2-Un réveil dans un havre de paix LA PREMIERE PROMENADE EN SORORITE
Le calme de la petite cellule dans laquelle N'Kpa avait été transportée était un havre de paix, propice au repos. La fenêtre donnant sur le large et l’air vivifiant iodé de la mer était un appel à voler dans le ciel azur du petit matin, au milieu des mouettes criardes.
Sortir et se dégourdir un peu les jambes était une bonne idée, surtout après la première bonne nuit qu'elle avait passée depuis tant de temps. Lorsque la jeune femme se redressa et posa les pieds sur le sol, un petit vertige et une bouffée de nausée la saisie. Après un petit instant d'hésitation, elle respira doucement et releva la tête… Sans attendre, que Mélisande s'inquiète de son état, de peur qu'elle revienne sur son invitation, N'Kpa serra les dents et se redressa sans se faire prier.
Découvrir enfin ce lieu, attisait son appétit curieux. Rapidement les deux femmes débouchèrent sous une allée couverte soutenue par un chemin de colonnade, séparant l'allée de la cour intérieure. La lumière vive contrastait avec sa cellule, beaucoup plus sombre. A l’air libre, la jeune Humoran inspira profondément.
Le cloitre aux colonnades était parcouru par de nombreuses femmes et uniquement par des femmes. Guerrières, novices et tout autre corps de métiers s’entremêlaient en fonction des besoins de chacun. Des discussions, des regards étaient échangés et, si quelques intérêts, au passage de la soigneuse et de l'étrangère étaient perceptibles, seuls des saluts de tête et de respect à l'encontre de Mélisande étaient adressés. Aucunes des personnes présentes ne vinrent déranger le couple en promenade.
Bien sûr, cela rassura la sauvageonne qui se doutait bien que son exploit rater contre la Shar Ceda avait fait le tour. Où était donc Nellia la "désavouée" par ses pairs? Avait-elle subit une punition, une sanction, à cause de la réaction de N'Kpa? La jeune femme était confuse de penser que son amie pouvait avoir été l'objet de griefs à cause de son manque de maîtrise. Le sang Woran avait réagit plus vite que celui de Taurion. Elle ne pouvait tout de même pas se nier que Nellia était incongrue et un puits de mystère.
Une grande cour apparut, au centre de laquelle trônait une fontaine de marbre marquant les ans. Au fond, sur l’espace libre un groupe important de jeunes femmes, adolescentes pour la plus part, s’entrainaient aux maniements de diverses armes sous l’égide de la Shar Ceda,
A la vue de la marâtre, toutes les fibres musculaires de la Shaman transpirèrent l’adrénaline qui s'y écoulait. Son coeur battait sa poitrine avec force d'envie d'en sortir. Mais elle se retint, inspira un grand coup pour faire passer la colère qui l'inondait.
Mélisande évita de s’approcher de la guerrière, ou même d'en parler tout de suite, afin de préserver l’humoran qu'elle sentait que trop réactive. Elle détourna alors l'attention en évoquant les différents lieux accessibles à partir de la place centrale que représentait la cour.
Les forges, la bibliothèque"… murmura cette dernière. Ce lieu était un mystère pour la jeune femme. Analphabète, elle connaissait cependant que trop bien la richesse et le pouvoir que représentait le contenu des rouleaux de parchemins et les manuscrits. Si, le destin le lui laissait le temps, elle se sentait très motivée pour apprendre le secret des signes peints sur les parchemins roulés. La venue de son enfant était peut-être le signe, le temps qu'elle n'avait pas eu pour explorer ce domaine de connaissance.
Soudain La soigneuse se tourna vers elle et fixa son regard droit dans les yeux de sa patiente. Elle lui proposa l’option de remettre à plus tard la présentation aux dignitaires de la Sororité.
La jeune femme resta bouche bée. Elle allait répondre quand les mots s’étranglèrent dans sa gorge. Elle n’était pas prête, effectivement, à rencontrer toutes ses personnes importantes, pas encore suffisamment sereine et solide sur ses jambes et surtout dans son esprit. La petite chose qui avait pris place dans son ventre lui rappelait que trop des temps plus doux et heureux. Affronter les énarques de cette communauté ou la Shar Ceda pour qui elle avait une grosse animosité était semble t-il au dessus de ses forces.
Sa main se porta machinalement à son cou et toucha le collier maudit. Celui là même qui était le symbole de la perte de son amant et de son propre servage. Alors son regard se durcit. Une larme humidifia sa joue. Elle ne pouvait pas attendre, Mélisande avait raison, il fallait battre le fer pendant qu'il était encore chaud, tant pis pour la fatigue, elle avait vécu pire. Elle déglutit.
Ô Mélisande, je ne peux plus attendre. J’ai vraiment vécu et combattu avec des compagnons maintenant disparus les disciples de la déesse Maudite. Mais si je n’y ai perdu la vie, comme d'autres, nous sommes quelques uns à payer le prix de notre survie sous forme de servitude ou de la perte d’un être cher. Cette chose (elle désigne le collier)
nous rappelle à chaque instant la réalité de notre couardise. (Elle ne lui avoua pas que sa liberté était le fruit du sacrifice de son compagnon…)
Le pouvoir qui m’a imposé ce collier, m’a pris celui que j’aimais et me tient en esclave tant qu’il souillera mon cou. Tout en parlant, la réalité funeste de ce qu'elle avouait lui explosa à l'esprit : Et si sa liberté n'était qu'illusion? Etait il possible qu'à n'importe quel moment, le pouvoir chaotique ne rappelle ses ouailles par l'intermédiaire des colliers?… Qu'allait devenir l'enfant qu'elle allait mettre au monde? … Allait-il devenir lui aussi un suppôt de la Déesse ?… Cette idée lui était insupportable.
Je ne veux pas que l’enfant qui naitra court le risque de devenir un disciple de Oaxaca. Alors je dois apprendre le plus vite possible le pouvoir des lettres, apprendre le moyen de m'en débarrasser ou trouver l'enchanteur puissant qui pourra m'ôter ça.Elle reprit son souffle et résignée :
Si je puis rencontrer votre euh … « Reine » … lui plaider ma cause, le plus rapidement ce ne sera que du temps de gagné? Elle pencha la tête sur le coté pour voir la guerrière derrière Mélisande qui ne les avait pas remarqué. Elle la désigna d’un coup de menton.
Elle, ce sera pour plus tard, si c’est possible. Je ne crois pas avoir la force pour soutenir ses sarcasmes. Mais il viendra un moment ou je relèverai le duel que je n’ai pu honorer. La rencontre avec la Sayadina