Elrow a écrit:
A cet instant arrivèrent Sandro et Raesha, qui manquèrent de se prendre les pierres dans la face. Les ignorant, Ezak continua d'envoyer des cailloux dans les feuillages.
(Mais il espère que quelque chose va tomber du ciel ? Un perroquet peut-être ?)
Le guerrier m'éclaira: il avait vu quelque chose bouger là-bas. Quelque chose bouger ! Dans la jungle ! Inimaginable.
Et qui l'eut cru, un quelque chose tomba de l'arbre.
« Oh ! »
La chose tomba même très lourdement, avant de se dérouler devant nous. Et je vis qu'il s'agissait d'un humoran noir et habillé comme un pirate.
« Oh ! »
Cousin de Kafziel ? Un rapport avec sa disparition ?
Alors que la créature excitée s'avançait vers nous, un woran bondit des cieux avec un charisme stupéfiant. Il attrapa son demi-frère et le maintins en place. Je m'abstins cette fois de tout judicieux commentaire, ne pouvant que faire le rapprochement avec le woran mangeur de poisson de la plage. Mon regard se fixa sur le crâne se balançant au bout de la massue du charmant arrivant.
(Eh mince, on est chez les cannibales !)
Je souris nerveusement et reculai d'un pas. L'heure était bien à l'humour.
« Ne vous approchez pas ! Ne bougez pas ! Restez où vous êtes ! »
(Approcher ? Quelle idée ! Hum, il parle mieux que l'autre .. Un érudit sans doute ?)
Mon regard tournait en tous sens pour échapper au sourire de la tête de mort. Ce fut Naral qui répondit, impétueux à son habitude et peu impressionné. Sa réponse me fit sursauter; il semblait avoir prévu toutes ces rencontres.
Le woran blanc se rengorgea et se présenta comme le chef de son village.
(Notons: les worans ont des villages. Ca enlève de la sauvagerie ?)
« Nous cherchons l’entrée du temple… hihihi… Le temple sous la montagne, vous savez de quoi je parle… hihihi… »
Ma bouche s'ouvrit sans qu'aucun son n'en sorte; Naral faisait bien peu de cas de cette quête si proscrite sur le continent... Mais le woran réagit plutôt bien - notion très relative - : nous allions devoir prouver notre bravoure pour avoir les clefs !
(Euh, c'est quoi les critères de bravoure chez les worans ? Pouvoir se trimbaler avec des crânes humains ?)
Je retins un haut-le-coeur et suivit notre chef Naral qui suivait maintenant le chef des worans vers leur village. Mon regard accrocha notre étrange voleur, qui venait d'échanger quelques mots en catimini avec l'elfe.
(Ce n'est plus maintenant une question d'à qui faire confiance, mais de qui faut-il le plus se méfier !)
Le petit humoran noir, lui, ne parlait pas très bien. Il marmonna quelques mots d'une syntaxe douteuse, puis se tut sous la double étreinte de la poigne du woran et du regard de Naral.
« M.V. ? Mongoor Vlash… Je le savais… »
Naral laissa échapper ces mots, l'air grave.
(Euh ... J'ai loupé un truc, je crois.)
J'aperçus brièvement l'étincelle de folie qui avait brillé l'autre fois dans ses yeux. Ce nom ne le réjouissait pas, aussi je le retins.
« Allons, hâtons-nous ! Plus vite nous serons là-bas, mieux ça vaudra pour tous ! »
Nous partîmes donc pour de bon, sans le druide et sans Kafziel, sans les disparus et sans les morts. La chaleur de la plage n'était guère enviable à celle qui régnait dans la jungle. L'air humide nous étouffait et les arbres n'apportaient que peu de fraîcheur. De plus, les effluves stagnant dans notre groupe d'aventuriers transpirant dont ceux de deux bestioles à poils étaient vraiment déplaisants. Le chef woran ouvrait la voie, traînant son sous-fifre. Nous nous enfonçâmes dans les lianes et bientôt le chemin ne permit plus qu'une progression en file serrée. Je marchai derrière Tiniis, me glissant dans les failles qui s'ouvraient dans la végétation dense. Mes pieds souffraient peu, car le sol était largement recouvert de mousse; par contre mes bras et mes mollets raflaient pour chaque buisson et plante à épines. Nous prîmes le rythme, marchant en silence dans cette jungle jamais silencieuse. L'environnement devint familier: les choses humides, collantes, bruyantes, dans l'air sans vent et sans fraîcheur ne me perturbèrent plus. Je mettais un pied devant l'autre en n'attendant plus que d'arriver.
Soudain une odeur incongrue troubla la marche: une odeur de fumée. Aussitôt mon cerveau quitta le mode autonome. Nous arrivions au village.
(Enfin ! Le salut !)
En effet le boyau s'ouvrit bientôt, et nous atteignîmes le camp woran. Dans une clairière à ciel ouvert - du ciel ! -, une muraille de troncs encerclait de curieuses habitations sur pilotis. Chaque cahute avait la même ouverture ronde desservie par une échelle. Dans la palissade était une ouverture, gardée par deux worans armés comme pour une guerre et rayés de feu.
« Voilà mon village ! »
(Enchantée. C'est vrai que ça a l'air douillet. AHAHAHA.)
Je frissonnai. Il y avait certainement des hôtes plus charmants; nous n'étions pas au bout de nos peines, avec cette histoire de braves ! Nous étions tous arrêtés en ligne devant le village, et ce fut l'heure des boutades sur le goût de l'humain. Je m'éloignai un peu, ce sujet n'étant pas dans mes favoris.
Je rejoignis mes compagnons de fortune alors que ceux-ci pénétraient dans le village.
(Non, vraiment, c'est étrange un village de worans ...)
Partout des rayures et des canines, des griffes et des oreilles félines. Les regards n'étaient pas menaçants, juste curieux. Pas forcément rassurants, toutefois. Le chef nous amena dans une de leurs curieuses cabanes. C'était là, nous expliqua-t-il, que nous nous reposerions avant de prouver notre courage. Je ne retins que la première partie de ses mots: du repos !
Dans la pièce nous trouvâmes des fruits et .. de la viande crue, qui embaumait véritablement. Il y avait également des hamacs, objets divins dans l'un desquels j'allai comme Raesha sans tarder me loger. Je fermai les yeux et ne fis plus cas de l'entourage, tentant d'oublier pour quelques instants toute cette aventure, le village de carnivores où nous étions retenus et le guêpier dans lequel nous étions sûrement depuis le début. Après tout, les worans n'étaient peut-être pas des monstres de rudesse sans pitié ... Raash ... Mon sommeil tourna court. Je me redressai brusquement, l'image du premier woran me frappant de plein fouet.
Ses étranges mots me revinrent en mémoire alors que je me balançais dans le hamac. Se pouvait-il qu'il soit dans ce village ? L'hypothèse était peu probable: Raash avait une peur panique des humains.
Je pris le temps de réfléchir. J'étais peut-être un peu mieux informée que mes compagnons sur les habitants de cette île. Cela pouvait être un avantage, si je savais garder le secret.
Aussi je me levai, croquait un fruit au passage, et descendis prestement l'échelle de bambou. Je m'aventurai dans le village, observant les worans dans leur vie quotidienne, et à la recherche, peut-être, de celui de la plage. Je ne passais certes pas inaperçue, sentant glisser sur moi les regards des habitants.
(Voient-ils tantôt des humains autrement que dans leurs assiettes ?)
Je chassai cette pensée; nous semblions protégés pour l'instant.