Les paroles longues et fastidieuses de l'alchimiste me parviennent à demi, atténuées, comme si l'homme-serpent me parlait à travers une porte fermée. Assez étrange, entre un débit d'une lenteur à impatienter un escargot et un son quasi inaudible, j'ai la vague envie de retourner illico presto dans les vapes. Je comprends néanmoins qu'il possède de quoi me remettre d'aplomb, et mieux encore, de quoi me permettre de voir venir. Tout comme j'avais décidé de faire un stock de potions de mana, je prends à nouveau la décision de faire un stock de potions de soin. Vous avez dû vous en rendre compte, vous qui suivez mes bringuebalantes aventures depuis quelque temps : la chance n'est pas mon fort, et si pour une fois je peux avoir une carte dans ma manche et lancer au destin moqueur un flamboyant « pas cette fois! », je ne vais pas m'en priver. Une rapide consultation avec ma conseillère financière personnelle et faerique m'apprend que mes finances me permettent largement de m'offrir les coûteux breuvages. Pour ne pas la citer : « C'est à croire que l'argent te sort par le... »
Quelle classe, cette Faera.
De gestes encore peu assurés, je vide laborieusement une partie de ma bourse sur l'établi de bois afin de réunir la somme nécessaire au paiement. Une fois le feu vert d'Aurore obtenu, nous procédons à la transaction, je range sept nouvelles petites fioles dans mon sac désormais presque plein et j'avale d'un trait une de mes nouvellement acquises potions de soin. L'effet se fait immédiatement ressentir, et presque aussi fortement que la barrière magique m'a tourneboulé. A mesure que le liquide descend dans mon système digestif, je sens des ondes de chaleur et d'énergie irradier à travers tout mon corps, par puissantes vagues bienfaitrices. Je ferme un instant les yeux de contentement et de soulagement tandis qu'une agréable lassitude remplace l'atroce malaise que je ressentais depuis l'attaque magique de la barrière.
C'est un nouveau Silmeï qui renaît de ses cendres. Je me sens merveilleusement frais et dispos, comme après une bonne nuit de sommeil ; et surtout prêt à geler la cervelle à l'inconscient qui a osé m'enfermer dans son bagne maudit. D'enthousiasme, je prends mon envol et viens me placer au niveau de la tête de l'alchimiste pour lui témoigner ma reconnaissance :
« Vos potions font des miracles, Alchimiste ! Merci ! »
Cet instant de satisfaction est cependant bien vite troublé par des cris étouffés qui nous parviennent d'une pièce à proximité. La voix, paniquée, me semble familière, mais impossible pour moi d'identifier son ou sa propriétaire. L'homme-serpent, légèrement plus vif que d'habitude, suppose d'une voix soporifique qu'un de ses « voisins » est en train de donner une petite fête macabre. Léandre cependant réagit au quart de tour : je le vois se raidir soudain et foncer vers l'alchimiste pour exiger de lui qu'il nous indique le chemin à suivre pour rejoindre Guasina. Bien sûr, l'étrange Akrilla sans ailes !
M'arrêtant un instant sur la vive réaction de l'elfe noir, qui menace à présent notre interlocuteur, je pèse un instant le pour et le contre de mon intervention dans cette affaire. Je décide bien vite de calmer le jeu et de proposer mon aide à l'elfe, qui après tout m'a démontré plus d'une fois sa loyauté et sa respectabilité. Et puis de toute façon, je ne sais pas où aller ; et je n'ai certainement pas envie de retrouver la crispante compagnie de l'elfe aux cheveux mauves (ni celle du mastodonte qui fait la ronde dans la cour). Et puis, j'ai envie d'en découdre.
Bondissant dans les airs avec la grâce que seuls ont les Aldrydes (modestie, quand tu nous tiens), je viens délicatement me poser sur la lame brandie par mon compagnon Léandre. D'une voix apaisante, je déclare :
« Inutile de menacer l'alchimiste, qui n'a fait que nous aider jusqu'ici. Nous allons venir en aide à Guasina. »
Puis, me retournant vers le visage étrange de l'homme-serpent :
« Par où pouvons-nous passer pour nous rendre au plus vite auprès d'elle ? »
[Achat de 4 potions de soin (1200 yus) et consommation d'une d'entre elles !]