À l’extérieur, la foule me lance des regards qui mêlent colère et curiosité. Les membres des deux tribus sont réunis autour d’un immense bûcher. Sans doute celui qui m’accueillera le moment venu. Mes deux geôliers m’entraînent de force au pied d’un arbre situé à quelque pas du feu de joie et m’y attache solidement alors que le chef de la tribu vient me saluer avec le chef du clan voisin.
"Chef Trisris, je vous présente l’offrande que nous ferons aux Dieux avant notre banquet. Cette petite impertinente a pris la vie d’un être innocent."
"Quelle barbarie !! En tout cas je vous félicite, ce présent est magnifique, je suis sûr que les Dieux seront ravis."
Les deux chefs s’éloignent et prennent place pour assister au spectacle qui doit avoir lieu. L’un deux explique que cette réunion à pour but de sceller l’alliance entre les deux tributs et de leur permettre une meilleure collaboration pour la protection de leur territoires respectifs. Je ne comprends pas très bien de quoi il retourne, mais je ne me concentre guère là-dessus, je suis bien plus préoccupée par mon sort qui s’obscurcit à mesure que le temps passe.
Après une courte présentation, le chef, dont je suis la prisonnière, annonce une série de combat afin de divertir les différents le peuple. Ils ont une drôle de façon de voir le divertissement, mais je suis la seule juge après tout. Et c’est sous une salve d’applaudissement et de sifflets approbateurs que les jeux commencent. La matinée se déroule ainsi, au rythme des bagarres, des défaites et des victoires, des rires et des pleurs.
Le dernier combat est le plus attendu, celui des fils des chefs. Chacun d’eux a la musculature très développée bien que le fils de la tribu en visite ait l’avantage de la taille. Ils commencent par se tourner autour, analysant la situation. Puis le plus petit attaque, il se jette sur son adversaire qui réussit à l’esquiver de justesse et à lui faire un croche-pied, le faisant tomber tête la première. Il pourrait se jeter sur lui, mais il préfère faire durer le spectacle en laissant le temps à son ennemi du moment de se remettre debout.
Ce qu’il fait. Il essuie un filet de sang car, visiblement il est tombé sur une branche qui était camouflée par la neige puis il se remet en position. Le combat semble s’éterniser et j’ai l’impression que cela ne va pas avoir de fin lorsque soudain, le plus petit lance une attaque surprise. Par un puissant coup de pied dans le torse de son adversaire, il propulse ce dernier dans les airs et il finit son vol plané contre un tronc. Mais les dieux réservent un sort cruel au deuxième combattant. En retombant sur le sol, une pierre finement aiguisée par la nature vient transpercer l’abdomen du jeune homme, le blessant mortellement.
"NON !!!!, hurle-t-il en se précipitant au chevet de son fils. Pas toi mon fils, pas toi ! Tu es mon seul et unique enfant !!"
L’émotion m’étreint face à la détresse de ce père. L’infortune dont son fils vient d’être la victime est une véritable injustice. Je réalise lors que j’ai un coup à jouer.
"Écoutez-moi !! Je suis guérisseuse à la base !!! Je peux sauver votre fils !!"
"SILENCE !!! Tu ôtes la vie à un pauvre animal sans raison et après ça tu ferais acte de bonté ? Pourquoi ?"
"Je vous l’ai dit je pensais seulement me défendre !! Ce jeune homme ne mérite pas de partir ainsi et lors de cette rencontre !! Laissez-moi lui sauver la vie, je vous en prie !!"
C’est au tour du père de l’infortuné de prendre la parole.
"Mon cher, si notre amitié compte un tant soit peu pour vous, je vous en conjure, laissez-la essayer !"
"Très bien ! Mais je te préviens, à la moindre entourloupette, je t’égorge sans la moindre considération ! Détachez-la !"
Les deux gorilles du matin se lèvent précipitamment et viennent me libérer. Sans perdre une seconde, je me rends auprès du malheureux. Il est trempé de sueur et il a des difficultés pour respirer. Si je ne fais rien, c’est une mort lente et douloureuse qui attend ce jeune garçon.
"J’ai besoin de mon bâton de magie, sans lui je ne peux rien faire."
"Nacath ! Vas-y !"
"Oui !"
Le dénommé Nacath se précipite dans une yourte légèrement en retrait et il en revient dans la minute avec mon précieux bâton. Je ne demande pas au père du garçon de s’écarter, je comprends son besoin de rester auprès de son enfant unique. Dans une prière silencieuse à Gaïa, je fais monter mes fluides de lumière. Je prie la déesse de m’apporter son aide dans cette guérison afin que ce jeune homme vive. Lorsque je sens que c’est le moment, une boule de lumière, à l’aspect chaleureux, jaillit à l’extrémité de mon bâton et va se poser délicatement sur la blessure de l’infortuné.
Il ne faut que quelques instants pour que la peau se referme et que les couleurs de la vie et de la santé reviennent sur le visage de mon patient. Il reprend complètement conscience et semble ne pas comprendre ce qui se passe.
"Arron !! Yuia soit louée tu vas bien !! Merci, merci euh…"
"Salymïa."
Pendant un instant, le monde semble s’arrêter. Tous semblent surpris par la réussite de mon sort ou par l’action que je viens d’accomplir. Comment leur faire comprendre que je ne suis pas une barbare, seulement une personne qui ne voit pas, qui ne conçois pas, la vie comme eux ?
"Très bien ! Mais cela n’efface pas pour autant ton outrage à mes yeux…"
"Par tous les dieux !! Vous voulez rire j’espère !! Vous faites bien des manières pour un woger, sur ce que vous m’avez dit ! N’était-ce pas vous qui vous vous plaigniez le mois dernier que ses carnassiers pillent sans cesse vos réserve de nourriture. Certes elle a eu tort, mais cela vous en fait un de moins et j’estime que pour avoir sauvé la vie de mon fils, elle mérite votre clémence !"
La tribu de chef Trisris s’unie à lui pour me soutenir et se lèvent pour demander ma grâce. Malheureusement, l’autre chef ne veut rien entendre et persiste dans son idée de sacrifice aux dieux. Je ne vois donc aucunes solutions pour me sortir de là.
"Je ne vois qu’une seule chose à faire. Remettez-là moi !"
"Pardon ?!"
"Je n’explique votre empressement à vous débarrasser d’elle, que parce que sa présence pèse sur vos réserves de nourritures et autre. Si vous me la confiez, elle reste en vie et vous êtes libéré de votre fardeau."
Le chef semble réfléchir sérieusement à la proposition de Trisris. Je sens qu’il veut me garder car il est trop content de pouvoir montrer son autorité toute puissante en donnant l’ordre de mon assassinat. Seulement, Trisris ne veut pas lâcher le morceau et cela il l’a bien compris aussi. En somme il doit choisir entre céder à la supplique de son allié ou risquer un conflit qu’il s’installera et durera sur un temps indéfini.
"Très bien ! Partez avec elle, mais partez maintenant ! Je ne veux plus la voir ! Nous remettrons notre traité à plus tard !"
Furibond, il tourne les talons et rentre dans sa yourte personnelle.