H-3

L’homme en armure n’avait rien dit, pendant tout ce temps. La lutine avait fini par quitter la pièce, et il s’était alors tourné vers l’elfe grise avec un air sombre et las.

« Elle me demande qui je suis. Le capitaine de la Garde. Et si elle est en sécurité ici ? Autant qu’un prisonnier en cavale dans une salle des gardes. Je devrais la tuer, l’arrêter, l’emprisonner mais… où est la logique dans cette prison de fous. Jamais elle ne sera en sécurité nulle part, ici. »

La lutine, une fois les explications données par Silmeria ne pipa pas le moindre mot et fila au travers de la pièce et des restes décharnés des squelettes pour passer la porte en piaillant une absurdité sans nom.

Le portrait que la brune venait de peindre était si monstrueux qu'il lui avait paru strictement improbable que toute personne douée de raison puisse se lancer à la rencontre d'un tel individu, mais Guasina faisait partie de ces personnes, dépourvue d'intelligence et de source de jugeote. Silmeria souffla, elle s'était retenue, en la voyant arriver, de l'écraser comme un vulgaire insecte. Cette passivité intellectuelle lui donnait envie de vomir, elle avait l'impression d'avoir à faire un une enfant trop agitée qui n'écoutait pas ce qu'on lui disait. Plus frustrant encore, ça faisait tomber son plan à l'eau.

(« Quel... Imbuvable avorton. Si elle revient avec Maelan, j'aurais l'air fine. Mieux vaudrait se débarrasser de cette créature insignifiante. Et vite. »)

Elle serrait les poings et faisait mine de garder un sourire avenant, bien que derrière ce faciès, elle rêvait de tout faire flamber. Maelan, cet imbécile niais et maladroit. Guasina, avorton rouquin qui rivalisait de naïveté avec les Marie-Godeline de Tulorim et dont la valeur humaine, aux yeux de la tueuse, n'avait pas plus d'importance que la poussière de ses semelles. Elle méprisait à l'heure actuelle, tout ce qui avait un coeur palpitant dans la poitrine.

Le garde quant à lui semblait s'en foutre royalement. Il répondait même à Silmeria comme si celle-ci était absente, plus proche des pensées lancées à haute voix que d'une réponse personnelle, l'homme n'avait pas l'air tout ce qu'il y avait de plus net, mais ça, ce n'était jamais qu'un menu détail, au point ou elle en étant, Silmeria décida de l'imiter, et de s'en foutre royalement.

« Je suis tout à fait d'accord avec vous. » Annonça-t-elle en remettant en place ses cheveux. Les bouclettes l'agaçait, elle peignait de ses doigts sa dense et bordélique chevelure en espérant rattraper un peu de carnage capillaire.

« Quoique, non. Si vous commencez par le tuer, le jeu n'en vaut plus la peine. Et il ne servira à rien de l'emprisonner une fois mort. Les morts restent morts... »

Son regard se porta sur les ossements gisants sur le sol, elle plissa sa bouche en cul de poule et fit un petit coup de tête sur le côté et lança d'une voix bête : « Quoique. »

Elle inspecta du mieux possible la pièce, les armures, les armes, les cadavres morts dans un phénomène absolument logique... Et le mobilier, moche soit-dit en passant, encore une fois et face à cette avalanche de détails stupides, sordides, sordidement stupides et stupidement sordides, elle avança de quelques pas. Visiblement, ce rustre en armure n'était pas le premier être du coin à attendre un contact.

« C'est vrai que si ce genre de chose était arrivée chez moi... Un prisonnier en cavale ! Rendez-vous compte. D'ailleurs je n'ai même pas de punition pour ce genre d'incident... Peut être que remplir la bouche du malfrat avec du gros sel, et le noyer ensuite dans sa bave pourrait être une bonne solution. Mais le sel est mauvais pour la santé. Lui arracher les dents et les clouer sur son crâne. Plus propre et décoratif. »

Elle pencha doucement la tête, s'assurant d'être bien dans le champ de vision de l'homme. Et de toutes façons, du moins elle l'espérait, il n'y avait qu'eux deux. Elle jeta un bref regard au plafond et trouva sa paranoïa bête.

« Tiens, tant que j'y pense. Comme vous êtes capitaine de la garde et que vos gardes sont... Admettons ! Peut être que je pourrais vous rendre un service. Mais comme tout travail mérite salaire, sachez que je suis particulièrement... Attachée à deux trois objets. J'aimerais savoir où ils se trouvent. En échange de quoi, je mettrais quelques talents à votre demande. »

L’homme en armure parut répugné par les paroles de l’elfe grise.

« Écœurante perspective avancée par celle-là. C’est la salle de torture qu’elle ferait mieux de rejoindre, en passant la porte et en tournant à droite et puis à gauche. Et comprendre que jamais elle ne reverra ses babioles, car nul ne s’échappe d’ici. »

Il marqua une pause, puis se contredit un peu…

« Quoique. »

Il prit une inspiration, et poursuivit.

« Elle pourrait être efficace pour la garde. Que dirait-elle de la rejoindre, et de s’assurer l’immunité au sein de ce bagne en salaire ? »

Face aux exclamations de dit Capitaine de la garde, Silmeria croisa les bras, un peu vexée quelque part que l'homme reprenne son " quoique " ce qui lui laissait l'amère impression qu'il se moquait d'elle. Mais la suite des événements lui coupait toute envie de lui crever les yeux.

« Rien n'est répugnant. Un bon coup d'eau et on n'en parle plus. Vous disiez avoir une salle de torture ? Je savais que vous étiez des êtres civilisés ! Aucune prison de ce nom ne dispose pas d'une salle de torture et d'un bourreau détraqué qui n'aurait pas été maltraité et violé dans son enfance... Hoo, quel air empli de poésie. »

Elle s'approcha doucement du foyer, tournant le dos à l'homme et prit une moue qui laissait croire qu'elle réfléchissait à la proposition de l'homme, même si c'était tout vu. Donner un quelque petit pouvoir à Silmeria revenait à offrir à un pauvre un palais. Elle savait qu'elle craquerait, qu'elle en userait et abuserait jusqu'à ce que ça cède et qu'elle puisse passer à autre chose, laissant dernière elle une flopée de cadavres.

« L'immunité vous dites ? Cela voudrait dire que je pourrais circuler librement dans la prison sans être inquiétée de quoi que ce soit, hormis les prisonniers ? L'offre me paraît tout à fait intéressante. »

Les yeux de la femme luisaient d'une lueur macabre, comme si son plan machiavélique jusque là inconnu de tous venait de prendre une proportion encore plus terrifiante et dangereuse. Cèles et Hrist s'alarmaient.

(« Si elle vient à accepter l'offre, et elle va le faire, elle deviendra encore plus dangereuse. Et je n'arrive absolument pas à lire en elle ce qu'elle souhaite vraiment. »)
(« Si ça peut te rassurer ma belle, moi non plus, je n'arrive absolument pas à lire. »)
(« Je ne vois pas de quoi être rassurée. La faera de la libellule répond ? »)
(« Non. Rien à signaler. Cela dit, pour Silmeria, c'est un comportement logique. Elle a l'esprit complètement ravagé entre le partage de trois personnalités, la sienne, la tienne et la mienne. Du coup, elle s'est mutée en quelque chose d'imprévisible et de difficile à saisir, que ne répond plus vraiment à la logique ou à ce qu'on pourrait attendre d'un être ayant une idée derrière la tête. Là, elle est devenue monstrueuse, c'est un être de mal par excellence, elle ne répond à rien et n'a plus le moindre respect pour la vie, que ça soit la sienne ou celle des autres. »)

Silmeria, elle, indifférente à ces conversations qui n'avaient plus que l'allure de brefs murmures en elle, n'écoutait plus. La menace était trop faible pour y porter attention, et son esprit, imbibé de cruauté, était simplement concentré sur les éléments à venir.

« J'accepte l'offre si elle me permet de me déplacer librement. Quant à mon matériel, je ne cherche pas à sortir, mais je tiens à avoir quelque chose de plus seyant et personnel que cette tenue qui vient des machines de la salle d'armes. J'avais une robe et des objets magiques lorsque j'ai été enlevée. Savez-vous seulement de part votre rôle de capitaine de la garde où sont entreposés ces instruments ? Et que dois-je faire en tant que membre de la garde maintenant ? Si personne n'a besoin de moi, je peux très bien aller rendre visite au bourreau, je suis sûr que c'est un être charmant. »

Toujours sans regarder l’elfe grise, comme si elle n’était pas là, le balafré n’en répondit pas moins à ses questions, de manière impersonnelle et indirecte.

« Ni charmant ni maltraité, le bourreau ne vit que pour et par la douleur qu’il inflige. De nulle aide il n’a besoin, et toute visite peut s’avérer dangereuse. Car si l’elfe grise peut se déplacer librement en rejoignant la garde, sans causer le courroux des gardes et autres êtres pensants, elle devra tout de même faire attention à n’offenser personne. Car nul ne peut prédire les réactions d’autrui. Et il est des êtres à l’humeur changeante, dans le bagne. Sa seule tâche sera de mettre en insécurité constante les prisonniers. Les tuer, les blesser, les renvoyer vers leurs cellules. Un rôle psychologique, pour maintenir le bon ordre. »

Il paraissait soliloquer dans un monologue sans destinataire autre que lui-même.

« Il est aussi des monstres qui sont dangereux pour tous, même pour la garde. »

Et il termina sur le point matériel…

« Nul ici ne sait où les objets confisqués par le maître invisible sont rangés, à part lui-même. Il est toutefois quelques pièces qui lui échappent, et finissent entre les griffes du Bourreau. Mais ceux-là, il les garde farouchement. »

Silmeria écoutait attentivement les moindres mots du capitaine de la garde. Celui-ci lui donnait de façon assez désastreuse les informations dans un flux tendu de confusion. Il semblait lui même un tantinet détraqué, mais ça, elle s'en fichait royalement.

Elle se pinçait les lèvres du bout des doigts et finit par se dire qu'il était franchement temps de couper ses fichus ongles trop longs. Sa peau collait, ses cheveux aussi étaient maintenant presque gras et à l'aspect détestable à cause du sang qui avait pris un aspect gras et huileux sur sa peau pâlotte.

Elle avait attendu sagement, bien que perdue dans ses songes mêlés au son de la voix grave de l'homme, qu'il termine son monologue.

D'ailleurs, les seules informations qui lui frappaient l'esprit l'alarmait, elle n'était malgré son nouveau titre, pas complètement en sécurité dans ces lieux. Même si les squelettes ne l'embêterait probablement plus, et puis dans un sens, si un être insignifiant pouvait en venir à bout, elle pensait bien qu'ils n'étaient pas une si grande menace de toutes façons.

« Très bien... Merci, et si je comprends bien, il faut que je me méfie malgré tout des êtres qui rodent. Croyez bien que je n'avais pas l'intention d'insulter qui que ce soit... J'ai malgré tout une ou deux questions qui trainent encore dans mon esprit. »

Elle s'avança jusqu'à l'homme, rajustant un peu ses cheveux en essayant tant que faire se peut de les décoller du sang de sa dernière victime.

« Puis-je rencontrer ce maître invisible ? Enfin, la notion d'invisibilité est assez vague. A défaut, si je me trouve en face du bourreau dont vous parliez... Il pourrait qu'il tente de me tuer à vue, ou me ferait-il l'honneur d'au moins me saluer avant de tenter de m'embrocher comme une pintade. Et en dernière question... Y a-t-il une créature ou deux que je doive impérativement éviter ? J'ai remarqué que les êtres étaient variés ici. Un véritable balayage de races. » Lança Silmeria d'un ton un brin enjoué avant de se retourner pour se rediriger une fois de plus vers le foyer chauffant.

Sous ses cheveux noirs ensanglantés, la brune réfléchissait dur mais ne voyait pas vraiment comment elle pourrait extorquer ses propres objets à un maître, invisible qui plus est. Et le terme bourreau signifiait que la mise à mort était de rigueur ici comme ailleurs, ça lui plaisait d'un côté mais d'un autre, c'était un obstacle de plus.

(« Voyons... Si le geôlier est un brin fou.. Le capitaine de la garde est un membre bien supérieur et il ne semble pas particulièrement bien dans sa tête non plus. Je commence à penser que plus je m'approche de quelqu'un de haut placé, plus celui-ci perd ses esprits. Il faut en avoir le coeur net. »)

Elle se tourna brusquement et lança :

« Vous savez ! J'accepte avec joie mon titre de garde, j'ai déjà commencé bien avant de l'avoir les hostilités envers les prisonniers. Cependant, j'ai menti à la lutine, Guasina. La flèche sur la table est effectivement celle de l'homme dont je parlais, mais c'est bien ma lame qui a percé le coeur de l'autre. Je crois qu'elle va faire courir ce bruit, elle a dû comprendre depuis le temps que l'on parle. Elle va faire en sorte de me séparer du groupe de prisonniers, m'isoler ou essayer de faire son possible pour que je puisse pas les rejoindre. Une attaque au sein du groupe serait difficile, c'est pour cela qu'il me faut quelques uns de mes effets, afin de remplir mon rôle de la façon la plus efficace possible. Vous devez bien comprendre que j'y mette tout mon petit coeur... »

De son côté, Cèles et Hrist multipliaient les possibilités, pour elles, Silmeria était un véritable feu grégeois. Cèles avait des doutes qu'elle n'hésitait pas à confier à Hrist, elle même assez alarmée par ce qu'elle entendait, voyait, pensait et comprenait. En clair, tout allait pour le mieux dans l'esprit de la femme.

(« J'ai des doutes. »)
(« Quelle surprise... »)
(« Je commence à croire que nous sommes dans une sorte de lieu où sont enfermés les fous. Ceux qui ont perdu l'esprit ou toute notion de jugement, des personnes dérangées, souvent des fanatiques au cerveau vidé par la bêtise de leurs religions. »)
(« Silmeria est enfin parmi les siens, c'est ce que tu veux dire ? »)

Le Balafré s’empara d’une coupelle d’argent posée sur la table, et but à celle-ci tout en feignant de ne rien entendre de ce que Silmeria disait. Pourtant, et toujours à sa manière désincarnée et impersonnelle, il lui répondit de sa voix grave et profonde.

« L’elfe ne devrait pas vouloir rencontrer le maître invisible. Nul ici ne sait où il se trouve, ni même s’il est présent en ces murs. Parfois il parle, et fait entendre sa voix. Parfois. »

Il but à nouveau le liquide rouge sombre de son verre, et poursuivit.

« Elle devrait également prendre et agrafer sur elle l’un des insignes posés sur la cheminée. Cela lui permettrait de se faire connaître en sa qualité de garde du bagne. Sans doute cela suffira-t-il à apaiser l’humeur sanglante du bourreau, s’il est en rogne. Par contre elle devrait éviter le Gardien de l’Entrée. Nul ne saurait dompter une telle abomination. À cet effet, nul ne peut sortir d’ici, ou y entrer. Prisonniers ou employés. »

Il se frotta les tempes avec les index, et continua de plus belle.

« Elle ne pourra trouver ici ses équipements, mais ceci lui sera sans doute utile. »

Il sembla se concentrer un instant, et quelques secondes plus tard, deux squelettes-gardes semblables à ceux qui jonchaient encore le sol entrèrent dans la pièce en passant par la porte menant au nord. Ils se postèrent de part et d’autre de Silmeria.

« Une escouade pour un nouveau chef d’équipe. »

Selon l'homme, essayer d'obtenir une entrevue avec le maître était donc non souhaitable. Silmeria songeait aux moyens qui pourraient le faire changer d'avis, mais son rôle était un véritable coup de chance, elle avait une opportunité qu'il ne fallait pas perdre. Peut être que ce maître avait un rapport avec les voix qu'elle entendait. Ca pourrait expliquer son rôle au final. A croire que tout était prévu et tracé. Elle continuait d'observer la salle et finalement, faute d'une grande inspiration, récupéra la flèche de Maelan qui gisait toujours sur la table pour la passer sous la ceinture qui serrait l'armure à la chemise.

Suite à son conseil, elle se dressa sur la pointes des bottes et vit quelques petits insignes sur la pierre tiède de la cheminée. La plupart était souillés, mais elle en trouva un qui était un peu écorché et couvert de poussière. De toutes façons, elle se doutait bien qu'elle n'allait pas défiler devant le roi, la prestance en ces lieux serait bien le dernier de ses atouts. Un insigne rond, un fond de cuivre et un symbole jusque là inconnu, qui aurait pu être n'importe quoi.

Tandis qu'elle essayait de fixer l'insigne sur le cuir fin mais résistant de son armure de fortune, laide et mal adaptée, elle écoutait les conseils du capitaine. Elle arriverait, grâce à ça, à s'approcher du bourreau. Voleuse, elle verrait sur place s'il est possible pour elle de récupérer son matériel. S'il refusait, cet endroit afficherait bientôt des avis de recherche pour remplacer le bourreau. Enfin, encore fallait-il qu'il ne soit pas entouré d'une armée de minautores fous furieux. Forcément, ça changerait la donne.

Elle grimaça et parvint finalement à fixer correctement cette saloperie à sa poitrine. Silmeria poussa un vague soupir en apprenant une énième fois qu'elle ne trouverait pas son équipement. Cependant, une fois s'être retournée vers l'homme, elle remarquait quelque chose d'étrange. Sa façon de se concentrer régulièrement avant de parler.

(« Si ça s'trouve, il a le frère de Hrist dans la tronche. »)
(« Je ne pense pas. Lui aussi doit entendre la voix.»)

Lorsque, les doigts toujours sur ses tempes, l'homme maintenait le regard dans le vide, elle s'attendait à quelques nouvelles réponses, comme s'il jaugeait le pour et le contre d'une révélation qu'il n'aurait pas dû faire. Il en fut tout autrement. Deux squelettes passaient la porte. Moches, bruyants, faibles, dégénérescents et passablement cons, ils arrivaient de chaque côté de Silmeria avec leur pas déglingué.

(« Je rêve... Je n'avais jamais vu quelqu'un utiliser la télépathie.»)
(« C'est vrai qu'à part dans les livres de Mircalla... Je n'avais pas vu ça non plus, si ça peut de rassurer. Te voilà chef d'escouââââââde en plus. »)

Un sourire apparu sur son visage, presque chaleureux, non vicié par une idée macabre, celui-ci se voulait être un sourire pour dire " merci "

« Je vous remercie infiniment. Je vais aller rendre une petite visite au bourreau, peut être a-t-il croisé un des prisonniers. Je me ferais un plaisir de le lui ramener. Il doit avoir plus d'expérience que moi dans la matière. »

Dit elle avant d'enclencher le pas vers la porte d'où venaient les squelettes. La route avait été indiquée, tournant à droite puis à gauche, elle trouverait ce qu'elle espérait. A supposer que rien de trop suspicieux ne lui tombe dessus, dans le doute, elle tira la Scélérate et la garda en main. On est jamais trop prudente.

Silmeria ouvrit la porte du nord sans peine, et put passer dans la salle d’à côté.

Dans la salle des gardes, où Herbert le geôlier venait d’entrer, il n’y avait plus qu’un être vivant. Celui-ci était très certainement le sieur que l’homme-ours avait appelé cap’taine Balafre, puisqu’une balafre barrait son visage en coupant son front, son sourcil et jusqu’à l’os de sa mâchoire. Il était vêtu d’une arùmure de plates solide et de bonne facture, et se tourna vers le nouvel arrivage.

« En voilà d’autres, à nouveau. Ceux-là, comment se comporteront-ils ? »

Mais Herbert coupa court à toute interrogation rhétorique, et titubant un brin, s’avança vers lui pour s’appuyer sur la table centrale.

« Bieeeen, ch’uis avec eux. Hé, l’est où Rick ? »

Un instant de silence plus tard, le chef de la garde répondit tout aussi impersonnellement :

« Celui-là est passé il y a peu, et a filé plus loin. J’ignore où il se trouve à présent, tout comme l’elfe grise, et la lutine. »

Ce chef des gardes avait pour Tathar une apparence bien singulière. Des cheveux verts, une peau jaune fluo, une armure rose qui allait fort bien avec la peinture florale des murs… Mais contrastait toujours horriblement avec le reste du bagne.

Maelan était rentré aussi, et avait répondu à Silmeï en retour.

« Le geôlier nous a parlé d’un marionnettiste. Mais… ça ne peut être lui. Je le saurais. Je le sentirais. »

La pièce dans laquelle je pénétrais à la suite du Geôlier était plus ou moins similaire à la précédente, avec ses murs aux couleurs vives et aux motifs floraux ! Et le personnage qui se tenait là, Cap'taine Balafre comme l'a appelé Herbert, semblait plutôt bien assortis à la décoration avec sa peau jaune fluo, son armure rose et ses cheveux verts ! A croire que seule la partie souterraine était une prison et que le dessus, un genre de château aux habitants pour le moins excentriques.

Hélas, bien que fort sympathique au demeurant, le défiguré nous annonça que notre bon Rick se trouvait ici il y a peu mais qu'il avait disparu, tout comme une lutine et une sindel qui ne pouvais être que... comment c'était leurs noms déjà... bref... M'approchant de mon ami poilu, je lui mis une claque sur l'épaule et me penchais sur la table pour demander au soldat rose :

"Beuh si vous savez pas où il est, où est-ce qu'il peut bien planqué les trucs qu'il vous refourgue? Il doit bien avoir un local quelque part non? On pourrait sans doute l'attendre là-bas..."

Le balafré ne sembla pas ciller face aux diverses interventions des divers aventuriers présents. Une fois qu’ils eurent fini de parler, cependant, il n’en répondit pas moins, toujours d’une manière totalement impersonnelle, sans même leur accorder un regard.

« Ceux-là se font des illusions s’ils espèrent trouver ici le matériel qui leur a été ôté. Quant à Rick, il n’a nul besoin de salle où stocker ses marchandises. »

Ce à quoi Herbert réagit vivement :

« Bah ouais, c’t’un marchand itinérant du bagne, Rick. L’a tout dans son sac. »

Comme s’il était normal pour un marchand, même itinérant, de se trimbaler tout son inventaire à bout de bras, dans un sac.

Maelan, de son côté, répondit à Silmeï en chuchotant lui aussi.

« Ce dont je suis sûr, c’est que le lien a été rompu, et qu’il n’aurait jamais cherché à se venger de moi. Et puis ces autres personnes, pourquoi leur en voudrait-il ? à part vous, qui ici l’a condamné ? Non, le Marionettiste que j’ai connu est mort, ça ne fait aucun doute. Celui-ci ne peut être qu’un usurpateur. Ou son souvenir… »

D'après ce que nous répondirent cap'tain balafré à la peau jaune et Herbert, Rick n'avait pas vraiment de local où entreposer ses marchandises, préférant se trimbaler tout dans son sac... La pensée d'un genre de besace modifiée magiquement pour contenir une pièce entière s'offrit à moi. Si un tel accessoire existait vraiment, il fallait que je le récupère!!

Enfin, avant toute chose, il nous fallait trouver Ricky bel-oeil...

"Bah si il se ballade vous pouvez peut-être nous indiquer par où il est parti comme ça notre ami Herbert pourra peut-être le suivre à l'odeur...(Je lui mis une tape dans l'épaule) Tu dois avoir du flair mon gaillard!"