Après une courte période de sommeil, j'émerge, pâteux, de cet état et me met a observer mes alentours, encore couché sur la bête qui me porte. Le vent est devenu bien plus violent et c'est avec fureur qu'il me semble arracher la peau de ma joue tant le froid qu'il charrie est mordant ! Je ne peux garder longtemps les yeux ouvert face, au vent, déjà qu'il me piquent de fatigue ! Je passe ma main valide sur mon visage comme si cela pouvait m'en enlever la fatigue, et tente une nouvelle fois d'ouvrir les yeux pour observer mes environs. J'aperçois que l'on a quitté Nosvéria, aux deux grandes tour en ruines qui d'antan devaient encadrer la porte de cette cité. J'éprouve a la fois une pointe de soulagement de quitter cette cité, et une pointe de regret d'y laisser le capitaine.
(Ah non ça va pas recommencer, je vais pas m'y attacher à cet idiot violent et complètement fou ! Il m'a sauvé la vie c'est tout, je ne lui dois rien d'autre ! Et puis merde, on dirait que je tente l'auto-conviction, après tout, peut être que le fait d'avoir été sauvé par lui l'a remonté dans mon estime, mes pensées peuvent trahir l'image que j'ai de moi, mais elles ne peuvent trahir ce que je suis réellement. Raah, pas la peine d'y penser, je les quitterais dès qu'ils m'auront emmené en Oranan de toute façon.)
Me faisant sortir de mes réflexions, je me rends compte qu'Eliwin est en train de me parler. Il commence par la pluie et le beau temps, sans doute pour amorcer la conversation, mais je n'ai pas envie de parler, alors je fais mine de ne pas entendre, de ne pas y prêter attention. Puis il se met a parler de mon combat contre l'élémentaire, j'émets alors une réaction et adresse un regard attristé à mon bras désormais invalide, qui tant que je le fais pas bouger ne me fait souffrir que modérément, enfin comparé à si jamais il devait se mettre en mouvement, heureusement je l'ai bien calé, et seul le balancement régulier de l'allure de la monture vient parfois le déplacer légèrement. Puis il se met a me blâmer pour mon incompétence, a dire que j'aurai pu faire mieux, sauver plus de vie.
Un temps la tristesse m'envahit, et j'écoute ses paroles sans broncher me disant qu'elles sont sans doute vrai, que je ne suis pas taillé pour l'aventure et je repense a chez moi, a pourquoi je l'ai quitté, à toutes les épreuves que j'ai traversé en moins de deux semaines, à toutes les blessures que j'ai subi, a ceux qui sont mort devant mes yeux, l'homme dans la cave de Baba Yaga, Ilryen, les pirates aujourd'hui, et une larme chaude roule sur ma joue, sensation étrange dans ce froid. Mais d'un coup il se met à dire que c'est pour ça que les mercenaires m'ont abandonné, que je suis maudit, et il dit vouloir m'abandonner à moins que je ne lui obéisse entièrement.
Alors que ces paroles s'écoulent, quelque chose se réveille en moi, je me met à avoir chaud malgré la température extérieure, mais ce n'est pas une doux feu réconfortant, c'est un magma destructeur, ce n'est plus une petite larme que je laisse s'écouler, c'est un véritable torrent, et mon visage rougit de colère alors que je me redresse sur ma monture.
« FERMES LA ! »
J'exprime tout mon ressentiment dans ce cri, et voyant que j'ai réussi à couper le flot de ses paroles, je me met à m'exprimer d'une voix cassé par les larmes et la rage qui m'habite, celle ci me faisait me relever sur ma selle par la même occasion et je le domine de toute ma hauteur.
« Tu ne sais pas ! Tu ne comprends pas ce que j'ai traversé ! Ça se dit pirate ? Brigand des mers ? Sans peur et sans pitié ? Fais moi rire ! Depuis les deux semaines que j'ai quitté les jupons de ma mer j'ai du passer par plus de combat que toi durant toute ta misérable existence ! Tu veux que je reconnaisse ton autorité ? Mais d'où le devrais-je ? De ta succession à Heartless tant que celui-ci est dans les glaces ? Je ne lui ai jamais prété allégeance, ni quelconque serment le liant à lui, ni même n'importe quoi me forçant à quoi que ce soit ! Si j'ai suivi ces ordres c'est parce que les circonstances me l'imposait et aussi parce que malgré ses manière de brutes, et ses actions de fou, il imposait un peu mon respect. Mais toi, qu'as tu fait pour le mériter, si ce n'est m'apprendre à tenir une barre, et encore ? Ah et je sais que jamais tu ne me laisseras, petit chauve cupide, à cause de l'or qui t'attends toi et les tiens à Oranan ! Compenser les blessures de tes camarades ? Juste loi des mers ? Et pourquoi j'y serai obligé, les épées étaient presque inefficace sur le tas de glace, sans moi ils seraient peut être tous mort, et j'y ai moi même laissé un bras, je crois que j'ai déjà assez payer comme ça ! Quand à cette juste loi des mers, regarde sous tes pieds, ici l'eau n'est pas salée, mais gelée ! Oui j'obéirais à tes ordres tant que ceux ci me paraissent logique car les circonstances m'y obligent, mais non je ne te lècherais pas les basques, avant ça il faudra acquérir mon respect, et si la provocation n'est ni mesuré, ni suivi d'une quelconque forme de duel ou de défi, elle ne mène a rien à ce niveau. Sur ce je crois que l'on a plus rien à se dire, alors laisses moi me reposer si tu veux profiter de mes compétences, j'ai dépensé trop de pouvoir aujourd'hui dans la traversée de cette maudite cité alors laisse moi en paix ! »
Après ces dernières paroles pleines de haines, celle ci se met à disparaître, me laissant vidé et pleins de regret, je sens déjà que je suis allée trop loin, mais je ne peux revenir en arrière c'est trop tard, et je me rends comptes que je pensais vraiment à tout ce que je dis, mon comportement est vraiment en train de changer avec tout ce qui me tombe dessus. Je me recouche sur ma monture, et repositionne avec douleur mon bras désormais inutile, et observe un peu l'horizon, je ne referme pas les yeux de suite, surtout qu'il y aura peut être une réponse.
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