Cromax a écrit:
La belle ne consent pas à venir, et sans vraiment m’en rendre compte, je sombre dans le sommeil d’une nuit paisible et calme. La nuit est déjà bien avancée quand je ferme enfin les yeux, et je dors jusqu’à ce que les premiers rayons du soleil viennent caresser de leur fine lumière mes paupières endormies. Je me lève, enfin reposé de mes longues veillées de ces derniers jours. La lourde hache du barbare repose à mes côtés, gravée comme une stèle mortuaire. C’est décidément un lourd fardeau que je me suis promis de porter là, car cette arme splendide, je ne peux l’utiliser, et à chaque seconde, elle me rappelle la mort de notre compagnon de route. Je me lève et m'équipe pour voir les autres, presque tous réveillés. Nous mangeons rapidement un déjeuner avec les réserves qui ne nous permettrons sans doute plus de tenir très longtemps, et une fois tout le monde paré à la marche, nous entamons rapidement l’ascension du mont au pied duquel nous avons passé la nuit.
L’escalade s’avère moins ardue que la précédente, et nous nous faufilons aisément dans des passes rocheuses sûres et sécurisées. Chacun de nous semble être passé maître dans ce genre de marche, qui est presque devenue une habitude pour nous. Notre endurance augmente au fil des jours, petit à petit, et nous sommes capables maintenant de marcher plus longtemps, plus loin, plus vite. La hache d’Andelys est une entrave à ma montée vers le sommet, mais comme le chemin est aisé, cela ne me pose pas plus de problème que ça, et je continue à marcher sans me plaindre, au milieu de notre groupe. Quelques discussions naissent par-ci par-là pendant la montée, mais rien de bien intéressant pour y attarder une oreille. Soudain, alors que les premiers de la file entament un virage pour poursuivre notre chemin en lacets, un violent flash lumineux nous aveugle. Je porte me main libre à mes yeux pour les protéger de cette vive lumière qui soudain apparaît sans prévenir, mais la tentation est trop forte de regarde d’où elle vient, et une fois passée, je regarde hâtivement en direction du sommet.
Tout en haut de la montagne, un être magnifique s’envole. C’est un dragon gigantesque à la peau très claire, voir même translucide. Ses grandes et puissantes ailes le portent dans les airs, où il semble tournoyer comme pour inspecter son territoire. Mes sentiments sont alors mitigés. Bien sûr, je repense à l’horrible dragon rouge qui avait failli nous griller en nous ratatinant avec son volcan, mais une douceur étrange provient des traits de celui-ci, et je ne pense pas qu’il puisse nous faire du mal, un peu comme le magnifique dragon blanc que certains d’entre nous avaient repoussé violemment dans la montagne. J’ai à cet instant un léger regard en coin pour Seldell, sur son arc et son carquois. C’est notre petit écorché national qui avait blessé le dragon, alors que les mages de l’expédition essayaient de le chasser sans lui faire de mal… Il nous survole un instant, et c’est comme si j’étais persuadé qu’il nous avait vu, tout en niant notre présence. Il fait encore quelques tours de son vaste domaine, puis part, loin à l’horizon, jusqu’à ce que nous le perdions de vue. Chacun reste bouche bée face à cette apparition, mais un curieux sentiment naît en moi.
(Il nous a vu, j’en suis sûr ! Pourquoi s’en va-t-il donc ainsi ?)
(Il va peut-être chercher ses potes pour vous massacrer !)
(Ne parle pas de malheur…Faut que je me tienne sur mes gardes…Je dois être le premier à fuir si les dragons nous attaquent…Comme ça les autres les ralentiront un peu et j’aurai peut-être une chance de m’en sortir et de prier pour leur âme…)
(Tu es machiavélique mon cher…J’adore !!! Mais toi prier ? ça m’étonnerais bien fort…)
(En effet…Mais comme il n’y aura plus rien à piller sur leurs cadavres carbonisés, mieux vaut prier…)
(Prier, piller, c’est vrai que c’est finalement bien proche…)
Je regarde mes compagnons autours de moi et me sent un peu honteux de penser tout ça d’eux…
(Bon…Je sauverais peut-être Cheylas, c’est une belle plante quand même…J’y tiens…)
(Ben voyons…Et après la scène du baiser final, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ?)
(Hein ?)
(Non, rien, laisse tomber…)
Nous gravissons à nouveau la montagne, et ne tardons pas cette fois à atteindre les sommets, où nous commençons à récolter de l’eau pour ne pas mourir de soif comme sur l’île précédente. Cette montagne n’a d’ailleurs rien de comparable avec l’autre. Là où sur l’ancienne nous étions gelés jusqu’aux os, ou attaqué par des volutes de fumée toxiques, ici, tout est calme, et la température invite à un repos lascif et passif. Pendant que les cartographes se mettent au boulot, je vaque un peu entre les différents groupes pour voir leur travail, et les fabuleux paysages qui nous entourent…
Après avoir visité l’Est et le Sud, je me rends à l’Ouest, où Cheylas est plongée dans son travail. Mais mon regard se porte plus vers le Nord. J'aperçois le dessus de la montagne, et la bordure nette qu'il forme avec le ciel si clair…Je reste près de Cheylas, à la regarder faire son boulot…
À un moment où elle semble ne plus dessiner, je m’approche d’elle, doucement…Une idée vient de germer dans mon esprit, et c’est Bogast qui me l’a mise en tête…
« Bonjour jolie Sindel, tu m’as manqué cette nuit tu sais… »
Je lui dépose un baiser délicat sur la joue, sans trop m’aventurer plus loin, de peur d’une réaction vive…
« Dis…Tu ne voudrais pas me rendre un service ? Tu dessines superbement, et je me demandais si, en souvenir impérissable de toi, tu ne pouvais pas me faire une copie des cartes que tu crée de ce continent peu accueillant…Si nos routes venaient à se séparer, ce que j’espère ne jamais arriver, je veux garder quelque chose de toi, afin que jamais tu ne sortes de mes pensées… »
Je la regarde tendrement…Mes paroles sont vraies, bien que je dévie légèrement la vérité, mais très légèrement, car je tiens à Cheylas et je ne veux pas la perdre, ni lui mentir…
(C’est ce que tu fais, diable d’elfe…)
(Chacun trouve son profit où il peut…)