Silmeria était seule sur les murailles, peu d'humains étaient encore à défendre cette partie des renforts. Quatre orques faisaient irruption d'une cabane d'archers qu'ils venaient de massacrer, la Sindel n'avait d'autre option que de faire la morte, sinon, c'en était terminé de sa vie. Qui irait vérifier qu'une femme tachée de sang sous un cadavre était encore en vie lorsqu'on se trouvait en plein siège.
Les Orques avaient ça d'impressionnant que leur hargne semblait les rendre plus fort. Quelques uns arrivaient à se diriger vers la grange, une vingtaine de soldats protégeait la population et ne tardaient pas à embrocher les vilains qui s'approchaient. Cependant, si le nombre d'orques augmentait dans l'enceinte de Bouhen, il faudrait se replier pour se rassembler sur une position plus tactique. Les toitures des maisons brûlaient, quelques valeureux faisaient leur possible pour éteindre les flammes sans risquer de se faire embrocher à l'image d'une vulgaire volaille.
Le bruit des pas sur les pierres glissantes de sang s'éloignait. Les yeux de la belle s'ouvraient de nouveau : La lune se reflétait dans le vert d'été de ses mirettes. Son champ de vision était traversé de flèches en flammes, de fumée. Il était temps de se battre comme Hrist. Quant bien même celle-ci, mystérieusement ne faisait plus surface depuis l'explosion du phosphore. C'était l'idée de Silmeria. Il lui fallait retourner là où l'accident avait eu lieu, du local de matériel se trouvait une meurtrière donnant sur l'intérieur, juste au dessus d'une porte annexe.
Les portes de bois, bien que massives, n'était plus qu'une fiche tranche de bois malmenée. Lorsqu'elle était dans la cours, elle pouvait voir que les pointes de lances et d'épées transperçaient le pan massif. Les hommes se regroupaient en bas, profitant de l'étroitesse des couloirs d'escaliers pour tirer des flèches sur les orques. Les deux problèmes majeurs du siège étaient la fragilité des portes et le groupe de tireurs Orques qui prenait place sur les remparts – harcelant les troupes au sol qui ne disposaient pas d'un angle de tir satisfaisant.
Arrachant la masse du macchabée, elle arriva au bout de multiples efforts à s'extraire de ce poids mort. Les remparts se ressemblaient toutes, mais elle su immédiatement où elle se trouvait, il lui fallait partir à droite, longer le mur principal jusqu'à la planque des archers massacrés pour continuer sur le chemin de garde jusqu'à trouver un lieu où l'odeur de phosphore prenait la gorge tant il était fort. Derrière la grille, se trouvait une échelle inutilisable tant elle était rongée par les flammes, la carcasse de l'homme calciné encore fumante et crépitante. La pierre en était devenue noire, au bas des murs, le tonneau brûlait encore. Une flèche vint frapper la muraille à proximité de la jeune femme, d'instinct, elle remarqua que les tireurs venaient de la prendre pour cible. S'en suivait une seconde, une troisième accompagnée de ses sœurs meurtrières. Sans plus attendre, elle se précipita dans le local encore ouvert.
Tout était sombre, c'était probablement pour ça que l'humain avait mis autant de temps pour retrouver un baril assez petit. Si Silmeria allumait quelque chose pour s'aider, Bouhen aurait le droit à un nouveau mur à reconstruire. La petite fente murale ne permettait pas de faire chuter un baril, il fallait trouver quelque chose d'autre, un moyen de répandre le phosphore sur le sol et l'enflammer ensuite lorsque les assaillants entreront. Il fallait travailler vite, le mieux aurait été de sortir mais les archers en profiteraient – une cible ralentie portant des tonneaux est un tir de tout premier choix-.
La solution s'imposait, il fallait à l'aide de ce qui se trouvait dans la pièce, trouver un moyen de faire couler la poudre par la fenêtre. Il y avait des barils, des sacs de phosphores, des torches éteintes, des piques, des flèches, quelques boucliers. L'orifice avait une largeur de la moitié de l'avant bras de la jeune femme et une hauteur de deux flèches mises bout à bout.
« Pourquoi tu ne perces pas un sac, lorsque tu vas le pousser pour qu'il passe par la fenêtre, il perdra le phosphore sur le sol, et lorsqu'il tombera il continuera d'en perdre. »L'idée de Cèles méritait d'être intéressante, le problème était qu'à la suite, il ne faudrait plus approcher la moindre flamme sous peine de terminer en torche elfique. Les sacs étaient assez petits, trop bombés pour passer mais il était vrai qu'une fois lardés de coups de dagues, le phosphore s'écoulait, tombant en pluie sur le sol boueux. Un premier sac passait par dessus les remparts.
« Il en faudra bien plus que ça... »Silmeria était rouge, la chaleur, l'effort, la colère et le stress n'arrangeaient en rien la situation, elle espérait qu'aucune peaux-vertes ne passent la porte pour tenter de la réduire au silence. Au pire, elle utiliserait un sac pour le jeter au visage de l'agresseur afin de l'aveugler. Un deuxième sac tomba. Lasse, elle en trainait les sacs au sol pour préserver ses forces, les mains et le bout de la lame étaient rouge à cause de ladite poudre. Le sac s'éventrait sous le rasoir mortel de la Scélérate et enfin passa par la meurtrière.
« Sors maintenant ! Perdons plus de temps ! »En passant la porte, les troupes d'Oaxaca étaient visibles sur la quasi totalité des remparts, les soldats harcelaient les forces envahissantes à l'aide de flèches et de magie. Les orques eux, semblaient voir leurs effectifs faiblir légèrement. Le groupe d'archers venait d'être décimé, une troupe riche d'une vingtaine d'hommes armés prenait une tourelle en étau.
« Il faut trouver les commandants Orques, l'armée sera en déroute sans ordres clairs. »Silmeria usa de son ancienne porte de sortie et se laissa choir dans la paille pour chevaux. Le contact était rêche, désagréable, mais au moins ça amortissait totalement sa chute. Elle avait de la paille dans les bottes et dans les cheveux mais la coquetterie attendrait quelques minutes. L'avantage, c'est qu'elle se trouvait à quelques mètres de son piège mortel et que les torches ici ne manquaient pas. Seul problème : Elles étaient solidement verrouillées afin de ne pas tomber dans la paille. Silmeria poussa un profond soupir, se ressaisissant vite, elle attrapa une poignée de foin qu'elle porta au contact de la flamme gourmande qui dévora ce maigre présent, avant de se brûler les doigts, elle offrit son feu à un tas de paille plus grand mais suffisamment éloigné des autres pour ne pas aggraver la situation. Il ne lui manquait plus qu'un bout de bois et ça ferait l'affaire, ce faisant, elle regrettait de ne pas avoir embarqué une torche avec elle. Trop d'énervement nuisait sérieusement à son attention. Les flammes prenaient sur les diverses chutes de bois brisé.
« Allez ! La ville est en flammes, ça doit pas être si compliqué de trouver un feu, si ? »
Elle entendit la porte se déchirer et un combat se déchaîner aux pieds de la muraille. Sans plus attendre, elle attrapa les morceaux de bois – certains étaient flammes, d'autres non. Elle avait l'intention de tous les jeter sur le lieu du piège pour repousser la menace. Les orques étaient accueillis à l'aide de flèches, les épéistes ne se risquaient plus aussi près des portes de crainte d'être trop vite submergés. Le sol était d'un rouge profond, le miracle du phosphore allait se produire lorsqu'elle envoya au sol ses torches de fortune.
Tout cela avait quelque chose d'irréel. La terre brûlait, les flammes verdâtres laissaient place au jaune flamboyant et les adversaires crépitaient déjà, pris au piège sans avoir su comprendre ce qui leur arrivait.
« Regarde ! Il y en a un qui descend des escaliers ! »« Comment tu le sais ? »« Heu... Au hasard, je viens de le voir passer par la fenêtre ? »« Ha... Soit, je l'attends ! »« Il a pas l'air petit, prend cette épée là, par terre. »Furtivement, la jeune femme tenta son approche, saisissant l'épée rouillée Orque sur le sol boueux, elle se colla dos au mur et patienta. Les bruits de pas sur l'escalier en bois approchaient, excitée de son piège et grâce à l'adrénaline, elle frappa un grand coup à l'aide de l'épée de façon horizontale en espérant trancher la tête de sa cible. Au lieu de ça, elle frappa le mur. L'orque qui n'avait pas l'air si petit faisait une tête de moins que la jeune femme – et à sa grande surprise, il portait aux épaules l'insigne de commandant d'Omyre-.
« Ha bin bravo, pour une fois que tu surestimes quelque chose, il fallait que ce soit la taille du commandant. »« Oops. »L'orque venait de se retourner voyant l'épée plantée dans le mur. Il regarda la jeune femme étonnée de haut en bas avant de la saisir avec une force impressionnante par la mèche de cheveux qui lui tombait sur la poitrine.
« T'as raison ! Les femmes d'abord, si tu te défendais tiens ? »
Silmeria avait été retournée par la créature abjecte qui était bien décidée de lui faire payer chèrement cette tentative de meurtre. L'orque lui écrasait la gorge de ses doigts puissant, dans un effort, la Douce donna un coup de pied sur le mur pour reculer et cogner son adversaire sur le coin de la porte. Sous le choc, tous deux tombèrent, deux miliciens accoururent pour tuer la créature. Il se releva plus vite que la jeune femme et lui envoya un violent coup de pied dans l'estomac avant de fermer solidement la porte à l'aide de l'épée perdue qu'il coinça dans le renforcement. Les soldats de l'autre côté, cherchaient à défoncer la porte.
L'orque n'avait plus d'arme, cependant, il semblait bien rompu au combat à mains nues.
« Maiiiis lève toi ! Tu attends quoi ? La troisième naissance d'Oaxaca ? »Douloureusement, la jeune femme se leva, l'orque tournait autour d'elle de façon menaçante. La Douce arracha du fourreau la Scélérate, prête à en découdre férocement sur cet adversaire qui avait sans doute plus d'une victime à son actif. Quoiqu'en y réfléchissant bien, Silmeria avait un passé gorgé de morts. Il attaqua le premier, quant à elle, elle se remémora le combat dans les grottes de Tulorim contre le maître qui lui enseignait son savoir. Genoux légèrement ployés, les bras détendus, concentration. Tout devait être fluide. Il donna un coup de pied, elle su l'esquiver sans problème, la frappe du coupe qu'il envoya se perdre dans le visage de la jeune femme fut plus douloureuse. Par réflexe, Silmeria avait baissé le visage, le casque avait absorbé une partie du choc mais l'impact avait déclenché un trouble de la vision. L'orque dansait de douleur, son coude avait éclaté sur le renfort de l'armure.
« Bien fait ! »Silmeria tenait son arme de poing la lame vers le bas, elle cherchait les défauts de son armure. Il y avait une énorme protection sur ta tête, une sorte de grille étroite qui protégeait ses yeux, les brassards de bronze, les plaques de métal sur le torse. Il n'y avait que les jambes et le défaut de l'armure à l'épaule gauche, la cordelette de cuir avait été sectionnée durant un combat et l'épaulière ne collait plus à la gorge, laissant un passage certes étroit mais suffisant pour y plonger une lame. L'ordure puante reprenait vite ses esprits, la douleur ne faisait qu'augmenter sa hargne, soit, il fallait en finir avait d'être blessée sérieusement. Silmeria préférait garder ses distances, les troupes battaient toujours la porte espérant y entrer, un rondin de tarda plus à la traverser et un homme y passa sa tête pour voir ce qui se tramait à l'intérieur de la tour. L'orque détourna son attention de la Sindel pour écraser le visage de l'homme à l'aide de son pied, son sadisme le poussait même à frotter ses chairs sur le bois brisé lui arrachant d'odieux cris de souffrance.
Silmeria fila silencieusement, l'orque était maintenant trop occupé à se calmer les nerfs sur l'homme dont le visage n'avait plus qu'une allure de poupée de chiffon.
Des cris retentissaient :
« La grange ! Éteignez les flammes »La Douce cessa son ascension et pensa immédiatement :
« Mircalla ! » Elle espérait que les flammes ne dévorent pas la grange et ses occupants, Mircalla... Ses pensées se perdaient soudainement dans le brun de ses yeux d'amande. Cette femme sauvée d'un destin tragique dans les moisissures de la citée noire...
« Heey ! Derrière toi ! »Trop tard, l'orque venait de s'emparer de la jambe de la Douce qui chuta de tout son long sur les marches de l'escalier. L'orque levait furieusement la jambe de sa proie, espérant la faire glisser jusqu'à elle pour l'étouffer de nouveau. Chose compliquée, dans des escaliers étroits, lorsqu'une cible se débat furieusement.
Elle arriva à la faire lâcher prise en lui administrant un mauvais coup dans le casque, il dévala les escaliers et son corps resta quelques secondes inertes au bas des marches.
« J'ai une idée ! Cèles ! Il me faut ta magie encore une fois. »« Pouet ! »Le sommet de la tourelle menait directement au chemin de ronde. Les corps étaient éparpillés ça et là, de nombreuses flèches brisées au sol, des boucliers brisés, des corps ensanglantés... Un renforcement se trouvait dans le noir, près de la grille, à l'intérieur de la tourelle. C'était dans ce petit coin d'ombre qu'elle attendrait que l'orque pointe le bout de sa face infâme. Les planches d'escaliers craquaient sinistrement. La créature abjecte approchait rapidement, Cèles entra en œuvre... Une petite gerbe de flammes magiques naissaient au coin de la porte...
« Gru ? »« Miaouu ? »Un chat noir s'approchait de l'orque qui tournait le dos à la tueuse, alors que l'animal s'avançait pour se frotter à la jambe du commandant, il lui donna un vilain coup qui passa au travers de l'illusion. Surpris, il recula de deux pas, juste assez pour que la jeune Sindel tente d'avancer sournoisement pour frapper, profitant de l'inattention de sa cible. Elle escomptait frapper dans le défaut de l'arme, percer le cœur ou la carotide. Elle passa son arme dans la main gauche et frappa à l'aide de la Scélérate. Un jet de sang chaud fouetta son visage, la lame pénétrait ses chairs comme du beurre, mais à son grand étonnement, il n'était pas mort. Le sang giclait à mesure que son cœur battait encore. Dans un dernier espoir de tuer celle qui venait de le condamner, il attrapa son bras armé avec tant de force qu'il la fit basculer par dessus son épaule sans peine. C'est alors qu'elle sentit ses os de dos craquer légèrement et cette douleur cinglante lui arracha un cri de souffrance. Il lui écrasait la poitrine avec sa botte, essayant en même temps de contenir l'hémorragie qui le vidait peu à peu de son sang.
La Scélérate toujours plantée dans sa gorge, Silmeria se retrouvait désarmée, trop occupée à repousser la pression qui s'exerçait sur ses poumons pour tenter de chercher son autre arme sous les pans de sa jupe. La botte boueuse frottait de tout son poids empêchant le moindre flot d'air salvateur d'envahir ses poumons. Elle suffoquait, du bruit grandissait dans les escaliers, mais elle n'espérait pas pouvoir tenir aussi longtemps. Sa main droite tomba en arrière. Se croyant perdue, elle reconnu du bout des doigts des plumes de canard. Une flèche.
« Aujourd'hui encore, Silmeria se demandait où elle avait bien pu trouver la forcer de planter la flèche perdue dans la jambe de l'orque, la douleur l'avait fait lâcher prise. Croyez bien que la blondinette n'avait jamais été aussi contente de respirer un air vicié de cendres, odeurs de cadavres et de bottes d'orques. Les soldats accoururent et il leur avait fallu planter quelques coups d'épées pour le tuer définitivement. Cette force de la nature avait bien manqué de nous faire la peau. »