J’avais vu juste en ce qui concernait Aeden, elle était une milicienne accomplie. Sans hésiter, elle m’avait défendu et attaqué la petite aldryde. C’était sans inquiétude que je lui confiais la garde du ménestrel. Celle-ci accepta la mission que je venais de lui octroyer et m’informa qu’au lieu de me suivre, elle le conduirait directement aux bâtiments de la milice, ce lieu s’avérant le plus sécuritaire.
Je partis donc sans hésiter me dirigeant vers le temple de Gaïa. En tant que Kendran, j’avais parcouru les rues de cette cité maintes et maintes fois et surtout lors de ma jeunesse aventureuse. Ainsi, au lieu d’emprunter les artères principales, je décidai de passer par les ruelles. Il était peut-être un peu risqué de s’y aventurer, mais même blessé, je possédais l’agilité et la souplesse ainsi que la vitesse que m’offrait mes jambières pour prendre la fuite devant tout danger. Et puis, en parcourant ainsi les petites rues, ma trajectoire dessinait une oblique au lieu des deux droites perpendiculaires qu’offraient les grandes rues, je m’assurais ainsi une arrivée plus rapide, ce qui était crucial pour la survie de ma petite protégée blottie contre mon ventre et emmaillotée dans mon foulard rouge.
Malgré ma fatigue et ma blessure, je pus courir rapidement et en peu de temps, j’avais franchi la moitié du trajet. Ce fut lorsque je pris la petite ruelle à ma droite que je surpris la présence de deux personnes qui se dirigeaient vers moi. Alerte et ne voulant être repéré, je me calai contre la paroi de pierre, demeurant immobile dans l’ombre, espérant que ma cape de dissimulation me fournirait un camouflage impeccable. Lorsque les deux jeunes gens passèrent près de moi, ils s’immobilisèrent. Je retins mon souffle me demandant s’ils m’avaient repéré. Et c’est là que l’homme, titubant sous l’effet de l’alcool, d’une voix vulgaire s’adressa à sa compagne.
« Arrêtons-nous ici un instant. J’ai bien l’intention de profiter des charmes que tu me dévoiles à moitié, petite provocatrice. Relèves ta jupe et ferme ta gueule, j’ai bien l’intention de me faire un petit plaisir. »Il n’y avait pas de doutes sur les intentions de l’homme, il voulait profiter de la femme sans le consentement de cette dernière. Je ne pouvais laisser passer une telle chose, je devais agir et défendre cette femme avant qu’elle ne devienne la proie de ce truand.
(Et Mirédosi ?)Mais j’étais déjà en mission. Je portais une petite lutine mal en point, je pouvais donc difficilement venir en aide à cette femme sans nuire à la santé de Mirédosi. Dégoûté par le comportement de l’homme saoul, j’étais tiraillé, je ne savais pas quoi faire, même si au fond de moi-même je savais que je devais porter secours à l’inconnue.
Mais avant que je me décide de tirer mon épée de son fourreau, j’entendis un cri de douleur étouffé suivi d’une voix féminine dotée d’une impressionnante assurance.
« Voilà de beaux bijoux que je tiens dans mes mains, je me demande quelle forme ils auraient si je les serrais davantage. »Une réponse ne se fit pas attendre de la part de l’homme qui de prédateur était devenu, le temps d’une poigne ferme, une petite proie inoffensive.
« Je vous en prie, relâchez-moi et je partirai sans réclamer mon reste. Vos ongles me font mal !»Le polisson vouvoyait maintenant celle qu’il avait choisie comme victime, réalisant du coup qu’une certaine politesse était de mise dans une situation délicate telle que la sienne.
Je retins un soupir de soulagement, la dame avait la situation
bien en main et j’en étais content.
Je perçus ensuite un autre petit cri étouffé, puis des bruits de pas de course. Le truand prenant la fuite, pressé sans doute de mettre un peu de glace sur ses noix écrasés.
La dame se tourna alors face à moi et me dit :
« Tu peux partir à présent. Et ne perds pas de temps, la petite est dans un état critique. »De surprise, je balbutia essayant de justifier de ne pas l’avoir aidé.
« Je… elle, en fait j’avais décidé… »Après avoir émis un rire sonore, la dame s’était approchée de moi et je vis son regard pénétrant :
« Ne te tracasse pas pour si peu, je sais que tu étais sur le point de me venir en aide. Allez, dépêche-toi, la petite est gravement blessée. Et ne t’en fais pas pour ta chatte, elle t’a suivi. N’oublie pas de lui offrir une bonne soucoupe de lait, les chats adorent ça et tu lui dois bien ça. »Impressionné par la clairvoyance de la dame, je la remerciai brièvement et repris ma course en direction du temple de Gaïa. Le reste du trajet s’effectua sans le moindre incident. De temps en temps, je pouvais percevoir la silhouette de Praline qui me suivait à la trace.
Cette femme était une sorcière, il n’y avait pas de doute là-dessus. Mais pas du genre de sorcière que l’on retrouve dans les contes pour enfants, elle n’avait pas un nez crochu, ni un menton prépondérant, et pas une seule verrue n’ornait son visage. Elle était plutôt jolie, mais ses yeux et son attitude trahissaient une assurance et un maîtrise de soi que seules les sorcières savent afficher. Elle avait lu en moi et avait deviné ma situation et celle de la lutine, ainsi que ma relation privilégiée avec ma chatte Praline.
Relevant les yeux, je vis enfin les statues représentant la déesse, j'étais enfin arrivé !
(((911 mots - suite au
temple de Gaïa)))