Les rues de la ville sont larges et trouver un coin d’ombre est un véritable bienfait. Même si au milieu des rues circulent de petits cours d’eau pour amener un peu de fraîcheur, la réverbération du soleil sur les murs rend les rues étouffantes.
La particularité des rues est leur importante dénivellation. En effet, pour la ville se trouvant sur un flanc de colline, il faut monter ou descendre les rues afin de se rendre d’un endroit à l’autre.
Les seules personnes que vous serez susceptibles de croiser sont les miliciens qui patrouillent toute la journée dans la ville. Les quelques habitants qui osent s’aventurer dans les rues le font soit le matin à la fraîche ou le soir lorsque le soleil se couche.

A peine les portes de la ville franchies, je fus assaillie par la chaleur qui régnait dans cette cité. Malgré la présence de cours d’eau dans quasiment toutes les rues, il était difficile de trouver un coin d’ombre pour se garder au frais.

(Et il n’est que dix heures du matin !)
(Et il n’est que dix heures…)

Heureusement pour moi, la chaleur n’était pas encore étouffante. Je me mis alors à bénir silencieusement le fait d'habiter en dehors des murs. Je m'étais toujours demandé comment les balsinais faisaient pour supporter cette chaleur étouffante toute la journée. Je levai les yeux au ciel tout en soupirant de lassitude.

Mieux valait me dépêcher de faire ce pourquoi j’étais venue en ville pour retrouver la tranquillité et la fraîcheur de la propriété. Il était grand temps pour moi de me rendre chez les Hinorin pour prendre de leur nouvelle et leur offrir mes condoléances. Après tout, j'étais partie comme une voleuse à la recherche de mon frère qui s'apparentait plus à un mirage qu'à une réalité à ce jour.

Cette courte entrevue m’avait complètement retournée, entendre le père de Gameleb m’accuser d’avoir tué son fils était un affreux mensonge. Malheureusement, le moindre argumentaire était totalement impossible dans la situation actuelle des choses. Ils n’étaient plus du tout eux-mêmes et j’avais un affreux pressentiment au fond de mon cœur qui ne cessait de grandir concernant l’état des Vindali et des Lomindor.

(Je te le fais pas dire.)
(Alors j’avais vu juste, Tamìa a empoisonné l’esprit de ces trois familles. Pauvre folle ! Je jure de n’en faire qu’une bouchée lorsque nos chemins se croiseront.)
(Et maintenant, que vas-tu faire ?)
(J’ai déjà ma petite idée à ce sujet.)

Je savais exactement où je devais aller pour en savoir plus. Je me mis donc en route vers un des hauts lieux de ma ville.

(Tu peux me dire où tu vas comme ça ?)
(Il est temps pour toi de rencontrer les plus hauts dignitaires de notre belle ville de Balsinh.)
(Tu veux solliciter l’aide du conseil des 15 ?)
(Exactement.)
(Rappelle-moi une chose : c’est quand la dernière fois que tu leur as parlé ?)
(Il y a 5 ans à ma remise de galons.)
(Tu te sens vraiment prête à affronter des politiques ?)
(Vu la situation, je n’ai pas d’autres options. Je ne pourrais rien faire en mon âme et conscience si je n’ai pas l’aval du conseil. J’ai beaucoup trop de respect pour eux pour faire quoi que ce soit de répréhensible. Je veux faire les choses correctement et qui sait, ils ont peut être une piste pour retrouver Tamìa avec un peu de chance.)
(Alors là, je pense que ta probabilité de rencontrer Thimoros est plus grande ! Oh mais j’oubliais, tu as déjà fait un séjour chez les morts !)
(Ahah, très drôle !)

Nous terminâmes notre conversation alors que j’arrivai en vue du bâtiment du conseil.

Je ralentis le rythme de mes pas pour ne pas ma fatiguer inutilement. Je pris ainsi le temps de faire le point sur tout ce que j’avais appris durant la dernière heure passée dans les murs.

(Besoin d’un calepin imaginaire ?)
(Si tu suis avec moi ce sera déjà pas mal.)

Tout en pensant cela, je continuai de redescendre vers les portes de la ville.

(Donc les Lomindor et Ehemdim, les Vindali et les Hinorin sont affectés par cette affreuse malédiction. Pourquoi le personnel du manoir n’est-il pas affecté par ce sortilège ?)
(Poses-toi cette simple question : que sais-tu de la magie et de son fonctionnement Aenaria ?)
(On fait appel à ses fluides et on lance un sort, je ne vois pas où tu veux en venir…)
(Je reformule la question : si tu devais qualifier les sorts que tu possèdes, comment les différencierais-tu ?)
(Tu me demandes la différence entre, voyons voir, choc des éclairs et orage terrifiant ?)
(On peut le voir comme ça oui.)
(Je dirais que le premier s’apparente à un tir dirigé vers une personne alors que le second pourrait être qualifié de sort de zone.)
(Bonne réponse. Et maintenant, ajoute ta déduction à ce que tu as pu apprendre sur les rituels à Cyniar.)

Sa réflexion fit son chemin dans ma tête alors que je me concentrai sur où je mettais les pieds pour ne pas finir dans la rivière. Je me trouvai un coin d’ombre et m’assis sur une pierre laissant choir mes jambes dans le cours d’eau en dessous. Le contact froid m’électrisa la peau me faisant presque sursauter. M’y habituant, je pus reprendre le cours de mes pensées.

Tir magique, sort de zone, rituels magiques, comment ces trois éléments s’imbriquaient-ils ? Où Crystallia voulait-elle en venir ? Sa remarque concernait-elle ces trois éléments ? Tir magique et sort de zone, comme j’avais pu le déduire cela correspondait à deux types de sorts, mais était-ce ça qu’elle voulait mettre en avant ? J’en doutai, à mon sens, il n’y avait que l’un de ces éléments qui était à relever.

Qu’est-ce qui pouvait s’associer aux rituels magiques dans ces deux types de sorts ? Un rituel pour effectuer un tir magique puissant ? J’étais capable de lancer une énorme boule composée de plusieurs fluides sans avoir à effectuer tout un cérémonial, donc j’éliminai cette option de suite.

Rituel magique et sort de zone, c’étaient donc les deux éléments qui devaient aller de paire. Un sort de zone pouvait être lancé par un rituel magique ? Probablement, j’avais beau posséder des pouvoirs je ne connaissais pas encore leur pleine étendue… Ou bien un rituel magique affectait une zone tel un sort de zone… Mais bien sûr ! Le maléfice que Tamìa avait lancé devait posséder une portée limitée et cette limite devait être le cadre de la ville !

(Tout ça comme une grande fille ! Tu m’impressionnes Naria !)
(C’est fini madame la sarcastique ! Etait-ce le message subliminal que tu voulais me faire passer ? Le rituel n’affecte pas le manoir car son rayon d’action se limite à l’intérieur des murs de la ville, le manoir se trouvant à l’extérieur, les domestiques n’ont pas pu être affecté.)
(Oui mais je voulais que tes petites cellules grises fassent le boulot à ma place. Et maintenant, pousse ton raisonnement plus loin.)
(Tu rigoles j’espère ! Mes petites cellules grises ont besoin de repos. Je suis une fine tacticienne, pas un professeur de magie ! J’y réfléchirai en rentrant à la maison. J’ai oublié de prévenir Valsta qu’il y aurait une invité à la maison.)
(Tu crois vraiment qu’il va être surpris ! La chambre d’ami est toujours prête !)
(C’est de la pure et simple courtoisie. Je vais également prévenir Iniel au cas où je ne pourrais pas accueillir Elylia moi-même.)

Je sortis mes pieds de l’eau et rejoignis la route afin de repartir au manoir.

Une fois dans la ville, je me trouvai un coin d’ombre afin de remonter la rue principale en direction du conseil des 15. Suivant l’un des nombreux cours d’eau alimentant la ville, j’avançai tranquillement, passant devant la maison des Lomidor et des Vindali. Ce fut le moment que choisit ma faera pour passer au travers du mur de la demeure de ces derniers.

(Alors ?)
(Les nouvelles ne sont pas bonnes.)
(Toujours ce voile blanc devant les yeux ?)
(Oui, j’en ai bien peur.)
(Alors elle n’a pas tenu sa promesse…)

Mon sang bouillait en moi de colère, j’aurais du me douter qu’elle ne tiendrait pas parole. Elle était perfide, toutes les paroles sortant de sa bouche n’étaient que mensonges. J’allongeai le pas pour me calmer les nerfs jusqu’à ce que j’arrive devant l’une des fontaines de la ville.

Une idée germa en moi, et si mon rêve était en fait la réalité ? Me penchant afin de voir mon reflet sur la surface de l’eau, je fis appel au pouvoir de ma cuirasse afin d’avoir une vision d’Ehemdim qui était à Kendra Kâr. L’image se troubla faisant finalement apparaître l’elfe que j’aimais.

Il m’apparut de dos dans sa salle d’entraînement. Il était visiblement en plein exercice, son corps luisait de sueur, miam. Je m’ôtai rapidement mes idées de la tête espérant qu’il tourne la tête que je le vois de face. Il exécutait un kata à l’épée que nous avions appris à l’armée, je le reconnus aussitôt. Estoc avant puis demi tour sur la jambe pliée et relever…

Sauf qu’en se relevant, ce que j’avais rêvé se matérialisa en face de moi. Tout comme le reste de sa famille, Ehemdim était toujours sous le coup de l’envoûtement de Tamìa. Donnant un coup de poing rageur dans l’eau, je fis disparaître cette vision d’horreur de mon bien aimé. L’onde se troubla avant de reprendre son calme apparent.

Je n’avais plus qu’une chose à faire, me rendre au plus vite au conseil des 15 et espérer obtenir une audience séance tenante. Je me remis alors en marche arrivant rapidement en vue du bâtiment qui hébergeait la plus haute autorité de la ville.