Eu égard à mes récentes rencontres – hôtes qui me furent de mauvais augure, qu’ils fussent ou victimes ou instigateurs de tourments – les Guêpes soient de moi si je ne m’arme point ! De cuirasse n’ai-je, et n’eût été ce haillon poisseux, de parfaite nudité serais-je seulement parée ; pas plus que de cuisante lame, uniquement cet auriculaire dont le gras et la chair seraient moelleuse parade pour ennemis sans foi. Aussi me voilà, l’échine épousant dans de délicates courbes – qui sont apanage de reine, pour sûr ! – la roide élévation d’assiettes, à fouiller du regard ces eaux qui eussent dû être pellucides. Mais point ne sont, pour mon malheur : mon œil pourtant vif ne sait pénétrer l’écume épaisse et brune, qui dissimule le plus faible éclat d'airain que j'eusse pu discerner. Ainsi mon devoir va-t-il être, en ce détour ombragé où, cachée pour ne point voir et n’être point vue de l’Ogre à l’amère figure, d’interroger du toucher les profondeurs de mon bain.
Mes sens toujours en alerte, je perçois au loin la présence du Géant : son souffle rauque et barbare s’épand dans la pièce toute entière, et jusques à mes oreilles fines, et je sais ses larges mains occupées à préparer je ne sais quelle immondice, tant les murmures s’élevant de sa marmites sont présages à subits haut-le-cœur. Là sont les seuls bruits qui peuvent couvrir la quête d’une arme, dans ce marécage aux fluctuations balbutiantes – aussi d’extrême méticulosité dois-je me barder, car bien qu’il soit aveugle à mon image, mon nouvel hôte pourrait ne point être sourd à mes actes frondeurs.
Pleine de grâce, conservant toujours ce port de tête qui sied aux dames de mon rang
(oui, c’est vite dit, hein…), je ploie les jambes pour offrir à mes mains le loisir de caresser les bas-fonds de cette baignoire taillée dans la pierre. Seulement tête hors de l’eau, je m’applique comme l’assidue élève que je fus
(ahem) à évincer les algues molles et les chairs flottantes, n’ayant que le dessein de percevoir du bout des doigts le fil acéré d’un digne couteau.
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(OUAIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIS !)Bien en sont là ! Voilà que sous ma paume se profilent les armes convoitées. J’en retire la plus aiguisée, et celle qui ne rendra point malhabile, par sa longueur suraldrydéenne, la reine belliqueuse et industrieuse que voici. Armée, plus ne suis-je sous l’empire de cette aigre terreur qui me saisissait naguère tout entière, et enfin sans peur puis-je avancer au-devant de l’ennemi.
Dressée pour partir à l’aventure, mon observation me révèle plusieurs lieux de pérenne salut, sorties par lesquelles je me sauverai de ce Géant qui sans merci me jetterait au feu – ou pire : en son écœurante galimafrée ! Deux portes pour l’instant condamnées attirent mon attention, l’une non loin de mon immense hôte, séparée de moi par toute la largeur de la pièce aux relents exécrables, l’autre à main droite, plus proche, et certainement plus sûre… Une autre bouche encore saurait saluer ma fuite : non point d’humaine complexion, mais de taille toute aldryde, un antre aux noires profondeurs appelle mon regard. Certes non loin des remous aqueux où je me trouve présentement, cette béance ne pourrait-elle plus promptement, pourtant, mener au Néant que lente dégénérescence ? Point ne prendrai-je le risque de me livrer aux griffes du non-être avant que d’avoir ouvert ces deux portes à l’allure plus familière… à moins d’y être contrainte par harassante poursuite : si le Géant venait à me pourchasser, point n’aurais-je plus longtemps ce vaste choix, car seule la bouche enténébrée me garderait de sa personne.
Décidée, et sans plus de tergiversations, je m’aide de mes bras fuselés pour me soulever hors de l’onde aux morbides émanations. Sur le rebord du bain, mais toujours à demi cachée par la vaisselle érigée en hautes et larges tours, j’ébroue mes ailes et ôte ce qui reste de chairs rancies, essaimées çà et là entre les plumes, ainsi que dans les replis de ma vêture. Vêture qui, soit dit en passant, révèle céans plus que ne cache mes divines formes, car gorgée d’eau jusques dans la moindre maille, elle épouse plus que de coutume ventre, hanches et cuisses.
(Sexy, l’Aldryde.)Mon regard, pourtant, point ne demeure en mon haillon. Préférant jauger mon arme nouvelle, j’en observe la ligne non point rutilante mais d’une matité à faire pleurer les Akrillas-reines, en évalue l'équilibre et le poids gigantesque
(une arme à deux mains ?), et en remarque la moucheture chamarrée, de brun et d’ocre rouge. La rouille depuis longtemps s’y est déposée – le tout étant que le combat, quel qu’il fût, ne dévoile pas une pointe émoussée.
(Ce serait bien le fond du fond, là.) Priant Gaïa, Grande Mère s’il en est une, de me faire arme de qualité pour que j’en fisse attribut de Champion, je glisse lestement le couteau à ma ceinture avant de lever le regard sur ce monde inconnu qui se donne à explorer.
Essayant d’en taire les murmures amoureux, je déploie mes ailes et donne l’ordre d’envol. La porte de droite est celle qui me plaît le mieux, aussi mon dessein est-il de l’atteindre… mais voilà qu’en chemin je remarque un charnier putrescent. Oh, ce n’est point que cela élève en quelque manière ma conscience phaïnomancienne, car point n’est-ce là meurtre sans raison. En cuisine toujours sont les restes des bêtes qui furent mangées, et si Akrilla gourmande ne se réjouit que de divines pâquerettes et de vin, et de miel, les hautes créatures de la Terre peuvent se repaître de sang et de chairs. Cérahe me fit cours, comme à mes condisciples
(parvenues, ouais !), qu’animal carnivore point n’est adversaire de Gaïa, mais son enfant comme l’Aldryde aux grâces infinies. Et cela peut-être me serait salutaire, si carcasse dénudée pouvait m’être bardage.
Aussi dans le plus grand silence m’approché-je de l’agrégat d’ossements, pour y jeter regard. Si pouvait y être le thorax d’une caille ou d’un lapereau juste né, cela me ferait solide armure contre les coups. Et qui sait ? Une prière à Gaïa en pourrait renforcer la résistance…
(Et si j'en profitais pour trouver une relique pour la Prophétesse ? Oh, oui, un joli crâne. Très décoratif !)((Attribution d'un couteau | Observation du tas d'ossements pour 1) une cuirasse ; 2) un cadeau))