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La capitaine semble satisfaite de ma réponse, ce qui me confirme que j'ai pris la bonne décision car une milicienne honnête n'aurait aucun intérêt à ce que dégage sans avoir fait un rapport circonstancié. Elle est liée à Fergaim, j'en suis désormais certain. A peine ai-je franchi la porte que le garde qui m'a précédemment accueilli m'emboîte le pas, comme s'il tenait à me surveiller. Serait-il aussi l'un des sous-fifres de cette crevure d'Ithilauster? Rien d'impossible, reste que ce serait inquiétant car il m'avait semblé qu'il était assez proche de Brëanal pour avoir accès à des informations potentiellement sensibles. Mais, à ma surprise, le garde s'empare de mon bras dès que j'ai passé la porte du bâtiment! Mon premier réflexe est de dégainer mes armes, un geste foudroyant que je retiens à la dernière seconde en réalisant que l'Elfe désire visiblement juste me parler discrètement. Sur mes gardes, je décide néanmoins d'écouter ce qu'il a à me dire, mieux vaudrait pour lui qu'il ne tente rien contre moi car je ne suis pas d'humeur à badiner.
Le milicien me demande de l'aide en chuchotant, d'un air extrêmement inquiet, déclarant qu'il a confiance en moi parce que Brëanal m'aimait bien. Il m'explique avec force détails que le capitaine était en pleine forme deux jours auparavant, qu'il lui avait promis un gâteau pour son anniversaire mais qu'il n'est pas revenu depuis lors. Je fronce légèrement les sourcils à cette information, Brëanal jouait un jeu des plus risqués et il n'y a rien d'impossible à ce que Fergaim ait décidé de l'éliminer. Il me dit encore que la capitaine Brëbouche est arrivée hier en fin de journée, précisant qu'il a vérifié son affiliation à la milice et qu'elle est bien celle qu'elle prétend être. Ce qui, bien entendu, ne signifie rien. L'Ithilauster véreux a de nombreux appuis dans la milice et je suis raisonnablement certain que cette femme en fait partie. Elle aurait annoncé que le capitaine Brëanal serait parti en mission, une assertion que le milicien ne croit pas un instant car il sert le capitaine depuis une décennie et ce dernier ne serait pas parti sans son épée et son armure, toujours dans son bureau.
Je réfléchis un instant, puis-je faire confiance à cet Elfe si nerveux que des gouttes de sueur ruissellent sur son front? Cela pourrait aussi être un piège, comment savoir dans cet infernal panier de crabes? Je ne discerne aucun mensonge dans ses yeux, mais ce n'est pas pour autant qu'il ne me raconte pas des bobards, je suis loin d'être un expert dans le domaine. Reste que l'absence de Brëanal ne m'arrange pas et que, bien pire, elle met en péril bon nombre de ceux qui vivent dans les quartiers défavorisés. Seulement je dois me rendre sans tarder à Nessima, dans quelques jours il sera trop tard et les implications d'un échec pourraient à terme s'avérer bien pire que quelques morts dans les quartiers pauvres. Par tous les dieux, il fallait vraiment que ça arrive maintenant, j'enrage de ce nouveau coup du sort! Je retrouve mon calme d'un rude effort de volonté, la colère est mauvaise conseillère et aveugle celui qui la courtise. Réfléchir froidement, voilà la seule manière d'aborder ce problème. Quelques secondes encore et mon esprit en ébullition trouve une piste que je pourrais peut-être exploiter, ce qui fait naître un sourire polaire sur mes lèvres. Je sonde une nouvelle fois le regard du milicien, plein de désarroi pour ce que je peux en juger, ce qui me pousse à lui répondre:
"Vous avez bien fait de m'en parler. Agissez comme si tout était normal, ne parlez à personne de vos doutes, votre vie en dépend. Je me charge du capitaine Brëanal."
Je presse brièvement son épaule en guise de réconfort, puis je m'éloigne d'un pas rapide, mieux vaut que l'on ne nous voie pas ensemble s'il est honnête, les vipères rôdent...
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