Pendant un premier temps, je peux voir la paladine se redresser d’un air guindé, s’apprêtant certainement à m’envoyer promener pour ma vénalité apparente, sa mine se faisant sévère alors que je m’apprête à me faire sèchement réprimander. Pourtant, il n’en est rien, car après un temps de réflexion, elle finit par acquiescer presque à contrecœur devant le bon sens de mes arguments, me grommelant de se hâter avant de se mettre à la besogne que je lui ai assignée. De mon côté, je suis occupé à mon boulot de trifouillage de serrure. Comme chacun le sait, les crocheteurs savent faire preuve de la plus grande habileté du monde, se montrant capables de s’accommoder des instruments les plus rudimentaires pour venir à bout de toutes les serrures, peu importe leur complexité. Le problème étant que je suis loin d’être un roublard émérite, je dois avoir recours à des techniques plus simplistes, me contentant en l’occurrence de ficher la tête de ma pioche dans la serrure du premier coffre pour ensuite peser sur le manche de l’outil de tout mon poids.
Bien que peu élaborée, mon inventivité se voit rapidement récompensée, car avec un disharmonieux « Shkprang » métallique, le couvercle saute soudainement, révélant au grand jour une petite dizaine de fioles au contenu curieux qui tressautent sous le choc avant de revenir à leur immobilité initiale. Aussitôt, je me penche sur ces intrigantes trouvailles, prenant délicatement par le goulot un de ces récipients rempli d’une étrange substance bleu ciel dont les parois se révèlent étrangement froides au toucher, créant un petit voile de buée sur les parois de verre. Ma curiosité éveillée, je remue légèrement ce flacon, faisant doucement ondoyer la substance d’aspect sirupeux qu’il contient, sans en être pour autant plus éclairé sur sa nature.
(Kezako ? - Un fluide. De froid plus précisément. - Sans rire ? Ca se met en bouteille ça ? - Comme tu peux le voir. - Et c’est ça qui permet aux magiciens de refaire leurs réserves ? - Pas seulement. Ca accroît aussi leur capacité à emmagasiner de l’énergie.)
A cette mention, une idée me vient aussitôt à l’esprit qui ne manque pas de me rendre aussitôt fébrile, m’agitant d’irrépressibles sentiments d’excitation alors que je contemple d’un œil émerveillé ce concentré de magie pure. Ce serait si simple ? Moi, Jakadi, qui n’ai pas plus de pouvoirs qu’un asticot, j’aurais juste besoin de boire ces étranges breuvages pour ensuite être capable de jeter des sorts à tout va ? Rien qu’à cette pensée, des frissons presque douloureux me parcourent le corps, mon enthousiasme m’incitant à me jeter sans plus tarder sur ces promesses de talents nouveaux afin de les consommer tous et de m’ouvrir ainsi la voie vers de nouveaux arcanes sensationnels.
(Hé, hé ! Minute papillon. - Hum, j’imagine que c’est pas si facile que ça. Mentionné-je après mûre réflexion, commençant déjà à redescendre de mon pic d’exaltation à la pensée tristement sensée qu’on ne se fait pas jeteur de sorts aussi facilement. - Et oui. C’est pas tout le monde qui peut absorber des fluides. Et toi… et bien… - Moi quoi ? M’enquiers-je, surpris par l’hésitation que je perçois dans le ton de ma fidèle amie. - Dans l’état actuel des choses, non… mais potentiellement, oui. - Hein ? Comment ça « potentiellement » ? Faut que je fasse quoi ? - Ça, je ne saurais pas te dire. Il doit y avoir un déclencheur, ça j’en suis à peu près sûre, mais je sais pas quoi.)
Rien qu’à cette pensée, à cette promesse, si lointaine puisse-t-elle être, d’horizons peuplés d’enchantements fabuleux, mes espoirs reviennent à la charge, faisant apparaître sur mon visage ce qui doit compter parmi les plus stupides sourires de toute l’histoire. Pendant quelques secondes, je rêve de sortilèges fantastiques, de rituels abracadabrantesques, de dons incommensurables… bref, de toutes sortes de choses qui seraient davantage à leur place dans un livre de contes de fées que dans l’esprit d’une personne sensée. Pourtant, je ne peux m’empêcher de caresser une telle éventualité avec ravissement, me promettant en fin de compte solennellement que, nom de Yumni, je ferai tout ce qu’il faudra pour faire apparaître en moi la capacité à manifester ces étranges pouvoirs si fascinants qu’il m’a déjà été donné de voir à l’œuvre avec toujours au cœur ce pincement de ne pouvoir me sentir capable d’égaler de tels prodiges. Toutefois, je n’ai garde de me laisser emporter par ces mirifiques projets : présente dans mon esprit, Minil’ est là, et je sens bien que si je pars dans des chimères telles que celle-ci au lieu de me concentrer sur notre quête en cours, je ne vais pas manquer de me faire sévèrement tancer par l’avisée fée. Ainsi, prenant sur moi, je repose l’objet que je tiens en main dans son emplacement d’origine, et, faisant preuve d’un sage sens de la mesure, je décide après une rapide délibération avec ma feara de ne prendre avec moi que ces deux fluides bruns à la texture apparemment granuleuse (des fluides de terre selon elle). Les autres éléments ne me reviennent après tout pas trop, les forces telluriques gardant bien entendu ma préférence tant elles me sont familières après tant d’années passées à crapahuter dans leur sein. D’ailleurs, des fois que je me retrouverais à vagabonder loin des contrées souterraines de ma jeunesse –non pas que ce sera de refus hein-, ces petits concentrés de puissance terrestre devraient me réconforter et me redonner du cœur à l’ouvrage… au pire, ils feront de bons porte-bonheur quoi !
Malgré ma résolution à assumer ma condition, ce n’est pas sans regrets que je détourne mon attention de ces précieux trésors magiques, laissant échapper un soupir alors que je reprends ma pioche en main, allant m’affairer sur le second coffre qui, espérons-le, aura un contenu aussi intéressants ! Encore une fois, c’est la même manœuvre : on insère la tête de pioche bien comme il faut, on appuie de toutes ses forces, et *Schkrung* ! Heu… « Schkrung » ? Mon visage contracté sous l’effort se décomposant sous la déconfiture, je tourne les yeux vers l’extrémité métallique de mon outil pour découvrir non sans affliction que celui-ci, sans doute de mauvaise facture et soumis à de trop fortes pressions, s’est cassé. Une bonne vingtaine de centimètres du pic de fer s’est vu arrachée d’un coup sec, et le pis est que lorsque j’essaie de la retirer de l’orifice dans lequel elle a été enfoncée, elle se révèle y être totalement, irrémédiablement et désespérément coincée. Le manque de pot sur toute la ligne quoi.
Maugréant, j’envoie balader le reste de cet engin de crochetage de fortune avec mauvaise humeur, lequel rebondit sur la grosse cassette de bois brut avec un *Thoc* mat avant d’aller se perdre dans le bric-à-brac de la pièce. En parlant de ça, voilà que des nouvelles plus réjouissantes arrivent puisque Glaya revient au rapport de ses investigations, nous faisant l’inventaire de ses trouvailles avec la concision et le professionnalisme qui lui sont coutumiers lorsqu’elle n’est pas perdue dans ses visions morbides. De son examen, on peut retirer en gros les choses suivantes : anneaux et bracelets, pas bien ; ceinture, pas bien du tout ; collier, bien ; bague et bracelet bizarres, très bien. Aussi perplexe qu’intrigué, j’observe avec attention cette brocante pour le moins originale, plus particulièrement les éléments que le paladine tient dans sa main, me perdant en suppositions sur ce que peut être leur origine, leurs pouvoirs, la raison de leur présence ici, etc. Et pendant que je suis en train de rêvasser, Krochar, lui, n’est guère long à délibérer, déclarant pouvoir se satisfaire de peu avec seulement deux des objets parmi les plus bénins. Aussitôt, je m’apprête à lui faire la remarque que pour la suite des évènements, nous aurons certainement besoin de plus de puissance que ce que ces bijoux peuvent nous en offrir, mais je me ravise, me faisant la réflexion qu’après tout, il est assez grand pour savoir ce qu’il veut, et que ce n’est probablement pas en lui collant aux basques que je lui rendrai service. Me contendant donc d’un « D’accord. » entendu alors qu’il s’éloigne en direction de la rivière, j’en reviens au reste de nos petites acquisitions, finissant par déclarer :
« Je vais prendre ça. »
Ce disant, je prends en main le collier de facture de facture plus que modeste qui ne peut qu’aller de pair avec le zigomar peu reluisant que je suis. Tout en me le mettant au cou, je ne peux toutefois m’empêcher de me demander ce que c’est que ce Faitos que Glaya a mentionné et qui ne me dit rien, ce qui n’a rien d’étonnant étant donné le peu d’ouverture d’esprit dont les sektegs sont coutumiers.
(C’est le dieu de la mort. - Hein ? C’est pas Thimoros ça ? C’est un autre de ses noms ? - Non, c’est son frère. - Hein ? Répété-je bêtement, ayant du mal à me représenter une fratrie de dieux, surtout de dieux de la mort. - … je t’expliquerai plus tard. Concentre toi sur ce qu’il y a à faire pour le moment.) Finit par me répondre Minil’ après un moment, la demoiselle semblant juger que le sujet mérite d’être davantage approfondi qu’en l’espace de quelques secondes.
Si c’est la faera qui le dit, c’est que c’est vrai, alors autant faire selon ses directives ! Ne discutant donc plus, je me passe donc le colifichet au cou, faisant confiance à l’instinct, la prudence et la justesse de jugement de ma compagne rousse pour ne pas m’avoir involontairement mis dans la panade. Au passage, on pourrait se demander pourquoi j’ai choisi cet objet de peu de valeur alors que d’autres plus puissants étaient à disposition. La raison première est que s’il s’agit bien d’un truc qui fait de la divination, il vaut mieux qu’il agisse sur quelqu’un comme moi que sur la pauvre humaine qui a déjà fort à faire avec ses crises de folie : lui ajouter des capacités oraculaires ne ferait que la déstabiliser encore plus. Quant à la seconde raison…
« Il vaut mieux que vous gardiez ceux-là. » Dis-je à la donzelle en posant ma main contre celle de Glaya pour refermer la sienne sur les bijoux magiques qu’elle tient. « Vous vous mettez toujours en première ligne, alors il vaut mieux que vous soyez aussi bien équipée que possible ! » Avec un sourire ponctué d’un hochement de tête catégorique, je poursuis et conclus. « Et puis bon, vous les méritez bien après tout ce que vous avez fait pour nous. »
Voilà qui est dit sans la moindre trace de mensonge ou d’hypocrisie, et si ça ne suffit pas à la décider à s’approprier ces artefacts, j’ai toute une poignée d’autres justificatifs à lui exposer si elle veut ! C’est qu’avec la perte d’une bonne partie de l’équipe de base (pourvu qu’ils aient pu s’en sortir d’ailleurs !), on est bien seuls désormais, alors autant faire preuve de camaraderie, surtout si ça ne peut qu’aller dans le sens de l’efficacité de notre groupe plus que jamais prêt et paré à aller franchir la Porte des Rêves pour bondir à la rescousse de la Dame du même nom !
_________________ J'ai décidé d'être heureux, parce que c'est bon pour la santé! _____________________________________________ Jakadi, voleur gobelin niveau 4 so unique en son genre vous salue bien. Bilan de la quête 18 : Buffet maritime gratuit , une tenue très tendance (merci beaucoup GM17 ), 1er contact avec les indigènes, découverte des spécialités culinaires locales , rééquilibrage de la balance des possessions Shaakts/Sektegs, tatanage de torkin (c'est une CC messieurs-dames!), un ventousage d'urgence , une obtention de balalaïka , une razzia sur des restes de bataille, du matraquage d'araignées géantes , la perte d'une bonne partie du groupe , un affrontement avec un esprit des ténèbres , un fort agaçant diseur d'énigmes , un combat contre une troupe entière de garzoks, de l'apprentissage de CCs par zigouillage d'araignée .
Dernière édition par Jakadi le Sam 17 Avr 2010 01:32, édité 1 fois.
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