La méfiance était visiblement de mise parmi mes vis-à-vis. L’un s’exprimant par le verbiage et les interrogations, l’autre d’une manière plus claire, en encochant une flèche à son arc, sans un mot. Ainsi la seule chose qui semblait prédominer pour l’homme ténébreux était de connaître mon nom. Inutile demande en soi, à laquelle je consentis à répondre, de manière précise.

« Mon nom ? À quoi pourrait-il bien vous servir ? Je ne suis pas de vos connaissances, et vous ne savez rien de vos ennemis, ici. L’apprendre vous serait bien inutile, donc, à moins bien sûr d’arrêter de me suspecter et de faire de moi un allié… Je me nomme Selen Adhenor, et je viens de la sombre cité de Tulorim. J’y ai été arraché de force par un être encapé de noir pour finir ici, après quelques péripéties, sous vos yeux. Inutile de me préciser que votre situation est semblable, sinon similaire : c’est l’évidence même. »

Je laissai un temps d’intermède avant de poursuivre, toujours aussi neutre et flegmatique.

« Néanmoins je pourrais avoir inventé tout ceci, nom et identité, pour vous prendre au piège. Une chose est certaine cependant, je sais des choses sur cet endroit que vous ne connaissez pas. Pour le moment, il vous est donc plus utile de me préserver en vie, qu’importe qui je suis réellement. »

Mes yeux d’émeraude se posèrent sur le deux inconnus avec force détail. Aucun ne semblait blessé, je préférai donc garder pour moi mon petit secret de guérison pour l’instant. Il était futile de vouloir étaler tous mes atouts dès la première prise de parole.

« Mais… Vous n’étiez pas que deux, au départ. Si ? Que sont devenus les autres ? »

Puis, posant le regard sur le cadavre malmené :

« Est-ce l’un d’eux ? »

Puis, je me tournai une fois de plus vers l’homme sombre.

« En effet, la méfiance est de rigueur ici. Elle nécrose chacun de nous, et c’est elle qui m’a fait quitter mon précédent groupe. Ne pourrait-on donc pas, dans une certaine mesure, nous accorder une confiance momentanée ? J’imagine que le meneur de tout ceci jubilerait grandement si nous nous entretuions… Ne lui laissons pas ce plaisir. »

Alors que tu finis ton petit discours, tu vois l’œil de l’archère s’illuminer d’une lueur mauvaise et l’instant d’après, tu la vois armer son arc dans ta direction. Avec une précision fort impressionnante, elle décoche une flèche qui se plante à quelques pouces de ton oreille, dans le mur. Elle murmure dans le même temps avec une colère froide et sourde :

« Je n’aime pas ça… Vous savez à quoi vous en tenir si vous nous trahissez ! »

Puis, elle range son arc prestement et s’approche de toi, t’observant avec minutie. L’instant d’après, comme si elle était désormais une compagne d’aventure, elle te dit :

« Nous étions quatre et nous avons été séparé dans la salle précédente… où nous avons abattu cette chose que nous sommes en train de charcuter depuis une heure. C’est ce qui semble être dicté par la porte. Pour l’instant, nous sommes bloqués devant cette nouvelle énigme. »

Elle finit par traverser tes yeux d’un regard sincère, franc et déterminé, le tout avant de te tendre une main amicale en ajoutant félinement :

« Moi, c’est Gwaë »


(((syntaxiquement, c'est du Erfandir tout craché xD )))

Les discours provocateurs ont pour qualité de faire se dévoiler de manière certaine les caractères des gens, y compris s’ils désirent dissimuler celui-ci à la face du monde. Ainsi, je découvris à l’archère un fond impulsif et farouche, tout basé sur le doute et la suspicion, sans aucun fondement certifié. Le manque de réactivité de son partenaire ne me révéla hélas rien du tout : il pouvait très bien appuyer silencieusement les dires et menaces de sa collègue, n’y prêter aucun intérêt, ou réfléchir plus loin dans la manœuvre habile que je venais d’effectuer. Je devrais donc recommencer, d’une autre manière sans doute, pour en apprendre plus sur lui.

La flèche qui avait transpercé le mur m’avait fait sursauter, mais je savais pertinemment qu’il ne s’agissait là que d’un banal avertissement, et non une tentative belliqueuse sur ma personne. Si elle avait voulu me tuer ou me blesser, elle n’aurait pas manqué son coup. Cet indice supplémentaire affirma en mon être qu’elle doutait. Rien ne confirmait mon appartenance à un clan ou un autre, aussi avait-elle préféré la voie de la prudence me concernant. Ou celle de la lâcheté, au choix. Et ce fut cette seconde hypothèse que je retins momentanément la concernant, alors qu’elle me parlait comme si nous nous côtoyions depuis le début de cette mascarade morbide. Ainsi, j’en pus apprendre davantage sur le groupe qu’ils avaient formé initialement. Comme l’équipe dont je faisais partie, ils avaient débuté l’aventure à quatre, et s’étaient ensuite séparés suite à un combat contre le cadavre honteusement torturé qui stagnait là à quelques mètres à peine de la scène. Elle ne m’apprit rien sur les raisons du départ, ou du décès, des deux autres membres, et préféra remettre sur le tapis l’énigme de la porte, avant de se présenter le plus banalement du monde. Le paradoxe me fit rire intérieurement, et je répliquai sur un ton qui se voulait provocateur et mutin :

« Colère, amitié puis présentations, voilà une bien singulière suite. Prenez garde, car à l’avenir, il se pourrait que nous nous rencontrions ! »

[Suite dans le chapitre suivant]