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 Sujet du message: Le manoir de Faronia
MessagePosté: Jeu 9 Aoû 2012 11:38 
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Le manoir de Faronia


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Le manoir de Faronia est une grande maison qui se trouve aux abords de la ville et non dans son centre. C’est une propriété qui tient debout depuis des années, qui a essuyé de nombreuses batailles et de nombreuses pertes. Elle appartient maintenant à la famille royale vivant à Tahelta. Cette dernière cède la propriété à un citoyen Sindel qui s’est fait remarquer, que ce soit sur le champ de bataille, par une invention ou par tout autre fait marquant. Elle peut ainsi revenir à une famille Taheltienne, Balsinaise, Cyniraine ou Nessimoise.

La propriété offre ce que la ville ne peut offrir : un cadre calme, lumineux et rafraichissant. Le cours d’eau qui passe près de la demeure alimente la centrale d’eau un peu plus loin. C’est un havre de paix pour quiconque cherche un peu de repos, les nombreux bancs sur la promenade faisant le tour du domaine permettent aux voyageurs de se reposer et d’admirer le paysage environnant.

Que le propriétaire soit présent ou non dans le manoir, la porte vous sera toujours ouverte si vous êtes un Sindel en mal du pays ou cherchant simplement un endroit pour se reposer loin de la capitale. De plus, si vous n’êtes pas un Elfe Gris, la propriété accueillera tous les étrangers qui souhaitent en apprendre plus sur la ville et la culture Sindel.

Sachez, étranger, que cette propriété recèle en son sein de nombreux secrets que seuls les habitants connaissent.

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Alors il y a une règle que je veux que vous observiez pendant que vous êtes dans ma maison : Ne grandissez pas. Arrêtez, arrêtez dès cet instant. Wendy dans "hook" (petit hommage à Robin Williams)
Pour toute question: Service d'aide
Pour les services d'un GM: Demande de service


Je suis aussi Lothindil, Hailindra, Gwylin, Naya et Syletha


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 Sujet du message: Re: Le manoir de Faronia
MessagePosté: Ven 29 Juil 2016 22:07 
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Je ne mis pas longtemps à diriger Célestion vers la route menant au manoir. Cette demeure ancestrale passait de mains en mains depuis des générations et cela à la faveur du couple royal. Je pouvais déjà entendre le bruit régulier de la chute d’eau passant au bord de la propriété, je fus immédiatement transportée vers un autre temps, une époque où ma vie n’avait pas encore changé, une époque où ma vie était encore bien simple jusqu’à ce terrible jour…

Ma mère était partie en ville pour faire des courses alors que mon père vaquait à ses occupations politiques au conseil des 15. Mon frère et moi étions restés seuls dans la maison, enfin presque seul, les domestiques étaient là à s’occuper de l’entretien de la propriété. Mon frère et moi savions déjà ce que nous voulions faire plus tard de nos vies, pour lui la diplomatie et pour moi les armes. Mon père était très fier de moi, faire ce choix était très gratifiant pour lui, il avait hâte de me voir à l’œuvre sur le champ de bataille et pourquoi pas sous ses ordres.

Sachant que le jour du départ approchait à grand pas, je voulais apprendre à manier une épée avant d’entrer à l’académie histoire de ne pas faire tâche dans le décor mais surtout pour rendre mes parents fiers de moi. Ainsi je me trouvais dans la salle d’entrainement lorsque j’entendis des bruits de pas discrets derrière moi. Me retournant vivement, je mis le bout de ma lame sous la gorge de mon frère.

- « Espèce d’idiot, j’ai bien failli te trancher la gorge ! »

- « Ma parole, je ferais bien de faire attention à mes fesses lorsque je viens dans cette pièce ! »

Baissant la pointe de mon épée, nous partîmes dans un rire franc tous les deux, rigolant de nos enfantillages. Puis mon frère s’arrêta net et me regarda différemment de d’habitude, un petit quelque chose avait changé dans ses yeux, un je ne-sais-quoi qui le rendait bien étrange.

- « Tu as bien changé Aenaria, regarde-toi aujourd’hui, tu es devenue une magnifique jeune elfe prête à se battre pour son pays. »

- « Arrête ça, tu vas me faire rougir ! »

- « Et si c’était mon but ? »

Aussitôt il s’approcha de moi, la tournure que prenait la conversation ne me plaisait guère.

- « Aenarion, tu me fais peur. Où est-ce que tu veux en venir ? »

- « Je t’aime Aenaria. »

- « Moi aussi je t’aime frangin. »

A ces mots, il se retourna comme pour éviter mon regard.

- « Toi tu m’aimes comme une sœur, alors que moi… »

Avais-je bien compris ces propos ? Mon frère, mon propre sang, ma propre chair, amoureux de moi… ? Cela expliquait bien des choses quand à son comportement récent envers moi mais de là à croire qu’il m’aimait, il se méprenait. Une expression de dégoût pris peu à peu place sur mon visage.

- « Je t’aime Aenaria ! Je rêve de toi la nuit, je rêve de t’avoir dans mes bras nus contre mon corps brûlant de désir pour toi… »

- « Sors d’ici immédiatement ! Je ne veux plus te voir. »

Il partit alors en direction de la sortie de la pièce. Il se retourna et me regarda de loin.

- « Je te prouverais que je suis suffisamment bien pour toi Aenaria. Chez les Sindeldi, on a déjà vu des familles où les frères et sœurs finissaient ensemble. »

Mon épée toujours dans les mains, je la lançai de toutes mes forces de rage vers la porte où se tenait mon frère quelques secondes auparavant. Je m’écroulai alors en larmes sur le sol, cherchant désespérément à comprendre le sens profond des paroles de mon frère. Je me souvins que j’avais été incapable de retirer l’épée du mur et que seul mon père en fut capable me demandant la raison de la présence d’une arme aussi durement plantée dans le mur. Je ne sus quoi lui dire, je préférais le silence au mensonge, ne lui parlant pas des troublantes révélations de mon frère à mon sujet. J’entendis alors un hennissement…


C’était Célestion qui venait de me faire revenir à la réalité. L’amour de mon frère pour moi était-il la raison de ce bain de sang et de cette course dans laquelle je m’étais engagée corps et âme à travers Yuimen ? Je commençais à le croire alors que les sabots de ma monture foulaient enfin la propriété où j’avais grandi. Le soleil commençait tout juste à décliner dans le ciel, la lumière était juste magnifique à cette heure de la journée.

Je fis quitter le chemin de terre à Célestion pour le conduire sur le pont enjambant ce magnifique bras d’eau qui alimentait la centrale de Balsinh. Je sentais la joie de rentrer chez moi monter un peu plus à mesure que j’approchais de la demeure. Plus que quelque pas et je pourrais enfin mettre pied à terre…

- « Dame Aenaria ! »

Mes oreilles n’en revenaient pas, je venais d’entendre la voix chantante d’Iniel Manill, le palefrenier de la propriété. Je me mis à le chercher du regard et le vis non loin du pont enjambant la toute petite rivière qui passait à côté du quartier du personnel. Toujours aussi bien bâti, les cheveux châtains et les yeux marrons, il portait un pantalon de cuir et une chemise de toile. Il me faisait de grands signes pour que je le rejoigne alors je talonnai un peu Célestion pour rejoindre au plus vite ce visage familier. Il s’engagea rapidement sur le deuxième pont me permettant de descendre rapidement pour enlacer chaleureusement Iniel.

- « Si tu savais à quel point je suis heureuse de te voir Ini… »

- « Et moi je suis désolé pour vos parents. »

- « S’il-te-plaît pas de vouvoiement avec moi Ini, mes parents ont beau être mort, mon statut envers toi ne change pas. Je suis toujours ta petite Aenaria donc stop les bonnes manières ! »

- « Donc je peux de nouveau te battre à l’épée alors ? »

Il me donna alors une tape amicale sur l’épaule alors que je rigolais à la mention de nos nombreux combats à l’épée de bois puis il reporta son attention sur ma monture.

- « Où as-tu dégoté ce magnifique cheval ? »

Tout en disant ces quelques mots, il flatta l’encolure de Célestion qui répondit positivement à ces caresses.

- « On me l’a offert figure-toi afin d’accomplir une mission importante. »

- « Et bien, ces personnes doivent être puissantes et très riches, ton cheval est juste magnifique mais il semble quelque peu perdu. »

- « Nous venons de faire 13h de trajet en aynore et 3h de trajet en cynore, Célestion n’a pas l’habitude des longs voyages aériens je pense. »

- « Le pauvre, retrouver la terre ferme a dû lui faire un choc. Je vais l’emmener dans les écuries, lui donner des carottes, du grain, de l’eau fraîche et de la paille pour dormir. »

Aussitôt, Célestion acquiesça de la tête et émit un petit hennissement de satisfaction. Je souris en voyant qu’Iniel n’avait pas perdu la main avec les chevaux.

- « Ça me fait tellement plaisir de te revoir Iniel, toi mais aussi cette propriété… Que de souvenirs… »

- « Oui, comme tu dis… Bon arrêtons de ressasser le passé, suis-moi Célestion, je vais t’emmener vers ta nouvelle demeure. »

Je vis Iniel partir vers les écuries suivi de près par mon cheval qui semblait heureux de pouvoir se reposer. Me laissant seule avec mes souvenirs, je me remis en route vers l’entrée de la maison. En l’espace d’une minute, j’arrivai devant le parvis de cette dernière. Cela faisait pratiquement deux mois que je n’avais pas mis les pieds ici, deux mois que ce tragique événement était venu détruire ma famille et changer ma vie à jamais.

Chassant mes idées noires, je passai le pas de la porte et entrai directement dans le salon. Rien n’avait changé, la cheminée était toujours là, très pratique en soirée pour se réchauffer et discuter, les canapés en tissus n’avaient pas bougé, les quelques fauteuils et guéridons de bois étaient là où je les avais vu pour la dernière fois. Je pouvais sentir l’odeur du jasmin en fleur dont des vases étaient présents sur les différentes tablettes de la pièce.

A peine avais-je franchi l’entrée que je vis le majordome passer la double porte menant à la pièce centrale de la maison, la salle de réception. Valsta Yeronis, un elfe ayant facilement 1400 années d’existence, s’avança à travers la pièce avec des yeux ronds. Ses iris bleues claires très observatrices qui avaient le don de me faire dire la vérité, des cheveux blancs, un pantalon de tissu fin noir, une chemise blanche et une veste du même tissu que le pantalon venait compléter le tableau.

- « Dame Aenaria, quel plaisir de vous revoir ! »

Il s’inclina vers le sol en signe de respect, je n’entretenais pas les mêmes relations avec le majordome qu’avec Iniel.

- « Valsta, cela faisait trop longtemps… »

- « 2 mois et 7 jours pour être très précis. »

- « Ma parole, vous avez compté les jours depuis mon absence ! »

- « J’ai surtout compté les jours depuis la mort de vos parents madame. »

La réalité que je voulais éviter d’affronter trop vite me rattrapa pour venir me frapper en plein cœur. Cela faisait maintenant 67 jours que mes parents étaient décédés, cela faisait donc 67 jours que je n’étais pas allée pleurer sur leurs tombes. Les larmes me montèrent immédiatement aux yeux… Je n’avais pas pu leur rendre un dernier hommage, j’étais partie comme une voleuse dans une course folle après mon frère dont, pour le moment, j’avais perdu la trace.

Je sentis Valsta s’approcher de moi pour me tendre son mouchoir de tissu que je pris afin d’essuyer mes joues pleines de larmes. Je le lui tendis en retour mais d’un geste de la main il me fit comprendre qu’il valait mieux que je le garde.

- « Merci Valsta. »

- « Ne me remerciez pas. Allez plutôt faire un tour du côté du petit kiosque de pierre. »

- « Je ne comprends pas. »

- « Vous comprendrez lorsque vous y serez madame. »

Il n’y avait aucune méchanceté dans son regard, mais plutôt un sentiment de compassion envers ma propre douleur. Je pris congé auprès du majordome du regard et passai de nouveau la porte d’entrée en direction du dit kiosque de pierre. Je ne savais pas quel était le message que Valsta avait voulu me faire passer en m’indiquant cet endroit.

Je ne mis pas longtemps à rejoindre ce coin que mes parents aimaient tant. Ce lieu était magique pour les amoureux, c’était un peu leur jardin secret, le lieu où ils se retrouvaient en fin de journée lorsque nous étions petits. Je vis alors les différentes sortes de roses que ma mère avait plantées mais quelque chose ne collait pas. Dans mon souvenir, il y avait un grand sycomore qui donnait une large zone d’ombre au-dessus de ces rosiers mais cet arbre avait disparu du paysage.

Ne comprenant pas, je m’approchai d’un peu plus près de cet endroit et compris aussitôt pourquoi le sycomore avait disparu. A la place de cet arbre majestueux trônait deux pierres tombales, une pour mes parents, la plus grande, et une pour Gameleb. Ils avaient été enterrés dans la propriété par leurs domestiques. Aussitôt je fus submergée par des sentiments très fort, le plus dominant étant la douleur, la douleur de les avoir perdu trop vite, trop tôt.

M’approchant un peu plus, je pus lire ce qui avait été inscrit sur la pierre tombale de mes parents « A Fania et Zotar Imfilem, que Sithi leur montre la route de la vie éternelle. » puis sur celle de Gameleb « A notre fils, nous ne t’oublierons pas. ». Ces inscriptions me brisèrent le cœur et je m’écroulai à genoux sur le sol en pleurs, les avant-bras dans la terre, ne pouvant m’arrêter. Je n’avais pas eu encore la chance de faire mon deuil même si je le portais toujours dans un coin de mon cœur.

Mon frère qui était à l’origine de ce terrible forfait ne méritait que la mort pour avoir commis un acte aussi ignoble. Prendre la vie à des ennemis, je le concevais totalement, je l’avais fait à maintes reprises, mais prendre la vie de sa propre famille ou même d’un ami, je ne le concevais pas. Il avait tué Gameleb parce qu’il était un obstacle sur sa route pour faire de moi sa femme, un acte impardonnable.

Je me redressai sur les poings avec un terrible sentiment de colère prenant peu à peu la place de la tristesse dans mon cœur. Je fis alors attention à ce qu’il y avait devant moi, des fleurs fraîches avaient été posés sur les deux tombes, des roses blanches pour être précise. J’en pris une et la serrai de toutes mes forces dans ma main, mes phalanges blanchirent sous la pression et du sang se mit à couler le long de mes doigts, à cause des épines.

- « Avec ce sang, je vous fais la promesse à tous les trois, que je retrouverai les personnes qui ont commis ce terrible forfait et qu’elles passeront soit par la prison, soit par le fil de mon épée si je n’ai d’autres choix. »

Je relevai la tête vers le ciel, pensant qu’ils me voyaient, qu’ils avaient entendu ma plainte et ma promesse.

(Tu les aurais adoré Crystallia.)
(Oh mais je les adorais.)
(Comment ça ? Qu’est-ce que tu ne me dis pas ?)
(Oups, j’ai fait une boulette…)
(CRYSTIIIII !!!)
(Bon d’accord, j’avoue tout… J’étais la faera de ta mère avant qu’elle ne décède. J’ai vécu sa mort de l’intérieur, ça a été affreux.)
(ET C’EST MAINTENANT QUE TU ME LE DIS !!!)
(Je ne voulais pas te blesser…)
(TU AURAIS DU ME LE DIRE DÈS LE DEPART LAISSE-MOI MAINTENANT, JE NE VEUX PLUS T’ENTENDRE ET JE NE VEUX PLUS TE VOIR !)

La colère monta en moi tel un volcan qui n’attendait qu’à cracher son magma incandescent. Je ne savais que trop bien ce que cela signifiait pour moi et surtout pour mes pouvoirs. Si je ne retrouvais pas un minimum de calme, si je n’effaçai pas rapidement cette colère de mon cœur, ce jardin allait disparaître.

M’astreignant à inspirer profondément par le nez et expirer doucement par la bouche, je fis diminuer progressivement les battements de mon cœur, refoulant par la même mes fluides magiques qui avaient commencé leur route vers mes mains. Je mis tout simplement en pratique ce que j’avais pu lire à la bibliothèque de Cyniar quelques heures auparavant.

Je pouvais sentir mon rythme cardiaque diminuer pour retrouver un calme relatif. J’entendis alors un bruit de feuillages derrière moi, me retournant j’aperçus le jardinier Nayri Zenam, habillé comme à son habitude, d’un pantalon de lin marron et d’une chemise verte claire. Je mis de côté ma rancœur envers ma faera le temps de discuter avec le jardinier de la propriété.

- « Dame Aenaria, vous ici ? »

- « Moi aussi je suis heureuse de te revoir Nayri, toujours aussi bronzé à ce que je vois ! »

- « Entretenir le jardin de cette propriété me demande de passer beaucoup de temps dehors. Je tiens à vous présenter mes condoléances pour votre famille et votre ami. »

- « Merci Nayri, cela me touche. »

- « Nous devrions peut être penser à rentrer pour soigner cette main. »

- « Oh ! Ne t’en inquiètes pas. »

Je lâchai la rose sur la tombe de mes parents et ouvrant ma paume vers moi, je mis deux secondes à la soigner. Je la montrai alors à Nayri et vis une expression de stupéfaction apparaître sur son visage.

- « Comment est-ce que… »

- « C’est une longue histoire mais avant de t’en dire plus j’aurais une question à te poser. Qui a donné les derniers honneurs à mes parents ? »

- « Valsta a nettoyé leurs corps, avec Iniel nous avons cherché un endroit idéal pour les enterrer. Nous avions prévu une petite cérémonie mais toute la ville a su ce qui était arrivé ici et ils ont voulu rendre un dernier hommage à vos parents et à Gameleb. Nous pensions être une dizaine, au final il y avait plus de 200 personnes dans le jardin. Le conseil des 15 était là au complet. »

- « Presque au complet puisque l’un d’eux se trouve enterré sous nos pieds. »

Je reniflai, ravalant mes larmes alors que Nayri s’approchait de moi et posait une main amicale sur mon épaule.

- « Il n’aimerait pas que nous vivions dans le passé. Vos parents étaient toujours tournés vers l’avenir, et particulièrement celui de leurs enfants. »

- « Sauf qu’il n’y a qu’un seul de leurs enfants qui a un avenir, moi. Et maintenant rentrons, je suis exténuée par ce long voyage depuis Kendra Kâr. »

- « Partez devant, j’ai encore du travail. »

- « Bien mais sache que ce soir tout le monde dîne avec moi dans la salle à manger, j’ai besoin de savoir et vous avez besoin d’apprendre. »

A ces mots, je pris la route du retour vers la maison, toujours énervée par ce que Crystallia m’avait dit précédemment. Elle avait été la faera de ma mère et avait attendu que je me recueille sur sa tombe pour me donner une information aussi importante. Comment avait-elle pu oublier ce détail aussi important sur ma vie, sur la vie de ma maman et sur sa vie… Je ne savais plus où j’en étais, j’avais besoin de quelqu’un à qui parler, j’avais besoin d’Ehemdim mais il n’était pas dans son état normal et qui plus est à des milliers de kilomètres de moi.

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Dernière édition par Aenaria le Mer 3 Aoû 2016 10:05, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Le manoir de Faronia
MessagePosté: Sam 30 Juil 2016 13:38 
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Je finis par arriver à la maison où je montai directement à l’étage afin d’aller dans ma chambre. Rien n’avait changé, tout était resté à l’exacte place où je l’avais laissé avant de partir à la poursuite de mon frère. Mon lit à baldaquin en ébène possédait toujours ses rideaux rouges comme les roses, le linge d’un blanc immaculé, les coussins brodés aux armoiries de ma famille. De chaque côté du lit trônait une table de chevet du même bois noir. Une grande fenêtre offrait une magnifique vue sur le jardin de l’autre côté de la maison. Sur le mur face au lit se trouvaient mon armoire, un miroir en pied et une coiffeuse où ma mère avait passé des heures à me coiffer lorsque j’étais petite.

Je profitai d’être dans ma chambre pour me débarrasser de mon équipement et m’affaler de tout mon poids sur mon lit. La journée avait été riche en émotion, entre le voyage, mes recherches, voir la tombe de mes parents et la révélation choc de Crystallia, je ne savais plus ou donner de la tête et surtout quoi penser à son sujet.

Ma propre faera m'avait menti au sujet de son ancienne maîtresse, ma mère. Elle avait délibéremment omis cette information, j'aurais en apprendre tellement plus sur ce qui s'était passé ce fameux jour. Je ne comprenais vraiment pas la raison de son comportement. Elle aurait du m'en faire dès le jour de notre rencontre et non pas attendre que je me recueille sur la tombe de mes parents.

Elle ne l'avait pas fait mais pourquoi ? Pour me protéger ? Je n'avais pas besoin d'être protégé, j'étais capable de le faire toute seule. Elle détenait peut-être une piste afin de traquer les assassins de ma mère et elle n'en avait rien fait ! Y avait-il un serment qui la liait à ma mère ? Je l'ignorais mais une chose était sûre, une faera n'avait pas le droit de mentir à son maître.

Mes certitudes la concernant venaient de voler en éclats, je doutai à présent de sa sincérité envers moi depuis le début de notre collaboration. Comment pourrais-je de nouveau croire les mots qui sortiront de sa bouche ou plutôt qu'elles échangeraient avec moi ?

Je me laissai aller à une grosse crise de larmes évacuant ainsi toute la douleur et tout le ressentiment que j’avais au fond de moi concernant Crystallia. Si à cela, on ajoutait l’état inquiétant d’Ehemdim et le fait que j’avais presque fait chou blanc à la bibliothèque de Cyniar, j’avais décroché la lune.

J’avais fait une route bien longue afin de mettre un terme à cette folie déclenchée par une personne que je connaissais que trop bien, Tamìa. À l’évocation de cette elfe, je donnais de rage un coup de poing violent dans le mur, m’extirpant ainsi un rictus de douleur. Je ne permettrai pas qu’elle fasse plus de mal aux personnes que je chérissais sur cette terre. J’entendis alors quelqu’un toquer à ma porte. Me levant rapidement du lit, j’ouvris pour découvrir Valsta.

- « J’ai pensé vous préparer la salle de bains pour que vous vous détendiez avant le dîner. »

- « C’est tout ce dont j’avais besoin, merci beaucoup. »

- « Madame, tout pour vous plaire. »

Il s’inclina bien bas et repartit aussi silencieusement qu’il était arrivé. Ne me faisant pas prier, je pris une tenue propre dans mon armoire et rejoignis la salle de bains se situant juste à côté de ma chambre. En entrant dans la pièce, je fus aussitôt assailli par l’odeur de rose et de jasmin que j’affectionnais tant lorsque je vivais ici. Il ne s’était pas passé beaucoup de temps depuis la dernière fois où j’avais mis les pieds dans cette pièce et pourtant tellement de choses étaient arrivées. Mieux valait ne pas y penser pour le moment, j’étais là pour me détendre et me reposer un peu.

Me déshabillant, je me regardai dans le grand miroir de la salle de bains pour constater les dégâts de cette course à la recherche de mon frère. Des cicatrices partout sur le corps qui tendaient à disparaître progressivement avec le temps, des blessures qui m’avaient rendue plus forte face à l’adversité. Ma cuisse gauche avait fait les frais de nombre de mes combats. Cependant, la plus importante de ces blessures était celle qui traversait mon dos, infligée par Ehemdim, ré-ouverte durant mon combat contre les gobelins, soignée par Salymïa. Ce fut sur cette heureuse pensée que je me glissais dans l’eau chaude du bain, respirant les effluves florales de la pièce. Je fermais les yeux et me sentis partir de nouveau dans mon passé…

Encore un souvenir, cela faisait un jour que j’étais rentrée à la maison après mes cinq années de vagabondages avec Ehemdim, cinq années de pur bonheur avec lui, mais cinq années sur lesquelles j’allais devoir tirer un trait car ce soir j’allais connaître le nom de l’elfe qui m’était promis. Nous venions juste de sortir de table avec mes parents qui étaient transportés de joie à l’idée de revoir leurs enfants et surtout de faire une petite fête en leur honneur. Ma mère avait le sourire aux lèvres, mon père était fier de moi, à mes yeux c’était tout ce qui comptait à ce moment-là.

Peu après deux heures de l’après-midi, mon frère débarqua à la maison, je ne l’entendis pas de suite car j’étais en train d’échanger quelques coups avec mon père afin qu’il voit mes progrès. Le bruit des lames qui s’entrechoquaient, mon père et son expression béate d’admiration envers sa fille, j’étais ailleurs, j’étais tout simplement heureuse.

- « J’entends de l’agitation en bas, je vais voir de quoi il s’agit. Nous n’en avons pas fini jeune fille ! »

- « Je compte bien vous battre père ! »

Nous nous saluâmes et mon père disparut. Je ne savais pas encore que mon frère était rentré car je continuais de faire des mouvements dans le vent. Cette salle d’entraînement où j’avais déjà jouté avec mon père à maintes reprises mais jamais je n’avais gagné. J’entendis alors quelqu’un venir dans mon dos.

- « Vous ne m’aurez pas par surprise… »

Tout en disant cela je donnais un coup circulaire pour me mettre face à la personne que je croyais être mon père, nos lames s’entrechoquèrent mais ce n’était pas lui que j’avais en face de moi à cet instant précis.

- « … Aenarion ! »

- « Ravie de te revoir petite sœur ! »

Je baissais aussitôt mon épée et lui donnai un coup de poing dans l’épaule.

- « Hey ! Je te rappelle que nous sommes jumeaux ! »

- « Et moi dois-je te rappeler que je suis né le premier ! »

- « Viens là au lieu de dire des bêtises. »

Nous rengainâmes nos épées et tombâmes dans les bras l’un de l’autre, cela faisait trop d’années que nous ne nous étions pas vus, mine de rien il m’avait manqué. J’écourtais les embrassades pour le regarder de plus près.

- « Regarde-toi ! Tu as l’air d’un véritable diplomate ! »

- « Et toi tu ressembles à une guerrière accomplie ayant déjà connu les affres des champs de bataille, je me trompe ? »

- « Pas vraiment. Tu as l’air d’avoir bien roulé ta bosse aussi. »

- « Oui j’ai pas mal voyagé durant ma formation. J’ai ainsi pu chercher quelque chose mais en vain… »

- « Quoi donc ? »

- « La femme parfaite, mais je savais que je la trouverais ici. »

- « Tu ne vas pas recommencer avec ça ?! »

- « Ne ressens-tu pas la même attirance pour moi ? »

Il m’enlaça alors plus vite que je ne le crus. Ce soudain rapprochement me dégoûta et je n’eus d’autre choix que de lui faire comprendre en lui assénant une gifle monumentale. Ce geste lui fit détourner le regard et j’en profitai pour me libérer de son étreinte.

- « N’as-tu rien compris ? La fête de ce soir va me révéler avec qui je vais me marier, il est hors de question que je fasse ma vie avec toi Aenarion, est-ce que c’est clair ? »

Il me regarda alors avec une lueur diabolique dans les yeux.

- « Tu ne fais que retarder l’inéluctable petite sœur. »

Il se tourna et prit la direction de la sortie, me laissant seule avec un tas de questions en tête, la principale concernant l’inéluctabilité de notre union…


Je me réveillais en sursaut dans mon bain.

(Et si c’était moi, si j’étais la responsable de la tragédie qui avait touché ma famille. Si mon tout premier refus était la graine qui avait fait germé la haine dans son coeur… D’après Nathanael, il avait toujours voulu prendre la place de père au sein d’Equilibrium. Il avait du apprendre l’existence de cette guilde durant ses différents voyages. En tuant nos parents et mon fiancé, il n’avait plus aucun obstacle pour notre union ou pour prendre la place de Zotar au conseil de Sages…)
(Tu n’es en rien responsable de ce qui s’est passé cette soirée-là.)
(Ne t’avais-je pas dit de me laisser tranquille ?)
(Je sais mais il fallait que tu saches une chose, ta mère soupçonnait ton frère de vouloir faire quelque chose de répréhensible. Gifle ou non, il aurait mis son plan à exécution ce soir-là. Je pensais que tu devais le savoir.)

Ainsi donc je n’étais pas responsable de ce carnage, le soulagement put immédiatement se lire sur mon visage. Expirant une bonne partie de l’air dans mes poumons, je glissai au fond de la baignoire afin de m’immerger intégralement dans l’eau chaude.

(Si je ne l’avais pas giflé, que se serait-il passé ?)

Sortant soudainement de l’eau, j’appelais ma faera.

- « CRYSTALLIA ! »

(J’ai juste une chose à dire : Avec des si et des mais, on peut mettre Tahelta en bouteille.)
(Assez avec l’humour, c’est important. Que pensait ma mère au sujet d’Aenarion ? Sur quoi ses doutes portaient-ils ?)
(Je ne peux pas te le dire.)
(Y aurait-il un code de confidentialité entre la faera et son maître par hasard ?)
(Non, pas du tout.)
(Alors qu’est-ce qui t’en empêche ?! Il faut que je sache.)
(Non !)
(CRYSTIIII !!!)
(D’accord, je vais cracher le morceau. Ta mère n’en savait pas plus que toi, mais lorsque ton frère est rentré de sa formation de diplomate elle l’a trouvé changé. Un petit quelque chose qu’elle ne comprenait pas, apparemment tout se trouvait dans son regard, comme si il avait souhaité allégeance à Thimoros.)
(Es-tu sur de ce que tu dis ? C’est très important.)
(Elle lui a trouvé quelque chose de profondément néfaste, de pas elfique dans son comportement.)
(M’est d’avis que ça me concernait…)
(C’est tout ce que je sais de ce jour-là.)
(Merci.)

J’entendis alors toquer à la porte.

- « Est-ce que tout va bien Dame Aenaria, j’ai cru vous entendre crier ? »

- « Tout va bien Valsta, j’ai glissé dans la baignoire alors que je m’étais assoupie, rien de méchant. »

- « Alors tout est pour le mieux. J’en profite pour vous dire que le repas est prêt et que tout le monde vous attend dans la salle à manger. »

- « Parfait, j’arrive dans dix minutes. »

- « Bien. »

Je pouvais presque voir Valsta faire une révérence derrière la porte de la salle de bains. Attrapant le savon à la rose à côté de moi, je me savonnai vivement et me rinçai à la vitesse de la lumière. Sortant de l’eau je me séchai rapidement et enfilai une robe propre avant de rejoindre la salle à manger située juste en dessous de l’aile ouest, celle où je dormais.


En entrant dans la pièce, je vis Iniel, Valsta, Nayri et Anya, la cuisinière et lingère de la maison. En me voyant, elle se précipita vers moi pour me prendre dans ses bras.

- « Aenaria, comme je suis contente de te revoir ! »

- « Moi aussi Anya, moi aussi. »

- « Anya, assez de familiarité. N’oublie pas que c’est la maîtresse de maison maintenant. »

- « Valsta a raison sur ce point, mais j’ai bien l’intention d’assouplir un peu les règles de ce côté-là. Mais avant cela, prenez place, nous avons à parler. »

Je m’étais immédiatement dirigée vers la place qu’occupait mon père avant, en bout de table. Une fois que Valsta et Anya eurent servi tout le monde, nous commençâmes à manger dans la bonne humeur des retrouvailles. Au bout de quelques secondes, Valsta se leva avec son verre de vin dans la main.

- « J’aimerais porter un toast en l’honneur de Dame Aenaria qui est de retour parmi nous, pour je l’espère un temps fort appréciable. »

- « A Aenaria ! »

- « A Dame Aenaria ! »

- « A Aenaria ! »

- « Merci à tous, vous me faites chaud au cœur. J’aurais moi aussi un toast à porter. »

Je me levai et attendis que Valsta reprenne sa place assise avant de prendre la parole.

- « Merci d’avoir fait ce que je n’ai pas pu faire en donnant les honneurs funèbres à mes parents et à Gameleb. A eux ! »

Personne n’ajouta quoi que ce soit mais tout le monde leva son verre en signe d’approbation à mes paroles. Je me rassis et posant mon verre sur la table, je pris de nouveau la parole.

- « Maintenant, racontez-moi tout. »

Tous les quatre se regardèrent comme si un grand secret allait être révélé. Leur silence rendit l’ambiance joyeuse pesante au possible, presque macabre. Puis après un signe affirmatif commun des membres du personnel, j’entendis Valsta soupirer avant de prendre sa respiration pour parler.

- « Avant toute chose, sachez que nous avons fait comme bon nous semblaient à l’époque. Votre frère avait commis un acte impardonnable, vous aviez disparu après lui, nous ne savions trop quoi faire. »

Il était hésitant dans ces propos, cherchant à s’excuser d’avoir fait mal pour le service funéraire de mes parents et de Gameleb. Je devais tranquilliser leurs esprits à tous, car la décision avait apparemment était prise d’un commun accord. D’un geste de la main, je demandais à ce que Valsta se calme.

- « Sachez que je n’aurais pas fait mieux moi-même. Vous avez parfaitement honoré la mémoire de ma famille et de Gameleb. Je ne vous en remercierai jamais assez, croyez-moi, ce que vous avez fait compte beaucoup pour moi. Je suis partie comme une voleuse pour traquer mon frère et le faire traduire devant la justice de notre pays mais pour le moment, j’ai perdu sa trace. »

Aussitôt un voile de haine et de tristesse passa sur le visage de tous les habitants de la propriété. Il était temps pour moi de sortir mon atout de ma manche, Equilibrium.

- « J’ai néanmoins trouvé un moyen de le chercher à travers tout Yuimen, je le trouverai, je vous en fait la promesse. »

Immédiatement, les visages se détendirent, les mâchoires se décrispèrent. De toute évidence, il ne portait plus Aenarion dans leur cœur, et c’était tant mieux.

- « Continuez Valsta, je vous en prie. »

- « Merci Dame Aenaria. Donc comme je le disais, lorsque vous êtes parti, vous nous avez laissé nous occuper de l’office funéraire de vos parents et de Gameleb. J’ai cru bon de nettoyer leurs corps afin de le présenter aux parents de votre promis et également pour les préparer pour la petite cérémonie que nous avions prévu. »

- « Pour ma part, je suis allé en ville afin de prévenir les parents de Gameleb ainsi que le conseil des 15 que 3 personnes avaient été tué sur la propriété. Nous avions pour intention première de faire une cérémonie intime et deux cent personnes sont venus honorer ces morts. »

- « La question de l’endroit où nous allions les enterrer vint alors sur le tapis. Nous voulions tous un endroit qui symboliserait parfaitement ce que nous pensions de vos parents et qui montrerait à quel point ils étaient aimants envers leurs amis, leur famille et envers nous. Le sycomore au fond du jardin tomba alors sous le sens. J’ai donc pris une bonne hache et je l’ai mis à terre. Nous avons enlevé la souche, le bois a été débité pour servir de bois de chauffe. »

- « Lorsque je suis rentré de la ville, j’ai donné de l’aide à Nayri pour terminer de creuser les tombes. Il se trouve que le jour où tu es parti, c’était la … »

- « C’était la pleine lune, je m’en souviens très bien. Lorsque j’ai pris le bateau, on voyait presque comme en plein jour. »

- « Du coup, j’ai mis les petits plats dans les grands afin de préparer un buffet pour accueillir tout ce monde. Le bouche à oreille a très bien fonctionné et tous les membres du conseil des 15 étaient présents. Ils ont tous prononcé de magnifiques paroles à l’intention de tes parents et de Gameleb. C’était très touchant. L’enterrement a duré pratiquement deux heures. Les dernières personnes à parler furent les parents de Gameleb, c’était indescriptible… »

Je pus sentir dans sa voix toute l’émotion qui remontait à la surface à la simple évocation de cet événement. Je bus une gorgée de notre vin elfique afin de faire passer le chagrin qui m’avait envahi alors que mes domestiques évoquaient l’enterrement. Une larme roula sur mon visage que j’essuyai du revers de la main.

- « Réjouissons-nous du jour présent, mes parents détestaient vivre dans le passé. Alors profitons de cette belle fin de journée pour apprécier le fabuleux repas que nous a concocté Anya ! »

- « Merci Naria. »

- « Pas de familiarité avec la maîtresse de maison Anya ! »

- « Attendez tous les deux avant de vous prendre le bec, voulez-vous ? J’aurais une question pour vous : ma famille est toujours locataire de cette maison et donc mon frère et moi maintenant ? »

- « Je faillis à tous mes devoirs madame. Un coursier est arrivé de Tahelta trois jours après l’enterrement de vos parents avec une lettre de la famille royale. Je peux vous la montrer si vous le souhaitez. »

A peine avait-il dit cela qu’il était déjà débout.

- « Du calme Valsta, je vous crois sur parole. Je sais également que vous avez une mémoire exceptionnelle. Donnez-moi le contenu de cette missive s’il-vous-plaît, vous aurez l’occasion de me montrer ce document plus tard. »

- « Si tel est votre désir. »

Il se rassit à table avant de me répondre.

- « Pour faire cours, la famille royale est très attristée de la tragédie que vous vivez. Elle a appris que votre frère était responsable de « cet acte de barbarie pure », je cite, et vous laisse le droit de vivre sur cette propriété. Considérant que votre père avait placé de grand espoir en vous, la famille royale en pense tout autant. »

J’étais abasourdie par les propos que venaient de me tenir Valsta. La famille royale considérait que j’étais capable d’accomplir de grande chose dans le futur. C’était un honneur, je levai les yeux au ciel, où plutôt au plafond, envoyant une promesse silencieuse à Sithi et à mon père. J’accomplirai de grandes choses pour le salut de ma famille et pour laver l’affront de mon frère.

- « C’est une grande reconnaissance et je me ferais un point d’honneur de respecter les volontés de la famille royale. »

- « Ils ont ajouté une note en bas de cette lettre qui concerne votre frère. »

- « J’écoute. »

- « Je cite de mémoire : « Si votre frère venait à remettre les pieds sur les terres du manoir de Faronia ou bien à Balsinh, sachez que vous avez les pleins pouvoir pour mettre un terme à sa vie. N’hésitez pas à faire appel à la milice de la ville, elle a été mise au courant de la situation. » »

- « Je prends bonne note de cette information Valsta, merci beaucoup. J’aurais maintenant une requête à vous formuler. Je suis la locataire de ce manoir maintenant, je vais légèrement assouplir les règles de vie. Valsta à partir de ce soir je ne veux plus que vous réprimandiez Anya ou Iniel lorsqu’ils me tutoient. Si toi aussi Nayri tu veux me tutoyer, tu en as le droit. Valsta également mais je pense que vous êtes bien trop attaché à l’étiquette. »

Tout le monde partit d’un rire franc car toutes les personnes à table savaient que jamais Valsta ne me tutoierait. La bonne humeur était de retour dans la salle à manger. Le repas se finit dans la joie et l’allégresse, tout le monde racontant des anecdotes de plus en plus drôle. C’était parfait, inutile de ressasser le passé durant cette soirée. J’étais de retour chez moi, j’avais envie d’en profiter.

**********


Deux heures après le début du repas, la fatigue commença à m’envahir peu à peu, le trajet avait été long et même si j’avais dormi, j’avais également travaillé, cherché des informations sur cette fameuse ordalie et ce mystérieux objet dont je ne connaissais toujours pas le nom mais qui selon Nathanael me permettrait d’optimiser ma puissance. Toutes ces pages de parchemins avaient usé mon cerveau et mes neurones, il était temps pour moi de me retirer dans ma chambre.

Je me levai de mon fauteuil et tout le monde s’arrêta de parler.

- « Inutile de vous déranger pour moi mais je suis exténuée. Cette soirée en votre compagnie m’a fait énormément de bien mais le voyage a été long et fatiguant. Je n’aspire qu’à retrouver le confort de mon lit. »

- « Avez-vous besoin de quelque chose avant de vous coucher madame ? »

- « Non merci Valsta, profitez de cette soirée. »

Je fis une légère révérence de la tête leur donnant ainsi l’autorisation de continuer les festivités mais j’avais dans l’idée que Valsta ferait montre de son influence sur le reste du personnel afin de mettre un terme à ce dîner. Je passai de la salle à manger à la grande salle de réception qui donnait l’accès au grand escalier menant à l’étage supérieur. Je montai les quelques marches avec lassitude et tournai à gauche me rendant ainsi directement dans ma chambre. J’ouvris la porte et m’écroulai directement sur mon lit. Je n’avais aucune pièce d’équipement sur moi, seulement mes vêtements propres et des chaussures. Je pris deux minutes pour délacer mes chaussures, retirai vivement ma robe que j’envoyai voler à travers la pièce atterrissant sur le miroir. Je me mis dans les draps avec seulement mes sous-vêtements et à peine la tête sur l’oreiller, je fus emportée dans le monde onirique.

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Dernière édition par Aenaria le Mer 3 Aoû 2016 10:18, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Le manoir de Faronia
MessagePosté: Lun 1 Aoû 2016 10:41 
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Je me réveillai avec les rayons du soleil qui vinrent illuminer ma chambre de leurs différentes teintes jaunes, rouges et ocres. Je fis le chat et m’étirai de tout mon long profitant encore de ce lit qui m’avait tant manqué durant mes aventures à travers Yuimen. Regardant le ciel de lit, je vis comme au Nobelium, les armoiries de ma famille dessinées à l’encre blanche. Ceci me rendit fière, fière d’être une Imfilem et nostalgique d’avoir quitté si vite Nathanael et Kellan, n’ayant pas forcément eu le temps de discourir plus longtemps avec eux.

Ils m’avaient confié une mission, celle de découvrir le moyen d’augmenter ma puissance magique et de la contrôler. Nathanael m’avait donné une toute petite piste sur un objet particulier mais pour le moment, il demeurait un véritable mystère. Ils m’avaient demandé de ne rentrer que lorsque j’aurais accompli ma destinée et que j’aurais réglé le petit problème d’Ehemdim et de Tamìa.

Il faudrait d’abord que je retrouve Tamìa si je voulais régler la situation mais depuis que je l’avais entendu au camp d’Omyre et que j’avais reconnu son visage durant l’une de mes visions d’Ehemdim, elle n’avait plus montré le bout de son nez. Elle semblait avoir quitté Kendra Kâr pour de bon, c’était au moins une bonne chose mais j’avais peur qu’elle ne refasse surface ici-même afin de me chercher des crasses à moi ainsi qu’à toutes les personnes qui m’étaient chères, comme elle avait pu le prédire à mon fiancé.

J’avais encore pas mal de documents à lire pour trouver un indice afin d’accomplir la mission de Nathanael. Peut être que la bibliothèque de mon père contenait des informations supplémentaires. Kellan, quant à lui, voulait que je tue Tamìa pour ce qu’elle m’avait fait et ce qu’elle était potentiellement capable de faire. Le voile blanc devant les yeux d’Ehemdim n’annonçait rien de bon pour ce dernier.

Bon, inutile de me faire des nœuds au cerveau pour le moment, un bon bol d’air me ferait le plus grand bien. J’irais faire un tour en ville pour prendre des nouvelles de la famille de Gameleb, je n’étais pas là pour l’enterrement, je devais leur porter mes hommages.

Je sortis de mon lit et entrepris de changer de tenue, préférant une jupe ajourée et un haut moulant protégeant seulement ma poitrine ainsi que mes bras, une tenue pratiquement semblable à celle que Liam m’avant donné, étrange. Sachant que j’allais en ville, je laissai tout mon équipement dans ma chambre et pris seulement ma lame et son fourreau à la main afin de descendre à la salle à manger. Je laissai volontairement mon sac, préférant ne pas m’en encombrer, il faisait suffisamment chaud comme ça dans la ville.

Une fois en bas des escaliers, Valsta arriva presque immédiatement à ma rencontre.

- « Dame Aenaria, bonjour à vous. »

- « Bonjour Valsta, comment allez-vous ? »

- « Avec un temps pareil, je suis d’excellente humeur. Comment fut votre sommeil ? »

- « Excellent et reposant surtout. »

- « Un bon petit déjeuner pour commencer la journée vous plairait peut être ? »

- « Valsta vous lisez dans mes pensées ! »

- « Allez vous asseoir, je vous apporte cela dans les plus brefs délais. »

Il fit une légère révérence de la tête et partit rapidement en direction de la cuisine. Je partis déposer mon arme dans le salon, non loin de la porte et me dirigeai dans la salle à manger où je m’assis comme hier à la place de mon père. Je me perdis dans la contemplation du jardin et de la cascade plus loin qui rafraichissait la propriété. Ce havre de paix m’avait vraiment manqué.

(A moi aussi.)
(Est-ce que je peux te poser une question indiscrète ?)
(Je l’ai souvent fait avec toi alors ne te gêne pas.)
(Combien de temps as-tu été la faera de ma mère ?)
(Rappelle-moi l’âge de ta mère lors de son décès.)
(490 ans.)
(Alors j’ai vécu auprès d’elle pendant 403 ans…)
(Quoi ? J’ai dû mal comprendre. Tu l’as rencontré alors qu’elle n’avait que 87 ans ? C’est possible de rester auprès de son maître aussi longtemps pour une faera ?)
(Tu as encore beaucoup de choses à apprendre sur nous mais ce n’est pas mon record. J’ai passé plus d’un millénaire auprès d’un prêtre de Gaïa avant cela. Tant que notre maître ne meurt pas, qu’il souhaite nous garder à ses côtés et que nous n’avons aucune raison de le quitter, nous restons.)
(Alors espérons que ma vie ne se termine pas trop vite.)
(J’ai beau être une pacifiste dans l’âme, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour te garder en vie.)
(Merci Crystallia. Et s’il-te-plaît, ne me mens plus jamais. Ca fait trop mal.)
(Promis.)

Je revins au moment présent lorsque Valsta apporta un plateau avec de quoi me sustenter. Il le posa sur la table et en voyant son contenu, je ne pus que sourire.

- « Du pain au raisin, frais de ce matin, avec du miel de nos ruches, une salade de fruits rouges du jardin, du jus d’orange frais et une omelette. »

- « C’est parfait Valsta. »

- « Puis-je m’occuper de faire votre lit ? »

Sa demande me prit au dépourvu n’ayant plus l’habitude qu’on me fasse mon lit. Dire non serait une insulte au travail du majordome, j’acquiesçai donc de la tête à sa demande. Aussitôt il me laissa seule dans la salle à manger et se rendit à l’étage. Pour ma part, j’en profitai pour avaler mon petit-déjeuner avec envie et plaisir.

(Tu vas tout manger ?)
(Oui pourquoi ?)
(Faudra que tu m’expliques un jour comment tu fais pour manger autant et ne pas prendre un gramme !)
(Alors primo, on est à Balsinh, il fait une chaleur d’enfer ici, si tu ne manges pas bien le matin, tu risques de faire un malaise. Deuxio, je suis un soldat, je suis censée m’entraîner tous les jours pour ne pas rouiller, je faisais du sport tous les jours avant de te rencontrer.)
(Mouais, du sport en chambre surtout !)

Je ne pus m’empêcher de rire toute seule devant mon repas suite à la réflexion de Crystallia. Je bus une gorgée de jus d’orange pour reprendre mon calme.

(Tu n’as jamais été curieuse de voir ce qu’il se passait à côté de toi lorsque tu vivais près de ma mère ?)
(Elle avait de hautes responsabilités au temple de Sithi, je me devais de l’épauler un maximum. Pourquoi cette question ?)
(Tu vois la cascade à côté du domaine ?)
(Oui bien sur.)
(Je passais une heure tous les matins quand j’étais petite à nager dans la rivière pour me fortifier avant d’aller à l’académie militaire. Par la suite, l’entraînement à l’arme, à cheval, à la course, tous les jours pendant 45 ans, je peux te dire que ça suffit comme sport.)
(Et maintenant ? Tu fais du sport avec Ehemdim !)
(Pas tous les jours non plus ! Ca faisait des jours que je ne l’avais pas vu je te rappelle ! Cette mission sur l’île volante, la mission des Amants, les évènements consécutifs à mon réveil à Omyre, c’était du sport aussi.)
(Je te le concède.)

Je laissai Crystallia méditer pendant que je terminai mon petit-déjeuner ou du moins que je l’engloutissai. Ce qui venait du jardin de la propriété n’avait vraiment pas la même saveur que ce que j’avais pu manger au Nobelium, Faronia donnait vraiment un goût différent aux choses. Je fis couler le tout avec le reste du jus d’orange et partis récupérer mon épée dont je m’équipai dans le dos.

Je sortis par la grande porte fenêtre du salon pour arriver directement sur le jardin où j’aperçus Iniel et Nayri en grande discussion. Lorsqu’ils me virent sur le parvis du manoir, ils ne purent s’empêcher de venir à ma rencontre.

- « Bonjour Aenaria. »

- « Bien dormi ? »

- « Nayri, Iniel, bonjour à vous deux. Et oui, j’ai dormi comme un gros bébé ! »

- « Toutes les révélations de la veille ne t’ont pas empêché de trouver le sommeil apparemment. »

Iniel donna une frappe derrière la tête de Nayri au niveau de l’occipital. Je me pinçais les lèvres pour ne pas rire devant cette petite scène du quotidien que j’avais déjà eu tant de fois l’occasion de voir.

- « Je ne lui en tiens pas rigueur Iniel, inutile de le taper ainsi même si c’était très drôle. »

- « Comment se fait-il que tu sois déjà debout, avec cette magnifique tenue ? »

Comment sauter du coq à l’âne en une phrase !

- « Je me rends en ville pour voir les parents de Gameleb et leur présenter mes respects. »

Iniel et Nayri échangèrent un regard qui voulait en dire beaucoup. Je levais un sourcil interrogatif face à leur comportement.

- « Vous, vous me cachez quelque chose. Crachez le morceau maintenant où je n’hésiterais pas à faire usage de la force. »

- « Même pas peur ! »

- « Parle pour toi ! »

- « Tu n’as pas intérêt à me lâcher là-dessus. »

Deux pipelettes ! Ce petit jeu avait assez duré. Alors qu’ils continuaient de se disputer, je mobilisais mes fluides incandescents au bout de mes deux mains et créaient deux boules de feu. Je levais ensuite les mains au niveau de ma poitrine et je vis aussitôt leurs yeux se transformer en billes.

- « Tu n’oserais pas… »

- « La douce et gentille petite elfe que tu connaissais a disparu lorsque ses parents sont morts, tués de la main de son jumeau. Alors parlez par Meno ! »

Pour les inciter à délier leurs langues, je rassemblai mes deux boules de feu en une seule plus grosse. Leurs sourcils se levèrent un peu plus vers la naissance de leurs cheveux si cela était possible. Je fis disparaître cette masse fluidique en clapant mes mains.

- « Les parents de Gameleb ne sont pas dans leur état normal depuis quelques jours maintenant. »

- « Hier matin, je suis allé les voir pour savoir s’ils voulaient que je dépose sur la tombe de leur fils des fleurs de leur jardin et ils m’ont tout simplement claqué la porte au nez. »

(Tamìa ?)
(J’en ai peur.)

- « Merci de l’info les garçons. Je serais prudente alors. »

- « Tu veux prendre ton cheval ? »

- « Inutile, il doit encore s’habituer à la chaleur qui règne ici. Marcher me fera du bien, la température est encore clémente à cette heure de la journée. »

- « Fais attention à toi. »

Je souris pour toute réponse et pris la route pour rejoindre tranquillement la ville.

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Dernière édition par Aenaria le Mar 31 Jan 2017 11:24, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Le manoir de Faronia
MessagePosté: Dim 7 Aoû 2016 23:17 
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J’arrivai à la maison vers les dix heures du matin, si ma proposition avait bien été acceptée par Elylia, elle ne devrait plus tarder maintenant. J’allongeai mon pas et rejoignis rapidement le salon à la recherche du majordome. Ne le voyant pas, je n’avais plus qu’une solution.

- « Valsta ! »

J’entendis des pas au-dessus de ma tête, il se trouvait à l’étage, dans la chambre de mes parents, étrange. En arrivant dans la salle de réception, je le trouvai en haut des escaliers.

- « Oui madame. »

- « Une amie à moi doit arriver au manoir aujourd’hui normalement. La chambre d’ami est-elle prête ? »

- « Je vais aller changer les fleurs pour mettre un bouquet plus frais afin de l’accueillir dignement. Puis-je m’enquérir de son nom et de la raison de sa venue en ces terres ? »

- « Elle se nomme Elylia et elle est à la recherche d’une ville ayant un lien tout particulier avec l’eau. Je lui ai dit que vous vous feriez un plaisir de lui donner des informations sur notre belle ville Valsta. Après tout, vous la connaissez bien mieux que moi ! »

- « Utilisez ma mémoire et faire partager mon savoir est toujours un véritable honneur madame. »

Il fit une révérence de la tête.

- « Je n’en attendais pas moins de vous. Savez-vous où se trouvent Iniel et Nayri ? »

- « Iniel doit probablement s’occuper de votre monture, c’est sa première journée à supporter cette chaleur. Quant à Nayri, il doit être au fond du jardin à couper les buissons de buis ou bien à s’occuper du potager. »

- « Merci Valsta. »

- « Tout pour vous servir madame. »

Je le remerciai de la tête et me rendis directement au niveau des écuries de la propriété. Tranquillement, je fis le tour de la maison et me retrouvai devant les quartiers du personnel, plus petit mais tout aussi agréable car proche de l’eau, ils bénéficiaient ainsi de la fraîcheur du fleuve. Tournant au coin, je rejoignis en quelques enjambées les écuries qui se trouvaient dans un espace ombragé toute la journée afin de protéger les montures.

Sifflant légèrement, je vis Célestion passer sa tête au-dessus de la porte de son box. Il hennit et se cabra en me voyant arriver vers lui. À sa hauteur, je lui flattai l’encolure et caressai son chanfrein. Il colla sa tête sur mon épaule comme pour me faire un câlin.

(Bonjour mon beau, tu as l’air d’aller bien. Iniel s’occupe bien de toi ?)

Il leva sa tête en hennissant pour acquiescer. Un magnifique sourire apparut sur mon visage, je savais qu’Ini saurait s’occuper de ma monture dignement. Il respectait tous les animaux de cette planète.

Un souvenir me revint à l’esprit lorsqu’il avait recueilli un écureuil qui avait été blessé par un oiseau, un gros oiseau de proie dont je ne me souvenais pas la race. Il avait passé plusieurs jours au chevet de cette petite boule de poil afin de le surveiller durant sa convalescence. Après un travail acharné, l’écureuil était de nouveau d’attaque. Iniel l’avait alors relâché dans la forêt autour de la propriété.

J’avais une bonne dizaine d’exemples dans ce genre afin de prouver l’amour que portait Iniel envers les animaux de Yuimen. Une branche craqua derrière moi, levant les yeux vers Célestion, je ne vis aucune méfiance dans son regard. Je n’avais donc rien à craindre. Quelques secondes plus tard, le palefrenier pointa le bout de son nez avec des carottes dans la main. De la gourmandise naquit dans le regard de mon cheval, incorrigible celui-là !

- « Tout va bien ? »

- « Oui, je venais juste voir comment Célestion supportait la chaleur de la ville. »

- « Comme tu peux le voir, il a l’air d’apprécier mes petits soins ! Tiens mon beau, mange ces carottes, Nayri vient tout juste de les récolter. »

Célestion ne se fit pas prier et croqua dans les tubercules orange. Je me fis sourire toute seule en imaginant que ma monture souriait de plaisir en mangeant ces légumes. Le caressant de nouveau, je me tournai vers Iniel.

- « Ma visite aux écuries avait un autre but que celui de vérifier l’état de Célestion. J’ai une amie qui doit arriver au domaine normalement aujourd’hui mais comme j’aimerais faire pas mal de petites choses, j’ai peur de ne pas être présente lors de son arrivée. Valsta est prévenu, je vais aller prévenir Nayri comme vous êtes tous les deux dehors toute la journée, vous êtes les plus susceptibles de la trouver sur la propriété. »

- « Pas de problème, tu peux me la décrire que je sache à quoi elle ressemble. »

- « Elle se nomme Elylia, c’est une sindel, grande comme moi, brune, maniant épée et eau. »

- « C’est noté. »

- « Merci, je vais rejoindre Nayri. Il est toujours dans le potager ? »

Le palefrenier acquiesça de la tête tout en entrant dans le box de ma monture. Il entreprit de nettoyer sa couche, je le laissai travailler rejoignant ainsi le jardin potager qui se trouvait un peu plus loin sur la propriété.

Descendant la bute où se trouvait les écuries, je trouvai sur ma droite les arbres fruitiers. Sur l’un d’eux, je récupérai un abricot dans lequel je mordis avec gourmandise, à la façon de Célestion avec ses carottes. Une petite idée naquit dans mon esprit, je voulais surprendre Nayri, comme nous le faisions petit. Je finis mon fruit rapidement, me baissai pour laisser le noyau au sol et à pas feutrés, rejoignis le potager.

Je me cachai derrière un buisson et observai le jardinier à l’œuvre et ce que je vis me surpris au plus haut point. Il effectuait une danse de ses mains et cela avait pour effet de faire pousser plus vite les fleurs des légumes. Impossible ! Il maîtrisait des fluides de terre et je ne l’avais jamais soupçonné. Sortant de ma cachette, je me postai derrière lui.

- « Tu m’avais caché que tu étais un géomancien. »

Il se retourna, visiblement surpris de s’être fait avoir par la maîtresse de maison. Il soupira et cracha le morceau.

- « Pour être très précis, je suis à la base un druide qui adorait parler aux plantes. Tous les bons jardiniers doivent passer par cette formation pour parfaitement maîtriser la flore yuiménienne. Tes parents le savaient. Les locataires du manoir sont toujours au courant. Je constate que j’ai oublié de te révéler cette information, tu ne m’en veux pas ? »

- « Je ne t’en veux pas, mais alors pas du tout. Cependant, cela me donne des idées. »

- « Est-ce que cela a un lien avec la boule de feu que tu as voulu nous balancer à Iniel et moi ce matin ? »

- « Effectivement, tu devines bien. Pour ne pas rouiller et m’encroûter, ne sachant pas combien de temps je vais devoir attendre une piste pour trouver Tamìa, je te propose de te battre contre moi, soit tout seul, soit avec l’arc et l’épée de Nayri. »

- « Tu ne connais pas tout de moi, mais j’accepte le défi en un contre un. Ensuite, nous verrons si tu arrives à t’en remettre ma grande ! Locataire ou pas, je vais te botter les fesses ! »

Je vis son regard s’assombrir alors que son poing droit se fermait. Le sol se mit alors à trembler sous mes pieds me faisant légèrement perdre l’équilibre. La secousse s’arrêta aussi rapidement qu’elle avait commencé. Un petit sourire narquois naquit sur mon visage.

- « Bravo Nayri, c’est impressionnant mais ça ne me fait pas peur. Choisis le lieu et l’heure de ta mise à mort ! »

- « Oh tiens donc, tu veux me tuer ? Qui va entretenir ce magnifique jardin ? »

- « C’était une manière de parler ! Alors ? »

- « Je vais nous créer une route permettant de rejoindre l’autre rive du fleuve au niveau de la chute d’eau, nous serons tranquille et nous ne risquerons pas d’endommager le jardin ou la maison. Et pour l’heure, disons après le déjeuner ? »

- « Parfait. À tout à l’heure alors ! »

Je pris le chemin du retour lorsque je me souvins de la raison de ma venue. Me retournant, je fis ma petite annonce.

- « Avant que je n’oublie, une amie sindel, Elylia, grande, brune, maniant épée et eau, doit passer par la propriété. Si jamais je n’étais pas présente à ce moment-là, fais-lui bon accueil. »

- « Comptes sur moi. »

Cette fois-ci je pus rejoindre le perron du salon l’esprit plus tranquille. J’allais pouvoir entretenir mes pouvoirs durant mon séjour sur la propriété, c’était parfait. Nathanael m’avait dit que je devais prendre le temps de méditer, j’avais lu la même chose à Cyniar. Un petit moment de calme et de tranquillité dans ma chambre me ferait le plus grand bien avant le déjeuner.

En rejoignant le salon, je tombai nez à nez avec Valsta.

- « La chambre d’ami est prête à recevoir votre amie. Puis-je faire autre chose pour vous ? »

- « Merci Valsta. Je vais aller dans ma chambre me reposer, ne venez pas me déranger et ne vous inquiétez pas, je serais présente pour le déjeuner. »

- « Bien madame. »

Je passai devant lui alors qu’il baissait respectueusement la tête. Je gravis les marches me séparant de ma chambre, y entrai, laissai mon épée sur le fauteuil, me départis de mes chaussures et me mis en tailleur sur mon lit en vue d’une petite séance de méditation.

Je fermai les yeux, me redressai le dos le plus possible afin d’ouvrir mon plexus, posai mes mains paumes vers mon ciel de lit sur mes genoux et fis en sorte de me concentrer seulement sur ma respiration et les battements réguliers de mon cœur. Inspiration, expiration, inspiration, expiration…

Comment pouvais-je me concentrer sur ma respiration après tout ce que j’avais découvert dernièrement ? La présence de tant de personnes à l'enterrement de mes parents, le fait que j'étais officiellement la locataire du manoir, la famille royale qui plaçait de grands espoirs en moi et me laissai toute liberté pour arrêter mon frère, Nayri qui possédait des fluides de terre, ma faera qui avait été celle de ma mère...

(Je ne te l'ai pas clairement dit mais je suis sincèrement désolée de t'avoir caché la vérité. Je ne savais vraiment pas comment t'annoncer cela.)
(Tu savais très bien qui j'étais lorsque tu as choisi de venir à moi, pourquoi tu n'as pas révélé ton identité à ce moment-là ? Tu m'as vu grandir à travers ma mère.)
(C'est vrai et j'ai considéré ton passage en Ynorie comme la providence qui me faisait un signe, comme un moyen pour moi de garder un oeil sur la fille de Fania. Le fait que tu cours après les responsables de la mort de mon ancienne maîtresse est une cerise sur le gateau pour moi.)
(On les retrouvera Crystallia, que ce soit mon frère, ses acolytes ou bien Tamìa.)
(Les acolytes de ton frère ? Je ne comprends pas...)
(Tu te souviens la petite bande qui est venue à la maison avec mon frère en ce jour funeste ?)
(Les trois elfes noirs ?)
(Ceux-là même. Et bien, lorsque je suis partie à la recherche d'Aenarion, j'ai retrouvé leurs traces dans une forêt à l'entrée de Bouhen. Plus exactement, j'ai retrouvé le cadavre de l'un d'entre eux sur lequel j'ai prélevé le collier que tu vois à mon cou. C'est un symbole que mon frère apprécie particulièrement et si tu te souviens bien...)
(Chaque shaakt en portait un ce jour-là !)
(Donc je tends à croire que tous ses fidèles serviteurs en portent un comme signe de reconnaissance.)
(A l'image de ton anneau de l'équilibre.)
(Exactement. Et qui sait, il pourrait s'avérer utile plus tard.)
(Tu te souviens du but de ce moment d'isolement ou pas ?)
(Merci de me le rappeler mais comment veux-tu que j'y arrive ? Tu as une idée ?)
(Il se pourrait bien que j'en ai une, est-ce que tu te souviens de certains mouvements que ta mère faisait lors des cérémonies au temple de Sithi ?)
(Bien sur, comment l'oublier, elle était gracieuse et d'un calme presque divin.)
(Cela provenait d'exercices quotidiens qu'elle faisait afin d'atteindre un niveau de calme et de concentration comme jamais je ne l'avais constaté chez une personne.)
(Tu penses que tu pourrais me l'enseigner ?)
(Bien sûr. Alors descends de ton lit, je vais te montrer les différentes positions que ta mère effectuait.)

Je m'exécutai et vis Crystallia se matérialiser devant mes yeux sous sa forme de fée. Elle était souriante comme à son habitude et se posta non loin du bord de mon lit. Je me mis face à elle et me mis dans l'idée qu'elle serait mon professeur pour les minutes à suivre.

- "Bien maintenant, il faut que tu calmes les battements de ton coeur pour te détendre. Lorsque tu y seras, on pourra commencer."

J'annonai et soufflai profondément afin de me détendre. Je fermai les yeux laissant mes idées vagabonder vers la chute d'eau de la propriété. Ce bruit avait l'habitude de me calmer, repenser aux heures passées dans la crique à me reposer me fit soupirer d'aise. J'étais bien dans mon corps, je me sentais en pleine possession de mes moyens. J'avais une mission que j'étais déterminée à accomplir avec succès, s'il me fallait passer par ces phases de calme et de méditation, je m'y astreindrai aussi souvent que nécessaire.

D'un signe de la tête, je montrai à ma faera que j'étais prête pour son enseignement. J'ouvris les yeux et attendis la suite.

- "Bien, jeune apprentie, tu vas reproduire différentes postures plus ou moins difficile à faire mais qui mettront ta respiration, ta souplesse et ton calme à rude épreuve."

- "Parce que je risque de m'énerver ? Je croyais que ces exercices étaient là pour me calmer !"

- "Réussir certaines postures et surtout les tenir sans bouger, c'est ce qui risque de t'énerver. Je commence à te connaître et je préfère te prévenir, tu devras maintenir ton calme quoi qu'il arrive. J'ai choisi des postures qui ne devraient pas être problématique connaissant tes capacités physiques."

- "D'accord. Je te suivrai les yeux fermés Crysti."

- "Première posture, la posture de l'arbre."

Crysti se mit en position, je n'avais plus qu'à la répéter. Celle-ci ne semblait pas trop difficile. Prenant un bon appui sur la jambe gauche, je pliai ma jambe droite et calai mon pied dans la pliure de mon genou gauche. Mes moins jointes vinrent se coller sur mon plexus.

- "Bien. Maintenant tu tiens la position pendant une minute tout en contrôlant ta respiration. Inspiration... Expiration..."

Inspirer profondément par le nez et expirer par la bouche, le message était bien passé. Les secondes s'égrainèrent lentement jusqu'à ce que Crysti ne bougea pour changer de position.

- "Deuxième posture de l'arbre."

J'imitai ma faera en montant mes bras au-dessus de ma tête gardant mes mains jointes. Ma position vacilla légèrement mais je réussis à tendre mes bras complètement. Calmant les battements de mon coeur, je réussis à tenir la position, respirant de nouveau comme Crystallia me l'avait indiqué. Fermant les yeux, je profitai de ce moment de complicité avec ma faera.

- "On corse les choses maintenant."

Je levai un sourcil de surprise avant d'ouvrir les yeux. Crystallia avait retrouvé la position de départ, bras le long du corps, pieds joints. Je fis de même, m'attendant à quelque chose de plus complexe. Lentement, je regardai ma faera se mettre en position mais alors que je pensais que c'était fini, elle complexifia sa posture. Je compris le sens de sa remarque en la voyant.

- "La posture du danseur. Vue ta souplesse, elle ne devrait pas te faire mal."

- "Parle pour toi."

- "Pas de commentaire, inspire, expire et exécute."

Elle se montrait martial avec moi, elle me rappelait presque mes formateurs à l'armée, une main de fer dans un gant de velours. Il m'était inutile de paniquer face à cette posture, Crystallia m'avait assuré que j'y arriverai, pourquoi me mentirait-elle ?

Prenant appui sur ma jambe gauche, je pliai mon genou gauche en arrière afin que mes orteils touchent mes fesses. Je maintins la position le temps d'expirer, à l'inspiration je pris mon gros orteil dans ma main droite et étirai ma jambe vers le haut afin de former une sorte de carré avec ma jambe, mon bras et mon torse. Levant le bras gauche pour garder l'équilibre, je continuai les exercices de respiration et tins la position du mieux possible.

Crystallia m'avait gâté et j'étais presque sûre qu'elle gardait d'autres postures plus difficiles dans sa manche. Je ne pouvais rien dire, après tout je l'avais cherché en lui demandant de m'aider. Des tremblements firent leur apparition dans ma jambe qui se diffusèrent rapidement au reste de mon corps, je ne tiendrai plus longtemps cette position inconfortable.

- "Et maintenant, retour à la position de départ."

Merci Sithi ! Faisant bonne figure, je lâchai ma jambe de la même manière que je l'avais récupéré. J'admirai Crystallia prendre une nouvelle pose qui ressemblait à s'y m'éprendre à une fente épée vers le haut.

- "Première position du guerrier."

Le nom me plût immédiatement, allait savoir pourquoi ! De la position pieds joints, je glissai ma jambe droite en arrière afin de faire une fente. Joignant les mains au niveau du bas ventre, je les levai vers le ciel formant un angle droit parfait entre ma cuisse gauche et mon tronc. Maintenir cette position fut un jeu d'enfant pour moi, cela me permettait également de récupérer après la position du danseur.

Crystallia changea gracieusement le placement de ses bras.

- "Deuxième position du guerrier."

Baissant les bras au point d'origine, mon bas ventre, je tournai le torse vers la droite et tendis mes bras à l'horizontal, gardant la tête regardant droit devant moi. Cette position laissait vraiment penser que j'étais en train de lancer des couteaux devant et derrière moi. La tenir me fit réaliser que certains muscles étaient tendus notamment au niveau des épaules. Inspirer et expirer tranquillement me détendit quelque peu.

Louchant sur la gauche, je vis que Crystallia changeait de nouveau de position. J'avais l'impression de voir la décomposition d'un coup de pied.

- "Troisième et dernière position du guerrier."

Partant de ma position pied jointe, j'ancrai mon pied gauche dans le sol et d'un même mouvement penchai le haut du corps vers l'avant alors que la jambe droite s'élevait en arrière, permettant à mon corps de former une planche. Je gardai ainsi la position tout en faisant en sorte d'avoir les bras bien le long du corps. Je sentis mes abdominaux travailler afin de maintenir la posture. Respirer avec le ventre plutôt qu'avec le haut du corps me permit de ne pas bouger d'un pouce.

- "Les postures de guerrier semblent te plaire. Retour à la position de départ."

Doucement, pendant une expiration profonde, je me remis debout. Je vis alors que ma fera s'allongeait sur le sol, dos au plancher de ma chambre.

- "Nous allons faire deux positions au sol basique. Tu sais probablement faire les deux d'ailleurs."

Je vis Crystallia lever les jambes puis le bassin et tout le reste de son corps vers le haut, en laissant sa tête bien ancré dans le sol. Je connaissais cette posture.

- "La posture..."

- "...de la chandelle."

- "Je vois que tu connais la première, tu connaîtras également la deuxième. Je te la montre et tu changeras à mon signe."

J'acquiesçai de la tête et attendis de voir la seconde position. Elle redescendit en expirant et avec une douceur extrême tout son corps pour se retrouver en position allongée. Elle disposa ses mains de telles manières à avoir les coudes vers le haut, puis elle plia légèrement les genoux afin de ramener ses pieds sous ses fesses et d'un coup, leva son corps en arc de cercle.

- "La posture du pont, je présume ?"

- "Tu présumes bien."

Je vis Crystallia redescendre doucement au sol tout en expirant.

- "Pense à bien vider tes poumons en sortant de la position, cela t'évitera de douloureuses contractions musculaires."

- "D'accord."

Ma faera se remit sur ses pieds et m'indiqua le sol afin que je mette au travail. Je m'exécutai et rapidement me mis en position de la chandelle. Tout en maintenant la position avec les bras collés au sol, je vis Crystallia au-dessus de ma tête qui lévitait en tailleur. De sa main droite, elle me montra comment il fallait que je respire : inspiration par le nez et profonde expiration par la bouche. Je m'appliquai à répondre à ses attentes le plus possible, perfectionniste que j'étais, j'aimais à rendre mes professeurs fiers de moi.

Au bout d'un moment qui me parut durer une éternité, Crystallia me fit signe de descendre les jambes afin de passer à la deuxième position partant du sol. Souplement, je fis le pont. Cette posture me rappela les étirements que j'avais fait lorsque j'étais encore enfermée dans le camp d'Oaxaca à Omyre. J'avais coupé la tête d'un démon mais il présenterai bientôt un autre visage probablement plus sombre et plus brutal que le précédent.

Avec ses pensées, ma concentration m'échappa tout comme le rythme parfait de ma respiration. Crystallia s'en rendit compte et me fit non de l'index droit, m'enjoignant ainsi à retrouver la paix intérieure que j'avais réussi à trouver lors de la posture précédente. Je gardai mon regard ancré sur ma faera qui lévitait toujours autour de moi, inspirai profondément par le nez et expirai doucement par la bouche.

La tête commença légèrement à me tourner à force de l'avoir vers le bas, mes bras se mirent à trembler quelque peu.

- "Redescends au sol doucement Aenaria, ton corps parle pour toi."

Je ne me fis pas prier et retrouvai le froid du sol qui détendit mes muscles.

- "Parfait. Et maintenant remets-toi debout."

Je pensai en avoir fini avec ces exercices mais de toute évidence Crystallia avait autre chose de prévu pour moi ce matin. Je me relevai, me mis en position et attendis de la voir performer. Elle n'en fit rien bien au contraire, elle s'installa confortablement sur ma coiffeuse, les bras serrés sur le torse.

- "Je peux savoir ce que tu attends ainsi ?"

- "Que tu refasses toutes les positions que je t'ai enseigné dans l'autre sens. Si étais debout sur la jambe droite, tu fais pareil avec la jambe gauche."

- "Je savais bien qu'il y aurait une embrouille dans cette histoire d'entraînement. Tu m'as bien eu mais je me prête à l'exercice de bonne grâce."

Je calmai les battements de mon coeur, repris l'exercice de respiration et recommençai du début.

***


Vingt minutes plus tard, j'en avais terminé. Crystallia se souleva de son mirador et s'assit en tailleur, enfin presque en tailleur sur le sol. Ses orteils étaient posés sur ses genoux opposés.

- "Viens t'asseoir en face de moi dans la position du lotus."

Il me fallut deux essais pour réussir à m'installer comme ma faera et à maintenir un semblant d'équilibre. Une fois en position, je mis mon dos bien droit, posai mes mains paumes vers le haut sur mes genoux, comme ma faera et attendis.

- "Maintenant, tu vas simplement te concentrer sur les battements de ton coeur et sur la régularité de ta respiration. Je veux que tu fasses abstraction de toutes tes pensées négatives ou positives, que tu te concentres sur le monde qui t'entoure. Que tes autres sens prennent le dessus surtout le sens de l'ouïe. Je veux que tu sois capable d'entendre le moindre oiseau qui piaille dans son nid, la moindre goutte d'eau qui tombe de la chute d'eau. Bref, fais le vide en toi mais pas autour de toi et tu atteindras la sérénité ou si tu préfères le calme dont tu as besoin pour apprendre à maîtriser tes nouveaux pouvoirs."

- "Je veux bien essayer mais je ne te garantis rien."

Gardant la position, je fermai les yeux et continuai les exercices de respiration. Au bout d'un moment, les battements de mon cœur devinrent tellement lents que je pus simplement respirer par le nez. Je me sentais bien, détendue, j'arrivais presque à sentir mes fluides magiques se déplacer dans mes veines tel le sang irriguant mon cerveau.

Le sang, ce flux vital qui coulait dans tout notre corps, qui alimentait nos muscles, qui se purifiait lorsque nous respirions. Ce liquide sans lequel nous ne serions pas des êtres vivants... Ce liquide qui, s'il venait à manquer dans notre corps, causerait notre perte... Ce liquide rouge qui trop souvent avait coulé de mes blessures...

Je sentis aussitôt mon cœur battre la chamade dans mon cœur, mon esprit fut assailli de souvenirs plus ou moins douloureux des combats que j'avais livré par le passé. Etre un soldat n'était pas de tout repos, preuve en était dans ma tête et sur mon corps. J'ouvris les yeux et mis fin à ses souvenirs.

- "Tout va bien Naria ?"

- "Mes pensées ont simplement vagabondé dans mon passé, rien de grave."

- "D'accord. Tu devrais aller manger un morceau car sans le sentir tu as laissé des forces dans ces exercices et si ma mémoire est bonne, et je me flatte toujours de croire qu'elle est excellente, tu dois te battre contre l'un des membres du personnel après le déjeuner. Ce repas devient donc essentiel."

En regardant rapidement par la fenêtre, je constatai que la course du soleil était déjà bien avancé dans le ciel. Je ne devais pas perdre de temps si je ne voulais pas manquer mon rendez-vous.

- "Tu as raison. Voyons ce que nous avons pour le déjeuner."

Crystallia reprit sa forme d'oiseau et je compris que j'étais maintenant la seule à pouvoir la voir ainsi. Ma compagne d'esprit se dirigea vers la porte de ma chambre qu'elle traversa. Je récupérai de simples sandales ouvertes puis jetai un long regard vers tout mon équipement de guerrière. Inutile pour moi de me charger de mes protections, nous allions nous battre avec nos pouvoirs magiques Nayri et moi. Le connaissant, il viendrait sans armure pour me prouver sa supériorité mais je lui ferai rapidement ravaler sa fierté mal placé.

(Ça va les chevilles ?)
(Parfaitement ! Je sais de quoi je suis capable, la seule inconnue dans l'équation c'est la portée des pouvoirs de Nayri.)
(Donc tu es sur tes gardes malgré ce que tu penses.)
(Je suis toujours sur mes gardes Crystallia, c'est ce qui me maintient en vie.)
(La petite voix dans ta tête te maintient en vie aussi !)

Je levai un sourcil avant d'approuver d'un mouvement de côté de la tête. J'ouvris la porte et rejoignis rapidement la salle à manger où je trouvai le couvert qui était mis. Valsta avait déjà tout prévu, quel elfe prévoyant ! Je rejoignis la porte fenêtre qui donnait sur l'entrée du domaine et profitai du spectacle qui s'offrait à moi. La propriété était vraiment un havre de paix où il faisait bon de se retrouver.

Des pas derrière moi me firent me retourner. Je vis la majordome qui apportait le repas de midi.

- "Un vin fruité léger qui accompagne une omelette et une fondue de légumes. Le dessert est composé d'une salade de fruits, quelque chose de léger vu la chaleur déjà importante sur le domaine."

- "C'est parfait Valsta. Merci."

Une légère révérence de la tête et il repartit aussi silencieusement qu'il était arrivé. Un elfe en or ce Valsta. L'odeur des légumes chatouilla mes narines qui n'en demandait pas tant. Le petit-déjeuner avait été consistant, ce déjeuner était parfait. Je m'assis à la place de mon père et dégustai ce repas tout en regardant le jardin qui changeait de couleur à mesure que l'astre solaire jouait à cache-cache avec les nuages.

Récupérant le bol de fruits et ma fourchette, je délaissai la table afin de rejoindre les marches du perron pour m'y installer et savourer mon dessert. Alors que j'attaquai le dernier morceau, Nayri arriva dans mon champ de vision. Il s'approcha doucement de moi avec le poing serré, automatiquement mes doigts se serrèrent sur la fourchette que je tenais toujours dans la main droite. Ma main gauche raffermit sa prise sur le bol prête à contrer une attaque du jardinier.

Il desserra les doigts et fit apparaître une petite fiole de fluide magique. Je retrouveai mon calme et déposai bol et fourchette sur la marche sur laquelle j'étais assise. Montrant la fiole du doigt, je m'enquis de son utilisation.

- "Je croyais que nous avions dit que de la magie, j'avais sous-entendu par là, aucune aide."

- "Ne t'inquiètes pas, c'est juste pour récupérer des forces avant le combat, nous transporter jusqu'à l'autre rive n'est pas si simple que cela."

- "Je comprends mieux."

Il fit une révérence de la tête tout en montrant le chemin de la main.

- "Si madame veut bien se donner la peine."

_________________


Dernière édition par Aenaria le Ven 10 Fév 2017 19:25, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Le manoir de Faronia
MessagePosté: Mar 31 Jan 2017 11:35 
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Je passai devant Nayri rejoignant le bord de la rivière le plus proche de l’espace où nous allions disputer notre petit combat amical. Sur ma gauche, je vis Iniel, Valsta et Anya nous rejoindre.

- « Allez Naria, bottes-lui les fesses ! »

- « Fais-nous honneur Nayri pour toutes les fois où elles nous a battu ! »

- « C’est affreusement barbare ! »

- « Nous serons prudent Valsta, du moins je vais essayer de ne pas le ridiculiser. »

- « Tu pêches pas excès de confiance ma chère Aenaria. Tu n’as pas la moindre idée de ce qui t’attend. »

En disant ces mots, il serra son poing droit et la terre sous mes pieds se mit à trembler. Une portion de la rive se détacha, une portion sur laquelle Nayri et moi nous trouvions. Fermant les yeux, il utilisa sa main gauche pour diriger notre vaisseau vers la rive opposée tout en douceur. Vingt secondes de voyage et nous étions à destination. Il colla le morceau de terre au terre-plein où nous étions.

- « Pour le voyage de retour. »

J’approuvai d’un signe de la tête, il but sa fiole de fluide puis une question me vint à l’esprit.

- « Jusqu’à quel point nous battons-nous ? »

- « Jusqu’à ce que notre réserve magique soit vide ? »

- « Ca me va. »

- « Alors allons-y ! »

Nayri resta près de l’eau me laissant le soin de reculer jusqu’à la falaise, me bloquant la retraite, intelligent de sa part. Je me mis à tergiverser sur la première attaque à lui lancer. Après tout, il était géomancien, l’élément contraire était l’air, très mauvais choix de commencer par un élément que je ne maîtrisai que très peu. Mieux valait mobiliser des fluides plus importants, la lumière serait donc parfaite.

Alors que j’étais plongée dans mes pensées, mon adversaire du jour ne se priva pas du plaisir de lancer la première attaque. Je m’attendais à tout sauf à ce qui arriva sur moi. Faisant une danse des mains en direction de la rivière, il me projeta de l’eau à très grande vitesse sur le corps. Je ne dus mon salut qu’à un formidable réflexe, me projetant ventre contre terre, voyant son attaque filer dans la roche.

Je fus quand même arrosée par de nombreuses gouttes, je finis bien mouillée, danger pour moi si je ratai une attaque de foudre. Je me relevai et applaudi quelque peu.

- « Ton attaque est déloyale, je ne savais pas que tu maîtrisai également des fluides d’eau. Ce n’est pas bien de cacher des choses pareilles à la maîtresse de maison ! »

- « Tu n’es plus la maîtresse de maison en ce moment, tu es une adversaire que je dois mettre à terre. Et que serait un bon jardinier s’il n’était pas capable de faire venir la pluie lors des grandes sécheresses balsinaises ! »

Un point pour lui, il avait raison. La chaleur pouvait être étouffante sur ces terres, ses compétences magiques étaient donc plus que nécessaires. Par Sithi, il maîtrisait les deux fluides dont les opposés coulaient en minorité dans mes veines, quelle ironie. Il était plus que temps de lui faire ravaler son sourire.

Me concentrant et calmant les battements de mon cœur comme Crystallia me l’avait enseigné quelques heures auparavant, je mobilisai mes deux fluides principaux, chacun dans une main. Levant la main droite et fermant les yeux, je lançai une lumière aveuglante afin de l’affaiblir, ouvrant sa défense. Il plaça ses mains devant ses yeux pour essayer de retrouver un minimum la vue, c’était mon ouverture.

De la main gauche, je concentrai une attaque dévastatrice de foudre. Faisant appel à l’électricité dans l’air, je jetai mon bras vers l’avant, ouvrant la paume d’où sortirent trois éclairs qui se mêlèrent l’un à l’autre formant une même ligne dont la cible était Nayri. Le coup arriva en plein dans sa poitrine. Sous le choc, il encaissa le coup en posant un genou à terre.

- « Pas mal pour une guerrière… »

Un petit sourire narquois naquit à la commissure de mes lèvres.

- « Merci du compliment. »

Toujours un genou au sol, Nayri profita de sa position pour lancer une nouvelle attaque. Levant son poing droit, un halo vert l’entoura progressivement. Il devait concentrer ses pouvoirs pour une prochaine attaque. Sans crier gare, il frappa fortement le sol et aussitôt je ressentis un changement. Le sol se déroba sous moi, une faille apparut sous mes pieds, les blessant de quelques éclats de roches. Cela allait grandement m’handicaper dans mes déplacements pour la suite.

Il me fallait répondre à cette attaque pour lui prouver que je ne le craignais pas et que son attaque n’était qu’un malheureux contretemps pour ma victoire. Mobilisant de nouveau mes fluides de lumière, je me préparai à lancer une nouvelle attaque. Le temps de charger mon sort et Nayri était de nouveau debout.

Pensant avoir de bon appui pour lancer mon attaque, je détendis mon bras vers mon adversaire mais sentis une légère perte de stabilité en fin de mouvement. Le résultat de ce déséquilibre fut immédiat, mon attaque se décala de quelques centimètres sur la droite et rata lamentablement sa cible pour finir dans l’eau et de belles éclaboussures en perspective pour nos spectateurs du jour.

Ce n’était pas croyable de rater un tir pareil, je me maudis intérieurement d’avoir manqué ma cible. Je rageai de ne pas avoir su saisir cette occasion de peut être en finir avec ce combat. Certes c’était un entraînement entre deux amis, mais dans la vraie vie une erreur pareille ne pardonnait pas et risquait de me coûter la vie.

Je gardai ma rancœur dans un coin de mon cerveau, il était inutile pour moi de m’énerver ainsi. Alors qu’un combat faisait rage en moi sur le comportement à adopter face à mon adversaire, ce dernier en profita pour préparer une nouvelle attaque. Je m’appuyai un peu mieux sur mes jambes en attente du prochain tremblement de terre.

Le danger ne vint pas de là, enfin si, il vint de la terre mais pas de la terre elle-même. Je vis arriver vers moi des geysers qui sortaient littéralement du sol, plus exactement des failles qui avaient été créées par son sort précédent. À mesure qu’ils approchaient de ma position, je me décomposai intérieurement car je savais pertinemment ce qui allait m’arriver.

Un geyser sortit sous mes pieds, me souleva du sol me faisant perdre l’équilibre et me laissant lourdement chuter sur le sol. Je me cognai la tête en tombant et entendis le rire de Nayri qui se payait ma tête. Cette fois-ci s’en était trop, j’allais lui rabattre son caquet une bonne fois pour toute, il allait voir de quel bois je me chauffai.

(Tu es sur de toi ? Tu pourrais le tuer !)
(Oui, je ne vais pas le faire à pleine puissance pour éviter des dommages irréversibles.)
(Énervée mais lucide.)

Je me relevai souplement et fis appel à tous les fluides qui demeuraient en moi. J’ouvris les paumes de mes mains vers le ciel attendant de faire sortir une boule de fluide de chacun de mes éléments : foudre, lumière, feu et air. Prenant de profondes inspirations à rythme régulier, je sentis mes fluides se manifester les uns après les autres, s’agglutinant vers mes mains.

Une première boule de feu naquit dans ma paume droite, puis une boule de foudre dans la gauche. Elles s’élevèrent devant moi attendant leurs copines. Une troisième boule de lumière apparut dans ma main droite et enfin la quatrième d’air fit son apparition dans la main gauche. Quatre boules de fluides se mirent alors à danser devant mes yeux.

Je jetai un regard vers Nayri qui affichait une mine déconfite, il ne savait pas comment réagir face à la magie que j’étais en train de lui présenter.

- « Fini de jouer maintenant. »

Des mains, je fis en sorte que les quatre boules n’en forment plus qu’une seule que je maintenais entre mes doigts écartés. Je posai mes mains à l’arrière de cette masse fluidique et d’un mouvement vers l’avant la poussai vers mon adversaire. Je voulais que Nayri comprenne que je n’étais pas une petite rigolote en terme de magie avec cette attaque.

Néanmoins, quelque chose d’étrange se produisit. Cette boule magique avança doucement sur à peine un mètre avant de prendre la direction inverse, à savoir ma direction mais à plus grande vitesse. Le temps de réaliser ce qu’il se passait, il était trop tard pour que je puisse réagir. Ma propre attaque me fonça dessus, me propulsant contre la paroi rocheuse derrière moi. Ma tête frappa violemment en arrière avant que je ne perde connaissance.

***


Je repris mes esprits avec un violent mal de tête. En ouvrant mes yeux, je trouvai cinq paires d’yeux qui scrutaient le moindre de mes mouvements.

(Comment tu te sens ?)
(J’ai l’impression qu’un haras complet piétine ma tête, mon orgueil a pris un coup aussi mais à part ça, j’ai connu pire.)

Une paire d’yeux disparut de mon champ de vision avec cette nouvelle. Nayri était probablement le plus inquiet des sindeldis me regardant.

- « Naria, est-ce que tout va bien ? »

- « J’ai mal à la tête mais à part ça, ça a l’air d’aller. »

- « Dame Aenaria, vous m’avez fait très peur. »

- « Venant de vous Valsta, ceci ne m’étonne guère. »

Je tentai de me relevai et aussitôt Iniel et Nayri vinrent à mon secours comme les preux chevaliers qu’ils étaient. Je m’appuyai sur eux pour vérifier que je tenais sur mes jambes avant d’amorcer un pas en avant. J’étais un peu faible mais j’avais l’air de tenir debout.

- « Ce qu’il s’est passé mérite explication Aenaria. »

- « Nous devrions d’abord rentrer au manoir, Dame Aenaria a besoin de repos. »

- « Merci de votre sollicitude Valsta, mais j’ai besoin de donner des explications à tout le monde au sujet de ce pouvoir qui m’a explosé aux yeux. Je peux très bien le faire sur le chemin du retour. »

- « Comme vous voulez mais promettez-moi de vous reposer en rentrant. »

- « Vous avez ma parole. »

- « Alors expliques-nous. »

Tout en avançant vers la rive, je remis mes idées en place afin de leur expliquer le plus simplement du monde comment j’avais acquis ces nouveaux pouvoirs. Bien que je ne le sache pas vraiment moi-même, c’était Sithi qui m’avait béni de ce don mais cela s’apparentait aussi à une malédiction vu l’effet qu’il avait eu sur moi.

- « Avant de vous retrouver ici, j’ai passé un temps plus ou moins appréciable dans un camp où, disons le simplement, j’ai été torturé. »

- « Par Sithi ! »

- « Naria ! »

- « Comment ? »

- « Pourquoi ? »

- « J’ai été capturée par des personnes travaillant pour Aenarion. Il a voulu me garder dans un camp en me faisant torturer pour lui donner des informations et que mon esprit se soumette au propriétaire du lieu. Mais j’ai tenu bon malgré mes blessures et j’ai réussi à entraîner tous les prisonniers avec moi pour quitter le camp. En voulant ouvrir les portes, ce nouveau pouvoir s’est manifesté à moi. Je pense que la semaine de torture que j’ai subi, ma pneumonie et le violent combat que j’ai mené contre Liam ont fait ressortir cette puissance dormante en moi. »

- « Par tous les dieux de Yuimen ! Vous êtes une miraculée ! »

- « Vous ne croyez pas si bien dire Valsta, vous ne croyez pas si bien. »

Mieux valait éviter de parler de l’épisode « tête coupée, mémoire perdue » sinon le majordome allait avoir une attaque. Tranquillement nous arrivâmes sur le morceau de terre déplacée précédemment par Nayri. Tout le monde monta dessus et en usant de ses dernières forces magiques, le jardinier nous ramena de l’autre côté avec une extrême douceur.

- « Si tu permets Naria, je vais aller me reposer. »

- « Quand à moi, j’ai du linge qui m’attends. »

- « Pour ma part, j’accompagne Nayri et j’irai voir Célestion. »

- « Il semble qu’il ne reste plus que moi pour vous raccompagner. »

- « Je serais plus que ravie de faire ce bout de chemin en votre compagnie. »

Notre petit groupe se sépara, les membres du personnel regagnant leurs quartiers pendant que Valsta et moi rejoignions le manoir.

- « J’ai l’impression que depuis votre départ votre vie a été bien remplie. »

- « Vous n’avez pas idée de ce que j’ai traversé durant ces 67 jours d’absence. Aujourd’hui je n’aspire qu’à une chose, retrouver mon frère et sa petite bande pour leur faire payer ce crime atroce. »

- « Je vous en prie Dame Aenaria, soyez prudente. Autant je veux la mort de votre frère, autant je ne supporterai pas de vous perdre. La perte de vos parents fut une source de chagrin immense pour moi. Ils étaient bons envers tout le monde, que ce soit au manoir ou en ville. Je vous ai vu grandir et devenir la magnifique jeune sindel que vous êtes, je vous considère comme la fille que je n’ai jamais eu. Je ne me remettrai pas de votre perte. »

Les propos de Valsta m’allèrent droit au cœur, je savais qu’il m’avait en haute estime mais pas qu’il me considérait comme sa fille. Ce témoignage touchant de son affection pour moi me tira une larme que j’essuyai rapidement d’un revers de main. Il fallait cependant lui faire voir la réalité en face.

- « Vos propos me touchent plus que vous ne l’imaginez mais il ne faut pas oublier que je fais un métier dangereux. Je suis un soldat de l’armée sindel avant tout, j’aime apporter mon aide à ceux qui en ont besoin, si cela doit passer par les armes alors ainsi soit-il. J’ai choisi de suivre les dignes pas de mon père Valsta, ma vie est par définition dangereuse. »

- « Alors soyez prudente et pensez à revenir régulièrement nous voir. Vous nous avez terriblement manqué. »

- « J’essaierai d’y penser et de m’y tenir pour votre plus grand plaisir. »

- « Madame est trop bonne. »

Tranquillement, nous avions fait la route nous séparant du perron de la salle à manger. Valsta passa devant moi et me présenta sa main comme pour m’aider à gravir les quelques marches. Pour ne pas le contrarier, j’acceptai son aide.

- « Puis-je faire quelque chose pour vous ? »

- « Ma tête me fait encore mal, je pense que je vais aller nager dans le lac souterrain pour me rafraîchir les idées. »

- « Je vais vous chercher une serviette de bain de ce pas. »

Aussitôt dit, aussitôt partit. J’entrai dans la salle à manger puis rejoignis la salle de réception où se trouvait les escaliers permettant de monter à l’étage. Dans le coin à gauche des marches, il y avait un bouclier avec les armoiries de ma famille. Je me postai devant et appuyai sur un point précis du mur pour découvrir un passage secret menant au lac souterrain de la propriété.

Me tournant vers la gauche, je vis Valsta qui arrivait avec une serviette propre. Il me la tendit, fit une légère révérence de la tête et repartit aussi simplement qu’il était arrivé. Je m’engouffrai dans le passage, pensant à le refermer derrière moi et descendis les marches menant jusqu’à cet endroit que j’aimais tant.

Image


La lumière du jour passait à travers des espaces dans la paroi mais également à travers le tunnel reliant le lac à la cascade du domaine. D’une longueur de 100 mètres pour une largeur de 40 mètres, les bords du lac avaient été aménagés par les précédents occupants en un ponton en bois résistant. Mes yeux se baladèrent sur l’eau qui était calme pour le moment avant de passer vers la paroi derrière moi. Une commode surplombée d’un miroir, à droite une épée et son fourreau, à gauche un bouclier.

(Des trésors de guerre ?)
(Non, les armes de mon père.)
(C’est un lieu bien étrange pour les entreposer.)
(C’est un héritage familial, il ne voulait pas que des armes soient à la portée de ses enfants ou d’un inconnu.)
(Un bel héritage familial ! Cette lame semble plus que tranchante !)
(Le bouclier est presque aussi léger et maniable qu’une plume mais plus résistant que l’airain. Je rêve du jour où je serais digne de les porter.)
(Ce serait une fierté pour toi ?)
(D’après ce que m’a raconté père, ces armes sont dans la famille depuis quatre générations. Je serais honorée de m’en servir.)

Très respectueusement, j’effleurai la lame elfique et sentis qu’elle n’avait rien perdu de son tranchant. Le temps n’avait pas altéré ses capacités. Un regard plus appuyé vers le bouclier me permit de conclure que ce dernier n’avait pas subi les affres du temps. Lâchant l’épée, je portai ma main sur mon cœur. Puis fermant les yeux, je baissai la tête comme pour payer mes respects à un mort, là c’était à tout un pan de mon arbre généalogique que j’envoyai mes hommages.

Je rouvris les yeux et me tournai vers le lac qui m’appelait à lui. Ces eaux cristallines laissaient toujours entrevoir ce qu’il y avait au fond pour plus de sécurité. Je me départis de mes vêtements que je laissai sur la commode et, nue comme un ver, rejoignis le ponton d’où affleurai une volée de marches permettant de s’immerger.

J’aurai bien plongé la tête la première comme j’avais déjà eu l’occasion de le faire à maintes reprises mais ne sachant trop à quoi m’attendre suite au coup que je m’étais infligée à l’occipital, je préférai la sûreté des escaliers. Un orteil, puis un pied, un genou, mes hanches, mon ventre, ma poitrine et je pus m’élancer dans un mouvement de brasse.

L’eau était aussi bonne que dans mes souvenirs, ni trop chaude, ni trop froide, la température parfaite pour y rester des heures et faire de l’exercice, voir autre chose. En y repensant, j’avais perdu ma virginité sur ce ponton, enfin pas complètement.

J’eus alors une soudaine pensée pour Ehemdim qui était resté à Kendra Kâr sous la surveillance de la guilde. Il me manquait terriblement alors que j’étais partie à la poursuite de sa promise, Tamìa. Mes poings se serrèrent malgré moi en revoyant passer devant mes yeux l’image de cette gourgandine arborant des cheveux aussi sombre que l’ébène.

(Naria, tu es venue te détendre, pas te faire exploser une nouvelle fois ton attaque à la figure !)
(Tu as raison Crysti.)

Je chassai ce vilain souvenir de ma vue et m’immergeai complètement. Le contact de l’eau raviva quelque peu la douleur dans un premier temps avant de la calmer. Expirant l’air de mes poumons je remontai à la surface. Autant utiliser le temps ici à bon escient, je rejoignis l’un des bords du lac, dans sa partie la plus longue afin de reprendre mes habitudes d’entraînement à l’armée.

Arrivant au bord est du lac, je me mis en face du bord ouest, inspirai profondément et m’immergeai. Positionnant mes jambes contre la paroi, je me propulsai sous l’eau et entamai un mouvement des membres inférieurs digne de la queue d’une sirène. J’ondulai ainsi sur une cinquantaine de mètres avant de remonter à la surface pour reprendre ma respiration tout en continuant de nager.

Mes jambes entamèrent un mouvement de battement régulier, jambe droite puis jambe gauche, dans un cadence toute militaire alors que mes bras passaient l’un après l’autre au dessus de ma tête dans une sorte de rotation me permettant d’avancer. Toute cette routine de nage était effectuée avec des moments de respiration sur le côté, le tout en cadence.

Au bout de trois minutes, j’arrivai au bout du lac. Inspirant profondément, je plongeai tout en me retournant pour repartir dans l’autre sens. Je fis ce parcours, aller-retour, cinq fois avant de sentir mes muscles se durcirent sous l’effort. Il était temps pour moi de remonter avant de défaillir.

Je rejoignis le ponton et récupérai la serviette que Valsta m’avait donnée auparavant. Je me séchai rapidement, remis mes vêtements et remontai par l’escalier secret. Activant un bouton dans la paroi en bois, j’ouvris la porte et retrouvai la salle de réception. Gardant la serviette à cheval sur mon épaule, je rejoignis le salon afin de me poser dans un fauteuil bien moelleux.

A peine avais-je posé mon délicat postérieur sur un coussin que le majordome fit son apparition avec un plateau dans la main.

- « La baignade fut-elle bonne ? »

- « Excellente Valsta. Qu’avez-vous là ? »

- « Du jus d’orange frais et une tranche de pain aux raisins ainsi que la lettre de la famille royale dont je vous avais parlé. »

- « Oh… J’avais presque oublié cette lettre, que ferais-je sans vous Valsta ? »

- « Il semblerait que vous vous soyez très bien débrouillé sans moi ces derniers temps. »

(Si il savait !)

- « Certes. Merci pour la lettre et pour le reste bien sûr. »

- « Aurez-vous besoin d’autres choses ? »

- « Non, ce sera tout. Prévenez simplement le reste de la petite bande que nous dînerons tous ensemble dans la salle à manger. Je veux profiter du moindre instant en votre compagnie mais inutile de mettre les petits plats dans les grands Valsta ! Ne faites pas faire de folie culinaire à Anya, me suis-je bien faite comprendre ? »

- « C’est une grosse entorse à l’étiquette madame ! »

- « Je le sais parfaitement mais Anya, Nayri, Iniel et vous êtes ce qui se rapproche le plus à mes yeux d’une famille. Ce serait pour moi un honneur de partager votre table de nouveau. »

- « Puis-je me permettre un commentaire ? »

- « Je vous en prie. »

- « Vous ressemblez beaucoup à votre mère dans votre relation avec nous. »

Rien ne pouvait me faire plus plaisir que d’entendre de telles paroles sortir de la bouche de Valsta. Une larme roula le long de ma joue à l’évocation de ma maman que je chassai d’un revers de main. Le majordome récupéra ma serviette de bain et se retira me laissant seule avec ce plateau. Ma curiosité fut piquée au vif en voyant l’enveloppe estampillée du sceau royal.

Il me semblait avoir lu quelque part que la reine était morte et que son fils allait lui succéder sur le trône. Ce n’était pas eux qui avaient écrit cette lettre, j’étais presque sûre qu’elle avait été écrite par l’un des conseillers de la famille royale qui devait tenir en haute estime mon père. Après tout, il avait servi la monarchie toute sa vie durant, quoi de plus normal.

J’attrapai l’enveloppe qui avait été décachetée par Valsta, récupérai une feuille avex les armoiries de la famille royale et lus le contenu de la lettre.

Dame Imfilem,

C’est avec un profond chagrin que nous avons appris la terrible nouvelle de la mort de votre père et de votre mère ainsi que de votre promis au manoir de Faronia. Recevez par cette lettre nos plus sincères et profondes condoléances.

Soyez avisé que votre parcours n’est pas passé inaperçu aux yeux des soldats de haut rang de l’armée sindeldi et que de ce fait, nous portons en vous d’aussi grands espoirs que pouvez avoir votre père.

En outre, soyez rassuré Dame Imfilem que cette demeure restera la votre pour les temps à venir. Par la présente, nous faisons de vous la locataire officielle du manoir de Faronia, faites-en bon usage.

De surcroît, nous avons appris que vous étiez parti sur la piste des assassins de vos parents et de votre promis, une bien noble cause. Votre regretté père était très estimé en haut lieu pour ces talents de stratège et de tacticien hors pair. Nous vous donnons les pleins pouvoirs pour traquer et mettre devant la justice les personnes responsables de cet acte impardonnable.

Enfin, si votre frère venait à remettre les pieds sur les terres du manoir de Faronia ou bien à Balsinh, sachez que vous avez les pleins pouvoir pour mettre un terme à sa vie. N’hésitez pas à faire appel à la milice de la ville, elle a été mise au courant de la situation.

Veuillez recevoir, Dame Imfilem, l’expression de nos sentiments distingués en ces jours de malheurs.


En substance, Valsta m’avait donné toutes les informations comprises dans cette lettre. J’attrapai le verre de jus d’orange et le descendis d’une traite avant de relire la missive afin d’y trouver quelque chose qui m’échapperait mais rien. Je la remis dans son enveloppe, attrapai la tranche de pain et rejoignis ma chambre en quelques secondes.

Je m’assis à ma coiffeuse, déposai l’enveloppe dans un de ses tiroirs, attrapai ma brosse et entrepris de démêler mes cheveux. Tout en faisant ce geste du quotidien, je me mis à réfléchir à cette lettre. Je devais traquer les assassins de mes parents, cela me paraissait plus facile à dire qu’à faire.

Un des shaakts accompagnant mon frère était mort dans la forêt aux abords de Bouhen. Aenarion et ses deux acolytes couraient toujours et Tamìa était au service de mon jumeau. Je me mis à croire que cette garce avait peut être joué un rôle dans toute cette histoire et si tel était le cas, elle ne méritait plus de vivre. Et si…

(J’en connais une qui a une idée derrière la tête.)
(Tu ne crois pas si bien dire, elle me paraît tordue mais qui ne tente rien n’a rien.)
(Tu m’expliques.)
(Je vais faire une petite expédition dans mes souvenirs.)
(Et comment tu veux faire ça ?)
(Ce n’est pas tant le comment qui compte mais le où.)
(Je ne te suis plus.)
(Je vais aller fouiller la chambre d’Aenarion !)

_________________


Dernière édition par Aenaria le Dim 12 Fév 2017 10:45, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Le manoir de Faronia
MessagePosté: Jeu 2 Fév 2017 22:11 
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Je laissai ma brosse à cheveux sur ma coiffeuse et sortis de ma chambre. Longeant le mur, je passai devant la porte de la salle de bains puis arrivai devant la porte de mon frère.

(Tu es sûre de toi ?)
(Oui.)

Tournant la poignée, elle n’opposa aucune résistance me permettant de m’introduire dans l’antre de la bête. La pièce était plongée dans le noir, les volets n’avaient pas été ouverts depuis longtemps. Claquant des doigts, je fis apparaître une petite boule de lumière qui éclaira la pièce et ce que j’y découvris ne me surprit pas.

La chambre d’Aenarion n’avait pas changé depuis la dernière fois que j’y étais entrée, cela remontait à quelques années maintenant. Mes yeux s’habituèrent petit à petit à l’obscurité de la pièce, je décidai de me rendre vers la fenêtre afin de faire entrer les rayons du soleil.

Prudemment, je rejoignis l’ouverture et laissai entrer la lumière. Je claquai des doigts pour arrêter mon sort. Je ne fermai pas la fenêtre laissant l’odeur du jardin faire son chemin jusqu’à moi. En me retournant, mes yeux tombèrent sur le lit de mon frère avec ses oreillers de plumes si moelleux. Je m’en approchai et en pris un dans les mains précautionneusement, ces objets pouvaient être de véritables armes comme un combat contre mon frère avait pu le démontrer il y avait de cela des décennies…

Alors que je venais de rentrer dans la maison, je vis mon frère disparaître furtivement dans sa chambre. Il avait évité mon regard toute la journée, ne m’avait pas décroché un seul mot, c’était étrange comme comportement alors que nous étions toujours fourré l’un avec l’autre.

Ma curiosité et mon inquiétude se mêlèrent, mon instinct me dicta d’aller retrouver mon jumeau afin d’obtenir une explication sur cette situation. Montant les escaliers de la salle de bal, je rejoignis la porte de la chambre d’Aenarion. Toquant trois coups, je n’entendis pas de réponse. J’entrai alors sans attendre de permission, je le trouvai sur son lit assis en tailleur à bouder.

- « Que se passe-t-il mon frère ? Ton attitude est bien étrange. »

- « Tu sais quel jour nous sommes demain ? »

- « Le jour du choix de notre voie, pourquoi ? »

- « Tu sais que je suis né en premier, n’est-ce pas ? »

- « Tu as beau être né en premier, je te botte toujours les fesses ! »

- « Ce n’est pas drôle du tout ! »

- « Je faisais de l’humour frérot. Qu’est-ce qui te rend de si mauvaise humeur ? »

- « Tu sais que père voudrait que nous perpétuons la longue lignée de guerriers de sa famille ? »

- « Oui, il en serait très fier. »

- « Etant le premier né, cette obligation m’est dévolue et… je ne veux pas passer ma vie à me battre l’épée à la main ! Je préfère me battre avec mes mots qu’avec une arme… »

Aenarion se mit alors à pleurer comme si un poids venait de s’enlever de ses frêles épaules. Je m’assis sur le lit à côté de lui et le pris tendrement dans mes bras. J’attendis que sa crise de larme ne se calme avant de lui glisser quelques mots à l’oreille.

- « Calme-toi Narion, tout va bien. Tu deviendras un ninsalit. Père n’aurait pas voulu que ses deux enfants deviennent des hirdam, alors juste moi, ça suffit amplement. »

Les mots firent leur chemin dans l’esprit de mon frère qui aussitôt arrêta de pleurer, s’écarta de moi avec un magnifique sourire sur les lèvres digne du jour de notre anniversaire.

- « C’est bien vrai ce que tu viens de dire ? Tu veux entrer dans l’armée ? »

- « J’ai adoré apprendre à manipuler différentes armes, j’ai une petite prédisposition pour l’épée d’ailleurs selon l’instructeur. »

Il m’embrassa tendrement sur la joue avant de reprendre.

- « Je ne pouvais pas rêver avoir une meilleure sœur que toi Naria. »

- « A ton service Narion. »

Aenarion se tourna légèrement pour attraper l’un des oreillers sur son lit avant de changer sa position assise.

- « Alors comme ça tu as des prédispositions pour te battre ? »

Et sans crier gare, il me balança l’oreiller au visage. Sous le choc, je tombai à la renverse sur le lit, les bras en arrière. Mes mains touchèrent alors un moyen de contre-attaquer, le deuxième oreiller de mon frère. Me relevant, je me lançai dans la bataille par un coup au niveau des côtes. Fière de moi, je paradai.

- « Tu as trouvé une adversaire à ta taille mon frère. »

Ne se laissant pas faire, il descendit du lit et rejoignit l’autre côté où je me trouvai. En l’attendant, je me mis debout prêt à en découdre.

- « Madame, vous ne savez pas que vous venez de me défier dans un combat singulier ! »

- « Monsieur, mon honneur est mis en jeu ! Je ne me laisserai pas faire ! »

Aenarion attaqua mes jambes pour me faire tomber mais je tins bon en effectuant un saut en arrière.

- « Pleutre ! Vous fuyez devant moi ! »

Je descendis du lit et rejoignis mon frère pour le faire payer.

- « Votre forfanterie ne restera pas impayé insolent jeune sindel ! Ya ! »

Me baissant, je l’attaquai aux jambes et le déséquilibrai quelque peu. Il tint bon sur ses appuis et repartit au combat. Nous échangeâmes quelques coups d’oreillers avant de les faire exploser en milliers de plumes dans toute sa chambre. Nous partîmes alors dans un rire franc jusqu’aux larmes en voyant l’état de sa chambre.

La porte s’ouvrit alors sur notre mère qui était visiblement en colère à voir son visage.

- « Puis-je savoir ce qu’il se passe ici ? »

Nous nous regardâmes avec mon frère, ne sachant quoi répondre à notre mère. Elle voyait parfaitement ce qu’il s’était passé ici. Elle passa de l’autre côté du lit pour voir l’étendue des dégâts.

- « Mère, c’est moi qui ai commencé à frapper Aenaria avec un oreiller. »

- « Oui mais j’ai riposté Aenarion, je n’aurai pas du. »

Nous nous défendions mutuellement, comme le ferait un frère et une sœur. Notre mère attrapa deux oreillers qui étaient par terre avant de nous les lancer en plein visage. Elle attrapa le dernier de ces confrères qui traînait sur le lit et nous rejoignis rapidement afin de reprendre le combat.

Nous n’en attendions pas tant, nous récupérâmes nos nouvelles munitions et reprîmes ou nous nous étions arrêtés avec notre mère en plus. Elle nous décocha des coups bien placés avant que nos oreillers n’explosent en une pluie de plumes. Nous nous écroulâmes sur le lit, nos corps pliés par les éclats de rire…


Cette époque était bien loin maintenant, ma mère n’était plus et mon frère était Sithi seule savait où ! Ce souvenir restait l’un des plus beaux que j’avais pu partager avec mon frère et ma mère.

(Tu dois t’en souvenir Crysti.)
(Bien sur ! Je me souviens que ta mère avait voulu jouer avec vos nerfs avant d’entrer dans la danse pour profiter de cet instant. Elle savait que le lendemain vous devriez faire votre choix et partir pour des années.)
(Je comprends mieux son comportement maintenant. En plus elle nous a battu à plate couture !)
(Oh que oui ! Et je peux te dire qu’elle s’en est vantée un moment !)

Je pouvais presque imaginer ma mère exulter, en son fort intérieur, de cette victoire sur ses enfants. Avoir Crystallia avec moi me permettait de me rapprocher d’elle et dans un moment pareil, c’était un pur bonheur pour moi.

- « Bon Naria, tu es venue là pour une raison précise, alors au boulot ! »

Je rejoignis l’armoire de mon frère, l’ouvris et trouvai un double des vêtements qu’il portait ce fameux jour. J’y découvris également une paire de botte, une paire de gants de bonne facture, une ceinture avec des petites poches pour ranger différents objets et une bourse. Curieuse, j’ouvris son escarcelle et me figeai de surprise devant son contenu.

(C’est ce que je pense ?)
(J’en ai bien peur.)

Je renversai le contenu du petit sac par terre et constatai avec stupeur qu’il était rempli d’une quinzaine de colliers comme le mien. Machinalement, je portai ma main à mon cou pour vérifier la présence du pendentif. Cette découverte me fit arriver à une troublante conclusion sur mon frère.

- « Il avait prévu le coup depuis très longtemps… Sa petite bande… L’assassinat de mes parents… De Gameleb… »

Je pris un des colliers sur le sol et le lançai à travers la pièce vers la porte. Il explosa au contact du bois en plusieurs morceaux. J’en pris un deuxième qui connut le même destin funeste. Je serrai mon poing de colère tout en faisant en sorte de garder le contrôle sur mes fluides magiques.

(Au moins tu arrives à mieux contrôler tes pouvoirs, il y a du mieux !)

Son commentaire ne résolvait pas la troublante énigme qui s’offrait à moi. Depuis quand avait-il prévu tout ça ? Qui avait pu pervertir ainsi l’esprit de mon frère pour qu’il en vienne à vouloir m’épouser ? Pour qu’il prenne la vie à ses propres parents ? Et à mon fiancé qui était pourtant son ami ?

Tant de questions qui venaient s’ajouter à celles déjà existantes dans mon esprit. La tête me tourna quelque peu. Je rejoignis le lit de mon frère et m’écroulai dessus regardant son ciel de lit qui était identique au mien avec les armoiries de la famille. Je me focalisai sur un point précis afin de faire le point.

- « Vu l’état de cette bourse, et sachant que mon frère n’était pas rentré à la maison depuis au moins cinq ans, cela n’augure rien de bon… »

Faisant monter mes fluides de foudre, j’attirai à moi l’un des colliers qui étaient toujours sur le sol le réceptionnant dans la paume de ma main. Le pendentif métallique était bien pratique. Je le mis devant mes yeux et le tournai dans tous les sens, le regardant sous toutes les coutures à la recherche d’un indice quelconque qui m’aurait échappé sur mon propre exemplaire.

Le symbole ne m’était pas inconnu, je l’avais déjà vu quelque part mais je n’arrivais pas à mettre mes souvenirs en ordre. Mon regard passa alors du médaillon au ciel de lit de mon frère et aussitôt cela fit tilt dans mon esprit, je me souvins où et quand ce dessin avait marqué mon esprit…

Après une campagne difficile, j’étais rentrée au manoir pour cause de typhus attrapé sur un champ de bataille au milieu des cadavres de nos adversaires. Me sentant un peu moins vaseuse, je fis une tentative de sortie de mon lit pour me rendre dans le salon et changer d’air.

Une fois à la porte de ma chambre, mes jambes me firent quelque peu défaut et je m’accrochai à la poignée comme une moule à son rocher. Prenant une profonde inspiration, j’ouvris ma porte et pris sur la droite au lieu de la gauche pour descendre. Passant la porte de la salle de bains, je rejoignis la chambre de mon frère.

J’entrai sans même frapper et m’écroulai sur son lit, pensant être dans le salon. Mes yeux s’ouvraient et se fermaient pour essayer de dissiper les symptômes de la maladie. Finalement, ils réussirent à se fixer sur le ciel de lit de mon frère où je vis la même chose que sur le mien, nos armoiries. Mais malgré la fièvre, les frissons et les courbatures, je vis qu’un détail faisait toute la différence, une marque particulière en bas à gauche.

Mes yeux se fermèrent de fatigue, mon esprit partit dans un léger sommeil mais mes autres sens étaient aux aguets. Mes oreilles captèrent le bruit de la porte que l’on ouvre puis cela des pas qui approchaient vers ma position. J’étais sans défense et totalement incapable de faire quoi que ce soit.

- « Que fais-tu ici Aenaria ? Tu devrais être au fond de ton lit ! »

C’était Aenarion qui venait d’entrer dans sa chambre. Je le sentis passer un de ses bras sous mes genoux et l’autre sous ma tête et me soulevai de son lit. Il sortit de la pièce et rejoignis ma chambre où il me glissa sous les draps non sans laisser sa main traîner sur mes jambes, sur mes bras et sur mon visage…


- « Par tous les dieux de Yuimen ! »

Ce souvenir remontait à quand déjà ? La bataille de Calànor ? Non c’était légèrement après ça…

(Réfléchis Aenaria, réfléchis…)

Non c’était peu de temps avant mon passage dans la grotte au niveau de Tahelta… Oh non ! Je me surpris à compter sur mes doigts pour être sure de la découverte, peut être capitale, que je venais de faire mais il n’y avait pas de doute possible.

(Une traduction pour celle qui n’était pas encore avec toi !)
(L’épisode à la grotte de Tahelta a eu lieu durant ma vingtième année de formation…)
(Si mes calculs sont exacts, cela veut dire que cette marque était déjà là il y a vingt-huit ans !?)
(Malheureusement pour moi, tes calculs sont exacts…)

Presque trente ans que cette marque avait fait son apparition sur son lit, je ne m’en étais pas vraiment rendue compte jusqu’à présent. Il avait été perverti durant sa formation d’ambassadeur, pouvais-je vraiment accuser l’un des formateurs ? Et si mon instinct disait vrai ? Qui d’autre avait-il manipulé pour le ou la transformer en tueur ou autre chose encore plus terrible ?

Ma tête me fit encore plus mal à cet instant précis devant le dilemme qui s’offrait à moi : prévenir le conseil des 15 et la famille royale de la possible faille de notre système éducatif ou me taire et continuer mes recherches dans l’ombre au risque d’attirer les foudres de la ou des personnes derrière le changement d’Aenarion ?

(Que faire ?)
(C’est à moi que tu parles ?)
(A toi, au ciel, aux dieux, à mes parents, à n’importe quelle personne qui est capable de m’aider face à cette situation épineuse.)
(C’est à toi de décider Aenaria…)

Je m’en doutais. Mes yeux restèrent fixés sur cette marque inattendue, sortant de mon passé afin d’attendre un signe, n’importe lequel, pour m’aider dans mon choix. A force de garder mon attention sur ce point, je finis par constater que quelque chose n’allait pas avec ce dessin, il n’était pas en harmonie avec le reste du meuble. Pourquoi cette sensation ?

Je me levai sur le matelas et touchai du bout des doigts nos armoiries. On sentait le bois et la peinture par-dessus puis ma main se déplaça vers ce fameux dessin et mes doigts sentirent quelque chose que ma pensée n’avait pas réussi à verbaliser. Ce n’était pas de la peinture mais bien un insert de bois qui était dans le ciel de lit. En appuyant pourtant légèrement sur le bois, j’entendis une espèce de clic comme un coffre que l’on déverrouille.

Je crus au début que j’avais rêvé mais en me penchant vers l’avant, je découvris un tiroir qui venait de s’ouvrir. Je descendis du lit et me postai face à ce petit compartiment invisible. Mon lit n’était pas équipé de ça, j’étais presque jalouse mais qui pouvait prévoir ce que ce tiroir contenait.

L’excitation était à son comble lorsque ma main entra en contact avec un morceau de cuir. J’étais comme un explorateur qui venait d’exhumer un trésor qui n’avait pas de prix. En l’occurrence pour ce qui me concernait, mes doigts étaient entrés en contact avec un carnet de voyage, ceux de mon frère.

Gardant le petit livre avec moi, je quittai la chambre et rejoignis mon antre afin de prendre connaissance de son contenu en toute tranquillité.

(A quoi est-ce que tu t’attends ?)
(Aenarion a toujours aimé écrire ce qu’il vivait, ce qu’il voyait, ce qu’il ressentait, qui il rencontrait. Espérons que ce carnet ne dérogera pas à la règle.)
(Je croise les doigts pour toi.)

Se montrant à moi sous sa forme humaine, elle allia le geste à la parole. Rentrant dans ma chambre, je me posai sur mon lit en tailleur et entrepris de commencer la lecture de ce carnet.

Le début était d’une platitude à pleurer : il commençait sa formation par des cours de rhétoriques… il se faisait des amis dans sa promo… il apprenait à manier le fleuret, arme typique des ambassadeurs… il partait pour la première fois en mission et rencontra un cuisant échec… il se faisait sermonner par ses supérieurs…

Rien de bien exceptionnel pour le moment, ça ressemblait à peu de choses près à ce que j’avais vécu durant mes premiers mois de formation à l’armée. Par la suite, Aenarion fut envoyé dans l’Anorfain pour discuter d’un traité commercial avec ce pays. Usant de sa verve, il réussit sa mission avec brio tant et si bien qu’il fut reçu par le responsable de la formation dont le surnom était Le Maître.

Je n’avais jamais entendu parler de lui auparavant, parcourant rapidement les pages suivantes je me rendis compte que mon frère se référait à lui toujours en ces termes, Le Maître. Plus les pages avançaient et plus la relation d’amitié entre les deux devenait probante. Un lien puissant se formait entre les deux sindeldis, si bien que je vins à croire que son carnet passait sous silence une bonne partie de cette relation.

Une page attira soudainement mon attention car j’étais littéralement mentionnée dedans. Je me mis à lire consciencieusement ce passage.

Je fus bientôt capturée par l’ennemi, qui je ne l’appris que plus tard était l’un de nos formateurs. Il me supplicia pendant plusieurs heures, voir plusieurs jours, je perdis complètement la notion du temps et pour finir, je tombai dans un état de semi-conscience.

Lorsque je revins à moi, je me retrouvai assis sur une chaise, les mains ligotées derrière le dossier. Une table était devant moi et en face une personne que je ne connaissais pas le moins du monde. Il commença à me poser des questions sur ma mission en ces terres, sur les raisons de mon passage, sur le commanditaire du traité.

Je tins bon et ne révélai absolument rien de ma situation jusqu’à ce qu’il appuie là où cela faisait mal, ma famille. Il me parla de mère qui est prêtresse de Sithi, de père qui est stratège de l’armée sindel et enfin de ma jumelle, Aenaria. En disant qu’il allait torturer ma mère et mon père, cela ne me fit pas sortir de mes gonds mais lorsqu’il évoqua un possible même traitement pour ma sœur, mon sang ne fit qu’un tour.

Je me débattis sur ma chaise alors les dernières forces qu’il me restait, luttant pour défaire mes liens et sauter au cou de ce phénomène de foire. Il venait de trouver mon point faible, ma sœur, que j’aimais plus que tout au monde, plus que ma propre mère qui m’avait mise au monde et plus que mon père qui m’avait soutenu dans mon choix de carrière.

Les sentiments que j’avais pour ma sœur m’avaient fait sortir de mes gonds à une vitesse impressionnante, cela n’était pas concevable pour un ambassadeur d’avoir un tel point faible. Cette réaction peu habituelle me fit réaliser que l’amour que je portai pour Aenaria était bien au-delà de l’amour fraternel habituel.

Je hurlai alors au visage de mon interrogateur qu’il ne devait pas toucher à ma sœur sous peine de mort. Cela me frappa comme la foudre enflammait un arbre les soirs d’orage. Seule une personne amoureuse d’une autre pouvait tenir ce genre de propos. J’étais amoureux de ma sœur. Etait-ce vraiment possible ?

[...]

Suite à mon entretien avec l’interrogateur, je fus libéré et mis au repos pendant plusieurs jours. Cela me permit de réfléchir à ce que j’avais compris. Je fis des recherches poussées sur les mariages entre membres d’une même famille, voir entre un frère et une sœur et surtout sur les moyens d’imposer un tel mariage.

Je fus désappointé voir désespéré des réponses à mes questions, réalisant que cela n’arriverait qu’à une seule condition, la mort de toute ma lignée familiale. Je laissai donc mes idées de côtés me concentrant de nouveau sur mon travail car je fus rapidement renvoyé en mission.

[...]

Je fus envoyé à Luinwë afin d’entrer en contact avec une personne qui détenait des informations importantes sur une personne influente de l’Anorfain. Je devais retrouver mon contact à l’extérieur de la ville dans une ferme abandonnée. Lorsque ce dernier arriva, je l’admirai de pied en cap en l’espace d’une seconde. Mes yeux se fixèrent sur sa main droite à l’index de laquelle se trouvait un anneau que j’avais déjà vu, un serpent se mordant la queue avec des pierres précieuses à la place des yeux.

Je fouillai ma mémoire à la recherche de cette bague et rien ne vint. Je gardai cette information dans un coin de mon esprit puis entamai la discussion avec mon contact. Au moment de nous serrer la main, ce dernier sortit un poignard et tenta de mettre un terme à ma vie. Plus rapide que lui, je dégainai mon fleuret et fis voler son arme au loin avant de planter ma lame sous son cou et mettre un terme à sa vie. Je récupérai cet anneau sur son cadavre et partis comme j’étais venu.

[...]

Mes pensées se concentrèrent sur cet anneau pendant des jours à tel point que Le Maître se rendit compte de ma distraction, me convoquant dans son bureau. Il me demanda la raison de mon affliction, la raison de mon manque de concentration, l’objet de mon manque de concentration. A cet instant, je crus qu’il venait de lire dans mon esprit et cela me fit peur, je n’eus d’autre choix que de lui montrer cette bague qui obsédait mes pensées.

Sa réaction fut assez inattendue, je ne m’attendais pas à ce qu’il me félicite de l’avoir trouvé. Il me demanda alors si je voulais passer au niveau supérieur, si je voulais vraiment obtenir ma sœur en mariage en mettant mes parents en dehors de l’équation. Je fus désarçonné par sa capacité à obtenir des informations personnelles sur moi mais la proposition était trop intéressante pour la refuser.

Je lui présentai l’anneau sur son bureau et ce fut le début d’une discussion très longue au sujet de mon père et d’un groupe nommé Equilibrium. Mon père était l’un de ses dirigeants et ses membres n’agissaient pas du tout pour le bien de la planète. Ce groupe devait être arrêté le plus vite possible.

Il continua en me montrant un autre anneau qu’il portait autour de son propre index droit. Il m’expliqua qu’il avait été l’un des membres de cette guilde mais qu’à cause de ses bonnes actions, il en avait été viré. Selon lui, le groupe avait été perverti par les idées de mon père et si nous voulions garantir l’équilibre du monde, nous devions le protéger de toutes les manières possibles. Mon père devait mourir, ma mère aussi et je pourrais avoir ma sœur comme épouse…

[...]

Notre objectif avançait à grand pas, je suis retourné à la maison et j’ai croisé ma sœur, je lui ai avoué mes sentiments et elle m’a rabroué comme un moins que rien. Elle verra bien lorsque notre grand plan sera mis en place, elle me respectera et ne se moquera plus de moi.

J’ai réussi à m’adjoindre les services d’anciens bagnards de Raynna, libérés par mes soins et maintenant totalement dévoués à notre cause. D’ici quelques années, tous les pions seront en place pour le grand spectacle, Le Maître m’accueillera à bras ouverts face à ma réussite !


Sans que je m’en rende compte, ma lecture m’avait fait monter les larmes aux yeux. Je réalisai alors qu’un nouveau protagoniste venait de faire son apparition dans cette histoire, Le Maître. Rien que ce nom ne laissait rien augurer de bon, pour le reste de la lecture j’étais parfaitement sans voix.

Je me laissai tomber en arrière sur mon lit laissant libre cours à mes larmes. Cela faisait des années qu’il préparait le meurtre de mes parents, Gameleb était bien un dommage collatéral. Tout ça à cause de la guilde et d’un membre qui en avait été rejeté. Sans trop m’avancer, Le Maître n’avait pas raconté la vérité à mon frère sur ses actions au sein d’Equilibrium.

Mes doutes étaient donc fondés, mon frère avait bien été manipulé. D’un seul coup sa traitrise, ses meurtres m’apparurent sous un nouveau jour. Je n’allais pas pardonner son comportement pour autant, ses actes étaient impardonnables mais toutes ces informations étaient un choc et malheureusement, elles confirmaient mes doutes. Notre système éducatif avait failli…

(Que vas-tu faire ?)
(Je n’ai pas le choix, je dois amener ce carnet au conseil des 15 et dénoncer Le Maître.)
(Tu vas y aller maintenant ?)
(La journée n’est pas trop avancée encore, je devrais pouvoir obtenir une audience.)

Je séchai mes larmes rapidement, descendis de mon lit avec le carnet en main et sortis de ma chambre à toute vitesse. J’avalai les marches quatre à quatre et rejoignis la porte-fenêtre donnant sur le jardin. Valsta arriva au même moment, me coupant dans mon élan.

- « Puis-je savoir où vous allez aussi vite madame ? »

- « J’ai besoin de voir le conseil des 15 une nouvelle fois pour leur donner des informations importantes. »

- « Nous vous attendons pour le dîner ? »

- « Bien sur ! A tout à l’heure. »

Valsta s’inclina respectueusement avant de repartir aussi discrètement qu’il était arrivé. J’allongeai le pas et en dix minutes, je sortis du domaine direction le centre ville.

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Dernière édition par Aenaria le Dim 19 Fév 2017 23:51, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Le manoir de Faronia
MessagePosté: Jeu 9 Fév 2017 22:34 
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En vingt minutes, je retrouvai les terres de Faronia, son calme et ses senteurs. Je hâtai le pas afin de passer les deux ponts et de rejoindre rapidement la salle à manger. Le couvert était mis avec cinq assiettes comme je l’avais demandé à Valsta. Je passai dans la salle de bal et montai les escaliers afin de rejoindre la salle de bains.

(Bilan de cette journée ?)
(Ça me donne mal à la tête rien que d’y penser !)
(Maintenant que tu en parles, comment se porte ta tête ?)
(Ma foi, elle ne me fait pas trop souffrir. Après une bonne nuit de sommeil, je devrais être complètement remise.)

Ce pensant, j’ouvris la porte de la pièce d’eau et entrepris de me rafraîchir avant d’aller dîner. Je détachai mes cheveux, les laissant libre de voler au gré du vent. Je me passai un peu d’eau fraîche sur le visage, m’essuyai le visage et sortis de la pièce afin de rejoindre le reste de la troupe.

- « Comment va l’orgueil de la personne que j’ai battue ? »

Le palefrenier passa le bout de son nez à travers l’une des portes-fenêtres menant à la salle à manger.

- « Mon orgueil va parfaitement bien Nayri, merci de t’en soucier ! Je demande un nouvel affrontement ! »

- « Par tous les dieux, ne pouvez-vous pas attendre un peu avant de vouloir repartir dans une nouvelle joute meurtrière ?! »

- « Valsta ! Je n’avais jamais entendu tel langage sortir de vote bouche ! »

- « Veuillez m’excuser, mais je m’inquiète pour votre sécurité. »

- « C’est tout à votre honneur mais premièrement, il n’y a eu aucun mort. Deuxièmement, ce ne sera pas pour tout de suite. J’ai besoin de me reposer mais également de trouver une piste solide pour retrouver Tamìa. »

- « Me voilà rassuré… »

Il poussa un ouf de soulagement avant de partir vers la cuisine. Je rejoignis Nayri dans la salle à manger et pris place en bout de table. Iniel se joignit à nous quelques secondes plus tard.

- « Je meurs de faim, qu’est-ce qu’on mange ? »

- « Tu n’avais qu’à piquer une carotte à Célestion ! »

- « Moi vivant, jamais ! Jamais je ne prendrais le repas d’un animal, surtout Célestion. Je pense que sa maîtresse me tordrait le cou s’il ne mangeait pas à sa fin ! »

- « C’est rien de le dire ! »

Nous partîmes tous les trois dans un rire franc jusqu’à ce que qu’Anya et Valsta n’entrent dans la pièce avec le repas. L’odeur qui parvint jusqu’à mes narines m’envoya des années en arrière. J’avais pourtant demandé à Valsta de ne pas faire de folie en cuisine et pourtant, voilà qu’il apportait le plat préféré de mes parents.

- « Alors pour ce soir, poêlée de légumes du jardin et poisson de la rivière. Le dessert est une surprise que j’ai concocté avec Nayri, vous m’en direz des nouvelles. »

Accompagné de Valsta, elle posa les plats sur la table et prit place à ma gauche avec le majordome toujours debout. Le palefrenier et mon adversaire jardinier étaient à ma droite. Vaslta servit tout le monde avant de s’asseoir à son tour et de couler un regard vers moi. Je compris parfaitement ce qu’il voulait dire par là.

- « Faisons honneur à ce magnifique repas. Bon appétit ! »

Les quatre autres convives levèrent leurs verres de vin auxquels je joignis rapidement le mien afin de porter un toast silencieux. Je bus une gorgée de cet excellent breuvage avant de m’attaquer à ce met fabuleux.

- « Puis-je me permettre une question ? »

- « Vous venez de vous octroyez ce droit Valsta, je vous écoute. »

- « Qu’êtes-vous aller demander au conseil des 15 aussi précipitamment ? »

- « Je ne sais si je peux vous révéler la nature de notre entretien. »

- « Ne connaissez-vous pas les règles concernant le personnel du manoir ? »

- « Y en auraient-ils qui m’auraient échappé ? »

- « À partir du moment où nous entrons sur ce domaine, nous passerons notre vie à servir ses occupants. »

- « Nous devons servir aveuglément les locataires, même si cela nous pose des problèmes d’éthique, lorsqu’ils nous demandant d’agir sur la propriété. »

- « Nous devons servir aveuglément les locataires, même si cela nous prose des problèmes d’éthique, lorsqu’ils ont besoin de nous en dehors de la propriété. »

- « Et la plus importante de toutes : nous ne devons jamais divulguer les secrets révélés entre ces murs. »

- « Donc si je comprends bien, je peux vous dire n’importe quoi, je peux faire venir Ehemdim ici, vous ne direz rien ? »

- « Exactement. »

Cette information se fraya un passage dans mon esprit, je pesai le pour et le contre de la révélation à venir. Après tout, j’avais toujours eu une confiance aveugle en eux, pourquoi cela devrait changer aujourd’hui ? La décision me revenait mais laquelle prendre… Inspirant profondément, je révélai les dernières informations concernant mon frère.

- « En faisant un petit tour dans la chambre de mon frère cet après-midi, j’ai découvert un carnet dans lequel il avait écrit ses voyages et sa formation. »

- « Ce qui explique la fenêtre ouverte dans cette pièce. »

- « Tu as bien vu Ini. Et donc ce carnet m’a appris beaucoup de choses, notamment sur le fait qu’Aenarion s’est fait manipulé de la plus odieuse des manières. Son maître de formation lui a perverti l’esprit, lui faisant croire que le bien était mal et que le mal était bien. »

- « Par Sithi… »

- « Forte de ces nouvelles informations, je me suis précipitée au conseil des 15 afin de leur en faire part. »

- « Connaissant ces ronds-de-cuir, ils n’ont probablement rien fait. »

- « À mon avis c’est tout le contraire. L’ambassadeur de la famille royale est un elfe d’action, il a du prendre des mesures radicales. »

- « Je me range à l’avis de Valsta, ils ont blablater et ne rien décider sans l’avis de la famille royale. »

- « Prenons donc les paris, je suis Nayri en disant qu’ils ont pris des mesures. »

Je me délectai de leur joute verbale. Lorsque tous les regards convergèrent vers moi, j’avalai ma bouchée de poisson, maintenant ainsi le suspense quelques secondes supplémentaires avant d’annoncer le clan vainqueur.

- « Aucun de vous a trouvé la solution. Elassin est parti pour Tahelta afin d’informer la famille royale de la situation mais également pour demander le lancement d’une enquête discrète sur Ertamiel, le Maître de formation d’Aenarion. Donc vous aviez tous plus ou moins raison. »

- « Nous n’avions donc pas complètement tort. »

- « Toujours votre esprit de contradiction… »

Nous partîmes tous les cinq dans un rire franc mais qui se stoppa rapidement laissant la place aux mandibules qui appréciaient le repas d’Anya. Les assiettes terminées, elle débarrassa la table et fit signe à Nayri de la suivre. Il rapporta le plat de légumes et celui du poisson dans la cuisine.

- « Valsta, savez-vous ce qu’ils ont préparé tous les deux ? »

- « Je n’en ai pas la moindre idée. »

- « Voilà qui est intéressant, Valsta qui ne connaît pas la réponse à ma question. Ce jour est à noter d’une croix rouge sur le calendrier. »

Tout en disant cela, je fis un signe de croix dans les airs et Iniel rigola à gorge déployé avant que Valsta ne le rappelle à l’ordre d’un signe de sa serviette de table. Le palefrenier reprit une constance au moment même où la cuisinière et le jardinier entrèrent dans la pièce.

- « Je vous présente un dessert traditionnel, une tarte aux pommes… »

- « …avec un met rafraîchissant, de la glace à la vanille. »

Je restai sans voix alors même qu’ils posaient les plats sur la table, l’odeur des pommes chaudes sortant du four me ramena des années en arrière lorsque j’aimais ennuyer Anya pour qu’elle me donne une part alors même que la tarte sortait du four. En voyant la glace à la vanille à côté, je me léchai les babines.

La cuisinière coupa son dessert et nous servit tous une belle part alors que Nayri ajouter une espèce de boule informe de glace. Une association chaud-froid en dessert, quelque chose que je n’avais jamais testée mais qui était une invitation à la gourmandise. Sans attendre mon reste, je pris une bouchée de la tarte avec un peu de glace et mis le tout dans ma bouche.

Ce fut un festival de saveur pour mes papilles. La chaleur de la tarte et le sucre des pommes contrastaient parfaitement avec la douceur de la vanille et le froid de la glace. C’était un véritable orgasme culinaire.

- « C’est divin ! Juste divin ! »

Les autres personnes attablées acquiescèrent de la tête ne voulant pas laisser sa part. Je finis mon assiette avec un sourire aux lèvres, ne demandant qu’une chose, de retenter l’expérience.

- « Vous pouvez refaire cela quand vous voulez ! »

- « Je suis tout à fait d’accord ! »

- « Et moi qui avait dit qu’il ne fallait pas mettre les petits plats dans les grands pour le repas de ce soir ! »

- « Nous avions toujours voulu tester ça, c’était l’occasion. »

- « C’était parfait les amis. »

- « Souhaiterez-vous boire un digestif afin de bien terminer ce repas ? »

J’allai répondre que oui lorsque mon corps se rappela à moi et je baillai à m’en décocher la mâchoire. Il était temps pour mettre les voiles.

- « Cela aurait été avec plaisir, mais je suis fatiguée. Buvez à ma santé les amis, et si Valsta vous dit le contraire, vous avez le droit de l’envoyer sur les roses, verbalement parlant je m’entends. »

- « Merci pour votre manque de confiance madame… »

- « Ne ronchonnez pas ainsi Valsta, je vous connais trop bien. La bienséance est votre maître mot. Si vous voulez bien m’excuser, je vous souhaite une bonne nuit. Oh et avant que je n'oublie, des nouvelles de mon amie ? »

- « Aucune je le crains. Elle a probablement dû être retardée. »

- « Probablement. Bonne fin de soirée. »

Elylia n'avait pas donné signe de vie, elle avait probablement choisi de continuer ses investigations sans passer par moi, tant pis. Je me levai de ma chaise et pris la direction de la salle de bal afin de récupérer les escaliers menant à ma chambre. J’ouvris la porte, me déchaussai rapidement, me dévêtis, enfilai une nuisette et me glissai sous les draps, laissant mon esprit vagabonder vers d’autres terres.

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 Sujet du message: Re: Le manoir de Faronia
MessagePosté: Sam 11 Fév 2017 17:46 
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[:attention:] Ce message contient des éléments qui peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes. [:attention:]

J’étais partie loin, très loin, trop loin peut être dans ces bois. Mon commandement m’avait prévenu de ne pas m’aventurer aussi profondément dans cette forêt au sud de Xaoranh. Nous étions là pour apprendre à nous débrouiller dans ce milieu et j’étais encore jeune et un peu tête brûlée. Je n’en faisais qu’à ma tête quitte à désobéir à mon sergent instructeur mais j’avais cru voir une personne arpenter ces bois, je voulais en avoir le cœur net.

J’avais ainsi avancé prudemment en regardant toujours derrière moi pour ne pas perdre ma route de vue. Par précaution, je laissai des croix sur certains arbres pour rentrer plus facilement. Sauf qu’en faisant une de ces marques, quelqu’un m’a attrapé par derrière au niveau du cou, m’étranglant presque. Je réussis à poser mes pieds sur le tronc d’arbre afin de le faire reculer, lui faisant lâcher prise.

Je suffoquais, reprenant difficilement mon souffle à moitié plié en deux et erreur stratégique de ma part, j’étais dos à mon adversaire qui profita de ce moment de faiblesse pour me sauter dessus. Mon ennemi m’enserra le ventre de ses jambes et le cou de ses mains, j’étais complètement prise au piège. Il me comprimait les entrailles et la trachée en même temps.

J’étais perdue, je me laissais tomber au sol de tout mon poids pensant faire faiblir sa prise mais ce fut l’effet contraire, je commençais à sentir mes forces m’abandonner, mes yeux se fermèrent mais je continuais quand même de me battre pour ma vie, me tournant de côté, à gauche, puis à droite sur un lit …


Un lit de coton… un lit avec des draps en coton… un lit que je reconnus à l’odeur… un lit où… où j’étais en train de me faire étrangler pour de vrai. J’ouvris brusquement les yeux et grâce à la lumière de l’astre lunaire, je vis cette elfe brune que j’avais vu emberlificoter Ehemdim à Kendra Kâr. NON, PAS ELLE ! Je n’allais pas me laisser faire, elle devait payer pour ce qu’elle avait fait.

Mais que faire ? J’étais sans défense, ne portant qu’une nuisette, sans aucun moyen d’attraper mon épée, je ne pouvais rien faire pour éviter le terrible sort qui me pendait au nez.

(Aenaria tu n’es pas sans défense, réfléchis un peu ! Tu n’es pas la valkyrie des éléments pour rien !)

Mais bien sur ! Dans un effort désespéré, je mobilisai mes fluides de lumière au bout de ma main droite et lançai un léger trait de lumière afin de la faire décoller de mon corps et de mon lit. Mon sort eut un effet inattendu, il propulsa littéralement la tueuse contre le mur de ma chambre, la sonnant légèrement.

Je descendis de mon lit et m’approchai d’elle, un rayon lunaire lui éclairant le visage. Je pus constater que c’était Tamìa qui avait conservé sa couleur de cheveux brune pour éviter que je la reconnaisse. J’étais sous le coup de l’émotion, presque choquée par ce spectacle que je ne vis pas que mon adversaire reprenait ses esprits doucement mais sûrement.

- « Quelle gourde j’ai pu faire ! »

- « Et moi donc ! »

La voix de Tamìa venait de résonner dans ma chambre, elle avait quelque chose de différent par rapport à la dernière où j’avais pu l’entendre. Elle me glaça presque le sang et malheureusement ma fixette sur le son de sa voix causa ma perte car je ne vis pas le coup arriver.

Elle lança un sort d’ombre qui me propulsa violemment contre la porte de ma chambre, la détruisant au passage, occasionnant une douleur intense dans le dos. Je me vis alors passer par-dessus la rambarde de l’étage. Par réflexe, j’en attrapai le bois et gainant mes abdominaux au maximum, je retombais contre la rambarde, mes jambes passant sous l’étage. Par la force indue par le mouvement d’aller, je fis le mouvement retour dans le sens inverse remontant sur la rambarde, m’y posant prestement en équilibre.

Sentant encore la présence de mes fluides de lumière au bout de mes doigts, je les fis agir de nouveau en lançant une très légère lumière aveuglante, me donnant le temps de repasser par-dessus la rambarde. Atterrissant avec légèreté, je courus vers la porte menant au souterrain de la maison. Je refermai derrière moi pour être sure qu’elle ne me suive pas et descendis rapidement les marches menant au lac secret.

Une fois en bas, je pris deux secondes pour reprendre mon souffle et regarder mon dos dans le miroir qui se trouvait à côté de l’épée de mon père. J’avais quelques échardes dans le dos mais je n’avais pas le temps de m’apitoyer sur mon sort pour le moment. Il y avait urgence. Si jamais le raffut avait réveillé les membres du personnel, j’avais peur pour leur vie.

(Tu tiens le coup ?)
(J’ai connu bien pire que ça. Ne t’inquiète pas pour moi, j’aurais le temps de panser mes blessures lorsque cette folle sera derrière les barreaux d’une prison !)
(Bien envoyé !)

Je souris et regardant le mur, je n’eus d’autre choix que de m’emparer de l’épée de mon père. Elle était accrochée là me tendant les bras, c’était comme un message de la part de mon père me disant de ne pas lâcher, de continuer à me battre pour eux et pour le salut de ma famille. Je récupérais également le fourreau que j’attachai dans mon dos, passant une sangle entre mes seins afin de bien maintenir la lame et l’autre autour de ma taille.

Puis je plongeai dans le lac dont la température réveilla la douleur dans mon dos puis l’apaisa. Je rejoignis rapidement l’endroit où le lac était connecté à la chute d’eau. Prenant une profonde inspiration, je passai dans le trou et rejoignis rapidement l’autre côté de la cascade. Je me laissai porter par le courant quelques secondes avant de rejoindre rapidement la rive en direction du manoir.

(Crystallia, est-ce que tu peux me faire une fleur ?)
(Tout ce que tu veux.)
(Va au manoir et dis-moi si Tamìa est toujours à l’intérieur et si personne d’autre n’est intervenu.)

Je vis mon bel oiseau bleu partir loin de moi alors que je remontais doucement la route passant d’abord sous le pont de pierre puis le longeant sur la gauche. Je récupérais rapidement la route principale menant à l’entrée. Une fois devant le second pont, c’était quitte ou double. Soit elle me voyait et me propulsait dans les airs, soit elle était loin des fenêtres et je pouvais passer sans crainte de me faire attraper.

(Vas-y Aenaria.)

Je ne me fis pas prier et courus à toute vitesse à travers ce second pont et me trouvai maintenant non loin de l’entrée.

(Elle s’apprêtait à sortir, passe par derrière plutôt.)

Je me collais contre la butée de terre sur la gauche et en fit le tour afin de rejoindre l’arrière de la maison et la route menant au quartier des employés. Je poussais doucement la porte de la cuisine, espérant qu’elle ne grince plus et heureusement pour moi, c’était le cas. Elle avait du être réparé durant mon absence, un bon point pour le personnel.

Une fois dans la salle à manger jouxtant la cuisine, je dégainai l’épée de mon père.

- « EST-CE LA TOUT CE QUE TU SAIS FAIRE AENARIA ? FUIR DEVANT MOI ? »

Au son de sa voix, elle semblait passablement énervée et avait envie d’en découdre, un peu comme moi. Je ne la laisserais pas mariner dans son jus trop longtemps. J’avançai tranquillement à travers la grande porte de la salle à manger et rejoignis la salle de bal où se trouvait Tamìa, à l’autre extrémité, non loin du salon. L’épée de mon père bien en main, je me mis en position d’attente.

- « Tu me cherchais Tamìa ? »

Elle se retourna aussitôt et je vis une lueur dans ses yeux presque infernal, le blanc ayant été remplacé par du noir. Tout ceci ne m’annonçait rien de bon, elle semblait comme possédée par une force supérieure. Les prochaines minutes allaient être déterminantes voir mortelles pour l’une d’entre nous, mais ce serait elle et non moi.

Je relâchai quelque peu ma prise sur l’épée de mon père et avançai prudemment d’un pas. Elle fit de même ne me lâchant pas du regard. Elle devait certainement faire la même chose que moi dans sa tête, jauger mes forces et mes faiblesses. Je lui avais montré ma magie de lumière pour le moment, autant garder les plus faibles, l’air et le feu en cas d’extrême urgence. La foudre serait probablement une garante de ma victoire mais la lumière était probablement ma plus grande alliée.

Si ce que je ressentais au fond de moi était juste, elle avait un lien puissant avec Thimoros, pas étonnant à la couleur de ses yeux. Il était probablement à l’origine de sa transformation et de ses pouvoirs, elle était censée devenir une prêtresse de Sithi à l’origine. Il semblerait que beaucoup de choses aient changé dernièrement. L’ombre face à la lumière, voilà la tête d’affiche de la nuit.

Vu la distance nous séparant, j’aurais peut être la chance de la toucher grâce à une poussée aérienne, me propulsant plus agilement vers elle. C’était ce que j’avais de mieux en stock, une attaque frontale afin de faire le plus de dégât dès le premier choc. Elle ne portait pas d’arme, ce qui signifiait qu’elle se battait seulement avec sa magie.

Sa tenue habituelle de prêtresse de lumière avait laissé la place à une tenue plus sombre composée d’un bustier noir, de bracelet en cuir foncé, d’un collier de prêtresse de Thimoros, d’une jupe noir flottant au dessus de ses genoux et de cuissardes en cuir foncé.

Ne sachant trop à quoi m’attendre de sa part, je mobilisais mes fluides d’air. La meilleure défense étant l’attaque, j’appliquais cette tactique à ce combat. Je fermais les yeux deux secondes le temps d’activer la poussée d’air sur ma personne et prenant appui sur ma jambe gauche, je m’élançai vers l’avant.

Tamìa avait bien compris mon petit jeu et avait préparé une contre-attaque sauf qu’elle n’avait pas compté sur ma soudaine vivacité. Elle lança une boule de fluide d’obscurité vers moi mais je pus l’esquiver rapidement et je me retrouvais en deux secondes à un mètre d’elle. Ayant peur qu’elle ne relance une attaque en hauteur, je me mis à glisser sur le sol, la lame de mon père vers le haut.

A mon passage à son niveau, je lui fis une magnifique entaille sur la cuisse droite dont le sang vint colorer l’épée de Zotar. Néanmoins, je me rendis compte d’une petite erreur de calcul car ma course se finit dans le mur de la pièce. Tamia malgré sa blessure en profita pour me prendre par le cou à travers ces pouvoirs magiques et me plaqua contre le mur, les bras et les jambes en croix.

Je ne pus retenir l’arme de mon père et elle tomba sur le sol. Tamìa de sa main gauche qui était libre de tout sort, la balança avec une sorte de main ténébreuse. Je n’avais jamais vu cela encore, ce fut les yeux écarquillés qu’elle me retrouva collée au mur de ma propre demeure. Ma seule arme avait échoué au pied des escaliers menant à l’étage du manoir, c’était bien ma veine.

- « Si tu pensais sincèrement pouvoir battre une servante de Thimoros avec tes tous petits pouvoirs, tu t’es fourvoyée Aenaria ! »

- « Je serais ravie de te démontrer le contraire ! »

Elle resserra alors la prise autour de mon cou, il m’était de plus en plus difficile de respirer. Les options qui s’offraient à moi étaient de moins en moins nombreuses, le temps jouait avec moi cependant. Mon orgueil était un déclencheur de sa colère, il me fallait faire durer cet échange verbal, l’obliger à parler en espérant que je trouve une solution à cet épineux problème.

- « Jamais tu ne pourras avoir la puissance que détiennent les elfes dorés ! Elle est inimaginable et la sentir couler dans ses veines est juste jouissif ! »

Un sourire sadique se dessina sur son visage, une expression que je ne lui connaissais pas. Elle avait tellement changé en si peu de temps, elle n’était plus l’innocente Tamìa qui nous courrait après toute la journée et qui nous cassait les pieds. A cette époque, elle était incapable de faire de mal à une mouche, cette période semblait bien révolue.

Seulement quelque chose m’avait troublé dans son discours de grandeur mégalomaniaque, sa référence aux elfes dorés. Je n’avais jamais entendu parler de cette race sur Yuimen.

(Crystallia ?)
(Oui.)
(Les elfes dorés ?)
(Mon dictionnaire est vide à cette entrée.)
(Ce n’est pas la réponse que j’attendais.)
(J’ai beau avoir plus d’heures au compteur que toi, je n’ai pas la science infuse non plus !)
(Tu crois qu’ils peuvent avoir un lien avec l’ordalie ? Après tout, elle a parlé d’une puissance inimaginable coulant dans ses veines.)
(C’est une théorie valable mais je pense que tu as d’autres chats à fouetter pour le moment.)

Elle avait raison, ce n’était certainement pas le moment de tenir une conférence sur la magie.

- « Tu es une ignare Aenaria et rien que pour ça, tu vas mourir ! »

Elle me lança de sa main libre des boules de fluides obscurs dans le corps. Cela faisait extrêmement mal mais je ne devais pas crier car cela l’exciterait un peu plus. À la place, je serrais les dents, me mordant la langue jusqu’au sang.

- « Je veux t’entendre hurler pour ma pitié ! »

Je crachais au sol le sang qui était dans ma bouche avant de la regarder droit dans les yeux.

- « Jamais je ne m’inclinerai devant toi ! »

Infernal, c’était le terme pour définir son regard. J’ouvris grand les yeux m’attendant à subir une puissante onde de choc mais elle ne vint pas. Je bandai tous les muscles de mon corps en prévision de sa prochaine attaque et je me focalisai sur une idée lorsque je vis un éclat derrière Tamìa, non loin du mur de la salle à manger.

(C’est Iniel !)
(Il a toujours eu le sommeil léger.)
(Il porte un arc et semble attendre le moment opportun pour tirer.)
(Je vais faire en sorte de lui ouvrir une fenêtre de tir.)

- « Est-ce là tout ce dont tu es capable ? Me faire attendre ? »

- « Mesures-tu le poids de tes paroles ? »

- « Oh que oui ! Je pense que tu as peur, peur de m’ôter la vie ! »

- « Non je n’ai pas peur ! »

- « Bien sur que si, ça se voit dans tes yeux ! Tu n’as encore jamais ôté la vie de quelqu’un ! »

Je vis Iniel s’avancer légèrement dans la pièce afin d’armer son tir. Il fallait que je continue de parler sinon elle entendrait la corde se tendre et la flèche par la suite.

- « Réponds-moi Tamìa et dis moi que tu es capable de tuer quelqu’un ! »

Pour seule réponse elle me lança de nouveau trois boules de fluides d’ombre dans le corps. Par réflexe, je levai la tête vers le plafond, attendant que la douleur passe. Les larmes m’étaient montées aux yeux et coulaient abondamment sur mes joues.

- « Est-ce que tu t’avoues vaincue ? »

Je regardais dans sa direction, elle devait penser que je la regardais dans les yeux alors qu’en réalité, je fixais Iniel du regard derrière elle, mon sauveur. Je baissai imperceptiblement la tête puis la relevai, donnant un signe pour que notre palefrenier attaque.

- « M’avouer vaincue devant toi ? Plutôt mourir ! »

La flèche siffla dans le dos de Tamìa et vint se ficher directement dans son épaule droite, épaule dont la main me maintenait contre le mur. Sous le coup, Tamìa dut lâcher prise me permettant de retomber au sol, certes lourdement mais de retomber. Iniel amorça un tir pour une seconde flèche en direction de cette blonde ou devrais-je dire cette brune qui se retourna face au nouveau venu.

Il me fallait en profiter pour récupérer l’épée de mon père. Rassemblant mon courage et mes forces, je me relevai et bondis vers les escaliers le plus vite que mes jambes le pouvaient en cet instant. Ce fut dur mais je réussis à récupérer mon arme au moment où Tamìa venait de renvoyer magiquement la flèche d’Iniel sur lui, dans son bras.

- « NON ! »

Entendant mon cri, cela galvanisa un peu plus mon adversaire qui tournant la tête vers moi, leva la main droite en direction d’Iniel qui reçu une puissante attaque de fluides obscurs en plein cœur, le faisant décoller du sol et atterrir deux mètres plus loin.

Ne pouvant me résoudre à abandonner mon ami à son sort, je mobilisai une nouvelle fois les quelques fluides d’air que j’avais en moi et les utilisai afin de lancer cette lame, que j’étais venue chercher, en direction de cette traîtresse à son rang et à sa famille. Etant trop occupée par Iniel, elle ne vit pas la lame arriver et elle se la prit quelque part dans le corps, le bruit significatif d’une lame qui se plante dans les chairs arriva à mes oreilles.

De mon côté, galvanisé par cette réussite, je courus vers Iniel en mobilisant rapidement mes fluides de lumière afin de le soigner. Une fois à ses côtés, je pus constater l’ampleur des dégâts. Elle ne l’avait pas raté, des plaies importantes dispersaient le fluide vital sur le sol de la salle.

Je m’apprêtais à utiliser la puissance de Gaïa pour minimiser l’impact du sort de Tamìa lorsque cette dernière planta ma propre lame dans ma cuisse gauche.

- « AAAAAAAAAAHHHHHHHH !!!! »

Je n’avais pas oublié la douleur que j’avais ressenti lorsqu’une flèche avait traversé mes chairs au manoir de Grantier il y avait des jours de cela. Dans un effort surhumain pour ne pas crier, je tirai dessus d’un coup sec et net dans une grimace qui déforma mon visage. Mon sang se trouvait maintenant sur la lame en plus de celui de Tamìa.

Toujours à genoux, je brandis mon épée sur la droite mais cette vipère esquiva, je fis de même sur la gauche et elle esquiva de nouveau. Je me remis sur mes pieds, comprenant que je n’avais aucune chance de la toucher dans cette position. Une fois sur mes pieds, je pris appui sur ma jambe gauche et me fendit en avant dans un puissant coup d’estoc, faisant pénétrer la lame profondément dans son ventre.

- « Sale petite mégère ! »

Elle prit la poignée de l’épée et la sortit d’un seul coup de son ventre. Nous nous rendions coup pour coup et elle utilisa ma propre lame contre moi en la brandissant vers ma tête. Pour me protéger, je me baissais reposant un genou à terre. Du haut, la lame fit une chute vers moi. Levant mes mains au-dessus de la tête, je bloquais la lame dans sa course et jetai un regard noir vers mon adversaire.

J’avais une seule envie, utiliser la faiblesse de sa prise sur le garde de l’arme de mon père et la retourner vers elle, la lui plantant dans le cœur. Cependant, je n’avais pas le droit de mort sur elle, seulement le droit de la ramener en vie au conseil des 15 pour qu’elle subisse un interrogatoire plus ou moins poussé.

C’était une trop belle occasion mais c’était un véritable cas de conscience. Je pouvais la tuer là maintenant mais en faisant cela je désobéirais aux ordres que l’on m’avait donné. Je n’étais pas faite de ce bois-là, je me devais de les écouter et de la donner à la milice. Je la regardai alors fixement dans les yeux sachant que ma prochaine manœuvre se jouerait à quitte ou double pour l’une de nous deux.

- « Tu ne m’auras pas par la force des armes. »

Pour allier la parole au geste, je la désarmai et balançai l’épée loin d’elle. Je me relevai prestement et la fusillai du regard.

- « Toi et moi, rien que de la magie et que la meilleure gagne. »

- « Ce sera donc moi, quel sera le prix ? »

- « Si je gagne, tu lèves la malédiction que tu as lancé sur les Hinorin, les Lomindor et tes parents. »

- « Très bien et si c’est moi qui gagne, tu me donnes Ehemdim. »

- « Parfait ! »

Elle se recula me gardant toujours de face et se dirigea vers la porte-fenêtre qui menait vers la fontaine, pour ma part, je me positionnais vers les escaliers. Maintenant six mètres nous séparaient, nous saignions toutes les deux par la cuisse, elle en plus par le bras et le ventre, moi par différents endroits du torse et du dos.

Mine de rien, nous étions passablement essoufflées et fatiguées, nous avions déjà lancé beaucoup de force dans la bataille et cela allait crescendo vu que nous allions probablement lancer nos dernières attaques. Cependant je lui réservais une petite surprise de taille, des fluides de lumière encore non utilisés et prêts à lui exploser à la figure.

Elle ramena ses mains vers elle comme pour préparer son attaque, je fis de même en mobilisant mes fluides de lumière au bout de mes deux mains. Je les amassais le plus possible et attendis de voir l’autre gourde lancer son attaque vers moi. Je la vis alors amorcer un mouvement vers moi.

C’était le moment, tant attendu, le moment qui allait décider si nous allions survivre ou non à cet affrontement. Elle lança son attaque et j’en fis de même avec un trait de lumière à la puissance maximale. Lorsque nos deux sorts se rencontrèrent, cela eut un effet étrange. Nos deux sorts étant d’éléments opposés, ils s’annihilèrent et nous explosèrent à la figure, nous propulsant loin en arrière.

J’avais de la chance car j’atterris lourdement sur le palier des marches de l’escalier me sonnant complètement vu la lourde chute. Quant à Tamìa, elle passa à travers la double fenêtre et tomba sur le sol en marbre de l’extérieur. Sa chute fut plus violente que la mienne et je ne la vis pas bouger. J’avais le souffle coupé suite à l’impact, je voyais ma faera en 15 exemplaires devant mes yeux.

(Aenaria… Aenaria, reste avec moi… Respire !)

Ma tête me faisait mal, il me semblait que j’avais des os de brisés mais c’était faux j’aurais sûrement de magnifiques hématomes sur tout le corps d’ici à demain. Prenant appui sur mes avant-bras, je tentais de me relever avec toutes les précautions pour voir si Tamìa bougeait encore.

Avec toute la peine du monde, je me mis sur mes jambes et descendis les marches clopint clopant. Au passage, je récupérai la lame de mon père et l’emmenai avec moi jusqu’à l’endroit où avait chu mon adversaire. Je fis cet effort pour savoir si elle était morte ou non. Faire quelques pas étaient affreusement douloureux, me tirant un rictus à chaque fois que mon pied se posait par terre. Cela faisait longtemps que je n’avais pas pris aussi cher lors d’un combat.

Il me fallut au moins 5 minutes pour arriver à sa position à l’extérieure de la maison. Une fois près d’elle, je constatai qu’elle respirait encore même si c’était très faible. Elle murmura quelques mots qui se perdirent dans le silence retrouvé de la nuit. Tant bien que mal, je me pliai en deux afin d’entendre ces propos.

- « Je ne te savais pas aussi puissante Aenaria. Je serais plus prudente la prochaine fois… »

Elle ferma les yeux sombrant dans l’inconscience. Pour ma part, je m’éloignai de quelques pas et m’accrochai à ce qui restait de la porte-fenêtre pour m’appuyer dessus. Aussitôt mon estomac me lâcha et les quelques aliments que j’avais dans le ventre ressortirent dans un amas de vomis pas très ragoutant. Je respirai très mal, ma cage thoracique était en feu de par les spasmes vomitifs.

Je toussotai beaucoup, trop même à tel point que je finis à genoux dans mes propres sucs gastriques. La gorge me brûlait, la tête me tournait mais il me restait encore une chose à faire, voir dans quel état était Iniel. Il perdait son sang à grande vitesse, c’était un de mes amis d’enfance, je ne pouvais pas le laisser mourir par ma faute, juste parce qu’il avait voulu me protéger.

Ce fut à grande peine que je me traînai sur le sol pour le rejoindre pratiquement à l’autre bout de la pièce. Lentement et douloureusement, j’avançai en rampant sur le sol, étant trop faible pour me tenir sur mes jambes. Je ne saurais dire combien de temps il me fallut pour rejoindre le palefrenier mais cela me sembla être une éternité.

Une fois à sa hauteur, je l’entendis respirer très mal, il toussait du sang, c’était la toux d’un futur trépassé. Je ne pouvais me résigner à l’abandonner à son triste sort. Il tourna son visage vers moi et tenta d’articuler quelques mots.

- « J’ai… failli… à mon… devoir… Naria… »

- « Je vais te soigner… mes dernières forces sont pour toi. »

Des fluides de lumières plus tard, je lançais un sort afin de guérir un maximum les plaies d’Iniel m’amenant à un stade de fatigue ultime. Une fois ma réserve magique vide, je m’écroulais au sol à côté de lui, perdant connaissance à mon tour.

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 Sujet du message: Re: Le manoir de Faronia
MessagePosté: Dim 12 Fév 2017 11:17 
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J’étais dans un espace étrange. Mon corps était entouré d’un halo de lumière blanche d’une pureté étonnante. J’arpentais une plaine verdoyante illuminée par un soleil dont les rayons chatouillaient doucement mon visage. Je portais une simple robe de lin blanche qui volait doucement dans la brise ainsi que mes deux bagues.

(Crystallia ?)

Je n’avais pas la moindre idée de l’endroit où je me trouvais à l’heure actuelle, mes souvenirs étaient encore relativement flous concernant mon « débarquement » en ces lieux. J’avais peu de solution à envisager, il n’y avait absolument rien autour de moi et personne pour discuter avec moi.

Une énergie inconnue me poussait à avancer, je marchai presque contre ma volonté vers une destination, pour le moment, inconnue. Mes jambes se mirent en marche, mon esprit devait probablement me mener à la solution.

Au bout de quelques minutes, mes pas me menèrent vers une maison de bois, d’une taille convenable et dont les fenêtres étaient grandes ouvertes. Cette demeure donnait sur une magnifique plage dont les vagues venaient lécher la terrasse. Ce lieu respirait la paix et la tranquillité.

Ma curiosité prit alors le dessus et sans avoir été invité, j’entrai dans la maison. J’y découvris un mobilier simple mais typique des familles elfiques balsinaises. Mais bon sang, où étais-je ? Je n’étais pas sur Yuimen, j’en avais la certitude. Je n’arrivais pas à communiquer avec Crystallia, ce qui était un autre indice sur ma non-situation yuiménienne. Tout ceci était fort inquiétant. Espérons que les habitants de cette maison pourront m’éclairer.

Traversant la demeure, j’arrivai comme je l’avais remarqué sur une plage et mes pieds nus furent aussitôt mouillés par les vagues. L’eau était bonne, une véritable invitation à plonger dedans dans la seconde. J’avançai un peu plus vers l’onde lorsque des éclats de voix parvinrent à mes oreilles. Regardant à droite puis à gauche, je trouvais la source de ces sons. Tout en marchant dans l’eau, je rejoignis ce groupe de personnes, espérant qu’en leur présence, je trouverais des réponses à mes questions.

Au fur et à mesure que j’approchais, je pus distinguer trois silhouettes : une femme et deux hommes, plus exactement trois elfes. Un espèce de mal être m’envahissait un peu plus à chaque pas, je ne savais pas pourquoi jusqu’à ce que mes yeux perçurent les détails des visages de ces trois personnes et ce fut un choc pour moi. Je compris aussitôt où j’étais et cela me fit froid dans le dos alors même que des larmes faisaient leur apparition sur mon visage. Joie ou tristesse, je ne pouvais le dire à ce moment précis.

Le groupe se tourna comme une seule personne vers moi et ce fut le plus âgé qui m’adressa la parole en premier.

- « Ma fille ! Mais que fais-tu ici ! »

À quand remontait la dernière étreinte que j’avais eu avec mon père ? J’étais parfaitement incapable de m’en souvenir et peu importait en réalité. Je courus vers lui et il m’attrapa au vol, me soulevant de terre comme il le faisait lorsque j’étais petite. Nous restâmes dans les bras l’un de l’autre pendant un bon moment, je pus profiter de cet étreinte et la graver à jamais dans ma mémoire.

- « Aenaria. »

Le ton de mon père devint solennel et cela n’annonçait jamais rien de bon. Il se détacha de moi et me regarda droit dans les yeux.

- « Que fais-tu ici ? Que s’est-il passé ? »

- « Zotar, attends un peu avant de la sermonner. Laisse-moi profiter de ma fille. »

- « Mère ! »

Elle me prit dans ses bras et mon cœur fit des bonds incontrôlables dans ma poitrine. Je profitais de cette étreinte pour sentir l’odeur de ses cheveux qui n’avait pas changé, de la rose, parfum que j’utilisais également. Elle se détacha de moi à regret laissant apparaître Gameleb derrière elle.

- « Naria ! »

- « Gameleb ! »

Notre étreinte fut chaleureuse mais moins longue que les précédentes avec mes parents. Mes parents et Gameleb se postèrent en face de moi et mon père reprit la parole.

- « Sais-tu où tu te trouves Aenaria ? »

- « Je pensais que les premières personnes que je verrais m’expliquerait mais avec votre présence en ces lieux, j’ai peur d’avoir compris où je suis. »

- « Non, ma chérie, tu n’es pas morte, du moins pas encore. Tu es dans un espace entre la vie et la mort. Tu as subi de lourdes blessures et tu as fait un immense sacrifice en donnant tes dernières forces à Nayri. »

- « Donc je ne rêve pas mais je ne suis pas pour autant morte. Vous m’avez perdu. »

- « Tes blessures sont telles que ton corps s’est endormi dans un sommeil profond pour te permettre de récupérer. C’est cet état qui t’a permis de projeter ton envie de nous revoir dans ce lieu d’entre-deux. »

- « Je comprends, du moins je crois comprendre. En gros, je suis mal en point et mon esprit divague, génial ! C’est parfait ! »

- « Ne vois pas le verre à moitié vide ma chérie, tu as la possibilité de nous revoir une dernière fois. »

- « Excusez-moi, je suis une fille ingrate. Je suis transportée de joie de vous voir, c’est une évidence mais ce n’est qu’une illusion, une projection de mon esprit, encore une. Lorsque je me réveillerais, vous ne serez qu’un souvenir, un magnifique souvenir certes, mais juste une lumière dans le brouillard de mon esprit. »

- « Aenaria, nous sommes aussi là pour te parler et répondre à tes interrogations. Tu peux nous poser à chacun une question. »

- « Bien, je sais exactement ce que je veux vous demander. Père, pourquoi n’as-tu jamais mentionné ceci ? »

Je lui montrai mon anneau de l’équilibre ornant mon index droit.

- « Probablement parce que je n’en avais pas le droit. Equilibrium est une organisation qui doit rester le plus secrète possible. Je devine aisément que tu voudrais savoir également comment ton frère a pu apprendre son existence. C’est très simple, il m’a trouvé parlant avec un informateur portant un anneau de l’équilibre tel que le tien. Il a attendu la fin de notre conversation, l’a kidnappé, l’a fait torturer pendant plusieurs jours par un maître dans la matière. »

- « Liam de Falek de toute évidence. »

- « Ta récente expérience dans le camp d’Omyre me permet d’affirmer cela. Quoi qu’il en soit, mon informateur a vidé son sac à Liam qui s’est empressé de tout répéter à Aenarion, conduisant aux évènements tragiques que tu ne connais que trop bien. »

- « Sans le savoir, j’ai rendu service à la guilde en éliminant Liam. »

Mon père répondit simplement par un sourire. J’avais une autre question en tête mais comme ils m’avaient dit que je ne pouvais leur en poser qu’une, je n’osais pas. Un coin de mon esprit avait peur de perdre l’occasion de poser une question à Gameleb ou ma mère. Mon père vit le combat en moi et s’avança à ma hauteur.

- « Que se passe-t-il ma chérie ? »

- « J’aurais voulu te demander autre chose mais je sais que je ne peux pas, vos consignes étaient très claires au sujet de notre rencontre. »

Zotar regarda sa femme puis Gameleb qui firent un mouvement de la tête d’acceptation. Mon père se tourna vers moi.

- « Poses ta question. »

- « Est-ce que tu m’en veux de m’être battue avec ton épée ? »

- « Pour battre Tamìa ? Au contraire ! J’en suis même très fier ! »

De joie, j’enlaçai mon père qui me rendit mon câlin, une marque d’affection qui était rare et donc précieuse de sa part. Je lâchai Zotar à contre-coeur et me tournai alors vers ma mère afin de lui poser ma question.

- « 400 ans avec Crystallia ? »

- « Oui, elle m’a vu devenir une femme, porter mes enfants, les mettre au monde et les élever de l’intérieur. Elle m’a vu œuvrer au temple de Sithi de nombreuses fois, elle est devenue ma confidente, celle à qui je confiai mes doutes et mes angoisses mais également ma fierté d’avoir une fille comme toi, solide, forte, belle et cultivée. J’aurais tellement voulu que ton frère te ressemble plus. »

Une larme roula sur son visage qu’elle essuya d’un revers de main.

- « Crystallia sait tout de moi, elle m’a également appris énormément au cours de nos quatre siècles de vie commune. Dis-lui que tu as mon autorisation pleine et entière pour qu’elle réponde à la moindre question me concernant. »

- « Merci mère, ça compte beaucoup. »

Je n’avais plus qu’une question à poser, à celui qui aurait du être mon époux.

- « Tout d’abord, sache que je suis profondément désolée que tu aies été pris au milieu de cette histoire, tu ne le méritais pas. Tu sais pertinemment à quel point je t’apprécie, je suis sûre que tu aurais fait un excellent mari et j’aurais été honoré d’être ta femme. »

- « Tes propos me vont droit au cœur mais quel est ta question ? »

- « Ehemdim et moi nous nous sommes jurer de nous marier dernièrement et tu savais que nous avions entretenu une relation pendant des années avant de savoir que nous ferions notre vie ensemble. Est-ce que tu approuves notre union même si cela va à l’encontre de nos traditions ? »

- « Je dois avouer que j’ai toujours été jaloux de la relation que tu entretenais avec Ehemdim, ça crevait les yeux les sentiments que vous aviez l’un pour l’autre. Lorsque mes parents m’ont appris que tu allais devenir ma femme, mon cœur a fait un bond de bonheur dans ma poitrine. Nos relations avaient toujours été excellentes, je savais que ce mariage serait heureux. Maintenant que je ne suis plus, je ne peux qu’approuver ton union avec Ehemdim, vous êtes liés par le cœur depuis trop longtemps pour que j’aille à l’encontre de cet amour. »

- « Ton approbation compte beaucoup pour moi Gameleb, sache-le. »

Il afficha un magnifique sourire sur son visage avant de me faire un petit clin d’œil

- « Bon et si tu retournais dans le monde des vivants, tu as une mission à accomplir ? Aurais-tu oublié que tu as juré de nous venger ? »

- « Même si j’apprécie plus que tout de partager ce moment avec toi, Gameleb a raison. Tu n’appartiens pas encore à notre monde, tu dois retourner à Faronia. »

- « Cela m’attriste de te revoir dans de telles circonstances ma fille car cela veut dire que tu as failli y laisser ta vie, mais l’avenir te réserve de belles choses Aenaria, je le sens, je le sais. Nous le savons tous les trois alors retourne vers Valsta. »

- « Il doit être mort d’inquiétude ! »

- « J’imagine aisément qu’il doit veiller sur toi avec le reste du personnel. »

- « Je veux bien rentrer, mais je fais comment ? Je ne sais même pas comment je suis arrivée ici… »

- « Je pense, sans trop m’avancer, qu’il faut que tu rebrousses chemin sur la plage et que tu fasses la route en sens inverse. »

- « Je vais faire ma grosse sentimentale mais est-ce que je peux espérer avoir un câlin d’au revoir ? »

Dans un même mouvement, mon père, ma mère et Gameleb vinrent vers moi les bras tendus et je me laissai enlacer par ses trois personnes que j’avais malheureusement perdues trop tôt. Cet accolade dura une éternité, je ne voulais pas partir et pourtant je ne pouvais pas rester.

(Quel dilemme !)

J’esquissai un mouvement en arrière pour mettre un terme à cette réunion, une larme roula le long de ma joue que ma mère effaça d’un revers de main. Je regardai ces trois personnes pour la dernière fois avant de me retourner et de repartir vers la maison de plage.

- « Sois forte ma fille… »

- « …Crystallia te donnera le courage nécessaire… »

- « Et Ehemdim saura t’aimer comme il le faut. »

Ces derniers mots m’emplirent le cœur, l’allégeant. Arrivant à la maison, je déviai ensuite vers l’entrée, voyant une sorte de lumière blanche, purifiante qui n’attendait qu’une chose, que je passe à travers son halo. Ne regardant pas en arrière, pour ne pas flancher et avoir envie de rester, j’entrai dans la lumière et…

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 Sujet du message: Re: Le manoir de Faronia
MessagePosté: Dim 12 Fév 2017 18:12 
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La bouche pâteuse, mon esprit revint dans mon corps. J’ouvris les yeux et réalisai que je me trouvai dans ma chambre et plus précisément dans mon lit.

(Crystallia !)
(Présente !)
(Merci Sithi…)
(Tu as du prendre un sacré coup pendant ton combat si tu me confonds avec une déesse !)
(Je t’expliquerai.)

Me tournant vers la droite, je trouvai Valsta qui affichait un immense sourire. Derrière lui, la porte de ma chambre avait retrouvé sa place, étrange. Tentant de me redresser dans mon lit, le majordome me fit signe de rester tranquille. Son regard appuyé ne me laissa guère le choix.

- « Comme il est bon de vous voir réveillé ! »

- « Comme il est bon d’être de retour dans le monde des vivants ! »

- « Ne vous agitez pas tant que cela, vous avez été dans un état de semi-conscience pendant deux jours ! »

- « Deux jours ! Comment va Iniel ? Et Tamìa, est-elle vivante ? Comment j’ai fait pour atterrir dans mon lit ? Et la porte de ma chambre ? »

- « Un peu de pondération s’il-vous-plaît, les réponses vont venir en temps voulu alors laissez-moi tout vous expliquer. »

Je contins mon excitation afin de laisser Valsta apporter ses précieuses réponses.

- « Iniel est hors de danger et c’est à vous qu’on le doit. En faisant don de votre pouvoir de guérison à Iniel, vous lui avez sauvé la vie. Il se repose dans les quartiers du personnel à l’heure où je vous parle. »

- « C’est une bonne nouvelle. Continuez, je vous en prie. »

- « La porte de votre chambre a été réparée par mes soins. Et je suis à l’origine de votre transport ici. Lorsqu’il y a eu l’explosion dans la salle de bal, cela nous a tous réveillé. Nous nous sommes précipités ici et nous vous avons trouvé sur le corps pratiquement sans vie d’Iniel, votre pouls était filant. Nayri a transporté Iniel dans les quartiers du personnel pendant que je vous ramenai dans votre chambre. Anya est resté près de Tamìa, Nayri a pris une monture pour rejoindre rapidement la ville et prévenir la milice de ce qu’il s’était passé dans le manoir. Trente minutes plus tard, le capitaine était là avec ses miliciens pour emmener Tamìa en cellule et la soigner. Elle était bien vivante lorsqu’ils l’ont emmené avec eux. »

Un vague de soulagement empli mon être tout entier, comme si un poids immense venait d'être enlevé de mes épaules.

- « Je n’ai donc pas failli à ma mission. Et pour l’épée de mon père ? »

- « Nettoyée, dans son fourreau dans le salon. Je ne savais pas si je devais la remettre à sa place ou pas. »

- « Vous avez bien fait, je vais probablement la garder avec moi. »

- « Votre père serait fier de vous la voir porter. »

- « Mais il l’est, j’en suis sure. »

Mon estomac se manifesta alors dans un grognement significatif. Ma parole, cela faisait deux jours que je n’avais rien avalé, pas étonnant qu’il crie famine.

- « Ayant constaté que vous alliez mieux, j’ai demandé à Anya de préparer un petit quelque chose pour votre réveil. »

- « Décidément, vous êtes indispensable au bon fonctionnement de ce domaine Valsta. »

- « Etre capable d’anticiper les besoins des locataires est un vrai don pour moi. »

Quelques coups toqués à la porte m’indiquèrent que le repas arrivait. Je ne savais vraiment pas comment le personnel pouvait être aussi efficace. Il me faudrait découvrir leur secret, il devait y avoir des secrets dans ce manoir dont je n’avais pas encore connaissance.

Anya ouvrit la porte de ma chambre et en me voyant réveillée, afficha un large sourire.

- « Que c’est bon de te voir les yeux ouverts Naria ! »

- « Merci Anya. »

- « Petit déjeuner des champions au programme : légumes cuits, des fruits frais, du pain au raison et de l’orangeade. »

- « Je m’en régale par avance. »

Anya vint jusqu’au lit où elle dépose le plateau avant de me serrer la main droite. Une larme roula sur sa joue, elle s’était inquiétée de mon état.

- « Laisse-moi deviner, vous m’avez veillé à tour de rôle tous les deux ? »

- « Oui avec Nayri également. »

- « Nous prenions des tours de garde avec vous deux. Nous ne voulions pas vous laisser seuls. »

- « Merci, pour tout. Je sais que c’est votre devoir mais pour moi, cela va bien au de-là. »

- « Cela nous va droit au cœur. »

- « Laissons Aenaria manger tranquillement. »

- « Tu as raison, je vais aller préparer la salle de bains pendant ce temps. Un bon bain bien chaud vous fera le plus grand bien. »

- « Vous lisez dans mes pensées Valsta. »

Il inclina légèrement la tête, Anya sourit et ils partirent tous les deux me laissant avec ma faera et mon repas. J’attrapai le plateau à la seconde où la porte de ma chambre se refermait. Attrapant la fourchette, je commençai par les légumes qui sentaient bon le jardin. Crystallia se matérialisa sous sa forme de fée devant moi.

(Tu m’expliques ?)
(Quoi donc ?)
(Arrête de faire l’autruche ! Pourquoi tu as remercié le fait de pouvoir me parler ?)

J’avalai plusieurs bouchées de légumes, laissant ainsi la question en suspend avant de lui révéler la nature de mon délire semi-conscient.

(Alors ?)
(Minute madame l’impatiente ! Je meurs de faim moi !)
(C’est moche de me faire attendre ainsi !)
(Tu vis depuis des millions d’années, tu peux bien attendre quelques minutes de plus !)

J’attrapai le pain et le coupai en morceau afin de saucer les légumes, bus une gorgée d’orangeade avant de lâcher le morceau.

(Accroches-toi à tes ailes ma petite Crystallia, tu es prête à attendre ce que je vais te raconter ?)
(Cette attente va me tuer, dépêches-toi !)
(Fania m’a demandé de te dire qu’elle t’autorisait à tout me raconter sur sa vie lorsque je te poserai des questions sur elle.)

Ma faera afficha une mine déconfite face à ma révélation. Je lui avais coupé le sifflet. C’était tellement rare que je ne pus m’empêcher de réprimer un rire de victoire.

(Tu as parlé à Fania ?)
(J’ai même parlé à mon père et Gameleb si tu veux tout savoir !)
(J’ai rien compris !)
(Je me suis retrouvée dans un espace entre la vie et la mort et mon esprit m’a emmené dans un espace entre les deux où j’ai vu mes parents et Gameleb.)
(Ouh la, ça dépasse mes connaissances.)
(Je dirais même que ça dépasse l’entendement ! Je n’y crois toujours pas, c’était une expérience magique mais déroutante en même temps.)
(Comment est-ce qu’elle allait ?)
(Bien apparemment.)
(C’est incroyable.)
(C’était une sacrée expérience.)
(Et qu’est-ce qu’ils t’ont dit ?)
(De ne rien lâcher, de continuer et de vivre pleinement ma vie.)
(Un beau message.)

Je continuai de manger mon déjeuner tout en me remémorant la moindre seconde de cette rencontre du troisième type. Tout le temps où ils avaient vécu, mes parents m’avaient toujours soutenu et même poussé vers l’excellence. Il en avait été de même avec mon frère mais il était plus réfractaire à leurs petites attentions. Son comportement envers moi aurait pu être différent s’il avait accepté ses petits gestes.

Je terminai mon repas en finissant mon verre d’orangeade et entrepris de me lever de mon lit pour voir à quel point j’avais récupéré. De toute évidence, je n’avais rien de cassé, juste des plaies ouvertes et une énorme fatigue. En parlant de plaie ouverte, il me faudrait regarder ces dernières de plus près car seule une puissante magie de lumière pouvaient les fermer aussi vite.

En posant les pieds sur le parquet de ma chambre, le contact m’électrisa quelque peu avant de m’y habituer. Prudemment, je me mis sur mes jambes. Le premier pas fut difficile, un fourmillement inhabituel se fit ressentir dans mes membres inférieurs. La dernière fois que j’avais eu une telle sensation c’était suite à ma pneumonie au camp d’Oaxaca.

Je fis un deuxième pas et petit à petit cette étrange sensation disparut, s’évanouissant dans les veines du bois. Je rejoignis doucement mon armoire afin de prendre des vêtements et des sous-vêtements propres avant de sortir de ma chambre et de rejoindre la salle de bains.

En passant sur la coursive, je jetai un rapide coup d’œil vers la verrière du bout de la salle de bal pour constater qu’une partie de la fenêtre était déjà réparée et que l’autre était apparemment en morceau sur le sol. J’avançai sur la droite et ouvris la porte de la salle de bains. En y entrant, mes narines furent assaillies par une douce odeur de rose.

Fermant la porte, je posai mes vêtements sur une commode, enlevai à la va-vite ma nuisette qui était impeccable. Mes derniers souvenirs du combat étaient plutôt sanglants, qui m’avait changé ?

(C’est Anya.)

Il me faudrait la remercier en temps voulu. Je mis un pied dans la baignoire et, constatant que la température était idéale, je m’immergeai complètement. Grâce à la transparence de l’eau, je pus voir l’état de mon corps. Soulevant ma jambe mouillée hors de l’eau, je vis qu’il n’y avait aucune trace de blessures ni même de cicatrice. Un mage de lumière avait dû œuvrer sur moi mais également sur Tamìa pour nous soigner.

Je remis ma jambe dans l’eau et fermai les yeux, profitant de la chaleur de l’eau pour me détendre. Mes pensées vagabondèrent pour ne pas dire elles voyagèrent au-delà de l’océan nous séparant de Nirtim, jusqu’à Kendra Kâr et plus précisément jusqu’à la demeure d’Ehemdim.

Je pouvais presque le voir devant moi, était-ce le fruit de mon imagination fertile ? Je ne saurais le dire, en attendant, je pouvais voir son beau visage aux lignes parfaites, son sourire charmeur et ses yeux blancs. Ses yeux blancs ?! Non, ce n’était pas possible, ils étaient verts.

J’ouvris aussitôt les miens réalisant que Tamìa n’avait pas levé le sort sur Ehemdim ou bien était-ce une simple invention de ma part ? Mieux valait en avoir le cœur net. Je me lavai à la vitesse de l’éclair, et j’en connaissais un rayon de ce côté-là. Je me rinçai rapidement et sortis de la baignoire.

Attrapant une serviette propre dans la commode, je m’essuyai et pus constater en me regardant dans le miroir en pied que le combat effectué contre Tamìa deux jours auparavant n’avait laissé aucune trace. Je récupérai mes sous-vêtements ainsi que ma robe habituelle et m’habillai. Un coup de brosse plus tard et mes cheveux étaient attachés en une couette haute.

Bien contente de moi, je sortis de la pièce et rejoignis ma chambre afin de m’équiper de ma cuirasse, de mes jambières et de mes protections de poignets. Je laissai le reste de mon équipement ainsi que la bague d’Ehemdim. Je ceignis mon épée à ma ceinture et rejoignis les escaliers menant à la salle de bal.

En me voyant en haut des marches ainsi harnachée, Valsta vint à ma rencontre avec une expression d’horreur sur le visage.

- « Où comptez-vous allez ainsi équipée ? »

- « Au conseil des 15. »

- « Vous êtes passé à deux doigts de la mort et vous voulez vous jeter de nouveau dans la gueule du loup ? »

- « La manière dont je mène mon existence ne vous regarde pas Valsta même si votre avis compte pour moi. Et puis, comme vous l’avez dit je suis passée à deux doigts de la mort. J’ai encore un peu de marge avant que Phaitos ne m’accueille dans son domaine ! »

J’entendis des rires derrière le majordome et mon visage s’illumina en trouvant visuellement la source de ces rires : Iniel et Nayri qui travaillaient sur la fenêtre manquante. Je soupirai de soulagement de voir le palefrenier sur pied à donner un coup de main pour les travaux de réfection du manoir.

Je finis de descendre les marches pour rejoindre le petit groupe d’employés. Posant une main rassurante sur l’épaule du majordome je m’adressai à lui en ces termes.

- « Cet équipement est une précaution Valsta, ne vous inquiétez pas outre mesure. »

- « Bien madame. »

Passant derrière lui, je montai à la hauteur du palefrenier afin de le prendre dans mes bras. Notre étreinte dura un bon moment, je voulais vérifier qu’il était bien vivant et en bonne santé. Je me détachai finalement de lui.

- « Merci pour le coup de main l’autre soir mais tu ne me fais plus jamais une peur pareille ! »

- « Promis. »

- « Bien et maintenant, si vous voulez bien m’excusez, j’ai des choses à faire. »

Je pris la direction de la salle à manger et sortis du manoir. Tranquillement, je rejoignis la route menant à la ville et profitai de cette marche pour réaliser à quel point j’étais chanceuse de toujours faire partie du monde des vivants.

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Dernière édition par Aenaria le Lun 13 Mar 2017 18:36, édité 5 fois.

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 Sujet du message: Re: Le manoir de Faronia
MessagePosté: Dim 19 Fév 2017 12:53 
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Je traversai rapidement la rue principale pour me retrouver devant les portes de la ville où Robyn et Kirian étaient toujours en poste. En me voyant arriver, ils se mirent aux gardes à vous avant de me laisser sortir sans problème. Je les saluai de la tête et pris la direction du manoir. Les quelques minutes de route me permirent de me changer les idées, me concentrant seulement sur le paysage qui changeait.

Petit à petit, le son de la rivière monta à mes oreilles, je sus que le manoir approchait. Une pensée me traversa alors l’esprit.

(Tu as été étonnement silencieuse dernièrement.)
(Tu n’avais pas besoin de moi pour parler au conseil ou pour interroger Tamìa. Tu as été capable de le faire sans moi lorsque je n’étais pas avec toi, c’est bien aussi de te laisser agir sans que je sois dans ta tête.)
(C’est très gentil de ta part.)
(Donc le programme c’est de reposer ?)
(Je reviens de loin, mes jambes me font légèrement souffrir de ne pas avoir été active ces deux derniers jours donc oui.)

Tranquillement, je retrouvai la route principale menant au domaine, le premier pont s’esquissa à l’horizon. Progressivement, les formes arrondies du manoir se dessinèrent au loin. Je me détendis doucement à mesure que mes pas me rapprochaient de ma destination, de mon havre de paix.

Quelques minutes de marche plus tard, je me retrouvai devant les marches du perron menant à la salle à manger. Quelqu’un siffla derrière moi, je me retournai et trouvai Iniel avec des carottes dans les mains, il devait revenir du jardin potager.

- « Alors cette rencontre avec le conseil de la ville ? »

- « J’ai fait un petit peu plus que ça mais ca c’est globalement bien passé. »

- « Dis-moi que cette petite gourgandine est six pieds sous terre ? »

- « Nous ne tuons pas sans raison et sans procès les gens, aussi coupable soit-il. Même si ce n’est pas l’envie qui m’en manque, je ne peux accepter une telle punition. Je te rassure néanmoins, elle aura le châtiment qu’elle mérite. »

- « Je sais bien, c’est de la vengeance pure et simple qui m’anime. J’imagine que tu comprends bien. »

Je m’approchai d’Iniel et posai une main amicale sur son épaule. Oh que oui je comprenais parfaitement son envie de vengeance et surtout son envie de sang. Il ne pouvait pas la tuer, j’aurais peut être cette chance si jamais Tamìa venait à dévier du droit chemin lors du rituel du soir.

- « Et si tu assouvissais ton envie de sang en allant chasser avec moi cette après-midi ? »

- « Chasser ? Tu veux m’accompagner à la chasse ? Tu me caches quelque chose ? »

(Tu as déjà chassé avec Iniel ?)
(Oui plusieurs fois et il m’a engueulé de faire trop de bruit ou de viser comme un pied, du coup c’étaient de mauvaises expériences.)

- « Non, je ne te cache rien, qu’est-ce que tu vas croire ? »

- « Naria, tu as détesté venir avec un expert de la chasse comme moi. Pourquoi ce revirement ? »

- « Je ne peux pas te le dire, je dois juste t’accompagner. »

- « Comme je le disais, tu me caches des choses. Je ne peux accepter si tu n’es pas honnête avec moi. »

Je ne pouvais pas lui dire la vérité sur le rituel du soir, j’avais besoin de ce sang et de ce cœur sinon le reste du plan que j’avais proposé au conseil tombait à l’eau. Je pouvais lui révéler ce qu’il me fallait de cette partie de chasse.

- « J’ai besoin du cœur et du sang d’un animal fraîchement tué pour le début de soirée. »

Iniel afficha une expression défaite, comme si il ne comprenait pas ce que je venais de dire.

- « J’ai mal compris ? Tu veux le sang d’une proie et son cœur ? Tu as perdu l’esprit ? »

- « Malgré ce que tu peux penser, non, j’ai encore toute ma tête. »

- « Alors pourquoi as-tu besoin de ça ? »

- « C’est pour une demande du conseil de la ville, je ne peux en dire plus. »

- « Pour le conseil, je ne pose pas de question. »

- « Si j’avais su ! »

- « C’est quand même très étrange comme demande… Est-ce que cela a un rapport avec Tamìa ? »

- « Ça se pourrait bien. »

- « Si cela peut aider à un mettre un point final à son règne de terreur, pas de problème. »

- « Tu penses qu’il nous faudra combien de temps pour notre partie de chasse ? »

- « Vu tes capacités, je dirais trois heures ! »

- « On va dire deux et on part pour quatre heures de l’après-midi. »

- « Tu surestimes tes capacités Naria ! »

- « Non, tu les sous-estimes Ini ! Quelques années à l’armée, ça aide ! A tout à l’heure ! »

- « Mais je… »

J’étais déjà partie avant d’entendre ses commentaires. Je passai la porte fenêtre de la salle à manger, passai la salle de bal et entrai dans le salon. Je m’écroulai sur le canapé avant que mon regard ne s’attarde sur l’épée de mon père. Je l’avais complètement oublié depuis mon réveil.

Valsta l’avait nettoyé et remis dans son fourreau. Je l’empoignai par le manche et la sortis de son étui. La lame était toujours aussi brillante, aussi nette, sans aucune aspérité, sans trace de combat, comme si elle était neuve. Un rayon de soleil vint chatouiller le métal la faisant luire d’un éclat magnifique qui se refléta sur mes murs de la pièce.

Je rangeai cette arme dans son enveloppe protectrice et la reposai dans le fauteuil. Je m’avançai vers la porte-fenêtre menant de l’autre côté de la maison, posai mon avant-bras droit dessus afin d’y reposer ma tête. Je fixai mon regard sur l’extérieur, contemplant le paysage s’offrant à moi.

Le début de la journée avait été riche en information et en émotion, j’avais fait la sourde oreille aux révélations de Tamìa durant l’interrogatoire pour rester forte mais je sentis le poids de ces connaissances me retomber violemment sur les épaules. Ma seule réaction fut les larmes qui se mirent à couler abondamment le long de mes joues.

Tamìa qui couchait avec mon frère depuis cinq longues années, j’avais bluffé en disant qu’il pensait que c’était moi même si à mon sens ce n’était pas du bluff. Aenarion qui avait élu domicile à Raynna, la seule ville d’où on ne sortait que les pieds devant et qui était pourtant gardée par des soldats. Sans compter l’implication d’Ertamiel dans tout ce satané plan qui vise à détruire la guilde à laquelle j’appartenais.

Tellement de problèmes à gérer à plus ou moins long terme et si peu de solutions envisageables, mon avenir s’assombrissait à mesure que les révélations pleuvaient. Je me perdis dans mes sombres pensées, oubliant où j’étais, oubliant même que je venais de survivre à la mort…

- « Madame ? »

Valsta se manifesta derrière moi, je quittai mon point de vue et me tournai vers lui, de l’eau salée toujours sur le visage.

- « Est-ce que tout va bien madame ? »

- « Je ne sais plus où j’en suis Valsta. À chaque fois que je pense approcher du but, que je pense avancer sur la piste de mon frère, des couches et des couches de problèmes se rajoutent sur le mille-feuille déjà bien épais de mes ennuis. »

- « Ne désespérez pas madame, tout vient à point à qui sait attendre. »

- « En d’autres circonstances, vos paroles m’apaiseraient mais en ce moment elles ne me sont d’aucun réconfort, je le crains. »

- « Que puis-je faire pour vous réconforter ? Cela me peine de vous voir dans cet état… »

- « Qu’avez-vous à me proposer Valsta ? »

- « Montez dans votre chambre, je vous apporte des madeleines et une tisane qui vous fera le plus grand bien, croyez-moi. »

- « Serait-ce la fameuse tisane d’Anya qui me fait dormir comme un gros bébé ? »

- « Oui, il n’y a que ça qui vous permettra de vous reposer, vous avez une mine affreuse. »

- « D’accord, je monte dans ma chambre. »

- « J’arrive tout de suite madame. »

Je quittai le salon le pas lourd tout comme le cœur. Je montai les marches de la salle de bal et rejoignis ma chambre. Je me délestai de tout mon équipement, de mes chaussures, enlevai ma robe et récupérai ma nuisette avant me mettre sous les draps. Alors que j’attrapai un oreiller afin de me caler, quelqu’un frappa à la porte de ma chambre.

- « Entrez Valsta. »

Le majordome pointa le bout de son nez avec un petit plateau dans les mains contenant une tasse encore fumante et une petite assiette avec des madeleines. Il posa le tout sur mon lit avant de se retirer.

- « Une petite seconde Valsta, avant que je n’oublie. »

Il se retourna avec un regard interrogateur.

- « Oui. »

- « Pouvez-vous ranger l’épée de mon père et me réveiller pour trois heures et demi environ ? »

- « Il sera fait selon vos désirs. »

- « Merci Valsta. »

- « Reposez-vous bien. »

Le majordome me salua de la tête et sortis de la chambre me laissant tranquille avec ma collation. Je récupérai les madeleines et mordis dedans avec gourmandise, puis en trempai quelques unes dans le thé avant de boire l’eau chaude au goût de fruits avant de poser le plateau sur ma table de chevet.

Je récupérai l’oreiller que j’avais délaissé quelques minutes plus tôt, le calai derrière moi avant de poser ma tête dessus. Je baillai bruyamment sentant le poids du sommeil qui m’enveloppait doucement.

(Dors bien Naria. Ne penses plus à rien...)

Mon esprit ne put formuler une réponse que je partais déjà dans un autre monde.

***


Quelqu’un posa sa main sur mon épaule pour me secouer légèrement m’obligeant à ouvrir les yeux. Je n’avais pas très envie de quitter la douceur de mon lit mais le devoir m’appelait. Valsta se tenait près de moi avec un sourire sur le visage.

- « Comment vous sentez-vous ? »

- « Reposée et un peu mieux moralement. »

- « Puis-je faire quelque chose pour vous ? »

- « Est-ce que vous avez encore du pain aux raisins ? »

- « Bien sur ! Anya vient tout juste de sortir une boule du four. »

Je souris à cette annonce, j’adorai ce pain.

- « Alors préparez moi deux tranches et un verre de jus d’orange pendant que je me prépare pour la chasse. »

- « Il sera fait selon vos désirs. »

Il récupéra le plateau de tout à l’heure et sortis de ma chambre. Je fis le chat dans mon lit en m’étirant de tout mon long.

(Ça va mieux ?)
(Cette tisane m’a fait dormir et oublier un peu mes tracas du jour.)
(Prête pour la chasse ?)

Je sortis de mon lit et me changeai pour ma robe balsinaise. Plus je m’habillai légèrement, plus je pourrai me déplacer facilement dans la forêt entourant la propriété. Je m’attachai les cheveux dans une couette haute, récupérai mes jambières. Je jetai un coup d’œil rapide vers le reste de mon équipement et décidai de le laisser dans ma chambre.

Je sortis de ma chambre et rejoignant le salon au rez-de-chaussée où Valsta me retrouva avec ce que j’avais demandé. Il posa le plateau devant moi et demanda la permission d’un geste de la main de s’asseoir dans un fauteuil face à moi. Je l’y autorisai d’un mouvement de la tête.

- « Puis-je m’enquérir de vos activités de la soirée ? »

- « Je vais aller chasser avec Iniel pour le conseil de la ville. »

- « Oui, il m’a informé du fait que vous aviez besoin du sang et du cœur d’un animal fraîchement tué. »

- « J’avais presque oublié que vous n’aviez aucun secret les uns pour les autres sur ce domaine. Ce qui est bien mais par moment peut se montrer problématique. Iniel devrait apprendre à tenir sa langue ! »

- « Les demandes du conseil sont bien étranges quand même. Je ne peux que m’en inquiéter. »

- « Je vais chasser avec Iniel, je ne crains rien avec lui. C’est le meilleur chasseur que je connaisse. »

- « Soyez prudente. Je vous laisse manger tranquillement. »

Je le remerciai d’un mouvement de la tête et il quitta la pièce silencieusement. Je constatai que l’épée de mon père n’était plus là, parfait, elle bien mieux avec son bouclier. J’attrapai une tranche de pain et mordis dedans avec gourmandise. La deuxième tranche rejoignit rapidement mon estomac et le jus de fruit fit couler le tout.

Je laissai le plateau et sortis par la salle à manger. En arrivant devant le manoir, je vis Iniel s’avancer avec son arc et son carquois dans le dos, un sac dans une main et un autre arc dans l’autre main.

- « Prête Naria ? »

- « Et toi ? »

Il me lança le deuxième arc en sa possession que j’attrapai au vol, m’en équipant en le glissant en travers de ma poitrine.

- « Nous pouvons y aller ? »

- « Je te suis. »

Nous nous mîmes en route, passant le premier pont menant au domaine, nous permettant de rejoindre la forêt protégeant l’est du domaine. Iniel se baissa et inspecta le sol à la recherche d’une trace fraîche d’animal. Nous nous enfonçâmes doucement dans la forêt à la recherche d’une piste.

J’avais des rudiments en ce qui concernait la chasse et surtout la traque. Iniel était bien meilleur que moi à ce petit jeu d’où sa présence à mes côtés.

Après une vingtaine de minutes de marche, Iniel me fit signe de me taire alors qu’il se baissait pour regarder la terre de plus près. Elle avait été fraîchement dérangée, ce qui ne pouvait indiquer qu’une seule chose, un animal était passé par là peu de temps avant nous. Nous avions donc notre cible.

- « Qu’est-ce que tu en penses ? »

- « Notre proie a pris la direction de l’ouest vers la source de la rivière. »

- « Tu as fait des progrès Naria. »

- « Ravie que tu t’en rendes compte. Allons-y. »

Je passai devant suivant la piste qu’Iniel avait trouvée. Notre marche dura un bon moment, jusqu’à ce que nous rejoignions les rives de la rivière en amont de la propriété. Je ralentis le rythme de mes pas car la raison de notre marche, une biche, se trouvait face à nous, en train de se désaltérer.

Je fis un signe à Iniel afin qu’il me donne une flèche de son carquois, récupérai l’arc qu’il m’avait passé à l’entrée du manoir. Je récupérai mon projectile et le plus discrètement possible bandai mon arc. J’inspirai profondément et bloquai ma respiration afin de viser du mieux possible.

J’ajustai mon tir et lâchai ma corde. La flèche vola vers notre cible avant d’aller se ficher dans la rivière, éclaboussant le museau de la biche. Alertée d’un potentiel danger, l’animal leva la tête et prit ses pattes à son cou vers le haut de la rivière.

- « Bien jouée Naria, autant tes compétences de traque sont meilleures mais tes compétences de tir méritent d’être améliorées. »

- « De toute évidence. Ça n’aurait pas été drôle si nous avions eu notre proie aussi vite. »

Iniel soupira bruyamment avant de reprendre la marche en suivant la route qu’avait suivie la biche que nous traquions. Nous nous murâmes dans le silence, écoutant simplement les bruits de la forêt. Ini se baissait de temps en temps afin de vérifier que nous suivions la bonne piste.

Notre marche devint un peu plus pénible car nous nous trouvions maintenant sur les contreforts de la montagne entourant l’ouest de la propriété. Je me félicitai d’avoir pris un équipement relativement léger pour notre partie de chasse. Le rythme de nos pas diminua à mesure que la montagne s’inclinait.

Nous étions haletant face à ce terrain, nous devions piocher dans nos réserves d’énergie pour avancer. Chasser était un exercice difficile, lorsque le terrain s’y mêlait, c’était un mélange relativement compliqué à gérer. Iniel leva le pied pour reprendre son souffle mais je n’avais pas de temps à perdre. Je passai alors devant lui et suivis la piste de la biche.

Une demi-heure plus tard, nous retrouvâmes l’objet de notre recherche. Je fis un signe du doigt à Iniel pour lui indiquer qu’il serait le bourreau de l’animal. Ma tentative précédente nous avait démontré que mes compétences au tir étaient loin d’être aussi bonne que mes compétences épée en main.

Le palefrenier prit deux bonnes minutes afin de retrouver un rythme cardiaque plus calme afin de se concentrer dans son tir. Il laissa son sac au sol, récupéra une flèche et son arc, bandit la corde le plus doucement du monde et attendit le bon moment pour décocher son projectile. Je le vis retenir sa respiration, le tir allait venir. Je le vis lâcher la corde et la flèche siffla dans les airs jusqu’à atteindre sa cible.

- « Voilà comment un professionnel tire ! »

Je lui décochai un coup de poing dans l’épaule pour lui répondre.

- « Bla bla bla, va donc récupérer ce dont j’ai besoin. »

Il récupéra son sac, avança rapidement vers l’animal et sortit un couteau et une gourde de son sac. Il ouvrit le ventre de l’animal et ouvrit la gourde afin de la remplir de son sang.

- « Je me demande bien pourquoi le conseil a besoin du sang de cette pauvre créature. »

- « Si je te le disais, je devrais te tuer. »

- « Tu n’oserais pas ? »

- « Ne me tente pas. »

- « Bon d’accord. »

Il ferma la gourde qu’il replaça dans son sac avant de farfouiller dans la carcasse à la recherche de l’organe dont j’avais besoin. Je détournai le regard car un soudain haut-le-cœur me donna envie de vomir. J’avais tué tant de personnes, découpé tant de membres, vu l’intérieur de tant d’ennemis, mais ça je ne pouvais pas le supporter.

Je m’employai à inspirer profondément par le nez avant d’expirer tout aussi intensément par la bouche. Mon estomac se calmait, pas assez vite à mon goût mais au moins il commençait à me laisser tranquille.

- « Nous pouvons rentrer Naria. »

- « Parfait ! »

Il ne m’en fallut pas plus pour quitter cet endroit. La pente douce nous permit de faire la moitié de la route plus vite qu’à l’aller. Au bout d’une heure, nous retrouvions le pont nous permettant de rejoindre la propriété. Le soleil déclinait dans le ciel, il se trouverait bientôt derrière la montagne que nous venions tout juste de descendre. Parfait !

Nous retrouvâmes la quiétude du manoir quelques minutes plus tard. Iniel laissa notre butin sur le perron à l’entrée de la salle à manger avant de me saluer pour rejoindre les quartiers du personnel. J’entrai dans le manoir et rejoignis ma chambre. Je récupérai tout mon équipement et ressortis aussi vite que j’étais entrée.

Valsta pointa le bout de son nez alors même que je descendais les marches menant à ma chambre.

- « Pourquoi une telle tenue ? »

- « Il se peut que la situation ne devienne tendue en ville. Ne posez pas de questions et écoutez moi Valsta : restez sur la propriété et ne tentez pas de me suivre. »

- « Cela ne me viendrait même pas à l’idée mais dois-je craindre pour votre sécurité ? »

- « Avec le métier que je fais, vous devriez toujours craindre pour ma sécurité ! »

- « Par Sithi… »

- « Ne m’attendez pas pour manger, je ne sais pas du tout à quelle heure je serais de retour ce soir. »

- « Bien madame. Soyez prudente. »

- « Toujours. »

(Enfin presque.)

Je finis de descendre les marches, rejoignis la salle à manger, récupérai le sac d’Iniel et pris la direction du centre ville.

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 Sujet du message: Re: Le manoir de Faronia
MessagePosté: Lun 20 Fév 2017 15:49 
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En passant les portes de la ville, je voulus toucher deux mots à Kirian mais il semblait bien trop occupé pour discuter avec moi. Je filai donc directement vers le manoir et en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire, je me trouvai sur la propriété. Le soleil avait quasiment disparu, ce détail n’était pas un problème pour voler.

Nos cynores et aynores pouvaient voler de nuit sans problème grâce à la magie, je pouvais rentrer à Tahelta puis faire le voyage qui me ramènera à Kendra Kâr. En arrivant devant, le perron je vis que la lumière était allumé sous le porche. En montant les marches, Valsta vint à ma rencontre.

- « Madame, vous rentrez relativement tôt. »

- « Oui avec une bonne nouvelle, Tamìa n’est plus de ce monde. »

- « Il faut sortir l’alcool des grands jours alors ! »

- « Valsta calmez-vous s’il-vous-plaît. J’ai également une mauvaise nouvelle, je vais rentrer à Kendra Kâr pour plusieurs raisons. »

- « Tu nous quittes déjà ? »

Le jardinier venait de faire son arrivée sous le porche.

- « Oui Nayri, je suis désolée, mais je voudrais vérifier si Ehemdim va mieux. »

- « Ehemdim peut aller mieux ? Tamìa a rejoint le royaume de Thimoros ?! »

- « Oui et j’aimerais que tu arrêtes de parler aussi fort ! Je dois ranger mes affaires et partir ce soir. »

- « Puis-je vous préparer quelque chose pour la route ? »

- « Du pain aux raisins et quelques pommes. »

- « Il sera fait selon vos désirs. Vos vêtements propres sont dans votre armoire. »

- « Merci Valsta. Nayri, est-ce que tu peux sortir Célestion de sa stalle et le seller ? »

- « Je vais ajouter quelques carottes dans les sacoches de la selle pour la route. »

- « Parfait, rendez-vous ici dans dix minutes. »

Le majordome et le jardinier acquiescèrent de la tête et partirent chacun de leur côté. J’entrai dans le manoir et me dirigeai immédiatement vers ma chambre. Une fois dans la pièce, je récupérai mon sac, mit plusieurs paires de sous-vêtements propres ainsi que deux robes balsinaises et celle que Liam m’avait offerte.

Je récupérai le carnet de mon frère, il me servirait de lecture durant le trajet. Un passage rapide dans la salle de bains pour récupérer un flacon d’eau de rose pour la ramener à Kendra Kâr. Je sortis de la pièce et rejoignis la salle à manger en attendant les garçons. J’englobai la pièce du regard sentant bien que je ne rentrerai pas avant un bon moment.

Des hennissements se firent entendre depuis le jardin, Célestion et Nayri arrivaient devant le porche du manoir. Je sortis de la pièce et rejoignis ma monture. Il hennit de plaisir en me voyant arriver, je lui flattai l’encolure avant de lui déposer un baiser sur son chanfrein.

- « Voici ce que vous aviez demandé madame. »

Valsta venait d’arriver derrière moi avec un petit baluchon en chiffon contenant ce que je lui avais demandé. Je récupérai le colis que je fourrai dans mon sac à la va-vite. Nayri vint jusqu’à moi afin de me serrer dans ses bras puis repartis vers les quartiers du personnel. Valsta me regarda avec la larme à l’œil.

- « Rassurez-vous Valsta, ce n’est qu’un au revoir. Je reviendrais au plus vite, ne vous inquiétez pas. »

- « C’est toujours un déchirement de vous voir partir… »

- « … mais vous êtes l’elfe le plus heureux du monde lorsque je reviens ici. Donc pensez plutôt à ce jour plutôt qu’à celui qui se termine. »

- « Vous avez gagné en sagesse madame. Revenez-nous vite. »

- « C’est promis Valsta. »

Il me prit dans ses bras, chose qu’il n’avait fait que très rarement au cours de ma vie. Je la lui rendis avec plaisir mais me séparai à regret. Passant les rennes de Célestion par-dessus sa tête, je posai mon pied gauche dans l’étrier et d’une impulsion franche, montai sur la selle.

- « Allez mon beau, direction la zone d’embarcation. »

Je le talonnai doucement et aussitôt il se mit en route.

- « Soyez prudente madame ! »

Cette phrase avait été criée. Je ne répondis pas car j’étais déjà hors de portée de ses oreilles. Quelques minutes plus tard, nous étions en vue du terrain qui permettait de quitter la ville.

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