Il leur fallut quelques heures pour atteindre la lisière de la forêt et s'y engager à nouveau. Kay ne fut pas particulièrement joyeuse de retrouver cette atmosphère suppurante d'humidité, de vilaines bêtes dangereuses (pour ne rien gâcher), ces racines et ce sol traitres, enfin cette quasi obscurité due à une frondaison épaisse et hérissée d'épines. Sans vouloir se l'avouer, elle craignait aussi une attaque d'une patrouille Shaakte. Ainsi, elle ne put s'empêcher d'être crispée tout au long des quelques autres heures nécessaires pour rallier les premiers contreforts des massifs abritant la Perle Blanche.

À partir de là, ils empruntèrent d'étroits sentiers qui restèrent cependant beaucoup plus accueillants que la forêt dense entourant Khonfas. Bien qu'elle n'y fût restée que peu de temps, un vif soulagement se répandit dans l'âme de la semi-elfe quand elle aperçut ces montagnes. Naïvement, elle pensait qu'ils se rendaient bien à Hidirain où, après un compte-rendu bien dans les formes, Tanaëth l'emmènerait à l'Opale de Lune. Elle y crècherait et le lendemain, demanderait à faire partie de l'Opale. Une nouvelle vie l'attendrait, belle parce que au milieu des siens. Ainsi, quelle ne fut pas sa surprise quand, soudain, Tanaëth bifurqua et s'engagea dans la direction d'une étroite vallée, située sur leur droite. Même pour Kay qui ne connaissait pas la géographie de ces lieux, quelque chose clochait. En silence, elle commença une longue plainte.

(On ne retourne pas à Hidirain ? Mais j'ai mal, j'ai faim, j'ai envie de dormir !)

Pendant encore une heure, le maître d'arme ne voulut rien dévoiler à propos de leur véritable destination. Jusqu'à ce qu'ils y fussent arrivés, finalement. Là, devant l'étrange et perdu temple, Tanaëth lui révéla ce qu'il en était vraiment. Elle tomba des nues.

"L'o... l'oracle ? Maintenant ?!"

(Mais je ne suis pas prête ! Je ne sais même pas quelle question poser ! Je... Je ne sais plus !)

Mais Tanaëth était déjà rentré dans le bâtiment.

Lorsque Kay ressort du temple de l'Oracle, je fouille rapidement dans mon sac et en sort deux longues et fines lames sombres ainsi qu'une armure de métal noir, le tout d'une qualité exceptionnelle, et lu tends l'ensemble en souriant légèrement.

"Tiens, cadeau. Voici deux lames dignes de ce nom, tu les as bien méritées. Cette armure devrait t'aller, je pense. Puisque tu as choisi de combattre un temps à mes côtés, mieux vaut que tu sois correctement protégée."

Je la laisse s'équiper, amusé de sa surprise, puis lorsque elle a achevé de boucler sa nouvelle armure et trouvé un positionnement correct pour les deux armes j'ajoute calmement:

"Maintenant nous devons rejoindre Hidirain au plus vite, j'espère que notre action a stoppé l'armée Shaakte, mais dans le doute..."

Nous nous mettons en route sans plus tarder et c'est d'un bon pas que je guide Kay dans les montagnes, pressé que je suis de m'assurer qu'Hidirain n'a pas été attaqué. La fin de la journée s'écoule rapidement, nous campons sommairement puis reprenons notre chemin dès l'aube. Ce n'est qu'à la mi-journée que nous parvenons enfin aux portes d'Hidirain et ce n'est qu'en voyant les environs dénués de la moindre présence hostile que l'inquiétude qui me taraudait s'estompe enfin!

Apparemment, il était bien vivant... Kay, en sortant du vieux temple, trouva le soleil plus brillant et quelque chose, dans son cœur, lui tenait chaud. Bien sûr, il y avait toujours une (faible, mais existante) probabilité qu'elle n'eût rien compris à la réponse du vieux et que son paternel fût mort et enterré depuis des décennies. Mais il avait parlé de fluides, de forces et tous ses mots étaient remplis de vie. Non, non : il n'y avait pas d'erreur possible.

(Mon père est vivant !)

Désormais, quoiqu'il lui en couterait, Kay n'aurait de cesse tant qu'ils ne se seraient pas retrouvés. Qu'importeraient les moyens.
Plus joyeuse qu'elle ne l'avait jamais été, la semi-elfe rejoignit Tanaëth qui polissait ses armes, sûrement plus pour s'aider dans sa réflexion ou tout simplement pour passer le temps car, dans son opinion, les deux lames l'étaient bien assez. Quand elle arriva auprès de lui, il s'arrêta et se saisit de son sac. Il en sortit deux longues et fines épées noires et aussi une armure de métal tout aussi noir que les lames. Il ne faisait aucun doute quant à leur qualité. Il lui tendit le tout avec un léger sourire - il devait encore être en train de ruminer la réponse de l'oracle.

"Oh, merci beaucoup !"

Kay accueillit son cadeau avec une surprise pleine de joie. Surtout l'armure. Elle s'empressa d'enlever les misérables morceaux de cuir qu'elle avait elle-même assemblés avec maladresse avant de partir à l'aventure, pour revêtir la belle protection, certes conséquemment plus lourde, mais aussi plus efficace. Avec un pincement au cœur, elle détacha sa courte épée de sa ceinture. L'arme n'était ni forte, ni même unique. Mais sa présence lui amenait un peu celle de son père et elle regrettait déjà de n'avoir plus d'occasion pour la brandir, à l'avenir. À côté, les deux épées posèrent soucis. Longues, elles l'étaient et bien trop. Impossible de les mettre à sa ceinture sans qu'elles ne touchassent le sol. Et, de toute façon, elles étaient aussi trop lourdes. Finalement, Kay les accrocha en les croisant dans son dos. De sa main droite, elle pouvait dégainer facilement celle de son épaule gauche. Parfait. Elle adressa un sourire rayonnant à Tanaëth (qui s'était révélé pressé de rentrer à Hidirain).

"C'est bon, nous pouvons y aller !"

Ils marchèrent durant toute la fin de journée. Puis, après une courte nuit, reprirent la route dès l'aube. Kay n'était pas habituée à transporter tant de poids et s'essoufflait rapidement. Cependant, elle arriva à prendre le coup relativement rapidement et quand, au milieu de la journée d'après, ils furent devant les portes de la Perle Blanche, sa poitrine se soulevait et s'abaissait à un rythme normal.