>> Les bains publics"AAaaah ! La voilà ! Comme elle est jolie !""Wouhouuu !"Attablés, Yami applaudissait la serveuse qui venait d'apporter un gros plat à l'aide de son chariot alors que Ringo et Alim, eux, contemplaient avidement la cassette en bois de prunier que venait de donner son maître. En l'ouvrant, Ringo n'en crut pas ses yeux. Il y avait une petite fiole blanche et lumineuse, un parchemin tout neuf, un somptueux chapelet en bois, des pièces et des petites pierres précieuses. Il regarda son maître un instant les yeux grands ouverts, c'était la première fois qu'ils avaient eu autant d'offrandes de la part de la population. Ringo voulut le questionner à propos de ses mystérieux et opulents donateurs mais la serveuse posa au milieu de table un énorme bol en fonte puis alluma un petit feu juste en dessous. Trop occupé à sentir les odeurs qui se dégageaient du bouillon, Yami Sama ne l'écouta même pas.
"Shabu shabu !""Hein ?""C'est shabu shabu. Une sorte de fondue au bouillon de légumes. Tu trempes un peu tes légumes ou tes tranches de viande dedans et tu manges ! Mon père en raffole..."Et ton père est un sage que tout le monde respecte à Oranan ! Levons nos verres à la santé de Hoshi Gozen ! Kampaï !""Kampaï !""Heu... Campaille, alors !"Yami but son petit verre de saké chaud cul sec puis se frotta les mains de délice avant d'attaquer la fondue avec une habileté déconcertante pour Alim. N'étant pas habitué à manger avec des baguettes, il batailla longtemps avant de trouver le coup de main. Ringo, lui, commença par ajuster son nouveau chapelet au poignet puis sortit la petite fiole de fluide qu'il but d'un trait. Il agrippa alors soudainement la cuisse ferme d'Alim et fit une drôle de tête, à la limite de pleurer. Lorsqu'il se sentit un peu mieux, il constata qu'Alim le regardait bizarrement. Yami Sama, un gros morceau de lard bouilli dans la bouche se retint de rire.
"Qu'est-ce qu'il y a ?""Tu es tout lumineux. Un peu comme une lampe à huile...""Houhouhou... Ton ami a raison, tu es radieux comme le soleil, Ringo !"Tu es radieux comme le soleil... Cette phrase percuta Ringo dans son esprit et rebondit encore quelques temps. Sa bonne humeur habituelle laissait la place à une certaine mélancolie sur son visage. Il revoyait sa mère lui dire la même quand il était petit. Il était rare que Ringo repensât à ses parents de la sorte mais des fois, il était triste de ne plus les voir. Bien que le voyage d'initiation qu'il éprouvait avec son maître touchait bientôt à sa fin, Ringo avait maintenant hâte de retourner à Oranan. Comprenant que tout ne se passait pas à merveilles dans la tête du jeune moine, Alim passa sa main sous la table et prit celle de Ringo. Il lui fit un sourire et caressa avec son pouce le plat de sa main. Ringo retrouva le sourire.
"Ringosan... Mange un peu tu veux, fais honneur au Lotus d'Oranan et fais moi plaisir aussi ! Je vous invite après tout et ce n'est pas souvent que l'on s'offre un luxe pareil !"Yami Sama avait raison. Certes, il avait tout le temps raison, mais ce soir-là encore plus. Depuis qu'ils étaient arrivés à Tulorim, tout leur souriait et dénotait franchement par rapport à leur périple dans le désert de l'Ouest. A plusieurs reprises, Ringo avait questionné son maître sur ce fait mais n'avait jamais reçu de réponse. Il venait d'avoir un sacré paquet de yus à dépenser, il venait des bains publics où ils avaient été reçus comme des rois et disposaient de deux chambres très confortables chez Talic. Qu'avait fait Yami Sama pour qu'ils aient des faveurs pareilles ? Alors qu'il se posait la question, il plongea un petit morceau de lard dans le bouillon fumant...
>> Marché 
