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Fier comme un paon de ma dernière apostrophe, j’avançais avec vigueur vers le centre de la salle immense où j’étais toujours seul. Cependant, derrière plusieurs des autres portes, j’entendais des genres de rouages, symboles d’antiques machineries qui permettaient sans doute à ces satanées portes de s’ouvrir. Bientôt, je ne serais plus seul face à ce démon tentaculaire. Bientôt nous pourrions peut-être affronter cet être qui n’avait fait que semer la mort et la désolation dans nos rangs depuis le début de cette trop longue aventure. J’avais rêvé de guerre, de combats, d’héroïsme et de souffrance mais désormais je comprenais le vrai sens de ces choses et je ne les désirais plus.
Mais qu’étais mon désir face à une mort qui semblait tellement imminente ? Une quelconque futilité auquel il ne fallait plus accorder d’importance. Aujourd’hui, l’important était de purifier le monde d’un enfant des enfers et faire resplendir la grandeur de ma déesse haut dans les cieux.
Mais pourtant, son visage face à mes cris et mon jet de violence inouï ne le fit qu’à peine tressaillir. Il semblait impassible comme s’il me dédaignait moi et ma colère aveugle, comme s’il ne me considérait pas assez fin pour entendre raison face à ses arguments valables. Peut-être même avais je moi-même perdu la raison car un tel emportement ne me ressemblait plus et je ne fonctionnais qu’avec une logique vengeresse. Cet être était peut-être mauvais, mais je ne cherchais plus à le juger dans la sagesse de ma déesse mais je réclamais simplement une vengeance sanglante et barbare qui s’opposait à toutes mes saintes croyances… Comment avais je pu laisser mon esprit dériver jusque là ? Comment avais je pu dériver jusqu’au porte de la déraison et du laisser-aller ?
(Reprends-toi, Erfandir ! Ne laisse plus la haine pénétrer ton cœur si facilement… Gaïa ne peut plus tolérer de pareil écart de la part de ses plus fidèles serviteurs. Il faut agir avec parcimonie et raison, et ne pas laisser la fougue prendre le dessus sur la réflexion.)
Tandis que mes résolutions intérieures était prises et que je posais un regard nouveau, non plus haineux mais sévère, sur le nécromant, celui-ci finit par reprendre, comme s’il m’avait tout ce temps attendu :
« Je ne sers pas Phaïtos, ni même Thimoros…Et je n’ai moi-même jamais porté la main sur aucun de vous…Elles ne m’appartiennent pas, et ne m’ont jamais appartenues. »
A ces paroles, mon premier réflexe fut de jeter un coup d’œil sur Ferveur, inquiet de savoir à qui ces armes appartenait réellement ou si le nécromant mentait, tentant un dernier tour de passe passe avec mon esprit déjà éprouvé.
Cependant, j’avais cru déceler une pointe de sincérité et de lassitude dans sa voix, comme s’il savait que je me trompais et qu’il face à une montagne qu’il faudrait escalader pour nous convaincre. Rude ascension l’attendait, il en faudrait plus pour m’amadouer. Oaxcaca ne servait aucun des dieux sombres et était bien plus vile, les paroles de cet homme pouvait être un poison à l’allure d’antidote. Pourtant je ne savais que répondre à tant d’implacables paroles car elles étaient plutôt sensées et réfléchies et ne semblaient souffrir aucune contradiction.
( Ne jamais nous avoir touchés ? Et que faites vous de Torald et de Jerth ? Je veux bien vous croire pour les bestioles à notre arrivée à la citadelle, mais que faites vous de nos deux compagnons ? Sont-ils morts en vain ? Peut-être oserez-vous dire que ce n’est pas votre magie qui blessa Aalys et qui mis fin à l’existence d’un ami ? Vous êtes ridicule de croire me faire gober ça nécromant. C’est impossible, complètement impossible pour moi de croire une telle chose.)
Comme pour me rassurer d’un doute qui s’immisçait malgré moi dans mon esprit, mes mains se serrèrent sur ma crosse et Ferveur. J’avais décidé de garder cette arme, quel que fut son origine, il me faudrait l’utiliser avant la fin, j’en étais intimement persuadé. Même si les paroles à ce sujet de mon grand ami le marionnettiste étaient plutôt énigmatiques…
Mais, en laissant le bénéfice du doute à cet homme, si lui ne nous avait pas attaqué, qui donc était derrière tout ça ? S’il était acteur d’actes bons, que faisions-nous ici ? Si toutes ses paroles étaient vraies, que faire désormais ? Quel était mon rôle dans cette immensité irréelle ? Voilà la seule question qu’il me fallait désormais poser. Et c’est ainsi que j’entamai d’une voix plus conciliante mais toujours empreinte d’une certaine animosité, je n’avais aucune confiance en lui :
« Alors qu’attendez vous de n… »
C’est alors que je m’interrompis, surpris de ma bêtise à des questions aussi franches et évidentes. Je ne ferais que tomber dans le sombre jeu psychique de cet être qui avait déjà tout préparé pour m’emberlificoter encore plus dans les méandres de son esprit tortueux. Mais ce n’était pas tout, un grand bruit avait attiré mon attention ailleurs, celle du nécromant aussi d’ailleurs. D’autres portes que celle dont je sortais venait de s’ouvrir avec fracas, et des hommes et des femmes en armes sortaient tous de ces différentes entrées.
Au plus loin de moi, je vois des elfes apparaître ainsi qu’un humain et une étrange créature métallique. J’en entends un apostropher le nécromant tandis que d’autres s’avancent, pareil à moi, vindicatif vers lui. Il semble être des aventuriers semblables à moi. Serait ce les occupants du bateau elfique ? Serait là le but de cette aventure ? Nous regrouper tous en ces lieux, tous les participants des différents bateaux ? Serions-nous donc tous les pantins de cet être ? Ainsi c’était son but, nous regrouper…
De la porte à côté, je pus voir apparaître sortir une étrange compagnie d’hommes et de bêtes. Un homme blond, à côté d’un gaillard casqué et d’un Shaakt énervé. Ceux là tenait aussi compagnie à deux femmes chacune accompagnée d’un animal de compagnie. L’une d’un aigle, l’autre d’un ours. Etrange apparition dans les profondeurs de océans mais de quoi fallait il être désormais surpris après tout ce que nous avions vécu. Tout était possible pour la magie du marionnettiste, nous n’y pouvions rien. Mais surtout, à leur côté, je vis un être que j’avais vu s’embarquer sur l’Echangeur, la chose que j’avais juré de juger dans la foi de Gaïa, l’ignoble que j’avais vu tuer un enfant dans la folie générale du port de Kendra-Kar… Mais ne fallait-il pas faire preuve de clémence dans ce mouvement de folie générale ? Ne serait s’opposer à Gaïa que de décider de châtier tout les pécheurs dans le sang et la guerre ?
Il y avait donc les participants de l’échangeur et du vaisseau-lune si mes déductions étaient bonnes, et je risquais de ne pas voir de participant du vaisseau noir vu son état actuel. Il manquait donc les pirates, les nains, et ma propre équipe, les Kendrans. Peut-être servions nous d’uniques représentants du navire avec ma partenaire mais cela ne me rassurait guère.
C’est alors que je vis un nain parmi les elfes, chose plutôt inexplicable et étrange au vu de leur relation, et je renonçai dès lors à voir l’arrivée d’une équipe naine. Je me concentrais donc sur les deux portes ouvertes vers lesquelles je me rapprochais doucement. De l’une, je vis avec stupeur sortir mon ancienne équipe accompagné de pirates. Raek, Aalys et Antariasi nous rejoignait avec deux femmes, un nain et un boiteux. Cela semblait terriblement inquiétant mais il ne fallait pas s’en offusquer. Nous étions ici dans un même but, comprendre !
Je fis un rapide geste à Jena de la tête pour essayer de lui signifier que j’allais aller rejoindre notre bout d’équipe, pour que l’union face la force. J’espérais que ma compagne ne serait pas trop déstabilisée par la mort d’un être aussi cher qu’un père… Je ne pouvais que la comprendre après avoir perdu Darek. Il était ignoble de voir partir les gens que l’on aime sans pouvoir rien y faire et de voir que nous, dans notre incompétence, nous restions vivants…
Tandis que je passais devant la porte ouverte qui me séparait du reste des participants de l’Aigle, je vis que les deux absents finissaient d’arriver. En effet, Logan et Angharad sortait tous deux d’une sorte de bouche d’égout et commençait à parvenir dans cette immense salle. Ainsi donc, nous étions de nouveau au complet…
( Je n’avais plus envie de me battre à vos côtés amis, mais je m’en excuse, j’avais besoin de vous. Ici, vous êtes les seuls en qui je peux placer ma confiance. Il nous faut nous unir dans cette nouvelle épreuve inconnue qui va nous attendre. Seul, je ne pourrais y arriver, mes forces me quittent, j’en ai assez de me battre pour tant de futilités…)
Mais alors que j’avais réussi à monter les deux marches qui me séparaient de mes compagnons et qu’il ne me restait plus qu’à marcher vers eux, la voix titanesque du nécromant retentit de manière dévastatrice, annonçant le début d’une fin prochaine tandis que les portes gigantesques se ferment sur les pauvres aventuriers. Mais quelle fin, bonne ou mauvaise, ça je n’en savais rien !
«… Il faut que vous compreniez que je ne suis pas responsable de tout le mal qui a été fait depuis le départ de Kendra Kâr n’est pas de mon fait. Remontons dans le temps, si vous le voulez bien… »
( C’est ce que j’attendais, expliquez nous donc toutes ces incohérences… Mais soyez convaincant, je ne me contenterais pas d’une morne histoire où vous seriez la grande victime. Seule la vérité pourra parvenir à briser mon armure de haine, nécromant. Car elle est toujours présente, soyez en assuré !)
Et sur ces mots, je vois dans mon esprit les douloureux moments de mon aventure se fixer pour ainsi redécouvrir nos erreurs et les expliquer… Il me fallait comprendre désormais et faire le deuil de mon incompétence…
«Je ne suis en rien responsable de l’attaque de l’Aigle des Océans par les squelettes venus de la mer. Je manie bien les arts sombres de la nécromancie, beaucoup l’ont deviné, mais ce n’étaient pas mes squelettes qui massacraient l’équipage Kendrans. J’ai pris de gros risques ce soir là en me dévoilant, mais si je l’ai fait, ça n’était que pour affaiblir les morts-vivants qui vous attaquaient…
Et enfin, je n’étais pas non plus responsable de cette décharge de haine sur le port de Kendra Kâr, cette rage meurtrière qui vous a tous absorbé… Compagnons, rejoignez-moi, et expliquez aux vôtres… »
( Ainsi soit-il…)
Et de chaque camp, je pus voir un être s’avancer et se tourner vers ses compagnons. Je plaignais cet homme qui devait vivre un grand moment de solitude désormais. Cependant, je fixais mon attention vers mon groupe pour enfin comprendre et je vis avec une surprise non feinte que parmi nous aussi il y en avait un… Ce n’était donc pas Jerth, il avait juste été le pantin du nécromant, lui permettant de venir ici… Ainsi donc, c’était Raek le beau parleur, l’électromancien de talent qui me fascinait tant par sa maitrise et son calme. L’un de ceux à qui j’avais depuis quelques temps déjà offert ma confiance. Ainsi donc, lui était le traître tant cherché…
Ce marionnettiste se jouait de nous, comment croire toutes ces bonnes paroles après tant de mal ? La mort de Torald aurait été un accident ? Raek aurait été un traître depuis le départ ? Ce nécromant aurait été là pour nous aider le soir de l’attaque ? Et derrière tout ça, il y aurait eu un geôlier ? Un être plus puissant encore que celui qui réclamait notre aide, quelqu’un capable de l’enfermer et le tenir prisonnier de ces lieux ? Trop de suppositions qui accablaient mon esprit de questionnement incessant, j’en avais marre de devoir me fier à des hypothèses et à juger en ne connaissant que la moitié des événements. Je désirais la vérité, simplement la pure vérité, voilà tout.
( Il faut donc aller la chercher là où elle se trouve… Raek, tu va devoir parler plus qu’à l’accoutumé !)
Et sur ce, je me dirige prestement vers mes compagnons qui commencent à discuter. Je vois le visage d’Antariasi qui semble compréhensif à la situation actuelle de Raek. Lui ne me voit pas arriver, je suis dans un angle mort. Je ne peux que surprendre ses dernières paroles tandis que je finis le trajet pour rejoindre mon groupe.
« C’est la première fois que je le vois réellement, dans sa prison éternelle. Je répondrai aux autres questions par une seule réponse : Jerth Longargent était le Marionnettiste, ou plutôt il lui avait prêté son corps, le temps d’un voyage, avec son consentement, afin qu’il puisse nous mener jusqu’ici. C’est sous la forme de Jerth que, dissimulé sous une cape, il nous a aidés sur le pont… Et le corps de notre capitaine git désormais aux pieds de sa fille, là-bas… »
Une certitude que j’avais déjà, cela ne me servait pas à grand-chose de ressasser ce que je savais déjà. Arrivant à hauteur, je posais la main sur l’épaule de l’électromancien et m’adressa tant à lui qu’à mes autres compagnons, signalant mon retour. Il faut dire que j’avais forcé le côté triomphal de mon retour :
« Compagnons, il est bon de vous retrouver. La route a été éprouvante pour Jena et moi pour parvenir jusqu’ici… Mais ce n’est pas le plus important, il nous faut désormais mettre fin à tout cela. De quelle manière je ne le sais pas… Je n’ai aucune confiance en ce nécromant, il n’a fait que tromperie et mensonge jusqu’à lors. Cependant, ce soir là, le soir de l’attaque, j’ai senti votre magie me protéger Raek, et depuis je vous ai accordé ma confiance. Si vous pensez qu’il est digne de votre confiance, je veux bien faire un effort et essayer de comprendre… Mais il me faut plus d’explication, qu’attends il de nous ? »
Je me mis aux côtés de mon équipe, remarquant le début d’une discussion houleuse parmi les pirates…
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Terminator des cours d'écoles ! Théurgiste en formation, prêt au combat ! Près de mourir !
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