Un sol froid sous mon corps allongé. De la pierre, dure, crasseuse, nue. Pas un bruit alentour, un silence étouffé. Une puanteur tenace, de celles qui vous retournent l'estomac au premier contact olfactif et auxquelles on ne s'habitue pas. Violent mal de crâne.
J'ouvre les yeux. Je cligne plusieurs fois, désorienté par la pénombre ambiante. M'appuyant sur les mains, je me relève doucement et jette un coup d'oeil autour de moi. De tous les côtés, un imposant, grossier mur de pierre arrête mon regard. Dans toutes les directions, de grosses dalles mal équarries. Pour tout éclairage, un puits de lumière miséreux fait parvenir dans la pièce ses rayons nécessiteux. Pour toute issue, une massive porte de bois. Fermée.
Je suis enfermé. Mes narines palpitent de frayeur et je me mets brusquement debout, me tournant et retournant sur moi-même, quêtant l'atroce confirmation: on m'a remis en cage. Jugulant la panique qui risque de me submerger, je précipite mes pensées à la rencontre de celles d'Aurore:
(Aurore, Aurore, où sommes-nous? Pitié, dis-moi que je ne suis pas en cage. Pas encore.)
(Sil'... J'ignore où nous sommes. Une magie étrange m'a rendu aveugle pendant toute la durée de ton inconscience. Je suis... aussi perdue que toi.)
(Ce ne sont pas les Aldrydes qui m'ont enfermé, hein?)
(J'ai bien peur que non...)
Silence de mort. Nos esprits, apeurés, cherchent le réconfort dans leur proximité et nous entremêlons nos pensées pour tromper l'angoisse qui monte. Ne pas être seul face à l'adversité.
Je suis globalement dans un piètre état, physiquement et mentalement. Je le découvre avec stupeur, je n'ai plus rien sur moi, si ce n'est une longue tunique sale et rapiécée qui tombe disgracieusement sur mon corps frêle. De plus en plus paniqué, je tâte l'habit à la recherche de mes possessions, mais ne trouve rien. Rien, à part mes fluides, trois petites bouteilles placées dans une poche arrière. Rien d'autre. Quant à mon esprit, il y couve une violente tempête de folie. Au-delà des paroles réconfortantes d'Aurore, j'entends presque les échos de la folie qui me guette, attend son heure. Echos moqueurs et annonciateurs de jours sombres. Zewen merci, pour l'instant, je suis encore trop paralysé par la terreur pour que ma raison rende les armes.
Le regard vide fixé sur la porte, je me demande amèrement ce que j'ai pu faire au Destin pour qu'il me traite d'une manière si particulièrement atroce. Si un jour, je le croise en vrai, je lui fais sa peau. J'opère une lente rotation pour scruter le restant de la pièce. Elle semble être vide, si ce n'est un squelette humain affalé dans une position grotesque et macabre sur un coffre en bois. Je retiens soudain un hoquet de frayeur: quelque chose a bougé dans le coin de la cellule!
Dans ce genre de décor d'horreur, on a toujours peur de se retrouver seul. Pourtant, seul, on ne risque rien. Là, à cet instant, je suis terrifié de découvrir que je ne suis pas seul. Un reste d'instinct de préservation me délivre en partie de ma tétanie, et j'accomplis cette plongée désormais familière au fond de mon être pour saisir mes fluides de glace. Juste au cas où...
D'une petite voix tremblotante (joker, j'ai le droit d'avoir peur cette fois-ci, hein!), je m'adresse à la silhouette dissimulée dans le coin et l'ombre, à quelques pas de moi:
« Vous... vous êtes qui? Et puis on est où, ici? »