui qui lui a coupé la tête. Mais dans cette deuxième configuration, vous mourriez que vous énonciez ou non la raison de votre visite. Je ne saurais donc que vous conseiller de vous exprimer."


Il avait raison. Certes, s'il s'agissait d'un traitre ou d'un envoyé du duc, mieux valait mourir sans lui avoir révélé la raison de sa présence. Elle n'y croyait guère cependant, car même si elle refusait de parler, elle doutait de pouvoir supporter bien longtemps les tourments de la torture.

Elle prit une profonde inspiration, avant de se lancer:

"Le duc Tristan compte faire assassiner la famille ducale de Blanchefort, pour se saisir des terres de Pierre. Son plan est d'ores et déjà en marche et prendra forme dans quinze jours. Je suis venue pour l'en empêcher."

Le comte n'avait pas sourcillé, gardant une expression tout à fait hermétique. Elle avait ainsi du mal à déterminer s'il était déjà au courant ou non ou s'il la prenait au sérieux, ce qui n'était pas encourageant. Il reprit d'un ton monocorde:

"Et que voulez-vous de moi?
-J'ai besoin de quelques hommes qui connaissent Valorian et qui pourraient me guider et agir à mes côtés. Si je parviens à mettre la main sur certains documents, je pourrais faire tomber le duc, et vous pourriez reprendre votre place.
-Vous êtes sûre de toutes ces informations? Vous semblez jeune pour être une espionne.
-Mes sources sont des plus précises. Mon âge me permet de ne pas attirer les soupçons, c'est grâce à lui que je suis ici aujourd'hui.
-Je vois..."

Tout n'était pas vrai bien entendu, mais rien n'était totalement faux. Elle ne pouvait simplement divulguer d'information trop compromettante concernant son voyage dans le temps. Le comte, les mains de nouveau croisées, s'écarta quelque peu d'elle, semblant réfléchir. Elle le vit alors faire un signe à son garde du corps, qui s'approcha, la main sur sa lame.

Tout se passa très vite ensuite. Le comte cria à la garde que l'on la capture. Cinq hommes entrèrent, arme au clair. Elle dégaina son épée très vite, prenant de cours ses adversaires alors qu'elle comprenait qu'elle avait été trahie. Elle réussit à en pourfendre un, puis un deuxième, le combat se déroulant dans le chaos le plus total. Elle sentit des mains la saisirent pour l'immobiliser. Elle cria, de rage et de désespoir, avant qu'un choc violent sur son crâne ne la plonge dans les ténèbres.

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 Sujet du message: Re: Comté et château de Mordansac
MessagePosté: Mar 3 Mai 2011 14:28 
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Tisis ouvrit les yeux, aussitôt éblouie par une lumière vive qui lui fendit le crâne. Elle voulut porter les mains à sa tête, mais celles-ci refusèrent de bouger. Il lui fallut quelques instants pour comprendre que ses poignets étaient enserrés d'un étau en fer et que des chaînes la reliaient à un mur de pierre moite et humide. La conscience du danger la fit rapidement émerger de sa torpeur, la peur commençant à s'insinuer en elle.

Elle tenta de nouveau d'ouvrir les yeux, pour s'habituer à la luminosité pourtant faible d'une simple torche distante. Son crâne l'élançait toujours, mais elle se força à le supporter. Elle essaya tant bien de regarder autour d'elle: elle se trouvait dans une pièce humide, probablement souterraine, dont la seule issue était une porte étroite mais vraisemblablement solide. La torche en question semblait provenir de derrière cette porte, filtrant par les barreaux solides qui permettaient certainement aux gardiens de vérifier l'état des prisonniers, car oui, en effet, il s'agissait d'une prison à n'en point douter.

La jeune fille était étendue contre le mur du fond, habillée seulement de son tricot de corps, les mains et le cou enchainés au mur. Respirer était difficile, le collier de fer étant très serré et lui faisant mal. Ses jambes étaient libres, quant à elles, mais cela ne l'avançait pas à grand chose. Elle tenta de se redresser, douloureusement, jusqu'à s'adosser au mur nu. Elle avait un peu plus de mou pour ses mains qu'allongée, même si celles-ci pendaient toujours
au niveau de sa poitrine, ce qui était loin d'être agréable.

Son esprit remettait peu à peu les choses à leur place tandis qu'elle découvrait son environnement. Elle ne savait pourquoi le comte l'avait emprisonnée, mais il y avait bien mille raisons possibles. Elle s'en voulait d'avoir été suffisamment sotte pour penser que se présenter au château suffirait à lui trouver des alliés. Maintenant elle était enfermée et la panique commençait à poindre. Elle avait quinze jours pour sauver son duché, mais si son séjour ici se prolongeait, elle serait totalement impuissante et inutile. Ce serait sans doute pire encore que la mort, que de savoir tout ce qui se passait en étant enchaînée, incapable d'agir.

Comme n'importe quel animal en cage, elle chercha alors à tirer sur ses chaînes, dans l'espoir incertain de pouvoir déloger les anneaux de fer. Elle tâta aussi les pierres et les maillons avec ses mains, ou encore le sol à l'aide de ses pieds pour trouver le moindre objet métallique qui pourrait l'aider. Elle se rendit hélas très rapidement compte que tout cela était totalement inutile: les pierres étaient solides, les chaînes étaient vieille mais dénuées de rouille et à part la fange et la saleté il n'y avait rien à porter de ses pieds.

Elle n'avait aucune notion du temps. Elle avait sûrement était assommée quelques heures, mais elle ignorait si le soleil s'était levé ou s'il faisait encore nuit noire ; elle n'avait d'ailleurs entendu aucun son provenant d'éventuels autres prisonniers ou de gardes, si bien que rien ne l'informait de sa situation. Elle était totalement perdue.

Le temps passa, lentement, très lentement, l'inaction la torturant plus que jamais. Cela ne dura pas éternellement cependant: elle finit par entendre des pas métalliques se rapprocher de sa geôle, puis elle perçut le son reconnaissable d'une clé que l'on tournait dans la serrure. La porte s'ouvrit et deux hommes entrèrent, sans que la jeune fille ne puisse deviner leur trait, la seule source de lumière masquée par leur silhouettes massives.

"Je veux parler au comte. Je ne mentais pas. Je..."

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase, qu'un des gardes lui passa un sac autour de la tête qu'il ferma et noua, la plongeant dans l'obscurité la plus totale. L'air lui manqua presque aussitôt, sa respiration devint haletante et difficile. Elle sentit qu'on la détachait, mais pas longtemps car bientôt d'autres chaînes lui lièrent les mains dans le dos avec brusquerie, ce qui lui arracha un cri étouffé. Elle chercha à se débattre, mais les mains épaisses des hommes la maintenaient et lui empêchaient tout mouvement.

Elle se sentit ensuite soulever par les épaules, ce qui ne manqua pas de lui faire un mal de chien. La panique montait en elle, alors qu'on la sortait, sans qu'elle puisse voir quoi que ce soit. Elle se demandait ce qui allait se passer, où on la menait, pourquoi... Sans arme et attachée, c'était un sentiment d'impuissance et de terreur qui la saisissait et la faisait trembler comme une feuille.

Tisis sentit qu'elle était entrée dans une autre pièce. Les hommes la lâchèrent, la faisant tomber à genoux. Le choc provoqua une douleur vive dans ses rotules, tandis que les gardes s'écartaient. Elle resta un moment sur le sol, sans aucune idée d'où elle se trouvait et de ce qui l'attendait. Le sac l'étouffait toujours, mais pas suffisamment pour lui faire perdre conscience.

Elle ne chercha pas à bouger, terrorisée qu'elle était. Elle avait peur qu'au moindre mouvement on la rue de coups. L’ignorance de ce qui allait suivre était absolument cruelle, mais elle ne doutait pas un seul instant que c'était là le but: on voulait qu'elle se sente faible, en danger, et cela fonctionnait à merveille.

Sans crier gare, elle sentit une présence s'approcher d'elle puis lui saisir le cou d'une main large et puissante. Elle se sentit attirée en avant, sans pouvoir ralentir sa chute, jusqu'à ce que sa tête entre dans un liquide glacial. Elle hoqueta de surprise, tandis que la main la maintenait dans de l'eau froide. Elle tenta par réflexe de sortit la tête du sot, mais elle était fermement maintenue, obligée de retenir sa respiration pour ne pas boire la tasse et s'étouffer.

Elle ne put retenir sa respiration longtemps cependant et l'eau trouva un chemin dans ses poumons. Une terreur intense la prit d'assaut alors qu'elle étouffait et qu'elle se noyait, incapable de faire le moindre geste. Elle ne se noya pas cependant, la main lui ressortant la tête avant, laissant le corps de la jeune fille s'écraser sur le sol alors qu'elle crachait et toussait, la tête toujours dans le sac.

L’accalmie ne dura pas cependant. On la redressa, toujours avec fermeté, avant de nouveau lui enfoncer la tête dans le seau...

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 Sujet du message: Re: Comté et château de Mordansac
MessagePosté: Mar 3 Mai 2011 17:01 
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Les deux gardes l'avaient reconduite dans sa cellule, avaient remis ses chaînes et refermé la porte. Elle était épuisée, trempée, dévastée. Une dizaine de fois on lui avait plongé la tête dans l'eau, jusqu'à ce qu'elle s'étouffe, jusqu'à ce qu'elle se sente mourir. L'agonie avait été longue et angoissante à chaque fois et à chaque fois elle avait duré plus longtemps. Plus elle retenait son souffle, plus la main l'écrasait et plus la torture durait.

On ne lui avait posé aucune question. Elle avait supplié que cela s'arrête, qu'elle dirait tout ce qu'ils voulaient entendre, mais aucune question n'était venue. Elle était perdue, désorientée et ne craignait qu'une seule chose à présent, c'était de retourner dans cette pièce. Mais elle se devait d'être forte, de surmonter cette épreuve qui ne faisait que commencer.

L'attente dans la cellule avait un goût d'autant plus amer à présent. Elle ne savait combien de temps elle allait rester là, ni n'avait de solution pour s'enfuir. Les gardes étaient loin d'être des amateurs et ils n'avaient rien laissé au hasard quand ils l'avaient détachée ; sa manière de tuer deux hommes un peu plus tôt avait dû leur en dire long sur ses capacités, à ne pas sous-estimer.

La faim ne tarda pas à se faire sentir. Elle avait mangé pour la dernière fois quand elle était aux côtés du marchand, ce qui faisait de nombreuses heures à présent. Elle doutait toutefois que ces geôliers ne la nourrissent tout de suite, pour qu'elle reste le plus faible et le plus malléable possible. La torche finit par s'éteindre, la laissant dans une pénombre abyssale.

Ce fut le loquet de la porte qui la tira de sa torpeur. Les deux gardes se rapprochèrent d'elle à grand pas, tandis que de nouveau son cœur s'emballait. On lui remit un sac sur la tête et de nouveau on la détacha. Elle se débattit cette fois-ci, mais un coup de poing au tempe la sonna avant qu'elle ne parvienne à faire la différence. De nouveau elle se sentit trainée, probablement vers la même pièce que précédemment.

Sa souffrance recommença, de la même manière. Cette fois-ci et les suivantes. Elle finit par en perdre le fil du temps, de sa raison d'être ici, de ses projets. Seuls comptaient ce seau et cette main invisible qui toujours la torturait et la malmenait, inspirant en elle une immense terreur. Jamais ne vinrent de questions, même si elle aurait certainement répondu à tout ce que l'on lui demandait.

Entre les sessions elle gisait, enchaînée, sale et brisée, dans sa cellule dont elle connaissait chaque recoin à présent. On la nourrissait peu, de vieux croutons qu'elle devait attraper avec ses pieds, ce qui lui coûtait toujours plus de ses dernières forces. Elle n'essayait de se déplacer que pour uriner ou déféquer à un autre endroit que là où elle reposait. L'odeur infecte ne la quittait pas pour autant et elle ne parvenait pas encore à s'y habituer.

Ce manège dura jusqu'à ce que les hommes qui la transportaient ne l’emmènent dans une autre salle, toujours le visage caché par la jute. Elle n'avait aucune idée de l'endroit où elle était, bien entendu, mais elle savait combien de temps il fallait pour rejoindre la pièce au seau et ce n'était définitivement pas celle là.

On la détacha, avant d'entourer ses poignets d'une corde de chanvre. Elle se sentit alors tirée vers le haut, le son d'une vieille poulie résonnant dans la petite pièce. La corde cessa de bouger quand elle fut immobile, les bras tendus et les pieds touchant à peine le sol. La pression sur sa cage thoracique était forte, ce qui rendait la respiration plus compliquée encore que d'habitude. Si on la tirait plus haut, elle risquait de s'étouffer une fois encore, le sac de toile n'aidant en rien.

C'est dans cette position, pathétique et vulnérable, que pour la première fois depuis son emprisonnement on s'adressait à elle:

"Quel est votre nom?"

Elle ne connaissait pas la voix, ce n'était ni celle du comte, ni celle du chambrier. elle hésita l'espace d'un instant, mais se résigna à dire la vérité:

"Vi... Victoire."

Elle n'arriva tout simplement pas à parler plus; sa gorge était sèche et ses cordes vocales la meurtrissaient. Un claquement se fit entendre et elle sentit le cuir d'un fouet lui déchirer le dos. Elle cria de surprise et de douleur, à cause de la morsure de l'arme mais aussi du mouvement qu'avait fait son corps, tirant violemment sur ses bras et sa poitrine.

Elle se força à parler plus, d'une voix suppliante:

"Victoire de Blanch... Blanchefort. Je le jure... Je..."

Ses paroles laissèrent place au silence, que seul son halètement difficile rompait. Son dos la tirait, mais c'était encore supportable, pour le moment. La douleur était cependant bien plus présente à sa poitrine, sans compter la peau de son ventre qu'elle avait elle-même scarifiée pour se protéger de l'esprit et qui, dans cette position, tirait affreusement.

"Pour qui travaillez vous?"

Elle entendit un autre claquement, mais qui cette fois ne la toucha pas. Elle le prit comme un coup de semonce, destiné à l'effrayer.

"Personne. Je suis là pour... Pour sauver mon duché. Je..."

Un violent coup la frappa aux omoplates, la faisant hurler cette fois-ci, même si son cri fut à moitié étouffé par le sac et le collier de chaine qu'on ne lui avait pas enlevé. Elle jura qu'elle disait la vérité, plusieurs fois, pleurant plus fort à chaque coup qui suivit, jusqu'à ce que finalement ceux-ci ne stoppent.

Elle sentait sa peau déchirée dans son dos, tout comme le sang qui coulait et collait contre son tricot en lambeaux. Elle pleurait et suppliait, mais rien n'y faisait.

"Pourquoi espionnez vous le comte?
-Je n'espionne... pas... le comte... Je... je... J'ai besoin d'aide pour... pour arrêter Tristan...
-Vous êtes une rebelle alors?
-Je... Blanchefort... Je veux aider mon... mon duché..."

D'autres coups suivirent, plus violents encore, chacun lui arrachant un cri plus perçant que le précédent. Ils ne furent pas trop nombreux toutefois, pour ne pas qu'elle meurt sous les coups lors de son interrogatoire. Elle entendit finalement plusieurs personnes se lever et quitter la pièce, la laissant suspendue là, pendant mollement dans la pénombre.

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 Sujet du message: Re: Comté et château de Mordansac
MessagePosté: Mar 3 Mai 2011 21:37 
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Elle resta ainsi pendue pendant un long moment, les pensées totalement occupées par la douleur qui ne voulait la quitter et qui profitait de chaque instant pour s'intensifier. Son corps entier souffrait, si bien qu'à cet instant précis elle aurait donné beaucoup pour que l'on la laisse mourir. A quoi bon continuer de vivre et de se battre? Elle désirait seulement que tout s'arrête, que la morsure du fouet et la brûlure du chanvre la quittent.

Mais rien n'y faisait. Les hommes finirent par revenir dans la pièce, au bout d'un long moment de pénible et solitaire souffrance, avant de recommencer leur interrogatoire. Ils lui posèrent les mêmes questions, encore et encore, tandis qu'elle perdait le fil de ses pensées. Elle répondait, sans même réfléchir, la vérité sortant de sa bouche sans qu'elle ne puisse la contrôler. Elle révéla ses sources, bien que la manière exacte dont elle le dit restait très trouble, tant qu'elle n'aurait su dire si elle avait parlé de son voyage dans le temps. Cela n'avait guère d'importance en cet instant, rien n'en avait, mise à part la douleur et la peur. On la laissa de nouveau seule...

Après un terrible moment, à la longueur indicible, elle sentit le sac qu'elle avait porté tout ce temps ôté. La lumière lui parut extrêmement vive, lui donnant même le vertige un instant, avant que lentement elle ne commence à reprendre des repères. Quelqu'un se trouvait devant elle, mais elle n'arrivait guère à percevoir son visage, les yeux encore trempés par les larmes et la sueur. Tout était flou autour d'elle, impalpable, presque éthéré.

L'homme lui demanda quelque chose et elle répondit, sans avoir vraiment conscience de ce qu'elle disait, encore désorientée par la torture. Il s'éloigna d'elle et bientôt elle se sentit glisser sur le sol, s'affaissant lourdement. Elle prit une grand inspiration et l'air afflua dans ses poumons. Instinctivement elle essaye de bouger ses bras libres de toute tension, mais ceux-ci étaient toujours aussi douloureux. Elle se recroquevilla sur elle-même, encore traumatisée par la dureté des événements qui venaient de se produire.

Ses sanglots furent de courte durée cependant. L'homme n'était pas resté les bras ballants et s'était approché d'elle. Il arracha son tricot, ce qui la fit crier de douleur. Effrayée, elle tenta de se débattre, cherchant gauchement à griffer son agresseur qui n'eut aucun mal à l'immobiliser sur le ventre. Elle gémit quand elle sentit un liquide tiède couler sur son dos meurtri et entrer dans ses plaies encore vives.

Immobilisée et terrorisée, elle sentit peu à peu la douleur se faire moins vive, comme si le liquide la faisait disparaitre lentement. Elle cessa finalement de se débattre et l'homme lâcha sa prise, sans chercher à profiter d'elle comme elle l'avait d'abord cru. Il l'aida, ou plutôt la força à se relever et à s'appuyer contre lui. Ses jambes étaient molles comme de la gelée, mais il la tint suffisamment fermement pour ne pas qu'elle tombe.

Il l'entraina ensuite vers l'extérieur de la pièce, sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Elle se demandait de quel piège il pouvait s'agir, mais ce n'était pas comme si elle avait une grande marge de manœuvre. L'homme la traina dans les couloirs sombres et humides, sans croiser le moindre garde.

Finalement ils s'engagèrent dans une pièce sombre et l'homme actionna un mécanisme, fort semblable à la poterne qu'avait déjà emprunté Tisis par le passé, dans son propre château. L'homme continua de la guider dans un souterrain étroit, tandis que les pieds de l’adolescente râpait contre la pierre rugueuse.

Ils débouchèrent bientôt au flanc d'une petite falaise, qui donnait sur un bois plongé dans l'obscurité nocturne. L'homme siffla et presque aussitôt deux silhouettes apparurent avant de se diriger vers eux. Tisis se laissa faire lorsque l'un des deux individus la souleva du sol, après avoir pris soin de lui enfiler une lourde cape brune sur les épaules.

Elle se sentit transporter vers les bois, avant de finalement perdre connaissance.

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 Sujet du message: Re: Comté et château de Mordansac
MessagePosté: Mer 4 Mai 2011 22:50 
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Tisis ouvrit les yeux, l'esprit encore embrumé par les terribles moments qu'elle avait passés au château. Elle en était loin à présent, c'est du moins ce que ses sens lui indiquaient: elle était allongée, dans une tente étroite à la toile verdâtre. Il faisait jour et chaud, de la sueur coulant le long de son dos.

Elle tenta de se redresser, mais ne parvint pas à s'asseoir, prise d'une grande faiblesse. Autour d'elle se trouvaient quelques caisses de bois ; elle frémit en apercevant la cape que lui avait offerte Lydia qui était posée sur l'une d'entre elles. En y regardant de plus près, elle remarqua aussi son épée et son écu, posés en évidence. Une foule de questions lui passèrent par l'esprit, mais peu de réponses s'imposaient.

Elle tenta de nouveau de se lever, mais cette fois-ci en passant ses jambes par-dessus le bord du hamac dans lequel elle était étendue. Elle parvint, au prix d'un effort certain, à s'asseoir, ses pieds ne touchant pas le sol. Elle était habillée d'un tricot de corps d'une autre facture que le sien. Elle était propre aussi, ce qui suggérait que l'on s'était occupé d'elle pendant son sommeil. Elle repéra d'ailleurs un baquet d'eau qui lui arracha un frisson de terreur. Son dos lui faisait toujours mal, mais c'était supportable à présent. La douleur qu'elle éprouvait à ses bras était toujours bien présente, quant à elle.

Les mains agrippées au filet du hamac, elle se laissa glisser jusqu'à ce que ses pieds touchent terre. Elle remarqua que ceux-ci étaient toujours meurtris, sans doute par la faute du voyage dans les souterrains, dont elle se souvenait par bribe. Elle prit son temps pour retrouver pleinement son équilibre, car son propre poids lui semblait très lourd en cet instant. Elle finit cependant par lâcher des mains le hamac et par s'avancer vers ses armes, mollement, en chancelant à moitié.

Elle se retint de tomber grâce aux caisses et atteignit tant bien que mal son épée. Un éclat de voix retentit un peu plus loin, ce qui ne manqua pas de la faire sursauter. Elle s'empara de l'arme de son père, la serrant de toutes ses maigres forces, avant de faire face à la sortie de la tente. Elle se força alors à respirer lentement, à contrôler le rythme de sa poitrine qui se gonflait et se dégonflait le plus calmement possible. La peur ne l'avait pas quitté, même loin de sa cellule ; elle ne comprenait pas ce qui se passait, ni ne savait où elle était et cela l'angoissait, tellement que sa poitrine était compressée malgré son exercice de respiration.

L'épée lui redonnait un peu de courage cependant. Elle savait qu'elle ne pouvait rester simplement dans cette tente, que quelqu'un viendrait un moment ou l'autre et qu'il fallait qu'elle prenne ses éventuels ennemis de surprise. Ils lui avaient laissé ses armes, certes, mais c'était probablement parce qu'ils la pensaient trop faible pour s'en servir et elle allait leur démontrer qu'ils avaient eu tort.

Elle franchit gauchement les quelques pas qui la séparaient de dehors, l'arme au poing, avant de sortir de la tente. La vue qui s'offrit à elle était étonnante: elle était dans une grande clairière, remplie de tentes identiques à la sienne, dans laquelle se trouvait une bonne quinzaine de personnes, principalement des hommes mais aussi des femmes, armés mais sans armure. Rapidement l'attention se porta sur elle, les nombreux individus se levant, sans pour autant saisir leurs armes. Ils n'avaient en tout cas guère l'air de gardes, mais davantage de bandits.

Tisis prit son arme à deux mains, tout en avançant maladroitement. Son regard embrassait tout un chacun, avec une peur mêlée à de la rage presque animale. Personne ne sembla la prendre à la légère et tous gardèrent leurs distances. Un homme s'éloigna rapidement et entra dans une tente, sous l’œil nerveux de l'adolescente qui continuait de marcher lentement. Deux personnes sortirent bientôt, certainement averties par le gaillard: il y avait un homme, à la barbe mal taillée et à la joue balafrée ainsi qu'une jeune femme aux cheveux bruns et bouclés.

Tous deux se rapprochèrent, comme s'ils étaient les chefs de cette bande hétéroclite et inquiétante. L'homme avait les mains écartées, comme pour lui signifier qu'il n'y avait pas de danger. Elle savait pertinemment que si l'ordre était donné, elle serait abattue en un instant, mais elle ne comptait pas mourir seule. Il sortit alors un parchemin roulé de sa ceinture, avant de s'exprimer d'une voix rocailleuse mais dénuée d'agressivité:

"Nous ne sommes pas des ennemis. Isabella s'est occupée de toi et a soigné tes plaies. J'ai ce message pour toi, de la part du comte. Je le pose là, personne ne tentera rien."


Ce disant il le posa sur le sol, devant lui, avant de reculer de quelques pas pour laisser tout loisir à la jeune fille de s'approcher. Elle observa l'homme, puis la dite Isabella, avant de porter son attention sur le parchemin. Elle ne comprenait pas: c'était le comte qui l'avait emprisonnée et faite torturée, alors comment se faisait-il qu'il lui écrivait quelque chose maintenant qu'elle se retrouvait dans ce lieu étrange? Ils n'avaient pas l'air d'esclavagistes et elle s'était réveillée dans un hamac, non dans une cage. Peut-être étaient-ils là pour une rançon, ou pour la vendre à Tristan.

Dans tous les cas, la curiosité était forte. Elle devait comprendre, et ce n'était pas en leur bondissant dessus épée au clair que sa situation s'arrangerait. Elle se rapprocha donc lentement du parchemin, sans que personne ne tente quoi que ce soit contre elle. Elle dut se baisser pour l'atteindre sur le sol et ses jambes en profitèrent pour se dérober sous elle. Elle ne lâcha pas son arme cependant, bien que faible au possible.

Elle enleva le petit cachet de cire, avant de lire l'écriture manuscrite de ce comte qu'elle avait appris à maudire et à haïr:

Damoiselle De Blanchefort,

Je tiens à vous présenter toutes mes plus sincères excuses pour l'horrible traitement qui vous a été infligé. Je n'avais hélas guère le choix, car les yeux de Val d'Orian sont fixés sur mes moindres faits et gestes et je ne peux hélas agir de manière officielle.

Vous vous trouvez à présent en la compagnie d'hommes et de femmes libres qui ont choisi de ne pas plier sous le joug du duc scélérat et que je soutiens du mieux que je le peux. Ce sont eux qui pourront vous aider à mettre en place votre plan, dont vous avez hélas révélé les moindre détails devant les espions de Tristan.

Je suis parvenu à faire empoisonner leurs pigeons de voyage, si bien que les informations ne parviendront pas par ce biais à Tristan. Mais sans retour dans les trois jours, les hommes du duc enverront très certainement un messager. Vous devez êtes partie avant ce délai.

Si vous dîtes vrai, le déplacement de ces deux mille hommes vers la frontière est vraiment le moment opportun pour agir. Iluan vous aidera, j'espère que vous saurez savoir où son vos amis et où se trouvent vos ennemis, malgré les apparences.

Je vous présente encore toutes mes excuses et prie les dieux pour qu'un jour vous me pardonniez ce choix douloureux.

Avec tout mon respect,
Alankert, Comte de Mordansac.


Tisis reposa le parchemin, le cœur lourd. Elle ignorait si elle pouvait croire ce qui était écrit, si on essayait pas une fois encore de la tromper et de la trahir. Elle réfléchissait vite, mais ne parvenait pas à trouver la vérité. Non, tout était confus, dénué de sens ou presque. Qui étaient ses amis... Elle l'ignorait, d'autant plus que maintenant Lydia ne la connaissait plus. Tout ce qu'elle savait c'est qu'elle était seule et qu'aucune aide ne serait jamais désintéressée.

Elle leva les yeux, croisant du regard Isabella, qui s'était rapprochée. Elle ne se défendit pas quand la femme se baissa à son niveau et passa une main sous ses aisselles, avant de l'aider à se relever. La lettre dans une main, l'épée dans l'autre, elle se laissa guider jusqu'à la tente. La femme ne la brusqua pas et l'aida à se rallonger sur le hamac, après lui avoir expliqué qu'elle avait besoin de repos pour les événements à venir et qu'elle resterait là à veiller sur elle.

Tisis n'eut guère la force de résister et sombra de nouveau dans un sommeil lourd, chargé de cauchemars et de rêves cruels...

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Dernière édition par Tisis le Sam 7 Mai 2011 10:00, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Comté et château de Mordansac
MessagePosté: Jeu 5 Mai 2011 22:55 
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La jeune fille dormit pas bribes, hantée par les souvenirs des jours passés. Elle se réveillait en transe et en criant, avant de se rendormir quand la main fraiche d'Isabella se posait sur son front. Dans ses rares heures de veille, on lui servait à manger, une mixture ignoble sans doute préparée par un rebouteux qui la plongeait de nouveau dans le sommeil.

Finalement c'est un soir qu'elle reprit pleinement conscience et que sa fièvre se dissipa, tout comme ses délires et sueurs froides. Elle tenta de se redresser, bien moins faible que lors de son dernier essai. Son esprit était toujours brumeux, mais son but lui revenait en tête plus clairement. Elle ne devait pas se laisser détruire par le traumatisme qu'elle avait vécu, mais au contraire aller de l'avant.

Isabella entra dans la pièce tandis que la jeune fille était assise dans le même hamac. Le regard des deux femmes se croisa en silence, avant que la plus âgée des deux ne prenne la parole:

"Tu te sens mieux?
-Oui... Merci. Je...
-Oui?
-De l'eau..."

L'infirmière de circonstance sourit, avant d'aller remplir une petite coupe dans le baquet qui était toujours au milieu de la pièce. La main inconnue qui avait plongé la tête de Tisis dans pareil seau, encore et encore, était à jamais gravée dans sa mémoire d'adolescente. Cette simple vue lui donnait la nausée, mais elle savait qu'elle ne devait pas se laisser aller à une peur aussi irrationnelle. C'était plus facile à dire qu'à faire, ceci dit.

Elle vida le verre d'eau, avant de reporter son attention sur son interlocutrice. La jeune femme était plutôt jolie, ses courbes étaient bien plus féminines que celles de Tisis et devaient attirer les regards. La fille du duc se demandait comment cette femme s'en sortait autour de tous ces hommes, surtout considérant qu'elle n'avait pas l'air d'être très martiale comme pouvait l'être Lydia.

Elle ne posa pas cette question cependant, mais une autre bien plus prosaïque:

"Qui êtes vous?
-Mon prénom est Isabella, quant à mon nom, il n'a plus vraiment d'importance aujourd'hui. Je n'ai pas vraiment eu le temps de t'expliquer quoi que ce soit la dernière fois, quand tu avais l'arme sortie. Nous ne sommes pas des brigands, ni des marauds. Ni même des braconniers. Enfin, bien sûr cela dépend du point de vue, nos ennemis n'hésitent pas à nous prêter tous ces noms et à faire de nous des criminels. Mais notre seul crime est de ne pas accepter la tyrannie du duc. Nous avons tous soufferts, ou nos familles ont souffert, depuis un an déjà."

Tisis avait du mal à y croire. La dernière fois qu'elle s'était dirigée vers un ennemi du duc, elle avait passé plusieurs jours enchaînée dans une cellule entre deux séances de torture, ce qui ne l'avait guère aider à avoir confiance dans le premier venu.

"Et pourquoi m'avoir fait sortir?
-Les hommes du duc avaient l'air très intéressés par toi, c'est ce que le comte nous a révélé. S'ils te veulent, nous avons intérêt à ce que tu sois loin d'eux. Et si ce que tu leur a dit est vrai, les terres de Val d'Orian vont être vidées d'une grosse partie de leur garnison, alors que Tristan restera au château. C'est le meilleur moment pour frapper. Si c'est faux, ce ne sera qu'un énième coup dans l'eau. Ce n'est de toute façon pas comme si nous avions encore beaucoup de marge de manœuvre...
-Et Iluan?"

Isabella détourna les yeux en entendant le nom de celui qui devait être le chef, par pudeur ou par tristesse, Tisis n'aurait su le dire. La femme se redressa et répondit:

"Il nous a dirigé depuis le début et il a une dette de sang envers le duc. Si tu te sens mieux tu peux ramasser tes affaires, nous partons à l'aube. En attendant finis de te reposer, la route sera longue."

La jeune femme partit sans laisser le temps à Tisis de répliquer quoi que ce soit, la laissant seule dans l'obscurité de la soirée naissante.

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 Sujet du message: Re: Comté et château de Mordansac
MessagePosté: Sam 7 Mai 2011 12:24 
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L'activité était à son comble quand Tisis se leva le lendemain matin, malgré l'aube soit encore loin. Elle avait repris des forces et de la résolution et était bien décidée à agir. Elle ne savait pas encore à quel point elle pouvait faire confiance à ce groupe de rebelles, mais au fond c'est ce qu'elle était venue chercher ici, ni plus ni moins. Cela lui avait coûté cher, très cher, mais c'était là le prix à payer pour obtenir sa vengeance et sauver sa famille.

Depuis qu'elle avait franchi les portes du temps, son chemin avait été obstrué par des obstacles terrifiants et douloureux. Se remémorant la triste aventure dans le relais, elle souleva son tricot, pour s'apercevoir que le symbole qu'elle s'était marqué avait presque disparu: la plaie avait cicatrisé, sûrement par les soins qu'elle avait reçu. L'esprit, si c'en était vraiment un, ne l'avait pas poursuivie depuis cet affrontement dans les limbes, mais ce n'était pas une raison pour relâcher sa garde. Elle prit un peu de terre encore humide à cette heure et repassa le contour du motif, regrettant de n'avoir ni plume ni encre.

Elle s'habilla ensuite de maille et de son pourpoint, qui avaient été laissés à son attention dans la petite tente. Elle souffla un peu quand l'acier lui tomba dans le dos, mais elle savait que la douleur était bien faible en comparaison de ce qu'elle aurait du être, vu le nombre de coups qu'elle avait reçu. Soit le rebouteux était vraiment bon, soit il y avait eu de la magie. Les détails ne l'intéressaient guère cela dit, seul le résultat comptait.

Fourreau à la ceinture, bouclier et arc en main, elle sortit de la tente, pour y rejoindre le campement en pleine agitation. On démontait des tentes, arnachait des chevaux et triait des armes, preuve que le départ était imminent. Elle marcha un peu dans le camp, sans que personne ne l'arrête. On lui prêta un peu d'attention, des regards interrogateurs mais jamais mauvais. Peut-être qu'Isabella avait dit vrai, ils ne ressemblaient pas à de vulgaires bandits.

Elle croisa finalement le dit Ilian, qui était lui-même vêtu de lourds vêtements en cuir bouilli et qui portait une épée à la ceinture.

"Parfait, j'allais te faire chercher. Prête à ce que je vois?"

La jeune fille acquiesça sans mot dire. L'homme haussa les épaules, avant de tendre le doigt vers les chevaux que ses hommes étaient en train de préparer.

"On a pu récupérer ton cheval. Tu as de la chance."

Tisis regarda dans la direction qu'il pointait et aperçut en effet Caelia, qui était un peu à l'écart, déjà sellée. La jeune fille la rejoignit d'un pas rapide, presque en courant, avant de sauter au cou de sa monture. L'animal renifla bruyamment, visiblement heureux de retrouver enfin sa maîtresse. Tisis poussa un petit rire en sentant le museau de l'animal se glisser dans son cou et dans ses cheveux.

Elle ne resta pas longtemps contre l'animal cependant et bientôt elle passa le bouclier et l'arc sur la selle. Le départ ne tarda pas, si bien que lorsque le soleil commença à s'élever à l'horizon, elle était déjà partie, avec Ilian, Isabella ainsi que six autres hommes. Elle ne connaissait rien du plan qui avait été échafaudé en amont, mais elle ne s'en plaignit pas ; elle savait pertinemment qu'il fallait partir au plus tôt, afin d'être le plus près possible de Val d'Orian quand les troupes du duc se dirigeraient vers la frontière. Cela ne devait plus tarder, au vu du nombre de jours qu'elle avait passé dans la cellule ou alitée.

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 Sujet du message: Re: Comté et château de Mordansac
MessagePosté: Sam 7 Mai 2011 15:00 
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Tandis qu'il chevauchaient depuis plusieurs heures, Ilian se laissa dépasser par deux de ses hommes pour se mettre au niveau de Caelia et de sa cavalière. La jeune fille avait profité du silence et de la sensation du vent frais contre son visage, ce qu'elle n'avait pu faire depuis plusieurs jours et qu'elle appréciait d'autant plus. Encore une chose dont Tristan avait voulu la priver tout ce temps.

"Il parait que tu as blessé deux hommes avant de te faire prendre au château. C'est vrai?"

La jeune fille fut surprise par cette question. Tout était allé si vite, elle n'avait pas eu le temps de repenser à ce moment, mais elle s'était en effet battu lorsque le comte avait ordonné qu'on la capture. Sa lame avait eu le temps de toucher, dans un geste de défense plus proche de l'animal blessé que de la dame chevalier. Elle l'avait oublié, mais elle avait une nouvelle fois fait couler le sang, comme de nombreuse fois depuis qu'elle avait tranché la tête de son frère.

Elle avait déjà entendu dire qu'on ne lavait jamais le sang que l'on avait sur les mains, que lorsque l'on enlevait la vie d'un autre être humain, il n'y avait plus de retour en arrière. Tout changeait, pour toujours. Elle ne savait pas ce qu'il en serait dans le futur, mais depuisle fratricide elle se sentait souillée au plus profond d'elle-même, enténébrée par ses sombres actions.

N'ayant pas de réponse, Ilian lui demanda de manière moins intimiste:

"Tu sais tirer aussi bien à l'arc que tu te bats à l'épée?
-J'ai quelques bases, oui.
-Tu arriverais à toucher l'arbre, là-bas?"

Se disant, il désigna un arbre un peu à l'écart du chemin, qui était à une bonne centaine de pas. Tisis avait déjà réussi à pourfendre des cibles bien plus petites à cette distance, même si c'était toujours un défi à part entière.

"Oui, je pense.
-Montre moi."

Il arrêta son cheval, aussitôt imité par les deux hommes qui les suivaient, tandis que ceux qui étaient devant continuèrent leur chemin encore sur quelques mètres avant de faire halte eux-aussi. La jeune fille fit de même et sous le regard de la petite troupe saisit son arc et une flèche. Elle prit le temps d'armer son tir, sans avoir pris la peine de descendre de monture.

Les regards la gênaient un peu, mais elle en fit abstraction ; cela avait été bien pire à Keresztur, quand les hommes qu'elle avait sous son commandement la dévisageaient en attendant la première erreur de sa part. Lydia l'avait formée du mieux qu'elle l'avait pu et suffisamment durement

La jeune fille tendit ses muscles, arma son bras et calma sa respiration. Elle visa quelques instants, avant de relâcher la flèche qui alla se ficher sans difficulté dans l'arbre. Elle rangea ensuite l'arme, après avoir détendu la corde, toujours observée par seize yeux.

"Et bien je pense que nous avons trouvé notre tireuse. Ordoine et Cagnan savent aussi tirer à l'arc, mais aucun d'entre eux n'auraient pu tenir même quelques instants contre la garde. Tu penses qu'à cette distance tu arriverais à tuer un homme?"

La jeune fille s'assombrit à cette question. Quand elle était venue des duchés, elle avait du abattre cinq ennemis de la sorte, dans une situation bien plus délicate. Isabella, qui s'était approchée, prit part à la conversation:

"Je suis certaine qu'elle s'en sortira. Ne te fie pas à son âge Ilian, cette Victoire, c'est une dure à cuire.
-Appelez moi Tisis, pas Victoire. S'il vous plait."

Elle s'éloigna alors au petit trot, pour aller chercher sa flèche.

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 Sujet du message: Re: Comté et château de Mordansac
MessagePosté: Sam 7 Mai 2011 19:09 
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La petite troupe ne quitta pas le comté immédiatement, pour ne pas risquer d'attirer l'attention en traversant d'autres seigneuries avant que l'armée ducale n'entre en mouvement. Cela dit, il était conclu que si les informations de Tisis étaient fausses, la tentative d'assassinat serait toujours menée à son terme. La jeune fille trouvait qu'ils étaient bien peu nombreux, si bien qu'en cas de changement de plan de la part de Tristan, la seule récompense serait la mort.

D'après ce qu'on lui avait dit, elle avait passé douze jours dans les cellules de Mordanssac et quatre autres à récupérer ses forces. Cela faisait au total quelques seize jours qu'elle avait franchi les portes du silence et la manœuvre du duc était imminente. Personne n'était tout à fait convaincu, les doutes étant légion dans le petit groupe. C'était là le premier espoir qu'ils avaient eu depuis longtemps de pouvoir changer les choses dans leur pays, mais cet espoir était bien maigre.

Un campement de fortune avait été dressé. Tout le monde était inquiet et un peu à cran, si bien que les discussions étaient courtes. Tisis se sentait seule quant à elle ; elle ne connaissait pas ces personnes, n'avait rien vécu avec elles et devait pourtant faire avec. Sans compter la suspicion qu'elle éveillait.

Elle remarqua qu'Ilian s'était un peu éloigné du petit feu, ce qui lui donna une occasion pour se retirer du foyer. Elle se rapprocha de lui lentement, décidée à en savoir un petit peu plus sur ce mystérieux rebelle. Elle prit place sur un arbre couché, à quelques pas à peine de lui, cherchant comment lui poser les questions qui l'intéressaient. Elle n'eut pas à y réfléchir longtemps ceci dit, car l'homme prit la parole:

"Tu te demandes certainement pourquoi je fais tout ça."

Tisis ne répondit rien.

"Tu essayes de sauver tes terres, tu as de la chance. Tu as un espoir, même minuscule, de faire une différence. Si tu y parviens, tu ne vivras pas la mort des tiens. C'est honorable comme combat. Ça donne le droit de tuer ; ça donne tous les droits, parce que tu as quelque chose à défendre. Je ne sais pas si t'es vraiment la fille du duc, ou une simple gamine, mais ça ne change rien au fond. Tu défends toujours ton chez-toi et ta famille, qu'elle soit celle du seigneur ou d'un serf."

L'homme passa la main au niveau de sa cicatrice, le regard posé vers les montagnes lointaines. Tisis ne disait rien ; il avait probablement raison sur son compte, même si un autre sentiment la poussait à agir. Ce n'était pas seulement pour sauver sa famille. Non, Ilian ne pouvait le savoir, mais elle avait été prête à tout pour détruire son ennemi, même si elle avait du mener une guerre totale. Elle voulait que sa tête tombe et que son sang coule, à tout prix.

"Moi je n'ai rien à défendre. Cette terre n'est plus la mienne, je n'ai personne à sauver. Tout ce que je veux c'est prendre sa tête et me venger. Les autres le savent, même s'ils n'y croient pas. J'ai pris les armes, je me suis sali les mains, pour pouvoir lui donner justice. Tu vois, ce n'est pas comme toi, je n'ai pas de raison. Je suis juste un reste d'un autre temps, qui compte disparaitre dès qu'elle sera vengée."


La jeune fille ne s'était pas attendue à cela. Elle imaginait sottement que tous ces hommes se battaient pour se libérer de Tristan, mais leur chef était simplement un être rongé par la vengeance, pour une femme ou une fille. Elle imaginait sans mal que le comte de Mordansac était habitée par pareil démon, et qu'il était sûrement prêt à tout pour que tombe Tristan, dusse-t-il y perdre tout ce qu'il possédait encore. S'il disait vrai ceci dit, s'il n'était pas là pour la conduire dans les filets de Tristan de son plein grée, ou même pour l'empêcher d'assassiner le duc au dernier moment, pour s'attirer gloire et richesse.

Elle prit la parole, répétant des mots qu'elle avait entendus il y a de cela près de deux mois, des mots qui avaient changé sa vie à jamais:

"Dans l'ancien temps, lorsque la justice ne pouvait punir les hommes, on priait Gaïa pour qu'elle l'accorde, en lieu et place des juges. Son courroux prenait la forme d'une jeune fille, vierge et pure, qui descendait des cieux et châtiait les coupables. Elle était la justice, et elle était la vengeance. Son nom était Tisis."

Tous deux restèrent silencieux un instant. L'homme avait tourné le regard vers l'adolescente, comme pour cerner qui elle était vraiment. Non, elle n'était pas une incarnation de Gaïa venue venger les victimes de Tristan. Elle était humaine, de chair et de sang, imparfaite. Ce n'était pas la justice qu'elle convoyait, mais seulement la vengeance, froide et brûlante, qu'elle relâcherait par les armes.

Isabella les rejoignit finalement et alla s'asseoir près de Tisis. La jeune fille ne manqua les regards que jetait la jeune femme à Ilian, des regards emplis d'une tristesse presque visible. Isabella se rendait certainement compte que c'étaient là les derniers moments qu'elle pourrait jamais passer avec cet homme qui s'était avéré bien plus intéressant que l'adolescente ne l'aurait cru au premier abord.

La pudeur enjoint à Tisis de les laisser seuls...

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 Sujet du message: Re: Comté et château de Mordansac
MessagePosté: Mar 3 Avr 2012 12:48 
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L’Invité du Crépuscule




Goetius suivit les instructions du comte à la lettre et se fit aussi discret que possible. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était aventuré à parcourir la forêt en pleine journée et tout semblait différent. Les hululements des hiboux avaient laissé place aux piaillements d'harneys et autres passereaux. Des irdaks fuyaient sur son passage. La forêt n'était simplement pas la même. Plus vivante, plus bruyante... Un peu trop à son goût d'ailleurs, mais au moins, ce n'en était que plus facile de se repérer. Ce qu'il craignait le plus, c'était de rencontrer quelques uns de ces chasseurs et autres cueilleurs des bois. Si le comte avait tant insisté sur la discrétion de sa venue, il avait certainement une bonne raison et il ne voulait pas réduire à néant cette chance accordée par Zewen.

Il coupa la forêt par des chemins qui lui étaient propres, loin des routes, des fermes et autres lieux où les humains étaient plus enclins à se trouver. Il s'était rendu maître dans l'évitement de ces lieux à risque et il ne pouvait aujourd'hui que s'assurer de l'efficacité de son expérience, car il n'eût croisé la moindre âme qui vive durant toute la durée de son parcours.

Cependant, il fût un moment où il dût bien se frotter à ces endroits et ainsi lorsqu'il se rapprocha du bourg de Mordansac commença-t-il à chercher quelques moyens d'arriver discrètement à l'unique route qui y menait. Il longea ainsi quelques champs de vignes, de pommiers et de blés où quelques paysannes finissaient leur travail. Il pesta intérieurement contre leur présence et dût continuer ainsi ses recherches. Il eût un regain d'espoir en trouvant un champs de maïs, le longeant quelque peu pour s'assurer de l'absence de travailleurs, mais des bruits, aussi lointains qu'ils furent, de discussions, le refroidirent. Il fut ainsi obligé de continuer cette lassante entreprise. Au bout d'un moment, il tomba sur une portion de terre sauvage envahie de bosquets d'Analtheas qu'aucun n'avait semblé avoir eût le courage d'éliminer d'un possible terrain cultivable.

C'était cependant compréhensible de sa part, étant donné qu'il avait déjà eu affaire à ces maudites grandes tiges grises. Dans la nuit, elles étaient difficiles à repérer et il eût un grave incident avec cette plante. Il fût exposé à ses spores et à leurs effets hallucinatoires ; ils obscurcissaient la vision et faussaient l'appréciation des distances. Un sentiment d'oppression et de paranoïa s'insinuait et tout prenait une allure cauchemardesque. Il s'était réveillé le matin suivant en plein milieu des ruines de l'ancien fort, des contractures ayant envahies tout ses muscles et le corps mutilé de traces de griffures qu'il semblait s'être infligé à lui-même. Il ne se souvenait plus de comment il s'était retrouvé là et encore moins ce qui l'avait poussé à en arriver à se traiter ainsi. Il lui fallut ensuite plusieurs jours avant de s'en remettre totalement.

Il ne tenait pas tant que ça à retenter l'expérience, mais il était un fait : C'était sa meilleure chance d'arriver sur la route. Il était sûr de ne trouver aucun paysan travaillant en son sein et la couleur de la plante ne risquait pas d'attirer l’œil sur la noirceur de sa tenue. Il passa son tissu sur ses voies respiratoires, espérant que cela suffise à le protéger des spores, et entreprit de s'approcher discrètement de la route.

Il traversa sans encombre et, restant dans l'ombre, lorsqu'il fut assez près, tâcha de prévenir l'arrivée de quelques signes de vie. Il vit plusieurs paysans passer en débitant des paillardises. Il resta silencieux et immobile, gardant en lui ses pensées sur le mépris que méritaient des êtres si sots et bruyants. Ne se rendaient-ils pas compte de la nuisance qu'étaient leurs vies ? Ces gens-là étaient-ils trop nigauds pour prendre conscience qu'ils n'étaient tous que des morts en sursis, qui riaient comme on hurle à l'aide, dans le désespoir d'une vie qui n'a d'autres buts que de s'éterniser en mendiant toujours quelques secondes de plus à Phaïtos ? Leur simplicité d'esprit enfouissait-elle donc leur envie d'anéantir leurs misérables existences et la détournait-elle de la pureté d'une vie de silences sereins ?

Les paysans étaient partis depuis longtemps alors que Goetius continuait dans ses pensées haineuses. Alors que personne d'autre ne semblait vouloir se montrer, il continua à longer la route et eût enfin en vue deux gardes qui patrouillaient. C'étaient deux jeunes gens qui ne semblaient pas très expérimentés.

Depuis l'avènement de Tristan sur Valorian, il fallait dire que le dispositif de recrutement des soldats avait bien changé. Tout homme valide ayant entre seize et cinquante ans était enrôlé de force, pour grossir les rangs des fantassins. Un intendant militaire ducal se rendait dans chaque village chaque mois pour engager toujours plus de soldat et les déserteurs étaient recherchés et condamnés à mort. Pour échapper à ce sort, nombreux étaient les jeunes hommes qui s'étaient résolus à volontairement s'éborgner ou s'amputer une main ou un pied. Les comtes et autres seigneurs ne pouvant se résoudre à ne pas avoir leur propre armée ont ainsi dût se rabattre sur les estropiés dont ne voulait pas l'intendant et certains, comme le comte de Mordansac, allait même jusqu'à recruter des adolescents de quatorze ans pour ne pas être totalement démuni.
Il ne restait ainsi plus pour travailler les champs que les femmes, les enfants, les vieillards et les handicapés ; inutile de dire à quel point les récoltes et l'économie a pu pâtir d'une situation aussi alarmante. Le petit frère du Duc Tristan, Adalbéron, n'avait jamais été ainsi aussi impopulaire aussi bien du peuple que de ses vassaux, mais le seul début de révolte paysanne qui eût lieu se finit dans un bain de sang et depuis, nul n'avait eu le courage de se soulever.

Ainsi, Goetius vit arriver ses deux soldats portant l'écu de Mordansac. Ils devaient à peine avoir quinze ans et leurs tenues pourpres étaient presque trop grandes pour eux. A en voir l'aisance avec laquelle ils tenaient leurs framées, on devinait vite que l'entraînement militaire qu'ils avaient dû avoir avait dû être très superficiel...

Le solitaire regarda une dernière fois autour de lui, s'assurant que personne d'autre n'approchait de part et d'autre. Il n'y avait nulle vie.

Il se dévoila à la route, se débarrassant rapidement d'une partie des spores gris qui lui étaient tombés sur les épaules, faisant face aux jeunes soldats.

Ils eurent un mouvement de recul puis pointèrent leurs lances tremblotantes vers le curieux personnage qui surgissait des fourrés. Les deux adolescents étaient effrayés par le sentiment qu'inspirait la vue de ce personnage à la face molestée, à la tenue haute et fière et aux regards transperçant qu'il leur lançait.
Et enfin, il dit, d'un ton froid, grave et monocorde :
"Je suis l'invité du crépuscule."



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Écoutez-moi bien.
Je suis Goetius Gomorrheus, le nécromant, l'élu de Phaïtos et de Zewen, le prophète qui va rendre au monde son silence originel.
Croyez-vous vraiment que rien de pire que la mort ne puisse vous arriver, à vous et à votre famille ?
D'un geste, je pourrais les ramener à la vie, en faire des pantins soumis à ma volonté jusqu'à la fin des temps. Ils ne rejoindraient jamais le repos des enfers. Leurs âmes disposées à ma jouissance, dépossédées de volontés, pourriraient petit à petit jusqu'à totalement oublier qui ils furent. Ça, c'est ce qu'il arrivera si vous ne faites pas exactement tout ce que je vous ordonne.
Et, si vous avez l'audace de croire que me tuer résoudrait votre problème, regardez donc mon cou.
Vous la voyez, cette cicatrice, qui longe ma gorge ? Le vestige d'un combat qui aurait dû m'être fatal.
C'est un témoignage des dieux. Ils ne veulent pas que je meure.
Désormais, que vous le vouliez ou non, vous m'appartenez. Et mon premier ordre sera :
Faites silence.


Dernière édition par Goetius Gomorrheus le Ven 8 Juin 2012 15:32, édité 4 fois.

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 Sujet du message: Re: Comté et château de Mordansac
MessagePosté: Mer 23 Mai 2012 15:04 
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L'Invité du Crépuscule



Le Maître des Loups




Les deux jeunes soldats, remis de leurs émotions, le menèrent discrètement jusqu'au château de Mordansac. Goetius n'avait jamais vu l'édifice de près. Maintenant qu'il était dans son ombre, sous le ciel sanguin, il l'admirait en se disant que celui-ci ferait une très belle ruine sans tout ses parasites qui y pullulent.

Ils arrivèrent jusqu'à une haute et solide porte en bois massif recouverte de pentures qui devait mesurer dans les cinq mètres de hauteur et trois de largeur, au-dessus de laquelle était représenté sur un tympan deux ours héraldiques tirant la langue semblant tenter de s'enfuir de la prise d'un chevalier en armure de plaque et à la face caché par un bassinet. Dans cette porte laquelle était découpé une autre porte plus modeste d'à peine la taille d'un homme. Sur celle-ci se trouvait l'ouverture d'un juda et un heurtoir en tête d'ours mordant un anneau ; ce symbole semblait être une obsession de Mordansac.

Un des deux jeunes hommes cogna la porte et moins de temps qu'il fallut pour le dire, un garde apparut de l'autre côté.

L'adolescent annonça l'arrivée de l'invité du crépuscule et, sans rajouter un mot, l'homme s'attela aussitôt à déverrouiller tout les loquets avant d'ouvrir la porte et de lui faire signe d'entrer.

Goetius seul rentra, les deux soldats allant reprendre leurs occupations. Le garde de la porte, dont seule la face n'avait jusque là était visible, était un vieux boiteux au teint morne. Il referma aussitôt la porte et tout ses verrous et le mena sans dire un mot jusqu'à une autre porte du même acabit. Il lui fit signe de passer en premier, et Goetius s’exécuta sans se poser de question.

Il arriva sur une grande cour à ciel ouvert, carrée et qui n'avait pour seul ameublement que des torches éclairant ses côtés dont certaines s'étaient déjà éteintes à la force du vent. Une autre même porte, de l'autre côté, était fermé.

C'était sans compter sur le garde qui refermerait la porte derrière lui, le laissant enfermer ici.

Goetius était furieux, ne comprenant pas l'intérêt d'un tel cirque. Tout cela n'était-il donc qu'un vulgaire piège ? Quelle bêtise lui prit de quitter sa ferme et quelle fut cette indigne faiblesse que de faire confiance à ce comte maudit !

Il vit alors la porte de l'autre côté s'ouvrir pour laisser passer... un par un, une demi-douzaine de loups qui se ruaient droit sur lui ! La porte se referma aussitôt après que ceux-ci furent rentrés.

Ce n'était pas le première fois qu'il devait avoir affaire avec des bêtes sauvages, mais pas autant ni dans un lieu ainsi clos !

Il se rua rapidement vers un mur, attrapant une torche à chaque mains pour les tenir à distance. Les loups détestaient le feu, ils y réfléchiraient à deux fois avant de venir s'y brûler la fourrure.

Il les tint ainsi à distance, faisant de grands mouvements pour ne laisser aucun échapper à sa vigilance. Il put remarquer durant ce répit que ces loups ne semblaient pas être au meilleur de leur forme. Leurs poils semblaient secs, ils étaient particulièrement maigres... Le comte avait dû les garder enfermés longtemps.

La colère de Goetius, qui était sa force, s’engrangea. Avec elle, il sentait toujours s'investir en lui ce pouvoir de destruction qu'il ne voulait contenir en lui. Lorsqu'un des loups eût enfin le courage de se ruer vers lui, il n'attendait que ça. Il lâcha une torche et, se retournant de sa main droite de nouveau libre, il lança un souffle de magie obscure, si reconnaissable par son aspect de sable noir tournoyant, naissant dans sa paume pour finir sur le crâne de la bête, avant de revenir vers lui, aspirant ainsi une partie de sa force. Le tout se passa très vite et la bête s'effondra immédiatement, tombant au sol dans une mort soudaine. Les autres canidés eurent un moment de recul en voyant cette scène, ne semblant pas comprendre ce qu'il arrivait à leur congénère, effrayés par cette magie encore plus que par le feu.

Le fanatique en profita pour faire de donner un grand coup de torche dans la gueule du second à sa portée qui fit jaillir une explosion de cendres et de braises rougeoyantes, obscurcissant soudain la scène d'un voile noir. C'était sans compter sur les restes des spores d'Analtheas, coincés dans les replis de ses hardes, qui s'envolèrent sous ce mouvement. Lorsqu'il s'en rendit compte, il eût le réflexe de se retourner pour ne pas respirer cendres et spores. Dos aux loups, Goetius n'était pas rassuré. Il était vulnérable. Il s'écarta un brin alors que les poussières retombaient au sol.

Les loups étaient là, le poils noircis par les cendres, éternuant, toussant et couinant, la tête baissée au ras du sol et la queue entre les jambes.
Ravi de ce coup du sort, il eût un rire grave et discret en voyant ainsi ces bêtes sauvages, aveuglés par les effets de l'Analthea, soumises à lui dans une crainte totale.

C'est alors qu'il entendit un applaudissement solitaire venant d'une hauteur. Un balcon qu'il n'avait pas aperçu plus tôt soutenait un curieux personnage. C'était un homme qui devait dépasser la quarantaine. Il était habillé une tunique de tissu rouge sang par dessus laquelle il portait un veston sans manche en cuir auquel était accolé une peau d'ours dont la tête faisait office de couvre-chef. Sa face arborait une barbe grise dans laquelle étaient nouées quelques petites nattes et un sourcil unique marquait le dessus de ses yeux marrons clairs. Malgré un physique et une tenue plutôt sauvage, son port restait élégant et noble.

Lorsqu'il vit que le fanatique l'avait remarqué, il lui lança d'une voix étonnamment suave:
"Très impressionnant, mon cher, très impressionnant ! Les rumeurs disent donc vrai ! Vous commandez aux loups ! Et le premier, que vous avez terrassé d'un geste de la main... C'était très distrayant, vraiment."

"Vous êtes le comte de Mordansac, n'est-ce pas ? Vous m'avez piégé, alors donnez-moi vite une raison de ne pas vous faire subir le même sort que ce loup..."

"Du calme, sorcier. Cela n'était qu'une petite mise à l'épreuve, rien de plus. Comprenez-bien ; si vous n'aviez pu survivre contre ces loups, vous ne m'auriez été d'aucune aide... Mais ne parlons pas ici comme un soupirant à sa damoiselle. La porte va vous être ouverte, mes hommes s'occuperont des loups."

Aussitôt dit, la porte s'ouvrit et le comte s'éclipsa de son balcon.

Goetius n'aimait guère cette situation. Il se sentait coincé et comprenait bien que ses esbroufes étaient ici risquées. S'il faisait quoi que ce soit au comte ou si celui-ci prenait une de ses menaces au pied de la lettre, il ne pourrait pas faire face à tout ses soldats, aussi jeunes, vieux ou estropiés qu'ils soient.

Il se résolut donc, à contre-cœur, de passer cette porte. Elle menait vers un petit sas d'où sortirent quelques gardes et où rentra Goetius, qui put entendre à son départ les couinements déchirants des loups qu'on achevait.

Une autre porte, plus modeste, peinte en rouge carmin, se dressait devant lui, ayant sur chacun de ses côtés, encore une fois, le symbole de l'ours à la langue pendue. Il entendit des loquets se déverrouiller et un homme barbu dégarni à la barbe blanche, aux yeux bleus clairs, habillé d'une tenue bleu chatoyante de noble, lui ouvrit, se courbant en lui faisant signe d'entrer d'un grand geste doux de la main :
"Si messire veut bien se donner la peine..."



L'Unique en Valorian

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Écoutez-moi bien.
Je suis Goetius Gomorrheus, le nécromant, l'élu de Phaïtos et de Zewen, le prophète qui va rendre au monde son silence originel.
Croyez-vous vraiment que rien de pire que la mort ne puisse vous arriver, à vous et à votre famille ?
D'un geste, je pourrais les ramener à la vie, en faire des pantins soumis à ma volonté jusqu'à la fin des temps. Ils ne rejoindraient jamais le repos des enfers. Leurs âmes disposées à ma jouissance, dépossédées de volontés, pourriraient petit à petit jusqu'à totalement oublier qui ils furent. Ça, c'est ce qu'il arrivera si vous ne faites pas exactement tout ce que je vous ordonne.
Et, si vous avez l'audace de croire que me tuer résoudrait votre problème, regardez donc mon cou.
Vous la voyez, cette cicatrice, qui longe ma gorge ? Le vestige d'un combat qui aurait dû m'être fatal.
C'est un témoignage des dieux. Ils ne veulent pas que je meure.
Désormais, que vous le vouliez ou non, vous m'appartenez. Et mon premier ordre sera :
Faites silence.


Dernière édition par Goetius Gomorrheus le Ven 8 Juin 2012 20:22, édité 4 fois.

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 Sujet du message: Re: Comté et château de Mordansac
MessagePosté: Mer 23 Mai 2012 19:13 
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Goetius rentra dans l'endroit avec suspicion, passant à côté du servant avec indifférence. Il s'agissait en fait d'une grande salle abritant des tables à festin soigneusement répartis derrière de hautes colonnes de soutien où, sur chacune d'elle, une tête d'ours était placé en hauteur, la gueule ouverte et menaçante. Plus loin dans la salle, une vingtaine de marches menaient à une mezzanine donnant place à un trône en bois d'ébène et au tissu pourpre ; de chaque côté de celui-ci, un ours entier, debout, empaillé en position d'attaque. Un large tapis rouge y menait mais la place était encore vide.

Un bruit de pas se fit entendre, venant d'un couloir latéral où l'écho était puissant. Quelques secondes plus tard en jaillit le comte de Mordansac, qui semblait tout en joie.

"Messire Gomorrheus, honoré de faire enfin votre connaissance ! Laissez-moi vous présenter Mathurin Thadeus, mon fidèle et loyal ami, conseiller, sommelier, échanson, chambellan, héraut et garde du corps."

Goetius le scruta du regard alors que celui-ci s'inclinait sagement et dit sèchement :
"Il ne porte aucune arme, votre garde du corps."

Alankert eût un sourire amusé par cette remarque et reprit :
"Il sera, après la fin de notre repas, le seul intermédiaire entre vous et moi. Dès que vous aurez besoin de quoi que ce soit ou que vous penserez avoir besoin d'un entretien avec moi, vous devrez d'abord passer par lui et lui seul."

Le fanatique ne comprenait pas pourquoi le comte lui disait tout ceci. Il ne savait pas encore ce qu'il voulait de lui et n'avait encore rien accepter que celui-ci faisait comme s'il allait rapidement faire partie des murs.

Il s'exclama soudainement :
"Mais trêve de bavardage ! Cette petite rixe avec les loups a dû vous donner grand faim et je commence moi-même à en ressentir le besoin. Asseyons-nous donc. Mathurin a fait préparer de l'Irdak braisé au miel et à l'Akinos accompagné de patates douces aux épices d'Oranan ; j'espère que c'est à votre goût.", dit-il en le menant vers une des tables de banquet.

"Je m'en abstiendrais...", répondit-il alors que Mathurin lui recula une chaise.

"Ha, ne me dites pas que vous craignez à une quelconque ruse de ma part pour vous faire empoisonner, messire Gomorrheus. Si j'avais voulu vous faire tuer, je vous prie de croire que cela aurait déjà été le cas et j'aurais lâché sur vous bien plus que quelques loups faméliques."

"Qu'attendez-vous de moi ?"

"Un temps, mon cher, un temps. J'entends bien le fait que vous ne soyez guère accoutumer aux flagorneries, fioritures et autres usages de la cour des puissants mais ils ont leur charme et la patience est une vertu qu'il vous faudra acquérir si vous avez quelques ambitions..."

Un silence s'installa, alors que Mathurin et une servante amenaient couverts, serviettes et pichets de vin. Ce dernier raviva la verve du comte :
"Hum, vous me direz aussi quelques nouvelles de ce vin, Le Ténébreux, cuvée Indratinar, cultivé sur les côtes de Kendra Kâr par des prêtres de Yuimen. C'est un délice avec une bonne viande rouge telle que celle qui va vous être servie. Voyez, je suis sûr que vous vous adapterez très vite à tout ceci."

Goetius le fixait en attendant une réponse, lorsqu'un plat en argent lui fut mis sous le nez. La servante enleva la cloche, laissant apparaître un dîner bien présenté, au fumet prometteur. Le comte avait déjà commencé à manger lorsqu'il lui dit :
"Allez-y, mangez ! Par l'honneur des Mordansac, je vous dis que vous ne risquez rien !"

Le fanatique, la faim au ventre, finit par se laisser convaincre alors que les servants leur remplissaient leurs verres de vin.
Le repas était en effet délicieux, comme il n'avait jamais eu l'occasion d'en manger. Il goûta aussi le vin qui l'était tout autant. Mais il ne voulait rien laisser montrer. Pas question de montrer à cet ours orgueilleux qu'il pourrait l'adoucir.

Le repas se passa ainsi dans un malaise certain et muet, avant que le comte ne finisse par briser le silence lorsqu'il eût fini son assiette.
"Voilà ce que j'appelle un fort bon repas ; dommage d'avoir dû le partager avec un compagnon aussi peu loquace."

Il fit une pause, puis reprit :
"Si je vous ai fait venir ce soir, c'est pour vous faire une proposition, messire Gomorrheus. Vous ne devez pas être sans savoir que dans nos duchés, nous n'avons hélas que peu d'hommes réceptifs à la magie et que, contrairement aux citadins Kendrans, l'ignorance de notre peuple les mène à bannir ces êtres, comme ce fut votre cas. Vous savez, j'ai passé une grande partie de ma jeunesse à Kendra Kâr ; une idée de mon père. J'ai eu la chance d'étudier au Temple des Maîtres et de rencontrer des personnes extraordinaire, comme Mathurin. Ces gens-là comprennent la grandeur de la magie et l'attirent. Alors, bien sûr, vous pourriez les y rejoindre si le cœur vous en dit ; je suis sûr que vous y trouveriez votre place facilement. Mais j'ai beaucoup mieux à vous proposer : L'exclusivité !"

"L'exclusivité ?"

"Oui, l'exclusivité ! Devenir l'unique être doué de magie de tout Valorian, voir des duchés tout entier !"

"Qu'est-ce que vous y gagneriez ?"

"Valorian est en crise, depuis la mort de Tristan et Adalbéron n'a pas les épaules de son frère. Il perds peu à peu son crédit. Ça gronde dans les chaumières des paysans et je ne suis pas le seul noble à me voir à sa place. Mais votre présence à mes côtés suffirait à faire la différence ! Si cela réussit, j'aurais ensuite d'autres ambitions à nourrir... Mais chaque chose en son temps."

"Je crains que vous surestimiez mes pouvoirs..."

"Ne me prenez pas pour un sot, mon cher, je me doutais bien qu'un simple ermite vivant reclus dans une ferme n'aurait pas eu la possibilité de développer ses pouvoirs. Aussi ai-je déjà bien réfléchi en quoi la magie noire pourrait m'être le plus utile, et je pense sérieusement que vous devriez concentrer vos efforts vers une de ces branches : la nécromancie..."

"La nécromancie ?"

"Oui ! Faire revivre les morts, former une armée de combattants serviles qui n'éprouvent pas tout ces handicaps humains que sont la faim, le froid, le sommeil et la peur. Je n'ai actuellement pas les hommes nécessaires pour renverser Adalbéron, mais avec une telle armée, rien ne me serait plus impossible !"

Goetius s'interrogea un moment. Son interlocuteur était parti dans une exubérance de propos, mais s'il disait vrai ? S'il pouvait véritablement avoir le pouvoir de répandre la mort ? Ce fou de Mordansac, il n'en aurait cure ! Il pourrait enfin voir le monde comme il l'avait toujours voulu... Silencieux, parsemé de ruines... Le risque en valait peut-être la peine. Après tout, que le monde revienne à son silence originel était peut-être le souhait de Zewen, et il en serait le bras armé !

"Admettons que ça pourrait m’intéresser... Par où faudrait-il commencer ?"

"L'apprentissage de la nécromancie est évidemment un point nécessaire et vous devrez vous y atteler le plus sérieusement et le plus rapidement possible, mais avant, je dois veiller à ce qu'aucun autre noble de Valorian n'ait la même idée. Adalbéron est sur le déclin et, nous autres, vassaux, sommes en train de rivaliser d'imagination pour le renverser. Ce qui me fait le plus peur, c'est que l'un d'eux ait la même idée que moi. L'étape numéro un de mon plan réside donc dans l'extermination pure et simple des autres mages obscurs se trouvant dans les Duchés et alentours. Je dois dire que vous êtes le seul dont j'ai eu vent de l'existence en nos terres, mais mes espions me révélèrent qu'un bon nombre d'exilés des autres duchés se seraient unis et se cacheraient dans l'ancien temple de Yuia, dans le duché d'Amaranthe. Ce sera ainsi l'occasion pour vous de voir comment s'occupent vos confrères ; n'hésitez pas à ramener tout ce que vous trouverez utile."

"J'accepte de m'en occuper. Mais je ne sais pas de quoi ils sont capables, j'aurais besoin d'hommes pour m'assister."

"C'est hors de question. Un coup de folie d'Adalbéron, une révolte paysanne ou une tentative armée d'un autre noble peut arriver du jour au lendemain et avec elle l'occasion tant attendu et je suis déjà en effectif réduit, il m'est impossible de me priver d'un seul de mes hommes tant que ce sera le cas. Je peux cependant vous confier un de mes espions qui connait bien l'endroit, il vous servira de guide et vous aidera à recruter des mercenaires. Mathurin vous débloquera les fonds nécessaires."

Il fit une pause, comme ayant une révélation de la discussion qui venait de se passer en se levant de table. Goetius l'imita.
"Je suis ravi que vous ayez fini par entendre raison ! Puisque vous êtes parti pour vous joindre à nous pendant un bon moment, j'ai le plaisir de vous faire savoir que vous aurez dorénavant une chambre et un laboratoire attitré que j'ai fait aménager spécialement pour vous près des geôles. Vous pourrez utiliser nos prisonniers comme cobayes pour vos expériences... Mathurin va vous faire visiter !"



Le Repaire du Sorcier

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Je suis Goetius Gomorrheus, le nécromant, l'élu de Phaïtos et de Zewen, le prophète qui va rendre au monde son silence originel.
Croyez-vous vraiment que rien de pire que la mort ne puisse vous arriver, à vous et à votre famille ?
D'un geste, je pourrais les ramener à la vie, en faire des pantins soumis à ma volonté jusqu'à la fin des temps. Ils ne rejoindraient jamais le repos des enfers. Leurs âmes disposées à ma jouissance, dépossédées de volontés, pourriraient petit à petit jusqu'à totalement oublier qui ils furent. Ça, c'est ce qu'il arrivera si vous ne faites pas exactement tout ce que je vous ordonne.
Et, si vous avez l'audace de croire que me tuer résoudrait votre problème, regardez donc mon cou.
Vous la voyez, cette cicatrice, qui longe ma gorge ? Le vestige d'un combat qui aurait dû m'être fatal.
C'est un témoignage des dieux. Ils ne veulent pas que je meure.
Désormais, que vous le vouliez ou non, vous m'appartenez. Et mon premier ordre sera :
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