Par Rana, désormais, c’est pour ainsi dire la condamnation d’une belle organisation telle que je l’aurais voulue, et chacun est maintenant parti dans sa propre lutte, l’unité que j’avais au départ espérée ne consistant désormais plus qu’en des stratégies élaborées à la va-vite afin de réagir au mieux aux assauts de nos adversaires au fur et à mesure que ceux-ci nous chargent impitoyablement, leur ardeur ne faiblissant pas malgré les pertes que nous avons commencé à leur infliger. Et à propos d’ardeur, j’ai bien moi-même la tentation de flancher en voyant que ce que j’avais pris au départ pour de stupides jouets mécaniques surdimensionnés semblent bel et bien être des entités tout ce qu’il y a de plus vivantes à en juger par l’expression de souffrance rageuse qu’arbore la femme-oiseau que je viens de gratifier d’une flèche dans le cou, celle-ci réagissant de manière bien étrange à mon tir, une de ses jambes se rétractant comme si je l’avais frappée au mollet au lieu de l’avoir plantée au niveau de la gorge. C’est à n’y rien comprendre ; et ce sang, ce sang qui jaillit de leurs crânes au fur et à mesure que nous les fendons, les broyons, les décapitons… que sont ces choses, bon sang de bonsoir, et dans quelle sorte de bataille avons-nous été plongés par la faute de cet ignoble Visage dont les agents sont décidément aussi malsains et déstabilisants qu’il l’est ?!
Ces questions sont sans aucun doute très pertinentes, et il serait de bon ton d’y réfléchir plus avant afin de parvenir éventuellement à dissiper un peu la brume d’inconnu effrayante qui plane sur notre quête depuis son commencement, mais l’ennui est qu’au cœur de l’échauffourée à laquelle chaque participant s’adonne à hue et à dia, je ne crois pas que les divers participants de ce combat seront d’accord pour que nous instaurions une mi-temps histoire de nous concerter bien gentiment. Ainsi, au lieu de laisser ma tête se remplir de questions toutes plus insolubles les unes que les autres, il est bien préférable que je continue de laisser parler la lame plutôt que le verbe, le premier instrument étant certainement bien plus utile pour notre survie que le second, les mots ne servant dans le cas présent qu’à nous lancer des recommandations les uns aux autres comme le fait depuis le début Silmeï. A ce propos, je ne peux m’empêcher d’être admiratif devant la hargne de l’aldryde bien que la situation ne se prête aucunement à se jeter des fleurs les uns aux autres, car il faut avouer qu’entre ses cordes vocales et ses ressources magiques, son énergie est diablement sollicitée, et il ne doit probablement tenir en grande partie qu’à un effort de volonté de sa part qu’il ne s’effondre pas sans autre forme de procès comme l’indique le timbre rauque de sa voix aux accents chargés d’une hystérie brutale bien compréhensible. Pour autant, le cryomancien n’en est pas moins redoutable à l’œuvre, ne cessant de projeter à droite à gauche ses mortels pieux de glace tout en vociférant à qui mieux mieux des instructions afin de coordonner nos actions comme il le peut au milieu d’un tel tumulte de violence.
En ce qui concerne justement la situation de notre lutte échevelée, les belligérants du Vaisseau-Lune (les gentils donc, hé !) se sont manifestement scindés en deux groupes, l’un étant constitué des deux magiciens, des deux colosses et de l’ambassadeur qui se montre décidément beaucoup moins branque que je ne l’aurais cru, le bougre prouvant que l’allure finement ciselée de sa dague est loin d’avoir pour unique but de faire joli, le tranchant de la lame courte s’avérant tout ce qu’il y a de plus performant pour perforer les carapaces d’acier de nos ennemies. En parlant de carapace d’acier, je peux voir que Gleol, à défaut d’être un orateur habile, est un combattant hors pair, la résilience dont il fait preuve ainsi que la puissance dévastatrice de ses moulinets de hache l’érigeant certainement au rang de meilleur combattant du pont… ou tout du moins, ce serait indubitablement le cas s’il n’y avait pas parmi nous Ergoth, le géant elfique faisant des ravages avec son énorme massue qui déchaîne entre ses mains des impacts à la puissance destructrice égale à celle d’une avalanche, le lourd outil pareil à une masse de démolition signant la défaite de son opposante en moins de deux. Quant à la Capitaine, elle n’est pas en reste puisque, comme par dépit de ne pas voir ses sorts être aussi efficaces au sein des étendues de Moura qu'au milieu celles de Rana, elle semble en déchaîner la puissance avec une intensité redoublée, ses traits d’ordinaire empreints d’une tranquille majesté arborant une rage saisissante à voir alors qu’elle passe au court-bouillon le crâne de métal de son adversaire, celle-ci n’appréciant guère ce traitement auquel elle ne devrait pas résister bien longtemps.
Mais fini de s’extasier sur la performance d’autrui ; il est temps que moi aussi je passe à l’action au lieu de rester les bras ballants avec mon arc dans les mains, surtout avec Dôraliës qui paye cher les graines de son étourderie, en récoltant les fruits sous forme d’une bonne tarte aux pruneaux dans la poire, l’elfe bleu paraissant toutefois avoir de la chance dans son malheur puisque aucun craquement ne retentit sous ce choc, signe que son appendice nasal a conservé son intégrité en dépit des dommages qui lui ont été infligés sous la main d’acier qui l’a cogné. Étant donné que je suis quelqu’un de charitable, je ne dirai pas que c’est bien fait pour lui et qu’il l’avait bien cherché, mais il n’empêche que cette torgnole devrait lui apprendre à tenir un peu plus ses velléités en berne et à se préoccuper un peu plus des autres au lieu de vouloir faire cavalier seul. Enfin bon, ce n’est pas une raison pour le laisser se faire massacrer par la créature qui a de toute évidence le dessus sur l’eàrion malheureusement pour lui beaucoup moins doué lorsqu’il s’agit de jouer de la lame de combat que de la flûte. Bien sûr, moi et Maelan avons nos propres soucis sous la forme de la harpie blessée qui nous fonce dessus avec la ferme intention de nous rendre au centuple ce que nous venons de lui infliger, sa patte traînante n’étant qu’un faible handicap comparé à la vitesse à laquelle ses redoutables ailes d’acier lui permettent d’aller, mais nous sommes trois contre deux opposants, et ce serait bien Thimoros que de se laisser déborder par une force inférieure en nombre ! D’ailleurs, grâce à Silmeï, nous connaissons désormais leur point faible, aussi ce ne devrait pas être si difficile pour moi que d’estoquer cette sale mécanique impie qui vient nous rentrer dans le lard : j’ai déjà réduit la tête d’une d’entre elles en julienne de mes propres mains, et même si ce n’est pas quelque chose dont je suis vraiment fier, je me sens apte à renouveler le fait d’armes sur une autre de ces dangereuses harceleuses tourmenteuses !
« Aidez-le, je m’occupe de l’autre ! » Interpellé-je Maelan en lui indiquant Dôraliës d’un signe de la tête, le maître musicien qui n’est pas maître d’armes ayant l’air d’avoir bien besoin du couvert d’un archer. « La tête, n’oubliez pas ! » Enchaîné-je presque malgré moi alors que je troque encore une fois mon arme de tir pour celle de corps à corps.
Cependant, il s’avère vite que contrairement au premier assaut que j’ai mené, il ne serait pas de bon ton que j’utilise le passe-garde étant donné que cette attaque a pour but avoué de frapper les régions inférieures de son opposant, la manœuvre ne se prêtant ainsi que trop peu à viser la tête de son adversaire comme cela sera pourtant nécessaire pour venir à bout de celui auquel je fais face ; sans mentionner que je suis toujours en train de nager à deux bons mètres au dessus du pont, ma situation de flottaison n’étant pas des plus pratique pour m’élancer comme je l’ai précédemment fait. N’importe, j’imagine qu’il va falloir me passer de subtilités de ce genre, et faire preuve d’improvisation : advienne que pourra, je ne peux de toute manière plus reculer maintenant que je suis déjà en train de battre des pieds en direction de l’entité d’acier, et de toute manière, nanti de la divine protection de Rana en la présence de son Ongle destructeur et de son Empreinte protectrice, je ne vois pas ce que je devrais craindre, quel que soit le danger !
« En garde ! » Défié-je mon ennemie, plus pour me donner une contenance qu’autre chose alors que je file vers elle, l’épée brandie dans le sifflement aigu mélodieux qui lui est coutumier.
Et justement, alors que je m’achemine dans sa direction, l’idée me vient que la meilleure idée ne serait pas de la prendre de face et de me confronter ainsi à ses ailes qui lui fournissent une protection plus que substantielle comme l’indiquaient les difficultés auxquelles était confronté Gleol dont la force de frappe n’est pourtant plus à prouver. Ainsi, au lieu de me précipiter devant elle, je fais de mon mieux pour orienter ma trajectoire marine afin de surplomber la créature et de viser ainsi plus commodément sa tête, activant mes jambes aussi vite que je le peux de manière à prendre la dame-oiselle au dépourvu avant qu’elle ne se rende compte de la position de vulnérabilité dans laquelle ma stratégie a pour but de la mettre, me dépêchant de frapper d’un bon coup d'estoc aussi habile et violent que possible tant que je peux espérer bénéficier de l’avantage d’une position surélevée.
[Attaque simple sur la harpie blessée. Ensuite, pour les points d’agilité restants, je continue d’attaquer la même. Si elle est vaincue et qu’il reste des points, je m’attaque à celle de Dôraliës. Si après ça, il reste encore des points, j’attaque la plus proche. (Avec l’épée ou avec l’arc, selon la distance à laquelle se trouve l’adversaire)]
_________________ Léonid Archevent, fier Soldat niveau 11 d'Oranan et fervent adorateur de Rana. En ce moment en train de batailler follement en compagnie d'une vingtaine d'autres aventuriers dans une gigantesque salle contre une humanoïde reptilienne géante au service d'Oaxaca, conclusion d'une rocambolesque quête.
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