Rampant sous la porte, ventre à terre, je pénétrai dans cette sombre salle avec un plus de facilité que je ne l’avais espéré. Ce premier obstacle franchi, je me relevai et machinalement j’époussetai mes haillons déjà sales. Avant que je ne songe à jeter un coup d’œil à ce qui m’entourait, ma main gauche se porta à mon nez pour y pincer mes narines et ma main droite farfouillait dans mon sac à la recherche du casque nasique que m’avait offert monsieur Porsal. Ce couvre-chef avait la propriété d’accroître ou d’atténuer la fragrance sentie et nul n’aurait douté de son utilité dans ce lieu où l’odeur du sang, de la sueur, de la moisissure, de l’infection même envahissait mes petites cellules olfactives. Ce n’est malheureusement qu’après quelques secondes de recherches infructueuses que je me rappelai soudain que j’avais été dépouillée de mes biens les plus précieux.
Je n’y voyais que peu de choses, mais tout de même suffisamment pour deviner l’utilité de cette chambre isolée et de tous les instruments qui y étaient étalés. Appuyés négligemment sur un mur se trouvaient de longs pics et des fouets en cuir, alors que sur une table sans doute crasseuse étaient cordés couteaux, tenailles, pinces diverses et autres outils que je n’aurais pu nommer. Des chaînes et des cages pendaient au plafond. L’obscurité était tel que je ne pouvais dire si un autre être vivant occupait ses lieux. Mon exploration sommaire faite, je décidai de rebrousser chemin, l'ambiance de cette salle de torture maculée de sang me dégoûtait trop pour que j’eusse envie d'y demeurer une seconde de plus.
Au moment où je tournais les talons, je fus alertée par un bruit métallique. Cherchant l’origine de ce son, j’aperçus ahurie la chaine que j’avais suivie qui s’enroulait sournoisement autour de moi tel un serpent. Mue par je ne sais quelle magie, ces maillons de métal se resserraient dès que je tentais de me débattre. Habitée à la fois par la frayeur et la colère, je plissai des yeux tentant de discerner la créature qui lentement tirait sur cette chaîne et m’attirait vers elle. Telle ne fut pas ma surprise lorsque je la vis. Cette créature était dépourvue de ce fluide rouge et ferreux dont la senteur emplissait la pièce. Ce n’était qu’une chose, qu’une monstrueuse montagne de métal, constituée d’un amas de chaines, dont des boules et des pics semblaient faire office de membres.
À un rythme lent, mais régulier, ce bourreau m’attirait à lui, raccourcissant inlassablement la chaine. De toutes mes forces, j’essayai d’ancrer mes pieds au sol afin de stopper mon avancée. Cette tentative fut vaine, malgré la substance collante de mes pieds nus , ceux-ci ne firent que glisser sur ce sol. Avec horreur, je distinguai de mieux en mieux mon prédateur, j’étais si petite et lui si monstrueux.
C’est alors que me vint enfin une idée. Sans perdre un instant, je cherchai dans ma petite besace et en sortis une petite fiole, enlevai le bouchon et en pris une bonne gorgée. L’homme serpent m’avait prévenue de l’effet aléatoire de sa potion, elle pouvait diminuer ma taille tout autant que l’augmenter. Trop énervée pour envisager d'autres alternatives, j’étais prête à prendre le risque. Et puis, si jamais je devenais plus petite que le maillon d’une chaine, il serait alors impossible pour la bête de m’emprisonner. C’est avec cet espoir en tête, et la bouteille bien refermée et rangée dans mon sac que j'attendis les effets de la concoction.
(((J’ai pris une dose de la potion modifiant la taille)))