Hors de son sommeil, il n'y a rien. Et ce « rien » s'appelle le néant. Une minuscule bulle d'existence flotte dans ce néant. Elle s'appelle Erzébeth, Silmeria, parfois même Hrist, les mauvais jours. Cette bulle ne connait ni le mouvement ni l'immobilité. Elle n'a pas de ses de l'orientation puisqu'elle est dans le néant, la distance et la direction sont des notions dépourvues de signification.
La bulle est suspendue pour l'éternité - ou plutôt, pour moins d'une seconde, car dans ce néant, ce temps n'est « rien ». Cependant, la distance et la direction, le temps ont encore une valeur unique dans cette bulle, ce qui préserve ses concepts grâce à une stricte séparation entre le chaos et le rien.
Silmeria était un univers en elle même. Et hors de cette univers... Il n'y avait plus rien...
Elle s'éveille.
La tête lourde émettait un signal de douleur. Ce qui ne manqua pas de lui rappeler qu'elle venait de quitter la douceur nocive infusée dans son sang. Les larmes coulaient de ses yeux avant même qu'elle ne puisse les ouvrir. Dans un état hors du temps, elle bougea, sa main tomba et cogna le mur. La seconde douleur, bien que très légère éveilla ses sens. Odeur ? Texture ? Rien ne semblait lui évoquer la chambre dans laquelle elle s'était endormie la veille.
Ses yeux s'ouvrirent doucement, Silmeria versa plus de larmes qui faisaient couler le charbon de ses yeux sous forme de longues trainées noires qui lui donnaient un air aussi rassurant qu'un cheval mal achevé. Troublée, sa vision ne permettait pas de distinguer correctement ce qui l'entourait, ce à quoi elle dut faire appel était son ouïe. Des grincements, gémissements lointains et un raclement de gorge rauque.
Il n'y avait rien de plus rassurant pour elle, d'autant plus que le contact long de sa robe, de son corset et de ses gants de satin qui cachaient astucieusement ses bijoux magiques, semblaient avoir disparus.
« Si c'est l'œuvre d'un voleur... Il est très fort... » gémissait-elle à faible voix.
Ses membres tiraient, elle se sentait honteusement engourdie. Adepte de ce genre de méthode, elle comprit relativement vite qu'un poison avait été insufflé dans son corps. Elle songea à ses propres fioles, la perte de mémoire était un effet de ses poisons, mais la présence étonnante des fioles se faisait sentir dans sa couche. Toutes pleines, elle s'avisa de ranger ça rapidement dans la tunique.
Elle resta bête un instant.
« Attends... C'est un rêve très crétin. » dit-elle, le sourire naissant sur le coin de ses lèvres pourpres. Elle se pinça un peu l'avant bras du bout des ongles. « Aïe ! » « Bon. Je pense avoir raté deux trois détails de ma vie, dernièrement. » Consternée par sa propre remarque, elle se recroquevilla contre le mur comme une enfant effrayée, attendant d'en voir un peu plus sur cette lueur non naturelle qui vacillait tout autour d'elle à l'image de spectres moqueurs. Elle passa sa main le long de son corps, fermant les yeux. Constatant qu'elle n'avait plus rien si ce n'était quelques objets inutiles seuls. Les potions de soin opaques, les poisons, les bracelets et les runes maudites... Actuellement et à cet instant précis, le manche de jais de la Scélérate aurait été bien plus rassurant. Elle versa encore quelques larmes tant ses yeux lui piquaient.
Attirée par une lumière muette, elle se leva finalement, ses jambes étaient fébriles, faible, Silmeria arriva malgré tout à s'approcher d'une meurtrière étroite et humide. Elle y jeta un oeil, mais le contraste des ténèbres et de la lumière fut trop important, et sa vue fut davantage brouillée d'ombres et de larmes. Elle baissa le visage jusqu'à coller sa joue sur la pierre humide. Se laissant glisser lentement. Avant tout, comprendre... Où était-elle ? Était-ce la sœur de la sororité qui l'avait démasquée ? Tant de question méritait réponse. Cèles l'aurait bien aidée, mais les attentions des trois âmes se tournèrent au premier bruit de craquement sinistre vers... Qu'était-ce ?
« Il y a quelqu'un ? » Murmura la brune avant de faire deux pas et de buter sur quelque chose. Elle tomba sur une masse molle qui avait la forme d'un être vivant. Elle cru d'abord à un cadavre, roulant sur le côté pour éviter d'attraper une immondice provoquée par la putréfaction, elle remarqua à mesure ou ses méninges s'activaient, trop engourdies par les sucs d'un poison violent, que la peau était chaude, la personne ne pouvait pas être morte, ou alors, elle venait juste de claquer la dernière étincelle de vie. Peut être qu'il avait eu cette chance.
Peu à peu, à mesure où elle inspectait le sol plus par manque d'équilibre temporaire que par volonté, la vue lui fut rendue. A ce moment là précis, elle aurait souhaité finalement ne pas la retrouver aussi vite, car devant elle se balançait une bête sauvage au poil ravagé et source des raclements de gorge caverneux et rauques. L'éclat blanc qui luisait dans ses yeux était dépourvu de rétine et d'iris... Silmeria se demanda s'il faisait une convulsion, phénomène qu'elle avait observé chez une de ses servantes, ou s'il était tout simplement aveugle...
Prudente, elle demanda simplement : «Hm ? Vous ? Dans le coin, m'entendez-vous ?»
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