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Hrist entra dans ce qu'elle croyait être la phase finale de son plan. Secrètement, elle souhaitait trouver un document que la taupe aurait eu l'imprudence de signer de sa main. Aussi, elle rentrerait à la guilde pour égorger le coupable dans son sommeil et prendrait la route sur le champ pour se rendre à Pohélis à la faveur de la nuit.
L'intérieur n'était pas chauffé. Hrist était entrée dans le local des scripts. Quelques blasons affichant un poisson bleuté recouvraient les murs et les fanions. Les miliciens semblaient bien organisés. Mieux qu'à Omyre en tout cas. Les parchemins étaient rangés dans des tubes de cuir afin de les conserver, les illustrations et les cachets des documents plus importants étaient soignées et sentaient bon l'encre. Les bougies avaient la mèche froide, les sièges étaient eux aussi froids. A l'évidence, personne n'était venu ici depuis un moment. Hrist observa la pièce, étroite, toute en longueur, elle offrait une porte à sa droite et une à sa gauche. Un bruit l'alerta et l'adrénaline lui envoya un puissant signal au coeur. Elle se camoufla derrière la porte et attendit. Rien.
Elle attendit encore et finit par ne plus entendre de bruit. Elle observa au travers de la serrure et ne vit que le noir, une faible odeur de mèche éteinte et de cendre lui gagna les narines.
" Quelqu'un vient d'éteindre une bougie et remuer un peu la cheminée, ça ne veut dire qu'une chose... "
" Que je suis seule. "
" Tu as bien fait de ne pas prendre l'autre fenêtre... "
Gagnée d'une confiance nouvelle, Hrist emprunta la porte située la plus à gauche après avoir observé les rapports et les documents. La plupart traitaient des incidents de la semaine, il y avait les hurlements du loup avec une mention " à traiter " quelques vols à l'étalage, des plaintes de commerçant, des achats de bougie, des ventes de matériel, de l'achat à la guilde des tanneurs, six armures, une douzaine d'épée dont quatre émoussées qui seraient réservées à l'entrainement. La plupart ses signatures portaient des grades avant le nom. Tous étaient miliciens, les scripts devant être les plus lettrés.
Les escaliers menant à la cave se cachaient derrière la porte que la femme venait d'ouvrir. Aucun bruit. Elle descendit timidement les marches, la pierre froide gagnait sa chair et ses sens en alerte attendaient le moindre mouvement dans l'ombre, le moindre son pour envoyer de puissants signaux à ses muscles et son cerveau. Mais il n'en fut rien. L'adrénaline était latente, silencieuse, comme le corps de la femme qui glissait comme un serpent dans la pénombre.
" Souviens toi, ce sont des elfes, ils voient dans le noir aussi bien que toi. "
La salle d'arme était légèrement éclairée par quelques torches mourantes. Des mannequins de paille et de bois lacérés étaient entreposés en tas en attendant d'être recousus par un apprentis, les râteliers d'armes étaient propres et bien rangés, les lames au clair avaient le fil fin et bien blanc, sans accrocs. Les flèches qu'elle examina étaient tranchantes et bien solides, le bois sombre du corps de la flèche était bien huilé l'empêchant de se gorger d'humidité, les plumes elles aussi, sentaient bon la graisse de canard pour les rendre étanches.
Hrist savait qu'elle avait le fruit d'heures de travail entre les mains, mais elle préférait le bon métal noir et solide de son arme plutôt que le charme d'une flèche. Avec ça, elle ne pouvait pas sentir la victime, elle n'avait pas le plaisir de sentir sa chair se découper comme une couseuse le sentait du bout des doigts lorsqu'elle découpait du linge épais avec des ciseaux biens effilés. La mort était devenu son métier, son art.
Certains peignaient de magnifiques tableaux ou créent de jolies compositions plaisantes à l'oreille et à l'âme. Elle, c'était du bout de sa lame qu'elle concevait la dernière minute d'un être. Allait-elle être rouge comme une aurore ou fugace et silencieuse comme un baiser, un dernier effleurement des lèvres qu'un époux ferait à sa femme défunte ? Quoiqu'il en était, elle ne préférait pas s'attarder. Elle ouvrit une autre porte qui menait comme elle l'espérait aux archives. La milice n'était pas très grande et elles semblaient toutes faites de la même façon, cachot en sous sol, archives et salle d'arme, les bureaux de scripts à l'étage pour profiter de la lumière et les dortoirs encore plus hauts.
Hrist retira une torche de son attache et entra dans les archives. A sa grande surprise, elles n'étaient pas verrouillées, il n'y avait même pas de serrure pour y mettre un clef ni même de loquet de fer. Cela dit, l'intérieur de la pièce était très sombre. Les étagères n'étaient pas faites de bois mais taillées dans la pierre. Des pochettes roulées de cuir semblables à celles du rez-de-chaussée contenait divers parchemins roulés et cachetés. Il lui était impossible de les ouvrir sans que quelqu'un vienne à s'apercevoir de l'effraction. L'impasse dans laquelle la tueuse se trouvait compromettait vivement son plan.
Dans ses fouilles, elle trouva quelques documents sur la guilde, des commandes principalement, des comptes, des dons et des contrats de protection des employés. Rien de bien exceptionnel, chaque grande guilde ou temple offrait des sommes aux milices pour avoir une protection efficace. Celle-ci n'échappait pas à la règle. La lueur de la torche commençait à s'éteindre et le crépitement du bois gagnait ses oreilles, annonçant qu'elle n'en avait plus pour longtemps.
" Les cachots sont vides... Je suis passée devant tout à l'heure. Aucun bruit, les trappes ouvertes. "
Soudain, la porte en haut des escaliers s'ouvrit et un fracas de métal s'entendit. Des bruits réguliers approchèrent. Quelqu'un descendait les escaliers et à en juger le vacarme, il devait avoir les bras chargés de casserole. Mais il n'en était rien. La forme d'un homme à la carrure immense se dessina tandis que Hrist se cachait dans le pas de porte de la salle des archives. D'un coup d'oeil, elle vit qu'il s'agissait d'une forme humaine mais que les traits étaient plus grossiers et larges.
" Allons allons. Je sais que tu te caches quelque part. Je t'ai entendu entrer. Tu ne peux pas t'enfuir, viens... Viens là. "
Hrist s'en mordit la lèvre si fort qu'elle cessa de peur de saigner. Elle avait été remarquée, en réalité, personne n'était parti se coucher après avoir éteint la bougie, le garde était parti enfiler une armure, et une armure de guerre, pas celle que portent les miliciens en patrouille. Elle quitta sa cachette. L'homme était droit, haut et totalement recouvert de métal.
" A croire que je n'excelle plus dans l'infiltration... " Lâcha-t-elle pour dévoiler sa présence. Elle qui avait glissé du pas de porte comme un serpent et n'avait pas été entendue par le soldat. Impossible de savoir s'il s'agissait d'un homme ou d'un elfe, rien ne laissait entrevoir sa peau, les bottes blindées montaient jusqu'aux genoux tandis que les mailles agrafées de plaques de cuir rivetés pendaient de la ceinture. Raide, sa mobilité était assez réduite mais il était impossible d'attaquer une armure pareille de front, il lui aurait fallu un cheval puissant et une lance en feuille de laurier pour percer le métal du plastron. De même que pour le casque, il avait un bec d'oiseau prévu pour faire glisser les lames le long du heaume et dévier les attaques sans que l'occupant ne se donne la peine d'avoir à les esquiver.
Il tenait une grande masse d'arme dans la main droite. D'un pas sur le côté, il fit face à Hrist qui laissa tomber sa houppelande à ses pieds. Elle n'avait rien pour parer un coup mais sa liberté de mouvement était une arme plus redoutable que la vieille rengaine qu'elle serrait entre ses doigts.
" C'est tout ? Je m'attendais à bien plus terrible. Mais dis moi, ma petite. Que viens-tu faire ici ? Il n'y a rien à voler. En tout cas, avec ce qui vient de se passer, la peine pour vol ou cambriolage est la pendaison. "
Il termina sa phrase dans un sifflement de mauvaise augure.
" Un mot à dire ? Pose moi ce couteau au lieu de te ... "
Il s'approcha doucement. Hrist avait remonté ses manches et le serpent noir à son poignet armé était visible.
" Par Yuimen... C'est vous... Vous êtiez à Kendra Kâr ? Non... C'est impossible. "
Hrist pencha la tête sur le côté tel un petit oiseau curieux. Ce n'était pas rare qu'un garde reconnaisse son signalement, elle qui était tristement célèbre sur Nirtim. Mais il fallait reconnaître qu'ils étaient tous deux loin de ce continent et elle était surprise de voir un garde arborer le symbole qu'elle reconnut en cet instant, celui du Roi, celui de la ville de Kendra Kâr.
" Alors c'était donc vous dans l'Aynore... "
Hrist ne réussit pas à dissimuler sa surprise. Avant qu'elle ne demande de quoi parlait le garde, il enchaîna :
" Je savais bien que quelque chose clochait... L'épée sans le fourreau retrouvée... Le p'tit gars n'aurait pas pris son épée sans raison, et les cordages avaient été coupés proprement... C'était vous. Vous avez souillés vos mains du sang d'un autre garçon... "
Il serra de ses deux mains sa masse d'arme et il émanait un sentiment de colère et de haine face à la Sinde qui se montrait impénétrable à ces propos, comme si le sentiment de perdre quelqu'un de proche lui était inconnu.
" Magnifique travail d'investigation. C'est regrettable qu'il vous mène au tombeau. "
Elle s'approcha doucement du garde, elle pouvait se risquer de front, elle le savait trop lent pour être dangereux tant handicapé par son armure qu'il était.
" C'est ici que votre service se termine, garde de Kendra Kâr. Mais avant... "
Elle plia légèrement les genoux, prête à esquiver l'assaut qu'elle savait imminent.
" Sachez qu'il a pleuré comme un nouveau né, peu avant que je lui enfonce ma lame dans la tête. Elle est encore souillée de son sa... "
Il frappa brusquement, comme animé par une colère spontanée. Hrist évita le coup en se penchant sur le côté, elle constata qu'il avait malgré son barda une bonne vitesse et une meilleure souplesse que ce qu'elle avait imaginé. Peut-être était-il plus qu'un simple milicien, il aurait pu être soldat et habitué au port des armures lourdes.
" Sale catin ! Chienne ! "
Il frappa encore, ne rencontrant que de l'air et Hrist préféra prendre ses distances. Son dos était parcouru d'un frisson désagréable comme si des centaines de petites aiguilles perçait son échine. Elle avait énervé le soldat mais si le bordel de taule froissée que produisait son armure alertait qui que ce soit, elle serait handicapée par le nombre de ses assaillants sans armure ni arme secondaire. Il fallait faire vite mais son sens de la cruauté poussé à l'extrême la suppliait de jouer encore un peu avec son nouveau soldat.
Hrist n'avait pas oublié les enseignements de la vénérable d'Oranan, la dague légère comme le roseau et les doigts sur le manche aussi légers qu'un oiseau sur la branche. L'homme en gesticulant parvint à lui administrer un violent coup du revers de la main, Hrist eut à peine le temps de protéger son visage que le choc percuta ses avants bras et l'envoya à terre.
" Ah... Si tu pouvais éviter d'avoir des marques manifestes... Ca éviterait qu'on te soupçonne et qu'on t'arrête et qu'on te prive de ta tête. Dans l'ordre."
Hrist allongée sur le dos reprit ses esprits mais un rien trop tard, le colosse de métal était juste à côté d'elle et envoya son talon droit vers l'estomac de la jeune femme qui roula sur le côté, allant rencontrer sa jambe gauche. D'un geste vif, elle tailla l'arrière de l'armure là où le cuir n'était pas protégé par le métal. Il cria et envoya dans sa douleur un autre coup de pied sur la cuisse de la tueuse toujours à terre. Sous la force du coup, elle fut expédiée un mètre plus loin et écoperait le lendemain d'un magnifique bleu.
Le solide guerrier ne semblait pas du genre à se laisser abattre par une simple blessure à la cuisse. Il continua à avancer vers elle avec plus de difficulté mais sa détermination semblait intacte, si ce n'était animée par davantage de colère.
Sa jambe engourdie par le choc, Hrist peina à se relever et sa dague avait glissée à quelques centimètres de sa main. Elle rampa pour essayer de la retrouver mais contre toute attente, il lui attrapa la cheville et la souleva comme un vulgaire gibier. Hrist pendait, les mains tombante à hauteur de ses genoux tandis que plus haut, le soldat lui vociférait quelques terribles injures. Désarmée, Hrist était à sa merci. De là, il aurait pu lui asséner un violent coup de masse sur la nuque et la tuer sur le coup. Son seul salut avait été la blessure qu'elle venait de lui faire à la cuisse. Hrist se balança vivement, sous la surprise, il serra davantage la cheville de la femme mais il était trop tard, elle enfonça ses doigts sous le cuir de l'armure, ouvrant davantage la coupure et elle pinça le muscle bombé et chaud lui arrachant un terrible cri de douleur. Les doigts ensanglantés, l'attaque avait également projeté un jet de sang au sol mais le résultat ne tarda pas, il lâcha et elle rencontra encore une fois le sol froid et dur de la salle d'arme.
Hrist frappée d'un éclair d'adrénaline se jeta sur son arme et faisant volte face, profita que le soldat soit sur un genou pour lui envoyer un coup de dague entre le gant et l'armure. Du sang gicla sur les doigts de la tueuse, le soldat gémit et flancha légèrement sur le côté.
Il ne tomba pas non, il livra ses dernières forces dans la bataille et attrapa les cheveux de la femme pour rapprocher son visage du sien. De l'autre main, il maintenait fermement le bras armé de Hrist et, dans ce face à face, l'un comme l'autre pouvait entendre le souffle de son adversaire se répercuter contre le métal du heaume du soldat.
" Je ne quitterai pas ce monde seul... Tu viendras. Je veux... Je veux ta mort ! "
Hris serra les dents, il tordait sa tête et ses muscles commencèrent à brûler. Elle peina à articuler :
" Je veux... Un serpent. "
De nouveau, la magie salvatrice de Cèles opéra. Un halo de lumière violette apparut entre les deux belligérants et un serpent noir aux yeux de braise jaillit du néant pour se jeter sur le soldat dans un sifflement terrifiant.
Il lâcha prise. Ils finissaient tous par lâcher prise face à ce sort, la pression et la surprise, la peur des reptiles et des poisons agissait sur l'esprit des vivants comme un véritable fléau. Hrist poussa le corps de son adversaire et trancha le tendon de la deuxième jambe, le paralysant.
Son adversaire était désormais à sa merci, mais de peur de recevoir un autre mauvais coup, elle trancha également les tendons de son adversaire au niveau des bras et des poignets, le privant de toute motricité offensive puis, accablée par ce combat, elle s'assit sur le torse de métal de sa victime et massa sa cuisse endolorie.
" Je dois dire, tu es assez vif pour un humain. Je te propose un jeu. Vu le rafut que tu as fait, s'il y avait quelqu'un d'autre ici, il serait venu te prêter main forte. J'en déduis donc que tu es seul. Alors je peux soit prendre mon temps, soit t'offrir une mort rapide et... Presque propre si tu me dis ce que je veux savoir. "
Il resta silencieux, le souffle du guerrier était plus fort, il lâcha un léger râle, sentant ses forces le quitter à mesure que la flaque de sang située à chacun de ses membres s'agrandissait.
" Je sais que quelqu'un donne des informations dans la guilde. Je voudrais son signalement. S'il vous plait. Vous seriez bien aimable. " Dit-elle d'une voix amusée en faisant jouer le bout de sa dague sur le casque du guerrier à terre.
Seul le souffle rauque de l'homme répondit à son appel... Hrist patienta encore, elle crut un instant que sa victime se soit évanouie mais il n'en était rien, il répondit faiblement :
" Personne. "
Hrist tapa du bout de la lame sur le casque qui résonna dans la tête du soldat vaincu.
" Allons allons. Un petit effort. Je sais que quelqu'un vend des informations. Xenair m'a envoyé, sois un peu coopératif. Souviens toi, mort rapide. " Elle longea l'armure de sa main gauche jusqu'à trouver la coupure encore récente et commença à enfoncer ses doigts dans la plaie.
Il resta digne et stoïque. Le nom de Xenair avait ajouté quelque chose de plus à sa crainte. Hrist attendit un instant qui lui semblât durer une éternité. A bout de souffle, le colosse de métal céda :
" Je ne connais pas son nom. Je suis resté ici parce que je traquais le clandestin responsable de la mort de mon apprenti. "
Un sanglot étouffa la fin de sa phrase. " Il est mort et n'aura jamais le droit à une sépulture... Et voilà qu'à mon tour, je serai jeté quelque part dans un de ces cachots jusqu'à ce qu'on me découvre. "
Hrist se sentait légèrement mal à l'aise, les mourants avaient parfois le besoin de se confier et d'alléger leurs craintes, elle écoutait, silencieuse, plongeant son regard dans la fente du heaume derrière laquelle elle semblât deviner les deux yeux larmoyants du soldat.
" Je voulais juste un nom... Mais je m'adresse sans doute à un mauvais informateur. " Elle marqua un silence. " Mais à un puissant guerrier. J'ai un profond respect envers les combattants habiles, aussi, bien que nous soyons ennemis, je te livre à une mort sans haine. Ton corps sera rendu et tu retourneras à Kendra Kâr sur le bouclier. "
Avant d'entendre sa réaction, elle fit glisser sa dague sous le casque, là où le cuir souple séparait les deux plaques d'armures. Le sang noir jaillit en gros bouillons et se répandit rapidement sur le sol qui maintenant que les torches mouraient, était d'un noir opaque.
Il avait lancé un petit sifflement qui sonna à ses oreilles comme un merci d'outre tombe.
Hrist resta un instant sur le cadavre, les pieds dans le sang, elle massait encore sa cuisse qui commençait à piquer et lancer des fourmillements.
" Avec ce temps, prétexter une mauvaise chute ne sera pas difficile. "
" Cette grandeur d'âme... Et le corps ? J'imagine qu'on ne trouve pas un cadavre en armure tous les matins dans sa salle d'armes, alors une petite enquête risque d'être lancée."
Hrist marqua un temps d'hésitation.
" C'est vrai. Mais la milice pourrait aussi faire pression sur la taupe. Un mort dans leurs rangs fera tâche, surtout lorsqu'ils se sentiront incapable de l'avoir vu venir. Même avec un informateur dans leurs rangs. Disons que je vois le cadavre comme une source d'ennuis mais pas pour moi, qui irait soupçonner une bonniche ? "
Elle se redressa douloureusement et récupéra la houppelande brune qu'elle avait laissé à terre dans la salle des archives. Il était déjà temps pour elle de partir. Quand les miliciens rentreraient, ils trouveront le cadavre du garde de Kendra Kâr maintenant sa masse le long de son buste comme un gisant de pierre. Histoire de lui souffler un dernier hommage, afin que son âme soit plus légère.
Hrist quitta les lieux sans attendre, elle grimpa les escaliers et sortit de nouveau par la fenêtre, attachant le linge à ses pieds pour se glisser de nouveau dans le noir de la nuit et se rendre à la guilde. Le froid mordait sa chair presque instantanément. Il faisait nuit noire et la pluie tombait et battait les tuiles dans un chant incessant. Alors qu'elle traversait la rue principale, restant à la faveur de l'ombre et des torches moites, un hurlement rompit le bruit répétitif de la pluie. Un hurlement de loup, le même que la veille. Le même cri plaintif qui déchira le ciel.
Elle se hâta d'entrer avant que des curieux ne décident de quitter leurs lits. Il n'y avait personne dans le couloir, la chaleur apaisante des foyers tièdes réchauffa doucement la jeune femme qui jeta quelques bûches dans l'âtre pour raviver ses flammes et sécher son corps mouillé et transit. La Sindel resta quelques secondes face aux flammes et laissa de nouveau la houppelande pendre à proximité de la cheminée.
Furtivement, elle gagnât son lit tandis qu'un autre hurlement vint à ses oreilles. Belle dormait, elle lâchait un petit ronflement répétitif qu'il aurait été difficile d'imiter. Ce n'est qu'au bout de quelques minutes qu'un énième hurlement ne l'arracha à ses songes, celui-ci avait été si fort qu'il avait rameuté tous les soldats en patrouille dans les rues pour gagner les tours et observer le dehors des murs.
Rien.
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