Languissantes les landes sous la suave caresse d’un zéphyr hivernal, et murmurantes aussi, alors que le froid manteau des neiges les enveloppe d’un opalescent linceul – entendez seulement cette homélie aux inflexions diaprées ! Obséquieux orgueil de qui se sait en liberté…
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Comme manquai-je à mes devoirs ! Comme mourus-je de honte au-devant de cette Reine en tous points parfaite – elle, joyau que Gaïa mit sur Terre pour que, telle l’étoile du matin, elle guidât les hères fourvoyés et perdus dans labyrinthiques chemins !
(Les guêpes soient de moi !)Comment se pût-il que je fusse si cavalière que j’en oubliai les convenances, que pourtant longuement je récitai en ma demeure fastueuse d’Yscambielle – haute et pure Cité, s’il en est – et qu’ainsi je déshonorasse les Akrillas de mon rang, et mon hôte tout autant ? Que de folie dans l’esprit ! Que de peine dans le cœur, et que d’ombres dans l’âme ! Jamais ne vis-je jour de tant de pitié
(Heu… si, en fait), et jamais non plus de tels nuages noirs amoncelés obscurcissant les nues d’une colère farouche !
Que grands autels soient ici dressés ! Que les guirlandes, dorées de miel et de fleurs, et distinguées par la haute Lumière, fassent couronne de noble facture à ce Prophète en ce jour outragé de tant d’incivilité ! Que les fruits soient plus riches qu’en aucun jour, que les émaux soient plus scintillants qu’en aucun ciel, que la crème au beurre sucrée soit plus grasse qu’aucun Hobbit de Shory ! Car là seulement cet affront pourra être acquitté.
Qu’importe qu’en ces geôles point d’offrandes ne puissent être réunies, ou bien peu, et de bien maigres, devant Gaïa j’en fais le serment : l’honneur de toutes les Aldrydes sera lavé
(… ou qu’on me pende par les doigts de pieds !). Car mirez donc cette icône à nulle autre pareille, mirez la Beauté comme jamais apparue hors des neiges éternelles de la Très-Divine Yuia, comme jamais survenue après que les Ethers, et l’ambroisie, et le nectar encore furent détournés vers les cieux, hors de portée de la race mortelle… La voilà, resplendissant écho de la flamme de Gaïa : lactescente est sa peau, irisée comme la nacre et radieuse comme la soie ; et ses yeux, perles tout juste assombries d’une canopée létale, épandent alentours force lumière, comme émanant d’une étoile. Haute est sa tiare, apanage de nul autre qu’une Reine légendaire : ornée de runes et d’arcanes, elle s’érige, et son aura comme moi doit vous frapper, ô lecteurs, qui ne savez plus que béer devant si grande vénusté.
Moi-même me dois-je d’approcher céans, de menus battements d’ailes tout juste mesurés pour n’être point déplacés en un tel lieu. Il me faut plus qu’autre chose détailler plus avant sa couronne d’argent, car mes yeux n'en sont point encore rassasiés – eux qui crurent longtemps mourir de n’avoir contemplé que souffrance et noirceur. Peut-être serait-ce là, qui sait ? don de réconfort en ces lieux de ténèbres, et peut-être même que cet émissaire de Gaïa me ferait, en tant que son Champion, le présent d'un objet sien pour que jamais je n'oublie ma promesse… !
Mais avant tout faut-il que présentement je fasse réponse, sans quoi par trop discourtoise paraîtrais-je, moi qui ne veux qu’honorer mes serments, et élever devant elle montagnes d’offrandes et tours entières de prières – qu’elle ne crût point, cela serait comble de malheur, que je fisse œuvre d’irrévérence.
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Point ne veux-je rejoindre quelconque endroit ou quiconque en cette funeste prison, point avant que de vous avoir posé certaines questions, si vous le permettez : oh, céleste émissaire des nuées de San-Divyna, êtes-vous donc bien ainsi que je le crois l'envoyée de la Très-Sainte Gaïa sur les vastes contrées verdoyantes de notre aimé Yuimen ? Vous qui ne savez par quelque mot discret à moi conter votre identité, dîtes-moi seulement : êtes-vous affiliée à cette déesse par trop adorée de moi ? Fûtes-vous mandée en ces lieux de morbides fumerolles et ténébricoles entrailles afin de porter Lumière et sagesse, et sauver ainsi que vous le dîtes les sujets de Sa Grande Commisération ?Car en effet, la voilà disant qu’en son Palais, nul ne peut m’être fatal, et que la force qui m’étreint entièrement renaît dans mon sein – aussi, haute de mon altruisme sans commune mesure, pensé-je qu’il en va ainsi pour quiconque en franchirait le seuil. Un foyer de tant de paix… Elle me demande de citer un nom, et qu’elle m’y mandera : que cela fût un lieu, une personne ou un objet, qu’il se trouvât en mon cœur le désir de l’atteindre, elle m’y conduirait. Mais comment de telle manière dire adieu à telle gente divine ? En mon cœur, plus qu’un endroit qui fût étranger de celui-ci, brûle l’espoir ardent qu’elle me fît réponse, et que, peut-être, par sa voix prophétique parmi toutes j’en apprisse de ces lieux. Retrouver, à l’instar du flocon, une pérenne liberté…
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Où sommes-nous, ô Grande Dame de Blancheur ? Quel est ce bagne gagné par sombre engeance ? Savez-vous donc qui en a la commande, qui, par les tréfonds de son esprit, gouverne des espaces si noirs ? Et surtout : dans quel but me tiendrait-il prisonnière, moi, mais aussi cet étranger à la mauve émanation, et encore cet autre, le plus blessé de tous ceux qu'en ma vie de Guérisseuse j'ai pu voir - et que je ne veux point sur l'heure rejoindre diligentement, que vous en soyez assurée et ne m'y envoyiez point avant que d'avoir répondu - …?Bien sûr, je ne laisse pas de croire que Phaïtos en soit le maître insidieux et belliqueux, et que les frères psychopompes tous deux s’allient dans de terribles desseins. Que de questions en l’esprit, pour celle qui pût être instruite des vérités par notre Mère à tous !
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(MAIS ?!!)...
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… en êtes-vous vous-même la triste prisonnière ?Lecteurs, présentement joignez-vous à ma complainte, celle que par les nues j’adresse à ma Déesse. Priez ainsi que moi pour que le Prophète en ces lieux fît réponse, et que je susse enfin ce qui m’attend par-delà les opaques vapeurs.
En cet iridescent écrin de pureté, me voilà attendant, avec en l’esprit ces monceaux de trésors que je pourrait lui faire si elle disait vérité…
((Observation de la couronne))