Suite à la question du génie déchu, Epardo ne trouva rien de mieux que d’affirmer que sa grande trouvaille, ces feuilles planquées dans des dossiers de sièges, était totalement inutile, puisqu’elle ne comportait aucune inscription… Je fronçai un instant les sourcils à cette nouvelle. Je savais que ça cachait quelque chose, même si je ne savais pas vraiment quoi… ou en tout cas, pas encore… Mais bon l’heure n’était pas à la réflexion, mais plutôt aux réactions hâtives : la Brute verte affirma de par une intuition venue d’on ne savait où qu’il ne restait rien dans les chaises, ni piège ni message, ni objets cachés.
Tout ça sous le coup de la colère provoquée par mes dires, une ire farouche et trop vite atteinte par le malabar de service, le bourrin musclé aux airs de sage. Fulminant tel un volcan, il s’approcha avec fureur de la porte où je m’esquintais à traduire patiemment un message dissimulé, avec prudence et discernement, quand ce mastodonte irréfléchi décida de gâcher mon travail avisé pour faire appel à des forces occultes, ou en tout cas arcaniques, pour déplacer avec une déconcertante facilité la poutre qui barrait la porte, sans même prêter attention au moindre piège, dispositif ou autres mauvais tour du propriétaire des lieux.
L’orque avait l’air calmé, mais le regard qu’il me jeta à cet instant ne me dit rien qui vaille : Il avait la rancune tenace, à n’en pas douter, et me proposa d’un ton sec et froid, bien que posé, que je ne devais pas méjuger… Ce à quoi je répondis par un mot bien placé :
« Oh non, si je vous avais jugé avec hâte, j’aurais vu en vous un sage calme et posé… Il est certain que je me serais trompé, Epardo. Mais merci de votre conseil, je vous le retourne de même : la sincérité n’est-elle pas meilleure alliée que le mensonge ? »
Oui, j’étais cru dans mes mots, mais au moins, je disais ce que je pensais, et bien peu ici pouvaient s’en gausser, à commencer par le silencieux Erow… à croire qu’il cachait son jeu parmi nous…
Mais une fois encore, l’heure n’était pas à de telles considérations : La poutre qu’Epardo venait de déplacer comportait, comme je l’avais deviné, un message. Je le lus avec analyse, et n’en compris pas grand-chose… D’une voix sourde, je répétai les mots gravés dans le bois…
« Ces dieux valsent mieux pour ceux qui sont cois, rire… Mais ça ne veut rien dire. »
Je fermai un instant les paupières pour me concentrer, et un afflux d’idées me vint :
« C’est un anagramme ! Il nous faut replacer ces lettres dans le bon ordre… Seulement sans plan pour y parvenir, ça peut prendre un temps fou… »
Un plan, il nous fallait donc un plan… Et quoi de mieux pour un plan qu’un morceau de parchemin. Rien n’y était visible, certes, mais ça ne voulait pas dire qu’il n’y avait réellement rien dessus : D’un pas alerte, je me dirigeai vers les trouvailles de l’orque, et m’emparai d’un des deux parchemins. Dans le même temps, j’expliquai avec flegme à mes compagnons mes déductions…
« Certains encres sont invisibles à l’œil nu… mais peuvent être révélées par la chaleur… Et pour quelle autre raison que cette chaleur un brasero aurait-il été mis ici ? »
J’espérais avoir vu juste, et approchai du braséro avec le morceau de parchemin, que je glissai par-dessus en prenant garde qu’il ne brule pas. Un plan pour décoder l’anagramme, voilà ce que j’espérais trouver… Au mieux, la réponse apparaitrait clairement sur la feuille… Rien n’était à perdre, et tout à gagner…
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- Selen Adhenor -
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