Inscription: Jeu 5 Fév 2009 18:56 Messages: 163 Localisation: Monde des Rêves
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Avant de sombrer dans les quelques heures d’inconscience recueillie que forme le sommeil elfique, Lindeniel entr’aperçut dans le lointain, passant par dessus un gouffre, un petit pont de fortune menant à un sentier montagnard. Signe que Zewen veillait sur son sommeil, il savait avant même de se lever où il devrait se rendre le lendemain. Une inspiration plus profonde et sonore que les autres marqua le début de la nuit de l’elfe blanc. Une nuit qui n’allait pas être très bonne, il fallait s’y attendre… *** Les ombres floues avaient envahi l’atmosphère. Plus rien n’était net, tout était lointain, évanescent. Lindeniel se trouvait au milieu d’une brume, un brouillard inodore qui s’étendait en volutes discrètes autour de lui. Il marchait, sans savoir même où il se trouvait. Il était seul, et rien ne l’entourait. Mais bientôt, la fumée blanchâtre s’obscurcit soudainement, entraînant avec elle des sons lointains. Des cris d’épouvante, des bruits de fuite. Bien vite, de nombreux pas courraient dans sa direction, sans qu’il puisse voir de qui il s’agissait à cause de la fumée noire qui se faisait de plus en plus épaisse. Il les entendait juste. Des femmes, des enfants, des hommes, de toutes races et de tous âges. Ou du moins c’est ce qu’il en conclut en entendant ces cris, en entendant la vitesse et la force avec lesquels les pas étaient pressés contre le sol dans cette fuite furieuse.
Petit à petit, la fumée prenait une odeur âcre et dérangeante, et s’introduisait tant dans les narines que dans la bouche, y laissant une impression gênante d’étouffement. Lindeniel dût se résoudre à protéger ses voies respiratoires en plaçant sa main gantée en bouclier devant sa bouche et ses fines narines. Les cris l’entouraient maintenant de toutes parts, même s’il n’en apercevait toujours pas la provenance. Les personnes ainsi apeurées étaient bien misérables, couardes et lâches. Même s’il avait pu, il n’aurait pas pu les regarder sans que cela fût une offense à sa dignité elfique. Il se résolut donc à ne pas imiter stupidement ces personnes insensées, à moins que ce ne fût par une force incontrôlable, mais il avança en sens inverse d’elles, comme mû par une volonté qui ne lui était pas propre…
Il en resta cependant stoïque et calme, fixant la fumée qui se faisait de plus en plus noirâtre et de plus en plus oppressante de ses yeux sombres et déterminés. Les cris s’éloignaient maintenant loin derrière lui, et il continuait à avancer.
Soudain, face à lui, une ombre apparut dans la nuée brumeuse. Elle se clarifia petit à petit, et la silhouette en fut bientôt plus nette. Il n’en apercevait pas le visage. L’individu étrange était camouflé sous une cape noire qui masquait ses traits. Il se tenait là, immobile, même s’il paraissait se rapprocher de Lindeniel, qui avait arrêté lui aussi de marcher à cette apparition. Et même si aucun des deux ne bougeait, ils se rapprochaient indéniablement. La main toujours sur la bouche, il plissait les sourcils pour reconnaitre l’identité de la personne en face de lui, mais il n’y parvenait pas. Comme si le voile noir qui tombait autour de la tête de l’apparition contenait uniquement du vide, des ténèbres…
Mais soudain, l’encapé mystérieux fit un geste de la main, dévoilant de sous sa cape une main blanche serrant fermement une arme au creux de ses doigts. Et cette arme, Lindeniel la connaissait bien… Il l’avait vue maintes fois, et elle avait même scellé son destin. C’était en grande partie à cause d’elle qu’il était là, aujourd’hui. C’était la lame de son père. Le poignard avec lequel il avait assassiné froidement celui-ci.
L’acier tranchant était recouvert d’un fin filin de sang fluide. La bouche de l’elfe pur se tordit en un rictus de terreur. Cette apparition ne pouvait être qu’une personne : son cruel paternel, revenu d’entre les ombres pour venger sa mort par de terribles souffrances. Cet esprit démoniaque lui avait promis cette vengeance, cette poursuite incessante semée d’horreur…
Puis tout disparut, alors qu’un cri naissait dans la gorge de Lindeniel qui venait de se faire trancher par l’arme qu’il avait lui-même dressée contre son père. Le sang coulait en flots vermillon sur son propre corps, et tout devint noir. La conscience nébuleuse d’une chute sans rencontre du sol…
Et un flash ! Un flash lumineux d’une extrême virulence. Une lumière qui éveilla la conscience de l’elfe. Il ne se trouvait plus dans de la fumée, ou dans de la brume, mais dans des restes calcinés d’en endroit qu’il ne connaissait que trop bien. La demeure familiale des Il Thirnasael, à Tulorim. Là où tout avait commencé, là où tout avait fini. Elle n’était plus que décombres fumants, noircis par la cendre et la braise. Les poutres écroulée de s’être trop fait lécher par les flammes stagnaient partout sur le sol. La gorge de l’elfe était douloureuse, et continuait de saigner… Une mare de sang se répandait sous lui, identique à celle que son père avait laissée après sa mort, celle dans laquelle il avait dormi avant sa fuite…
Il était horrifié, et se tourna vivement tout en se relevant… Avant de pousser un nouveau cri, de surprise cette fois-ci. La silhouette encapée se tenait devant lui, le poignard toujours serré dans la main. Mais cette fois, le capuchon était baissé, et toute la terrible vérité s’offrait aux yeux tremblants de Lindeniel : la personne qui se tenait devant lui n’était autre que… lui-même… Mais un lui transformé, toujours aussi parfait, mais avec un regard plus sombre, plus meurtrier, plus emprunt de violence et de dégout. Était-ce ainsi que les autres le voyaient ? Son double parla alors d’une voix ferme et froide, qui glaça les os de l’elfe…
« Lindeniel, tu seras ta propre perte, et tu succomberas sous ce que tu as toujours détesté. Tu deviendras toi-même ton pire cauchemar… »
Et l’être, se transformant en ombre fugace, fonça sur Lindeniel pour pénétrer en sa chair alors que celui-ci hurlait de haine, de peur…*** Et le cri se mua hors du sommeil de Lindeniel, qui se réveilla en sueur, essoufflé comme s’il venait de courir longuement. Il avait le cœur au bord des lèvres, et des envies de rendre tout ce qu’il avait mangé la veille au soir. Le soleil n’était pas encore levé, et les ténèbres nocturnes étaient toujours présentes. Mais il ne pouvait rester là une minute de plus. Cette enytrée de grotte lui donnait maintenant la chair de poule, et il ramassa en vitesse toutes ses affaires, vérifia que tout était bien là, se rassura tant bien que mal en caressant presque frénétiquement sa statuette féline, tout en pensant très fort à son dieu protecteur, le fidèle et puissant Zewen, puit reprit son chemin en direction du petit pont de fortune qu’il avait aperçu… Il espérait le rejoindre avant que l’aube ne pointe à l’horizon…
_________________ Lindeniel Il Thirnasael, noble Hinïon dans la tourmente d'une quête onirique.
Tous méprisables...
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