Lillith a écrit:
Bogast reste modeste et se montre gentil avec moi, insistant sur la qualité de "ma contribution". Mes joues rosissent par le compliment.
(Jamais on ne m’avait mis en valeur ainsi. Même quand j’étais avec Lallydir, ma seule action me faisant honneur, c’était d’avoir vaincu un gobelin alors que les autres s’étaient occupé de la demi-douzaine restante nous attaquant…)
Un étrange sentiment m’envahit et j’ai du mal à l’expliquer. Nous reprenons l’ascension et je repense à tout cela en continuant de grimper sur les rochers. Je n’arrive as trop à expliquer la joie qui vibre en moi à ce moment, c’est comme un réveil brutal, après un trop long sommeil. C’est comme voir les couleurs irisées dans l’éclat d’un cristal après une vie grise. Je me rends compte au bout d’un moment que c’est la première fois que ma glace prend la forme d’une action bénéfique. Je repense aux paroles de Lothindil sur ce sujet et acquiesce, avec retard sans doute, mais je comprends enfin qu’elle avait vraiment raison sur ce point. En maîtrisant mieux ma magie, je peux être autre chose que destructeur… Et qui sait, je serais peut-être l’inverse au bout du compte, un conservateur, qui empêchera la destruction…
Voyant un cycle trop compliqué pour mon cerveau qui se retrouve moins oxygéné par l’altitude, je préfère arrêter là le lancement de mon raisonnement métaphysique et monte de plus belle. Très vite, mes pieds font crisser une neige tendre et ce son me rend si heureux que j’y retrouve une énergie nouvelle, salvatrice vu mon manque de sommeil. Oubliant tout prudence, j’escalade plus rapidement, me sentant enfin à l’aise dans la neige. Moi oui, mais mon corps parfois pataud supporte difficilement de tenir sur un sol mou et glissant que forme la couche de neige, trop fine encore pour qu’elle forme un appui quand on enfonce le pied. Je tombe à plusieurs reprises, m’accrochant en raclant de mes mains ankylosés la glace pour y trouver une prise. Mon enthousiasme se calme quelque peu et j’arrive à nouveau à suivre le rythme des autres qui finalement me dépassaient, ne perdant pas leur temps redescendre à chaque fois.
Nous arrivons enfin au sommet de la petite montagne, avec une épaisse couche de neige qui ravi mes yeux. Lothindil et Lelma s’occupe de garder le camp que nous commençons à installer et nous autres devons rester avec les cartographes qui s’éparpillent pour dessiner leurs cartes. J’entends alors l’elfe gris pyromancien demander de l’aide pour retirer une sangsue. Avant que je ne puisse chercher à savoir pourquoi la vermine est encore sur lui après un jour, il demande de le faire sans la tuer. Je comprends alors que cet imbécile a décidé de garder l’animal, si peu domesticable.
(C’est un ver des marais, il n’a rien à faire dans le sac de quelqu’un…)
Mais mu par un élan de générosité et de désir de servir, désireux de ressentir l’émotion qui avait suivit l’épisode des geysers, je me dirige vers lui en sortant un morceau de viande séché. Je gratte le dessus pour y récolter un peu de sel.
« Ne vous inquiétez pas, ça ne la tue pas, mais cette vermine déteste le sel… »
Je dépose le sel sur le corps gluant de la sangsue, grimaçant de dégoût. Celle est prise de quelques convulsions et finit par lâcher sa "proie".
« Voilà, elle va bien, encore… Je sais que ce ne me regarde pas, mais vous devriez vous en débarrasser, ça n’apporte rien de bien ces bêtes là. Mais si vous voulez bien vous en occuper, la rincer lui ferait sûrement du bien. Pour votre blessure, vous feriez mieux de la panser vite, pour éviter que l’écoulement de sang soit trop important, c’est plus prudent. »
Je m’éloigne et suis Cromax, Avéroès et Bogast. Je sais si c’est pour la présence aérienne et rassurante de Bogast qui me rappelle Lallydir ou le calme et la sagesse qui se dégage d’Avéroès, mais je vais à leur suite, profitant du même coup d’une vue magnifique sur le Sud, avec la côte par laquelle nous sommes arrivés au loin sur la droite. L'océan s’étend à l’horizon, face à nous, montrant son immensité presque terrifiante. Un roc énorme émerge de l'écume à proximité de la côte, comme une dent de requin, tranchante et impitoyable. Puis plus bas, La mer vient mordre directement le pied de la montagne. Je contemple le paysage tranquillement, me disant qu’un danger ne pourrait venir que d’en bas, l’endroit qui nous examinons tous depuis un moment.
Je m’assois dans la neige, puis très vite, me laisse aller et m’allonge complètement. Le délice des flocons qui fondent au contact de ma peau m’offre une telle jouissance que je m’étonne moi-même à me tortiller un peu. Au bout d’un moment, je me rends compte que ce n’est pas que ma chaleur qui fait fondre la neige.
(Ainsi, les suppositions des autres étaient exactes. Les geysers, le manque de végétation… Ce serait les signes que nous sommes sur un volcan furieux. C’est vraiment dommage quand la terre se fend pour laisser les flammes dévorer son manteau neigeux si magnifique et immaculé…)
Quand le crépuscule étant ses ombres, empêchant tout travail supplémentaire, nous revenons au camp et nous découvrons avec surprise 6 monticules de glace qui sont creux, permettant de nous loger dedans.
(Ca me rappelle les abris que nous creusions dans le flanc des pentes neigeuses quand nous étions trop éloignés de la maison pour rentrer avant la nuit. Je trouve cela fascinant, s’entourer de glace pour avoir plus chaud…)
« C’est magnifique ! Je félicite les auteurs de ce prodige. Nous allons passer une bonne nuit, c’est sûr ! »
C’est là que j’apprends que je n’aurais pas le privilège de dormir dedans, puisque j’étais de garde pour cette nuit. Je vais voir Lelma et lui dit tristement :
« Bien, nous voilà compagnons de fortune pour une nuit de veille. »