50 nuances de blanc
Le froid, la morsure cruelle et tranchante de la glace sur la chair, ce fut la première sensation qui perça la brume de son esprit. Les yeux d'Akulf s'ouvrirent lentement, son visage gisait dans la neige et ses lèvres gelées lui faisaient mal. La douleur de sa peau congelée n'était rien face à celle, plus profonde, que lui causait la bosse à l'arrière de son crâne. Son œil droit, celui qui s'était difficilement ouvert dans la poudreuse semblait voir flou, surement abimé par le froid.
Il se redressa avec difficulté sur son séant, visiblement, la milice l'avait abandonnée avec une couverture de fourrure, un sac de peau et quelques rations de nourriture à l'intérieur, de quoi tenir une semaine, son plastron de cuir gravé et rembourré, une gourde d'huile végétale, une gourde d'eau et deux silex pour le feu en accompagnement. Cela c'était donc bien déroulé, il était à présent un banni, sans famille, sans village et sans armes.
Un regard autour de lui, malgré le brouillard de son œil gelé, des arbres, des congères, des butes, des souches et de la neige. Du blanc, du grisâtre, du blanchâtre, du gris pierre, du blanc cassé, du grès, du lait, 50 nuances de blanc. Un lieu perdu dans une forêt sans age, dont même le son semblait s'être échappé.
La situation, le lieu et l'ambiance aurait dû prêter à la contemplation, l'introspection, les pleurs ou à l'abandon suivant le caractère. Mais chez Akulf, elle ne fit d'abord naitre que colère et vengeance. Il se redressa sur ses deux jambes encore engourdie, laissant la couverture de fourrure glisser de sa peau nue et avança de quelques pas, malhabiles.
Il Leva les yeux au ciel et hurla ! Il hurla comme une bête enragée, blessée, donnant autant que sa jeune voix d'adulte pouvait donner, il hurla pour briser le silence et rappeler à ceux qui l'abandonnaient là, qu'il n'oublierait jamais .
"Priez Zewen et Thimoros ! PRIEZ LES POUR QUE JE NE SURVIVE PAS !!! CAR SINON... JE REVIENDRAI ! VOUS M'ENTENDEZ FILS DE CHIENNE ! JE REVIENDRAI !!!" ses imprécations fillèrents dans les arbres, chassant peut-être quelques lapins cachés là, pour finalement disparaître dans les bois, laissant à nouveau le jeune phalange seul.
Il tomba à genoux et sentit une chaleur désagréable piqueté le coin de ses yeux, surtout là ou son œil s'était engourdie. Sa gorge se serra et son cœur, d'ordinaire si brulant, se nimba de la froide tristesse de la solitude.
Les larmes coulèrent et personne n'était là pour le voir, ou les essuyer...