Il y a vraiment des cas où j’aimerais avoir le pouvoir de voyager dans le temps, et ma situation présente en fait partie. En l’occurrence, ce ne serait non pas pour pouvoir échapper à l’étreinte des flots ni pour pouvoir prévenir mon moi du passé que plonger serait une mauvaise idée, mais simplement pour pouvoir, plus tard dans le futur, quand je saurai nager, revenir en arrière et me marrer un bon coup en me regardant gigoter comme un fou sous l’eau comme une taupe sous-marine prise de frénésie. Certainement, avec mes yeux fermés qui ne pourraient de toute façon rien y voir s’ils étaient ouverts, ma bouche étroitement close, mes membres se tortillant avec désordre, je dois faire un sacré clown, et ça doit faire un spectacle hilarant. Hilarant sauf pour moi qui suis en train de le subir, et qui ne sait plus à quel dieu me vouer alors que terreur, acharnement et auto réprobation se mêlent en moi en une mixture aussi confuse que mes gestes. De fait, ceux-ci se réduisent principalement à deux actions : sauter comme un fou lorsque je touche le fond de la rivière pour éviter de me retrouver réduit à l’état d’épave, et accrocher tout ce que je peux de mes mains pour avancer toujours plus… tout ça sans cesser de battre des jambes, évidemment.
Chaque boyau, chaque conduit, le moindre obstacle me donne l’impression horrible que je vais me retrouver dans la position d’un rat coincé dans une souricière, mais par bonheur, à chaque fois, il y a plus de peur que de mal, et en me laissant entraîner par le courant, mes mouvements et un soupçon de chance, je continue à l’aveugle mon hasardeux parcours, harangué par la présence de Minil’ toujours à mes côtés. De plus, élément positif, tout ce que je touche sur mon passage n’a toujours que la rugosité de la pierre ou la douceur gluante de quelque plante sous-marine, ce qui indique que le corps de Krochar ne traîne pas dans les parages, et donc qu’il a logiquement pu accomplir sain et sauf tout le parcours qui l’attendait. Ainsi, gonflé de courage par mon succès des premiers instants, je suis glacé de panique lorsque je sens la pression dans ma poitrine devenir de plus en plus forte et intolérable, signe que l’air que j’ai accumulé et qu’il va donc falloir que je trouve très rapidement la sortie de ce couloir souterrain si je ne veux pas me remplir de flotte ! Cette fois-ci tout bonnement affolé, je redouble encore de vigueur dans ma progression, malgré mes muscles qui me donnent l’impression d’être peu à peu remplis de plomb fondu tant ils me lancent. J’aurai tout le temps de reprendre mes forces après, mais pour le moment, si je ne me grouille pas, ce sera au repos éternel que j’aurai droit ! Les dents toujours serrées, je ne peux m’empêcher de laisser échapper un peu du gaz vital que j’ai emmagasiné, celui-ci voletant de ma bouche sous forme de petites bulles que je sens me caresser les lèvres alors qu’elles volètent autour de mon visage. Et là, réflexe malheureux, j’inspire connement de ce satané liquide qui m’entoure, et voilà et voilà qu’aux spasmes de mes gesticulations viennent s’ajouter ceux de ma gorge qui crachote piteusement, faisant battre mon cœur encore plus vite devant ces premiers signes d’asphyxie.
Les quenottes toujours serrées autour de mon bagage au point de me faire mal à toute la mâchoire, je puise alors dans toutes les forces auxquelles je peux faire appel, poussant à pleine puissance sur mes jambes et m’agrippant à tout ce à quoi je peux m’agripper pour accélérer mon avancée. Sur mon passage, mes mains mes bras, mes jambes, mes pieds s’écorchent contre la roche irrégulière, mais bon sang de bonsoir, mon salut vaut bien quelques petits bobos ! On dit que la peur donne des ailes, mais dans mon cas, ce serait plutôt des palmes tant j’atteins des vitesses de nage –ou plutôt de ricochets en fait- qui me surprennent étant donné mon inaptitude en la matière. Et c’est ainsi qu’au bout du compte, je finis par arriver au sens propre au bout du tunnel, jaillissant tel un poisson hors de l’eau avec un peu éloquent « Beuuarh ! », ruisselant d’eau, pantelant et momentanément hors service, mais bel et bien vivant ! Sitôt que j’ai émergé, je jette mon sac aussi loin que possible de l’eau avec les maigres parcelles d’énergie qui me restent, puis je m’effondre dans un râle de soulagement, savourant avec volupté l’air que je peux de nouveau absorber en toute liberté.
A mes côtés, je peux voir Krochar qui semble en mauvaise posture, son air torturé ainsi que les tremblements de la chape de ténèbres qui l’entourent semblant indiquer que l’esprit lui fait encore des misères. Je ferais bien quelque chose pour lui, mais honnêtement, même si j’étais potentiellement capable de l’aider à lutter contre le machin démoniaque, je suis pour le moment trop vanné pour lui porter assistance : ce genre de trucs, ce serait plutôt du ressort de Glaya. Glaya ?! Nom de nom, je n’avais même pas pensé à elle, imbécile que je suis ! Sitôt que je me rends compte de l’absence de la paladine qui étant pourtant juste derrière moi, je me remets maladroitement sur mes pieds, et m’appuyant sur un pan de roche, j’ahane à plusieurs reprises son nom pour attirer l’attention de mon gatch bratty, celui-ci étant malheureusement un peu trop occupé par ses problèmes personnels pour prêter beaucoup d’attention à ce qui l’entoure. Torturé d’angoisse, j’inspire à toute berzingue pour reprendre du poil de la bête aussi vite que possible, tripotant en même temps les différentes pièces de mon équipement pour m’en défaire et être ainsi d’autant plus léger pour aller à la rescousse de la dame rousse. Je sais bien que c’est très certainement parfaitement inutile puisque je nage comme un fer à repasser, mais y’a pas trop le choix : sans elle, notre pauvre garzok est dans les choux, alors si on la perd, c’est pas un mais deux membres de l’équipe qu’on a en moins !
Mais en fin de compte, fortuné dénouement puisque alors que je sonde du regard les eaux avec angoisse, je finis par y discerner une masse de couleur orangée, masse qui s’avère être celle de cheveux, cheveux qui s’avèrent être ceux de notre compagne, laquelle émerge péniblement du bassin aqueux, saluée par une exclamation de joie que je ne peux m’empêcher de pousser.
« Viens ! » Intimé-je à Krochar qui semble maintenant se sentir mieux.
Et c’est ainsi que, pataugeant dans l’eau, je vais à la rencontre de la rousse, empoignant prestement un de ses bras pour le placer sur ma tête et ainsi lui servir de support, la guidant tant bien que mal en terrain sec tout en me confondant en excuses auprès de Glaya pour l’avoir entraînée aussi étourdiment dans la traversée de la rivière.
_________________ J'ai décidé d'être heureux, parce que c'est bon pour la santé! _____________________________________________ Jakadi, voleur gobelin niveau 4 so unique en son genre vous salue bien. Bilan de la quête 18 : Buffet maritime gratuit , une tenue très tendance (merci beaucoup GM17 ), 1er contact avec les indigènes, découverte des spécialités culinaires locales , rééquilibrage de la balance des possessions Shaakts/Sektegs, tatanage de torkin (c'est une CC messieurs-dames!), un ventousage d'urgence , une obtention de balalaïka , une razzia sur des restes de bataille, du matraquage d'araignées géantes , la perte d'une bonne partie du groupe , un affrontement avec un esprit des ténèbres , un fort agaçant diseur d'énigmes , un combat contre une troupe entière de garzoks, de l'apprentissage de CCs par zigouillage d'araignée .
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