Lothindil a écrit:
Ma tête commence à s'engourdir autant que mes muscles. Ce n'est pas la mort, je l'ai trop connue pour la reconnaître, mais plutôt une forme de sommeil angoissant. On me tâte, on me touche, on me parle... je veux me défendre, je veux réagir, mais je ne peux rien faire. Mes membres sont comme coulés dans du bronze, trop lourds pour être mus. Mes muscles sont comme figés pour l'éternité, impossible de les contracter. Je lutte en vain contre le poison qui s'infiltre dans mes veines.
On me retourne sur le dos, je me laisse finalement faire, ne pouvant quand même pas bouger. Une exclamation alors qu'on touche à ma nuque. J'ai mal là, c'est une des seules choses qui me fait dire que je ne suis pas morte, j'ai encore mal. J'entends le mot "moustique" être prononcé. Je comprends alors d'où vient mon mal...
(C'est Arevoès... il semble savoir quoi faire.)
(Pourquoi je les entends mal?)
(Ton esprit est trop embrumé, mais n'ait pas peur, ça va passer.)
(Je n'ai pas peur... au pire je retrouverais Yuimen, Héramë, Nazca et surtout Sarya...)
(Tu ne mourras pas à cause d'un moustique, sois-en certaine...)
(Et je mourrais de quoi?)
(Pas d'un moustique en tout cas...)
Encore une fois, elle esquive la réponse, sans doute des règles ou autres qui leur sont imposées.
Pendant ce temps-là, Arevoès concocte un mélange de terre et d'herbe qu'il fait légèrement chauffer. Une fois le cataplasme fini, il l'emballe dans un tissus propre et l'applique sur ma nuque.
(Ca ira mieux dans une demi-heure.)
En effet, le temps passant, la douleur passe aussi, comme la sensation de lourdeur et de raideur. Je finis même par m'assoupir, toujours sur le ventre.
Je me réveille un temps plus tard, reposée et à nouveau en forme. C'est avec plaisir que je parviens à me relever sans vertige et sans avoir l'impression de soulever un bloc de granit. Je sors, il fait encore nuit, mais il est déjà tôt, j'ai dormi plus que d'habitude. Le vent frais précédent l'aube me revigore, mais me rappelle que je n'ai rien mangé la veille. Prenant une lanière de sanglier fumé, je m'attaque à un petit déjeuner.
Le manque d'eau se fait sentir, mais nous n'avons pas d'endroit où en récolter pour l'instant.
L'aube arrivant, les autres se réveillent et nous partons assez rapidement après avoir plier les tentes.
Assez rapidement dans la journée, nous arrivons à une rivière. Je vois Fizold et Seldell se précipiter à l'eau. Ma peur, bien qu'atténuée, de ce liquide me fait garder mon calme, absolument pas enthousiaste à l'idée de devoir traverser.
Arevoès hurle soudain un "Attendez!". Un centième de seconde avant d'entendre deux cris perçants, je réalise le pourquoi, la rivière vient du marais.
Fizold ôte ses mains avec un hurlement tandis que Seldell se tord de douleur.
Rapidement, Arevoès, le prend et le tire hors de la rivière, hurlant à son tour quand ses mains touchent le liquide.
Rapidement, alors que je les rejoins, Arevoès ôte les vêtements du rouquin, ne tenant pas compte de ses propres blessures. Le médecin me demande alors de le soigner au plus vite, pour lui éviter une longue agonie.
Je ne détourne pas mes yeux du corps, estomaquée tandis que je défais mon sac de mon dos.
"Je vais avoir besoin de toute ma magie pour le soigner, je crains."
(Une bonne partie de ta puissance en tout cas.)
Lirelan vient alors à la tête du rouquin et, ignorant la réaction des autres, place ses ailes proche des tempes. Pour ma part, je quitte mon équipement que je dépose non loin et ne garde que mon bâton et ma cape.
(Prends un catalyseur!)
(Un quoi?)
(Mets une pierre d'un coté de lui et plante ton bâton de l'autre.)
(Tu vas me faire faire quoi là?)
(Rien de dramatique... Juste un sort pour le soigner des pieds à la tête!)
Je suis les conseils de ma faera qui semble savoir ce qu'il faut faire. Le jeune homme semble à moitié évanoui mais son visage témoigne qu'il souffre le martyr.
(Pense à lui ôter le dernier bout de vêtement, il faut tout soigner.)
Sans plus de cérémonie, je lui ôte ce qui cache son intimité, de manière à pouvoir le soigner là aussi.
(Maintenant mets-toi à ses pieds. Remonte ton pantalon jusqu'aux genoux et mets-toi à quatre pattes, tes mains au sol.)
Calmement, je m'apprête comme elle me le demande.
(Et maintenant?)
(Pense à ton serment, on aura besoin de toute l'aide de Yuimen...)
Je ferme les yeux et revient mentalement dans le temps jusqu'au moment où j'ai rencontré Nuilë. Les paroles prononcées alors me reviennent à l'esprit et je les clame alors à nouveau à haute et intelligible voix:
"Un genou à terre, touchant ainsi Yuimen en personne.
La main droite, symbole de la force de mon corps,
Posée sur le cœur, lieu de la vie et des sentiments.
Je jure à Yuimen et à la nature, une fidélité absolue.
Sur ma tête, lieu de croyance et sagesse
Est posé le lien qui désormais nous unira.
Des paroles me viennent alors toute seule alors que sur ma main et dans mon cou mes tatouages se mettent à briller. Le vent vient agiter les nombreuses touffes de poils de ma cordelette tandis que dans mes yeux flambe une ferveur que j'ai rarement connue à mon Dieu.
"Par Yuimen, Dieu Tout-puissant de la vie et de la Nature
Par la nature, lieu de vie et de paix
Par la terre, source féconde de vie
Par l'herbe, vie naturelle et bonne
Par la Faune et la Flore qui vivent heureux
Par la Vie elle-même, donnée par Gaïa, reprise par Phaïtos mais menée par Yuimen
Par les pouvoirs qui m'ont été donnés pour servir
Par les capacités développées pour toujours aider
Par les fluides absorbés pour tuer ou sauver
Par la magie druidique issue de la nature
Que Phaïtos rende ce jeune homme
Que la mort l'abandonne
Que la vie lui revienne
Que la force vive de la nature vienne à lui
Que Yuimen guide ses pas vers le bonheur."
Un phénomène qui m'est inconnu se produit alors. J'avais toujours employé la force de ma magie pour une plaie précise à un endroit précis. Garhëon m'a appris à soigner de loin, mais là c'est un phénomène tout autre. L'herbe s'agite sous le corps et prend une teinte dorée. De plus je me concentre, de plus un autre phénomène se produit. Des sortes de fils d'or se tendent entre moi, mon bâton et moi et la pierre, puis entre Lirelan, la pierre et le bâton.
(Continue...)
Au sol, Seldell est calme, mon sort doit apaiser sa douleur. Petit à petit son corps semble se couvrir de minuscules fleurs d'or, semblable à des fleurs de lys.
(C'est quoi ça?)
(Une forme de ton sort...)
Petit à petit, mon sort est au maximum de son pouvoir, c'est la première fois que je l'utilise à ce niveau-là, mais semble d'une efficacité rare sur le cartographe. Sa peau se refait petit à petit, ses brûlures se soignent. Doucement les fleurs de lys s'envolent et semblent former une neige dorée autour du cartographe avant de s'évanouir à peine plus loin. Les fils s'estompent et se dissipent. Quant à moi, je suis fatiguée, mais ça peut aller. Avant d'aller soigner les mains des deux autres, je jette ma cape sur le ventre du rouquin, de manière à lui cacher les poils roux du bas-ventre...
Je récupère mon équipement et écarte la pierre avant de prendre mon bâton.
(Tu pourrais m'expliquer ce qu'on vient de faire là?)
(La troisième forme de ton sort. La première est celle qui te permet d'enchanter une plante pour t'en servir comme soin en touchant, maintenant ou plus tard, la seconde te permet de créer artificiellement une plante pour soigner à distance, la dernière te permet de soigner l'entierté d'un corps.)
(Mais pourquoi j'ai eu l'impression de me vider de mon énergie magique?)
(Tu étais tellement concentrée que tu as lancé quatre sorts de suite, même s’il y en a que trois qui ont agi.)
(Quand même... bon, il en faudra deux de plus.) Soupiré-je, cependant déterminée.
Je m'approche du médecin qui a les mains brûlées pour avoir sorti Seldell de l'eau quand ce dernier se met à pleurer à nouveau. Je me retourne vers lui sans doute encore plus surprise que les autres, je pensais que mon énergie suffirait à le sauver...
" Il a du en avaler, et je doute qu'un sort puisse faire quelque chose ..."
J'ignore si c'est à moi qu'il dit ça ou aussi aux autres, mais je suis consternée. Consternée de voir cet humain se tordre de douleur, consternée de ne rien pouvoir y faire, consternée de voir que ma magie n'a pas été suffisante malgré la puissance que j'y ai mise, consternée de voir que l'effort fourni n'a servi à rien...
Cependant, je ne me laisse pas abattre et prends les poignets brûlés du médecin en tâchant de ne pas écouter, à défaut de ne pouvoir ne pas entendre, les cris incessants du pauvre hère. Me concentrant, je lance à nouveau mon sort, mais l'attention détournée par les hurlements de douleurs, je ne parviens pas à faire quelque chose de convenable.
"Ce n'est que de la magie..."
Je regarde le médecin guérisseur, je sais qu'il comprend ce que je veux dire et il me répond d'un sourire.
Je parviens alors à concentrer les fluides dans mes mains avant de lancer mon sort suffisamment fort pour soigner la peau du médecin. Les chairs se refont, les muscles aussi. Je ne parviens pas à effacer les cicatrices de cet évènement, mais au moins à calmer la douleur physique.
Je vais alors voir Fizold, l'enchanteur. Ses mains sont beaucoup plus abîmées que celles du médecin, mais vu l'effet de ma magie sur la peau du cartographe, je ne doute pas de pouvoir ressouder et guérir la chair du guide. Prenant un peu d'herbe pour m'aider, j'en fais un nid au creux de mes mains.
"Ca risque de vous faire un peu mal, mais ça ira vite mieux."
En effet, après deux essais, les feuilles s'étaient mises à briller d'un feu doré dans lequel j'incite le pyromancien à plonger ses mains. Celui-ci grimace au moment où sa peau touche les plantes, mais ne dit rien, serrant les dents. Peu à peu, son visage se détend, je sais que mon sort commence à agir, calmant la douleur intense de la brûlure à l'acide.
Cela fait, je me sens fatiguée, ça ne m'étonne guère quand je vois mon tatouage où il ne reste plus que le tronc et encore presque effacée.
Je décide alors d'aller me reposer un peu, consciente de mieux réfléchir après avoir récupérer mon énergie...