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 Sujet du message: Les quartiers du clan Keanravir
MessagePosté: Lun 5 Mai 2014 11:27 
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Les quartiers du clan Keanravir



Taillé dans la roche, au même titre que le reste de la ville, ce réseau de grottes, de couloirs, de corridors et de puits d’aération forme l’espace le plus riche de la cité. En son cœur se trouvent les quartiers de la matriarche Jylanis du clan Keanravir, maîtresse de la cité tant qu’elle pourrait asseoir son pouvoir et, autour de ce cœur sacré où seules les femmes élues peuvent pénétrer, se déploie le reste des communs, à la manière d’une toile d’araignée ; au plus proche les appartements des femmes les plus influentes, puis, à mesure que l’on s’éloigne du centre, les chambres des autres femmes suivant leur rang, les chambres des hommes, puis les dortoirs des esclaves en complète périphérie.

Le luxe des grottes et couloirs dépend principalement du rang que celles et ceux qui y vivent ; le cœur social et politique du clan est une merveille de tentures, de richesses, de parois sculptées finement, tout doit signifier la puissance et la magnificence du matriarcat. A l’inverse, les dortoirs des esclaves ne sont guère que des trous dans la roche, irréguliers là où personne n’a pris la peine de gommer les aspérités du roc, humides, sujets aux vents coulis et glacés venus de l’océan, peu ou pas desservis par les puits de lumière ou d’aération ainsi que le système de latrines qui renvoie tous les excréments dans l’océan qui coure sous la falaise.

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 Sujet du message: Re: Les quartiers du clan Keanravir
MessagePosté: Mar 6 Mai 2014 10:57 
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Un lapin jeté dans une arène emplie de loups affamés : voilà ce qu’a l’impression d’être Caabon. La proie à la merci de tous ces shaakts. Déjà étranger au cœur de leur cité, il l’est encore plus au sein des quartiers du clan dirigeant. L’anonymat d’une condition inférieure, marquée par la tenue habituelle des esclaves et leur posture savamment effacée, ne le protège pas encore. Lorsqu’il pénètre par la grande porte, c’est après le cheval et la mule, au bout de sa corde comme les autres maintenus par leurs rennes, et la priorité en dit long sur le statut qui sera le sien dans les temps à venir qu’il passera dans la cité troglodyte.

Thrang ne prend même pas la peine de s’adresser aux gardes, c’est directement à la shaakt se tenant dans une pièce confortable près des portes qu’il tient un discours dont Caabon ne comprend rien ; il perçoit simplement le ton respectueux et plein de déférence, malgré la barrière de la langue. Ainsi vont les relations dans la cité, et plus particulièrement dans l’enceinte des quartiers du clan Keanravir, où vivent les femelles shaakts les plus influente de la maison, et où les mâles ne sont que tolérés, pour peu que leurs mères et leurs sœurs aient du pouvoir.

La courte présentation, dont Caabon n’a finalement saisi au vol que le mot « Wotongoh » et un regard dédaigneux de la shaakt porté sur lui, semblable à celui qu’une maîtresse de maison coulerait sur un nuisible ayant eu la mauvaise idée de s’introduire dans sa demeure, juste avant de lâcher sur lui le chat de la maison, ou un quelconque laquais à peu près aussi efficace, peut-être plus désireux encore de plaire. Point de griffes pour le jeune homme, simplement la reprise de la marche en direction des écuries, toujours derrière l’animal de monte et celui de bât, aussi malmené. Un garde tend une hallebarde sur son passage, la hampe se prend dans les pieds de l’étranger qui s’effondre, meurtrissant encore plus les articulations sur lesquelles il se réceptionne. Thrang crache quelque chose, à mi chemin entre le feulement et l’aboiement, un impératif ou une menace, des mots qui font pâlir le garde et ses camarades – enfin, dans le cas de la pigmentation particulière des shaakts, font prendre à leur peau une couleur de cendres mouillées – qui jusque là s’esclaffaient. En revanche, il ne s’adresse toujours pas à son semblant de prisonnier ; il l’attache comme un chien au bout de sa laisse à un des piliers de l’écurie alors qu’il desselle et bouchonne sa monture, tandis qu’un palefrenier de rang inférieur se charge de la mule. Trois esclaves paraissent alors.

Les deux qui ferment la marche sont des humains qui avaient sans doute bien charpentés par le passé, qui aujourd’hui, à coup de privations et de mauvais traitements, n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes, mais conservaient toujours une haute stature par rapport aux autres esclaves de la cité, et une lueur farouche dans le regard. Les cheveux rasés, sans doute pour éviter qu’y niche la vermine, un visage anguleux mais somme toute commun marqué de cicatrices, creusé de rides, les yeux cernés, rien ne les distinguait vraiment de la masse. La première particularité que l’observateur peut remarquer chez le troisième est un pied de bois, grossièrement taillé, qui remplace l’original, sectionné un peu au dessus de la cheville ; sa démarche est rendue presque cocasse par ce handicap, il semble toutefois s’en accommoder et évoluer sans peine aux côtés de ses semblables, à leur vitesse, à moins qu’ils n’aient adapté la leur à la sienne. Son âge a également quelque chose d’intrigant. On ne voit guère de vieux esclaves dans les rues de Gwadh : pourquoi un clan entretiendrait-il des bras inutiles ou trop faibles ? Au mieux peuvent-ils servir à nourrir les chiens de combat ou autres bêtes carnivores, ou à procéder à certains sacrifices en l’honneur de la déesse araignée. L’homme qui se tient dans l’écurie est courbé, son visage est creusé de sillons profonds qui doivent plus aux années qu’à une vie difficile, même si les deux se combinent sans doute ; ses cheveux blancs sont aussi coupés très courts. Un nez un peu grand et long, mais fin, émerge de ces traits affaissés par l’âge pour leur redonner une certaine allure, sans pour autant faire autant d’effet que les deux yeux qui le surmontent. Sous des sourcils broussailleux de neige ce sont deux points d’un bleu profond, aux reflets d’acier, qui se vrillent dans ceux du Wotongoh, comme pour sonder son âme. Dans ce regard, il y a une détermination à faire fondre le roc, déplacer les montagnes et écarter les eaux des océans, la rage contenue prête à éclore et se développer comme une corolle de lave, lente, inexorable, brûlant tout sur son passage, une volonté inflexible, l’intelligence d’un homme d’esprit alliée à la sagesse conférée par l’âge à quelques rares élus.

« Bahalt, mes bagages dans mes quartiers. Emmène cet esclave et informe-le. »

« Oui maître. Il sera fait selon vos ordres. »

Détachant la corde qui lie les mains de Caabon, le vieux lui fait signe de le suivre, tandis que les deux autres s’emparent du chargement de la mule et se mettent en marche sur leurs talons.

« Comme tu l’as entendu, mon nom c’est Bahalt. Et toi ? Elle t’a donné quoi comme nom, ta mère ? »

(Si seulement je le savais…)

« Je m’appelle Caabon. »

« Ben au moins tu parles comme nous ! C’est d’jà ça ! Faut dire qu’j’ai rarement vu des Wotongoh v’nir de l’aut’ côté d’l’océan. C’est c’qu’est beau dans la vie, toujours être surpris. Non ? »

« Euh… Oui, sans doute. »

« Temps que la surprise n’est pas un foutu couteau entre deux côtes ! Haha ! »

Le reste du trajet se fait en silence jusqu’à une chambre taillée dans la pierre, de dimensions modestes mais meublée avec goût : un lit en acajou apparemment confortable, un secrétaire de chêne verni, une large armoire de la même essence, un râtelier d’arme garni de divers ustensiles martiaux tranchants, une table à laquelle deux personnes peuvent s’attabler, deux chaises se faisant face, un fauteuil de bois et d’osier, un tapis épais pour atténuer la froidure du sol. Dans l’angle droit opposé à la porte de la pièce est taillé à même la pierre un foyer, dont la cheminée chemine à travers le roc vers la surface ; les braises d’un feu réchauffent l’atmosphère

Les deux esclaves chargés des bagages les déposent et se retirent. Bahalt, lui, sort des replis de sa tenue misérable une pipe d’écume de belle facture, la bourre de tabac prélevé d’une blague qu’il produit tel un prestidigitateur et va l’allumer à l’aider d’une brindille ; après avoir rajouté un peu de charbon dans le foyer, il tire une chaise, s’installe confortablement et fume avec sur le visage un air de satisfaction prononcée.

« On attend Thrang. Assied toi, ça peut prendre du temps. On sait jamais avec les shaakts et leur foutu protocole… Pour peu qu’y croise une matriarche, et ça va prendre des plombes ! Bah ! Au moins on est tranquille. »

Caabon hésite, déstabilisé par une telle conduite de la part de celui qu’il a identifié comme un esclave.

(Ne serais-je pas le seul à jouer un rôle dans cette affaire ?)

« T’as pas l’air bavard. C’est bien à ton âge. Vaut mieux écouter que parler quand on est jeune. T’auras tout l’temps d’délier ta langue quand tu s’ras aussi vieux qu’moi. Et j’te souhaite de parv’nir à c’t’âge, même si la vieillesse c’est pas toujours la grande forme ! Aller, colle toi près du feu, tu m’as l’air gelé jusqu’à l’os. C’pas un climat qu’y z’ont, c’est un glaçon ! Foutu continent… »




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 Sujet du message: Re: Les quartiers du clan Keanravir
MessagePosté: Mer 7 Mai 2014 16:07 
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« Eh ben mon gars… T’es dans l’fumier jusqu’au cou ! Mais si tu t’en sors… Crénom ! tu d’viendras une légende, même si pour ça j’dois aller chanter tes louanges avec une voix d’coupé dans toutes les tavernes d’tout les continents ! »

Bahalt avait ponctué sa remarque d’une vigoureuse accolade dans le dos du Wotongoh, qui n’affichait pas une mine réjouie en sortant de la pièce. Il s’attendait à jouer un rôle, mais peut-être pas celui qu’on lui avait attribué. Thrang avait été clair, très clair. Il pouvait encore faire demi-tour, refuser, rejoindre le continent par le premier navire en partance de Gwadh – le contrat passé en les shaakts de Keanravir et Céendel comprenait cette possibilité – et tenter de retrouver une vie à peu près normale. Mais en s’embarquant dans cette galère, il savait qu’il ne tournerait pas le dos aux défis qui se dresseraient sur son chemin.

Aussi cela fait-il une semaine que Caabon arpente les rues – plutôt les galeries – de la cité shaakt de Nosvéris, sous la tutelle de Bahalt.

L’homme au pied de bois n’est pas un esclave comme les autres, comme l’a vite compris son nouveau disciple. Les humains, et quelques autres représentants des races de Yuimen, asservis par les clans forment une société à part : ils sont assez nombreux pour vaquer à bon nombres d’occupations que leurs maîtresses délaissent, assez pour représenter une menace, aussi sont-ils soigneusement opprimés et diminués, éliminés à la moindre velléité de révolte, divisés dans des quartiers, des maisons, des grottes différentes, et suffisamment occupés pour qu’organiser une révolte devienne du suicide. Parfois on fait tomber – littéralement – les quelques têtes pensantes d’un complot, fictif ou bien réel, pour l’exemple, et cela suffit. Cependant, les esclaves restent toujours une force vive avec laquelle compter : voilà ce qu’a tenté d’expliquer Bahalt au Wotongoh dont il a la charge. La matriarche du clan Keanravir, ses filles et toutes les autres femelles du clan ne s’abaisseraient pas à traiter avec un esclave, pas même avec les humains de l’extérieur d’un rang trop inférieur, ne disposant pas d’assez de pouvoir ; par contre, elles peuvent envisager de communiquer avec un mâle de leur clan : Thrang assure ce rôle, il est un messager, la parole des femelles. Et Bahalt est le relai entre les shaakts et leurs esclaves. Ce rôle n’est pas aisé à tenir, car il s’agit avant tout pour lui d’être perçu comme un élément neutre par les deux partis, mais une fois cet écueil passé, les possibilités sont nombreuses : les esclaves, parce qu’ils deviennent parfois invisibles aux yeux de leurs maîtres, membres du mobilier, entendent, voient. Cependant, ils ne disent rien, surtout pas à un shaakt, ennemi commun. Mais la vie d’esclave est difficile, et parfois un bon renseignement peut aider à sauver une vie, acheter une liberté. Simplement, il faut connaître celui qui sera à même de le monnayer, de le négocier, et cet individu, au sein du clan Keanravir, se nomme Bahalt.

Ayant fait de vieux os parce que malin, c’est à lui que Thrang a délégué la charge de Caabon pour toutes les tâches quotidiennes, et sa formation à la vie troglodyte. Ainsi qu’à d’autres fonctions d’ailleurs…

Et la première leçon est de savoir marcher. Une semaine pour réapprendre à marcher, ce n’est pas de trop. Après avoir quitté la chambre de Thrang, Caabon s’est rééquipé de ses effets dans un cellier obscur mais désert, tandis que Bahalt faisait le guet ; après quoi, le vieil homme lui a fait enfiler assez de loques pour cacher brigandine, bottes et vêtements. Ses effets dissimulés, le Wotongoh pouvait commencer à envisager de passer inaperçu. Cela passe en premier lieu par la démarche. Le pas peut annoncer l’individu, ferme et décidé, ou au contraire hésitant et faible ; le dos, droit ou courbé, en dit long ; la claudication bien jouée peut suffire à tromper un adversaire, au mieux à lui faire commettre une erreur mortelle, au moins à lui inspirer une confiance traitresse. Or, Caabon a appris à marcher dans la maison d’un marchand ynorien de noble ascendance et au statut bien supérieur à celui d’un esclave : s’il s’est jeté sur les routes à sa majorité, il n’a en revanche pas perdu cette manière d’être pour adopter la dégaine d’un vagabond, quelque chose de profondément ynorien subsiste en lui, dans sa manière de poser les pieds, et plus généralement de se tenir. Ce qui se révèle être des qualités dans la société et le lieu adapté devient un handicap criant là où se trouve coincé le jeune homme, cela revient à porter sur sa poitrine un écusson professant sa mascarade. Fort heureusement, le maître est bon et patient, ce qu’il sait, il l’apprend d’autant plus aisément que quelque part son intérêt est engagé dans la réussite de Caabon. Qui sait si, un jour, il ne pourra pas lui aussi recourir à ses services…

Un jeu de ficelle retenant les membres, des cales de bois dans les bottes, des boules de chiffon coincées sous les bras, un drap plié pour simuler une bosse, et c’est un infirme à peu près convainquant que le Wotongoh peut incarner. Une semaine de ce traitement lui mettent les orteils en feu, les muscles dans une tension douloureuse, contraints qu’ils sont de faire prendre au corps des attitudes jusque là inexpérimentées, et surtout, surtout, les nerfs à rude épreuve. Ce n’est pas dans une salle déserte que se déroulent les exercices, mais en condition réelle, dans les galeries de la cité. Et chargé avec ça : des seaux d’eau, des sacs de farine, des rouleaux de tissus, mille et une marchandises qui doivent être véhiculées, promptement et discrètement, afin qu’elles paraissent aux shaakts apparaître de nulle part peu après l’expression de leurs désirs. La douleur se double donc de fatigue, l’épuisement vient alourdir encore les fardeaux, le froid et le vent usent la patience comme ils peuvent fendre la pierre, les faibles rations attribuées aux esclaves n’aidant en rien, sinon à accroître la sensation de faim. La vertu d’une semaine de ce traitement se fait rapidement sentir : Caabon sait maintenant se tordre, se courber, boiter, simuler diverses malformations, avec une certaine aisance ; Bahalt l’encourage, le félicite, tout en lui rappelant qu’exceller en cet art demande un apprentissage constant, une discipline de tous les instants, un sens de l’observation aigu.

Caabon apprendra. Il le sait, il le veut. Cette première phase de son éducation, qu’il sait nécessaire, lui fait prendre la mesure du chemin qui lui reste à accomplir. Roulé en boule sur une maigre paillasse malodorante, lové sous la cape de Théoperce, elle-même dissimulée par une couverture de laine usée et rongée par les mites, le jeune homme cherche vainement le sommeil, en écoutant les souffles plus ou moins réguliers des autres esclaves du clan Keanravir. Il a faim, son corps réclame du repos, plus de repos, des soins, une chaleur permanente, un feu, un rien de confort, un peu plus de paille pour ne pas sentir chaque aspérité de la pierre qui constitue le sol de la grotte. Mais tout cela attendra qu’il puisse le gagner.



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Dernière édition par Caabon le Lun 19 Mai 2014 11:10, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les quartiers du clan Keanravir
MessagePosté: Lun 19 Mai 2014 11:05 
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Thrang les a prévenus qu’il ne voulait que peu avoir affaire au Wotongoh, et que Bahalt servirait d’intermédiaire. Ce dernier expliqua au jeune homme la difficulté qu’a un shaakt à défendre sa position du fait de son statut de mâle, aussi ne tarda-t-il pas à mesurer le risque pris par son « maître » a être aperçu à recevoir des esclaves mâles : sans compter la farandole de rumeurs qui pouvaient porter sur son orientation sexuelle, on pouvait aisément avancer qu’il fraternisait avec le bas peuple, la lie de la cité, chose impensable pour une race aussi fière que celle des elfes noirs. Dans cette attitude lointaine, distante, l’infiltré voit tout de même son intérêt : ne pas se faire remarquer. N’est-il pas un nouvel esclave fraîchement arrivé ? Et c’est le moins qu’on puisse dire sur ce continent…Dans ce cas, pourquoi serait-il en contact avec un des shaakts ? Bahalt, lui, a ses entrées, les années et son influence reconnue du bout des lèvres par ses maîtres justifient que l’on s’adresse à lui, et que lui entretienne des contacts avec des serviteurs d’un rang plus bas. De toute manière, il préfère « traiter » avec Bahalt qu’avec le shaakt : le vieil homme a une attitude de plus amicales à son égard, comme s’il considérait que sa possible mort dans l’affaire dans laquelle il s’est engagé méritait qu’on lui témoigne un peu de sympathie. Et puis il décèle quelque chose de mystérieux chez ce vieillard éclatant de bonne santé, une vitalité étrange, incongrue au milieu de tant de misère et de souffrance, vitalité qui serait sans doute dérangeante pour tous ses interlocuteurs sans cette capacité à accorder à chacun un peu d’attention et de considération. A ses côtés, Caabon espère pouvoir un jour percer ce mystère, connaître le fin mot de l’affaire, si toutefois il y a quelque chose à connaître : peut-être est-ce simplement une personnalité exceptionnelle ? Il n’a pas vécu un nombre d’années aussi long que lui, mais déjà il a des doutes quant à ce que le monde et le hasard peuvent produire de beau, de bon et d’innocent : le vieux cache quelque chose, sans doute pas pour nuire, et la curiosité de Caabon est affutée sans cesse par cette intuition.

Alors le temps passe en explorations et tâches diverses et variées. Voilà que le jeune homme commence à connaître un peu la cité, pas comme sa poche, mais assez pour filer dans des boyaux de traverse sans s’égarer, exécuter des courses avec assez prestement pour ne pas se faire molester à son retour. Se faire à l’idée de ne pas voir le jour est difficile, mais pas autant qu’il aurait pu le croire dans mes premiers jours de captivité simulée : il vivait cloîtré, à Oranan, cela a sans doute contribué à faciliter son adaptation. Cependant, le rythme circadien du sommeil bat de l’aile lorsque seule la fatigue commande les séances de repos. Certes, des puits de lumière transmettent les rayons solaires, mais en les affaiblissant, quand ils ne passent pas par des tentures ou des plaques grossières de verre coloré, si bien qu’on ne distingue pas de loin leur lumière des torches ; ils sont de surcroît réservés aux salles les plus vastes, plus difficiles à éclairer par les seules torches opalescentes murales. Il essaie de se trouver des repères, mais il est plus commun qu’il s’effondre sur sa couche dès que les maîtres en laissent le temps à leurs esclaves, lorsqu’ils se décident à dormir après un certain nombre d’activités.

Ce n’est pas dormir qui le tracasse le plus, mais manger. C’est un gruau infâme que l’on sert aux esclaves, où les insectes cuits avec les céréales de piètre qualité font office de viande : à ceux qui voudraient plus de chair d’en trouver, et la plupart du temps, un rat ou un poisson améliorent l’ordinaire. Mais manger du rat ne le tente guère, en fait cela le répugne tout bonnement : Bahalt dit qu’il n’a pas encore assez faim, selon lui ça viendra, en cas de disette.

(Que Rana me tienne en sa garde et m’épargne une telle perspective !... Le vieil homme prétend même avoir connu des cas de cannibalisme, le cadavre d’un des esclaves, mort de froid, de faim, de maladie ou de torture, faisant office de repas pour ses camarades survivant, leur accordant un peu de répit…)

« C’est pas ragoûtant, ça c’est très très net… Mais dis-toi que c’est une belle mort. A quoi ça rime de pourrir ? Là t’aide tes camarades à tenir un peu plus longtemps, t’es un peu leur saveur par delà la mort. Pense donc à ça. Le don de soi ! J’ai déjà entendu des gus prêcher de pareilles âneries, mais je pense pas qu’ils envisageaient d’aller jusque là ! Fait pas c’te tête ! Tu s’rais pas si noir, j’dirais qu’t’es vert ! Va falloir que t’apprennes à relativiser les choses, sinon tu tiendras pas un mois de plus… »

Mais les jours passent, et la faim demeurent, l’envie d’une belle pièce de viande se fait plus insistante, il semble même à Caabon avoir rêvé d’un gigot d’agneau encore rosé, fondant, parfumé aux herbes du potager dont l’assaisonnait le cuisinier de son mentor. Et des patates… Il les coupait en bâtonnets, les faisait frire dans de l’huile après les avoir blanchies, les saupoudrait de romarin, d’un peu de sel de mer… D’y penser, la salive lui vient à la bouche.

« Bahalt, il n’y a pas moyen de trouver à manger dans cette damnée cité ? Tu dois bien connaître des filières d’approvisionnement… »

« Eh ! Comment tu y vas ! Des filières d’approvisionnement ! Comment tu y vas toi ! J’fais aussi d’la contrebande d’un excellent tabac, et j’peux t’amener quelques danseuses pour ton repas si tu veux. Gratis pour la première livraison, j’vais pas faire payer un petit gars comme toi qui galère. »

Caabon voit bien qu’il se moque, ses yeux pétillent même s’il s’efforce de conserver un certain sérieux. Continuant de brosser le manteau qu’on lui a confié, tandis que le wotongoh graisse une paire de bottes molles avec du gras de phoque, assis dans un recoin éclairé par une bougie crachotante, sur deux tabourets inconfortables et bancals, derrière une riche tenture donnant sur des appartements autrement plus agréables, bien mieux chauffés.

« Ne me prend pas pour un niais parce que je suis jeune et étranger. Faudrait que tu sois plus discret. J’ai déjà vu une tache de vin sur une de tes chemises – elles sont trop propres et en trop bon état d’ailleurs – et des fois t’as du gras au coin des lèvres, t’as l’haleine qui sent le bon lard. Alors si tu ne veux pas me dire, soit franc, mais n’essaie pas de me faire prendre des vessies pour des lanternes. »

Le changement d’attitude donne à comprendre au jeune homme qu’il a touché un point sensible. Comme un masque qui tombe, le visage de Bahalt change brusquement, adoptant une profondeur qu’il ne lui connaissait pas : rien ne s’est ajouté, simplement les sourcils se froncèrent d’une manière moins amicale, les lèvres ne s’étirèrent pas en un sourire mais formèrent un mince trait comme taillé au couteau dans la face, le regard durcit, le nez se plissa, les rides adoptèrent une nouvelle configuration tandis que les muscles mouvaient sous la peau d’une manière qui était peu familière. Voilà que se révèle l’homme qu’il devinait ; sans que sa face trahisse ses mystères, elle confirme cependant ses doutes, et le conforte dans sa détermination à chercher. Avec prudence cependant, car la bienveillance n’est plus au rendez-vous dans cette nouvelle expression.

« Alors comme ça tu as l’œil. Et tu as faim. Et t’es prêt à payer le prix pour ce que tu me d’mandes ? »

« J’ai de l’argent de côté. »

Il rit, accroche le manteau à une patère, pose ses mains sur ses cuisses et regarde son « protégé », comme pour lire au fond de son âme.

« L’argent n’a pas cours dans ce dont je te parle. On ne sort pas des pièces comme ça quand on est esclave. Va falloir que tu comprennes que le prix, c’est pas de l’argent. Le prix ici c’est une vie. Les provisions d’un homme c’est ce qui lui permet de tenir jusqu’au lendemain ici. Vole-le, c’est comme le tuer. Alors autant le tuer de suite. »

« Tuer un gars ? Comme ça ? Pour lui piquer sa gamelle ? J’ai pas faim à ce point ! »

Le rire à nouveau. Plus amer cette fois : une ombre passe sur son visage tandis qu’un silence se glisse dans la conversation ; pendant quelques secondes Bahalt se perd dans ses souvenirs, un rictus tord la partie inférieure de son visage, puis il se reprend et affiche à nouveau une sérénité grave.

« Pas forcément. J’vais t’expliquer un truc… Ici, les esclaves suivent les clans. Tu t’en prends pas à un esclave de ton clan, pa’c’que c’est comme casser une bonne bouteille, en moins coûteux. L’esclave il a été payé, il a été nourri, tu l’esquintes, tu douilles. Par contre aller suriner un gars du clan d’en face… Ben tu recevras peut-être moins de coup de bâton dans la s’maine si tu l’fais bien. Parc’que c’est un peu comme esquinter l’image du clan d’en face. Y aura des représailles, mais ça s’fera entre nous, entre humains, et si on la joue finaud, on s’ra tranquille… Y’a des gars qu’ont des réserves, chez les Myrylshanee, qui ont de quoi voir passer l’hiver. Les gars d’Oaxaca. Des gars pas cons. Y z’ont compris qu’prendre la ville, ça pouvait aussi passer par les esclaves. Alors y donnent c’qui z’ont : d’la bectance pour les esclaves qui les aideraient, qui donneraient des infos, des choses comme ça. On m’a aussi fait des propositions… Mais j’mange pas d’ce pain là. Si tu m’suis, on pourrait p’t’être mettre la main sur ces provisions… J’sais où les gars planquent quelques tonneaux de salaison, dans une petite grotte, près du port. On y va, on les liquide discret, on ramène d’quoi s’remplir un peu la panse. Et voilà. Rien d’plus simple. Et au passage, on s’débarrasse de ces gars… Un vraie somme d’emmerdes d’ailleurs… »

« J’vois pas vraiment pourquoi je devrais tuer ces types… »

« T’as jamais tué personne ? »

C’est alors au tour de Caabon d’arborer sur son visage un air bien plus sombre que sa peau. Les souvenirs remontent à la surface, ceux qui s’est acharné à enterrer au fond de sa mémoire, et qui parfois, pourtant, surnagent lorsque la fatigue se fait trop forte, lorsque l’esprit est libre de toute pensée, terre fertile dans laquelle la graine du doute et de la culpabilité germe et croît sans peine.

(Les deux bandits… Méritaient-ils ce sort ? Et puis après tout…)

Avant même que se développe sa pensée vers des profondeurs qu’il craint, car inexplorées, jamais maîtrisée, Bahalt reprend la parole, comprenant probablement que quelque chose cloche chez son jeune protégé.

« On finit ça, et j’vais t’montrer pourquoi j’veux m’débarrasser d’ces fumiers… »



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Dernière édition par Caabon le Lun 19 Mai 2014 14:47, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les quartiers du clan Keanravir
MessagePosté: Lun 19 Mai 2014 14:44 
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L’odeur vient frappe immédiatement les narines de Caabon alors qu’il pénètre dans la petite grotte naturelle attenante à la plus grande où se massent la plupart des esclaves du clan Keanravir lorsque leurs maîtres leur laissent quelques heures de répit pour se nourrir et tenter de trouver le sommeil. Ce n’est guère qu’une petite cavité dans laquelle on allongerait à peine trois ou quatre corps perclus de fatigue, mais elle est hors du regard des gardes shaakts qui patrouillent et relativement bien abritée des courant d’air ; dans un coin, une tache noire contre la paroi et des cendres indiquent que parfois un feu y est allumé, chose rare et d’autant plus précieuse pour les esclaves. Pour l’heure, aucune flamme ne danse et n’amène de chaleur, il serait pourtant bien nécessaire de brûler quelques herbes parfumées pour dissiper cette ambiance délétère ; tandis que le wotongoh se fait cette réflexion, il en mesure l’absurdité : sur ce continent il ne suffit pas de battre la campagne pour trouver de la sauge ou d’autres plantes aromatiques propres à purifier une atmosphère.

Bahalt explique en quelques mots que ce lieu sert d’infirmerie informelle pour les esclaves, quand ce n’est pas une chambre d’isolement lorsqu’on soupçonne une maladie contagieuse. Les femmes viennent y accoucher, les blessures légères y sont pansées tant bien que mal, on y prépare les onguents, on y stocke de la charpie et des bandages prélevés le plus discrètement possible sur le linge des shaakts jeté au rebut. Ce lieu est un symbole d’espoir pour ceux que la maladie ou les blessures promettent à la mort. Un espoir puant.

L’odeur provient d’un homme tremblant sous de maigres couverture, dont on devine que l’état n’est pas dû au froid : une fine pellicule de sueur couvre son front et ses yeux brillent d’une lueur démente que seule peut provoquer une fièvre puissante. Si Caabon n’a jamais perçu cette odeur douceâtre dans les premiers instants, puis écœurante au point qu’une nausée le saisit dangereusement, il en devine l’origine, que Bahalt lui confirme.

« Il pourrit. J’enlèv’rai pas les couvertures, vaut mieux qu’tu voies pas ça, et pis ça lui f’rait pas du bien d’le voir non plus… Il lui reste plus beaucoup d’temps, mais y veut pas qu’on l’achève. Y prie dans son délire. J’respecte ça, même si ça m’fait mal d’le voir souffrir comme ça. J’préfèrerais qu’on m’achève je crois… »

« Qu’est-ce qui lui est arrivé ? »

« Les gars dont j’te parlais. Ils l’ont chopé alors qu’y f’sait une course sur le port. Leur territoire qu’y paraît. Y z’y ont brisé les jambes avec une barre d’acier, pis roué de coup, c’qui explique qu’il a la gueule toute cassée. Pis ils l’ont laissé pour mort. Un d’nos gars l’a trouvé, et on l’a ram’né. Pas d’bol, une shaakt l’a r’péré. Elle aime pas les faibles qu’y paraît, l’était vexée, un truc comme ça. Elle lui a fait une p’tite séance de torture à sa façon, un truc improvisé pendant qu’les gars le soutenaient encore. Lardé les jambes avec une putain d’dague fine comme un ch’veu qu’y paraît. L’a pas saigné, mais y’avait un truc dessus, p’têtre du poison. Ses jambes ont commencé à pourrir à une vitesse qu’j’avais jamais vu, mais l’infection a pas gagné vite le reste du corps : c’est pour ça qu’j’ai pensé à un poison. C’est pas commun : normalement une gangrène comme ça, ça vous tue votre homme. Là ça pourrit, et ça progresse lentement… D’la saloperie, ça tu peux m’croire. »

« Et tu voudrais que je t’aide à venger ce type ? »

« Le venger ? C’est pas un d’mes amis que j’sache. J’le connais presque pas moi. Naaan… Le venger, ça servirait à rien, la vengeance c’est bon pour les gens qu’ont d’l’honneur, des principes. On peut pas s’en payer le luxe… Moi c’que j’veux, c’est faire d’la prévention. Veiller à c’que ces types y r’commencent pas. T’aim’rais pas aller faire une course sur le port, et te retrouver avec les pattes en comporte, non ? »

« D’accord, je te suis. »




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 Sujet du message: Re: Les quartiers du clan Keanravir
MessagePosté: Mer 4 Juin 2014 16:17 
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Le pourrissant a quitté la petite grotte annexe de la salle des esclaves, sans doute les pieds, ses pieds pourris, devant. Aidé ou mort de sa « belle » mort, sans doute souffre-t-il moins là où son âme s’en est allée, si toutefois elle était assez légère pour passer la balance du dieu chtonien. Voilà que sur la paillasse fraichement changée est allongé le wotongoh, épuisé par la remontée vers les quartiers du clan Keanravir, trainant derrière lui dans un dernier effort la charrette à bras chargée de victuailles et d’armes. La douleur lui déchirait l’épaule aussi efficacement que la hache qui avait commencé l’ouvrage, et sur les dernières dizaines de mètres il serra les dents comme jamais pour ne pas s’évanouir ou s’effondrer. Le sang coulait trop, et ce serait plus que l’infâme gruau des esclaves qu’il lui faudrait pour se remettre de cette blessure. Rien de grave aux yeux de « l’expert » qui se chargea des soins, juste un peu de couture, rendue moins douloureuse par l’état de semi-conscience du jeune homme ; il perçoit le liquide tiède, sucrés, sirupeux qu’on lui verse dans la gorge, la douce chaleur qui se diffuse en lui à chaque gorgée, le rayonnement qui semble émaner de sa blessure. Puis l’obscurité reprend ses droits, et avec elle l’inconscience.

« Eh gamin, faut t’réveiller ! T’es pas comme neuf, mais presque. »

Le jeune homme ouvre péniblement les yeux, cillant alors qu’il cherche à s’adapter à la faible luminosité tout en réunissant les fils épars de ses pensées : qui est-il, que fait-il là, pourquoi a-t-il mal ? Les questions trouvent leurs réponses tandis que les souvenirs retrouvent leurs places et s’imbriquent pour former un tout cohérent. La mission, les morts, le combat et la blessure…

« Qu’est-ce que… »

« On t’a recousu. Et puis on t’a donné à boire un truc que t’avais dans tes affaire qui m’avait tout l’air d’être un breuvage sacrément efficace, c’est moi qui te l’dit ! M’enfin tu vas garder une sacrée cicatrice, on r’coud comme on peut ici, mais on nous a jamais envoyé l’moindre gars qu’avait une goutte d’fluide d’lumière dans les veines… Les shaakts les aiment guère… J’dirais même qu’ce sont les premiers à s’faire sacrifier. Enfin ça c’est pas la question. T’es en vie, t’as pas d’infection, t’a juste perdu un peu d’sang, mais ça on s’en souciera plus tard. Là faut qu’tu bouges, on va pas traîner à Gwadh, oh ça non, ce s’rait pas bon. »

« Bons dieux ! Et pourquoi ? »

« Tu crois qu’ça va passer inaperçu, cette affaire ? Va y’avoir des règlements d’compte dans l’air, ça oui. Et on d’vra pas êt’ là lorsque ça s’produira. Ca non ! On a d’quoi manger, ça c’est une bonne chose. D’la viande mon gars, tu t’rends compte ! D’la viande ! Et des cornichons au vinaigre de miel ! Si tu savais d’puis combien d’temps j’en ai pas mangé… Ah… Les cornichons au vinaigre de miel de la mère Duplumard, avec la saucisse que confectionnait son mari à l’époque… Oh… Gamin, si t’avais goûté ça, t’aurais été comme moi amoureux de c’t’honnête femme. Et si t’avais vu sa paire de loches surtout… Bien gironde mais une honnête femme, jamais cédé à mes avances, ça non… Enfin fi de la mère Duplumard ! Elle est sûrement vieille, moche, édentée, et avec les tétons qui raclent le sol. Elle a sûr’ment eu l’temps d’vieillir, mais nous on n’a pas celui d’faire d’vieux os ici. On s’bouge. »

« Où ? » demande Caabon dans un souffle, retombant sur sa couche, assommé par la perspective de se lancer dans il ne sait quelle périlleuse aventure autant que par le bavardage incessant du vieil homme : c’est sa nervosité qu’il trahit avec ce débit de parole accéléré, mais ça, le jeune homme l’ignore, aussi n’est-il qu’agacé de devoir subir ce verbiage au réveil.

« Ca d’vrait p’t’êt’ te plaire… On quitte la ville. »




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