Beaucoup de son sang avait coulé et Hrist connaissait la triste règle de la vie, plus on en perd, moins on vit. Elle se pressa et fit de son mieux pour que sa monture tienne le coup.
Voici déjà quelques heures qu'elle avait pu s'échapper des griffes d'Adèle et que Nael devait être au courant. A cet instant, la traque avait déjà était lancée et Hrist préférait creuser encore davantage la distance entre elle et ses ravisseurs.

La tueuse avait enroulé les rennes autour de son bras invalide faisant un garrot de fortune pour limiter l'hémorragie. L'autre main serrait dans ses doigts le médaillon de Belle qui n'avait pas survécu. La tueuse n'avait pas particulièrement de haine envers les elfes et les humains, elle se contentait de remplir son rôle comme un bon soldat. Mais voilà que traquée par un redoutable adversaire, elle comprit qu'on ne pouvait mener une guerre sans elle, pas sans la haine.

Exténuée, elle rassemblait avec peine ses dernières révélations.

" Nael... C'était donc lui le traître, il y avait bien un traitre mais ce n'était pas une taupe, il était plus ancien et rusé. Un ancien officier de Xenair ? En tout cas, il a su se faire une sacré place au soleil. On l'a échappée belle... " Elle observa le petit médaillon. " Belle... "

Hrist s'étonnait de l'affection qu'elle portait à cette jeune femme. Quelque part, elles se ressemblaient. Fut un temps, elle aussi avait dû quitter sa ville pour échapper à un grand danger, et le scénario se reproduisit encore...

La femme venait à peine de lever le camp. Ayant jugé qu'elle était à bonne distance, Hrist avait pris quelques ultimes minutes pour se soigner, essayant de relâcher la pression des garrots qu'elle s'infligeait et qui lésaient sa chair. Le sang noirci et collant à sa peau avait cessé de couler, il ne restait que des plaies déchirées et des lambeaux de peau devenus secs qui pelaient sur ses poignets. Elle ne pouvait pas se voir, mais elle n'avait pas bonne mine. La fatigue et le malaise causé par le poison et la perte de sang avait tiré ses traits et rendue blanche.

"... Bordel. Allez toi, pas le moment de flancher ! "

Hrist frappa encore la monture de ses talons. Derrière elle, le vent soufflait et avait porté à ses oreilles un sinistre hurlement, celui d'un loup. Le même qui avait massacré Osmald quelques jours plus tôt. Nael était rentré de son carnage et avait lâché sur elle sa créature pour venger la petite Adèle.

" A tous les coups... Cette saloperie n'est pas loin. Hue ! "

" Pas forcément, le vent est derrière nous, il porte le son du loup mais il n'est pas à vue en tout cas. "

La femme avait du ralentir la cadence. Les routes étaient étroites et sous la neige se terrait parfois une branche morte, un roc ou un trou qui aurait facilement pu blesser le cheval et si la bête venait à tomber et coincer Hrist sous son poids, elle n'aurait plus la force de s'en extraire.

La femme poussait le cheval à ses limites, régulièrement la bête voulait s'arrêter et se cabrait jusqu'à finalement recommencer à trotter lorsque, à bout de patience, Hrist remplaçait les coups de talons par des coups de dague sur son arrière train. Le froid avait depuis longtemps pénétré ses maigres parures et Hrist se sentait de plus en plus engourdie par un froid mortel et seule la chaleur de ce canasson Kendran l'empêchait de faiblir.

Elle pu encore en tirer une dizaine de kilomètres, passé les chemins étroits et les routes enneigées, la femme entraina le cheval dans un bosquet touffu et ce qu'elle n'avait pas vu, à cause de la fatigue ou de la précipitation, c'était les formes singulières sous la neige qui gisaient ça et là à l'orée de la forêt. Le bois était entouré de cadavres de marchand, leur chariot ou plutôt ce qu'il en restait gisait éclaté en morceaux dans un fossé, la plupart des traces - sang compris - avait été recouvert d'un épais manteau blanc.

Sans se rendre compte du bruit qu'elle faisait, Hrist avançait le plus vite possible, elle ne savait pas exactement où se trouvait Pohélis mais elle espérait y arriver le plus vite possible.

" Tu devrais mettre ton insigne de dragon histoire d'éviter d'être chassée des deux côtés. "
" Tu as raison. " Avoua-t-elle en cherchant à sa poitrine le précieux symbole. Rien. Même sous le jupon il n'y avait rien, hormis ses armes, Hrist avait perdu son symbole dans sa fuite et n'avait rien pour annoncer officiellement sa présence sur un territoire Garzok.

Elle serra son unique poing et faisant jouer son muscle, ouvrit de nouveau sa plaie et vit avec horreur que son sang avait continué de couler et qu'il recouvrait le flanc de son cheval. Hrist observa dans son décolleté si par mégarde, l'insigne n'y était pas accroché et entendit un bruit sourd abattre devant elle.

Un liquide chaud éclaboussa abondamment son visage et elle chuta.

Une créature massive et haute venait d'écraser une masse énorme sur le crâne de son cheval, la majestueuse créature gisait à terre, le crâne écrasé laissant déborder de sa cavité sang et cerveau confondu. Mais pire encore, la bête en mourant avait emporté Hrist avec elle et sa cuisse était coincée sous le poids mort.

" Arrête ! Je viens pour Xenair ! "

Le troll n'entendit rien et dans un gémissement idiot frappa encore le cadavre du cheval, tartinant sur un bon mètre carré les restes du cheval.
Plusieurs gobelins approchèrent armés de lances moyenne et de Kikoup rouillés. Ils lui apparurent sous la forme d'ombres de petites taille déformés par de lourdes armures parfois peu adaptées à la morphologie singulière de ces créatures.

" Un bon festin ! Et regardez ça, on a même une paysanne avec ! "
" Petite prise mais on va s'amuser ! "
" Gark ! Passe moi le désosseur ! "

Un autre hurlement perça le chahut ambiant, celui-ci ajouta un malaise supplémentaire car il s'agissait de celui du loup. Tout près.

Un gobelin s'approcha de Hrist.
" Je suis un assassin de Xenair ! Les Kendrans ont envoyé un loup me pourchasser, il n'est pas loin. Je vous ordo..."

Ils éclatèrent de rire. Le troll lui, n'y comprenait rien et frappa une troisième fois le cadavre du cheval arrachant un cri de douleur à Hrist dont la blessure à la jambe venait de se réveiller.

" Jamais entendu une paysanne raconter ça. "
" Elle parle de Xenair ? "
" Boarf, la douleur la fait divaguer. Regarde Gark, elle est déjà bien amochée. "

Il s'approcha de son visage pour mieux l'observer. Derrière ce casque noir épais et rouillé, Hrist pouvait voir ses deux petits yeux briller d'une malice morbide. Elle se savait à leur merci sans espoir de prouver ce qu'elle avançait.

" Je suis Hrist, je viens directement d'Omyre. Regardez le serpent à mon poign... " Elle essaya de se redresser, craignant que sa jambe ne soit brisée. " Le serpent à mon poignet. " Bien que ce signe n'ait rien d'officiel, elle continua et tira doucement sa dague pour ne pas alarmer le gobelin " Et la vieille rengaine. Tu la reconnais ? Tu en as sans doute entendu parler. "

Elle mourrait d'envie de la lui planter dans le cœur, mais le loup derrière elle, quitta son fourré et se présenta au grand jour. Selon Nael, il avait été arraché aux orques étant louveteau, il s'approcha d'un pas prédateur.

" Alors, cette fille des champs va nous faire avaler que c'est un loup Kendran ? On dirait ceux que Grub."
" D'la merde. Ceux de Rubik. J'mets ma barbaque de ce soir en jeu. "
" Allez petit petit petit, viens là qu'on regarde de plus près. "

Le gobelin s'approcha de la bête qui avançait de plus en plus vite, le Troll quant à lui, s'était accroupi à côté de la carcasse du cheval et mangeait ses yeux.
" Bizarre, l'ressemble ni à ceux de Rubik ni à ceux de Grub... "

Fort de son élan, la bête sauta sur le gobelin, lui happant le bras et le renversant dans les fourrés. Ses deux compères se jetèrent sur le monstre qui secouait sa tête avec force pour disloquer le petit gobelin en armure et la frappèrent de nombreuses fois de leur lances jusqu'à ce que raide, la bête ne tombe sur le flanc.

Le Troll n'avait pas bougé d'un pouce. Il observa Hrist et comprit que puisqu'elle bougeait, elle n'était pas morte et tenta d'y remédier, prêt à abattre son poing déjà levé sur la jeune femme, il fut arrêté dans son élan par le gobelin mordu par le loup.

" Attends, crétin, tu comprends pas qu'elle dit peut-être vrai ? Allez, suffit ! "

Il envoya un revers de la main sur l'énorme paluche du troll qui, vexé, se remit à table, trempant son doigt dans la mare de sang pour le sucer et recommencer le mouvement grotesque.

Le gobelin avait gagné dans cette histoire une magnifique déchirure sur le cuir et les mailles de son armure. Certes, peu pratique, mais elle avait sauvé sa vie, aussi insignifiante soit-elle.

" Jt'avais dit qu'était pas une fille de ferme. " Fit l'un d'eux, en envoyant un coup de coude appuyé à son compère.
" Ferme ton claque merde."

" Allez Bubu, soulève moi ça, tu finiras plus tard. On va vous conduire à Pohélis, mais si vous avez menti et que Xenair connait pas votre serpent ou votre nom, j'viderai votre ventre pour en faire mes latrines !

" Savez. Thur c'est un bon gars. Un peu brute mais il comprend pas bien qu'on puisse pas défoncer le crâne de son adversaire avec autre chose qu'une bonne masse. " Lança-t-il soudainement.

Ils traversaient ensemble dans un couinement pénible les routes enneigées qui longeaient la forêt. Hrist, emmitouflée dans sa couette de fortune qui puait le cadavre de bovin répondit d'une voix pâteuse :
" Qui est Thur ? "

L'orque renifla et cracha un glaviot sonore sur le bord de la route.
" Pfeuh, foutus assassins. L'guerrier que t'as fichu au tapis ce matin. T'souviens même pas de ceux que tu défais ? "

Elle s'étira, miaulant tout en étendant ses muscles avant de se blottir dans le tiède pelage. " Il n'a pas pris le temps de se présenter. Toi non plus d'ailleurs. Mon nom est Hrist, Championne de l'arène d'Omyre et assassin de la ville noire. "
'' ... ''
" ... "
" ... Gral. Passe moi un hareng. J'ai les crocs. "

Hrist quitta à regret la chaleur de sa couche et légèrement dans le vague, elle tâta sous les couches de tissus jusqu'à atteindre la barrique salée qui contenait les poissons salés. Quelques mouches mortes gisaient dans le sel humide et les poissons avaient les yeux blancs, les corps abîmés et flasques, puaient la mort.

Il dévora la provision sans gène et dégoûta légèrement Hrist au passage. " Tu manges pas, gamine ? "
" J'suis plus vieille que toi. " Répondit-elle, légèrement contrariée.
" Mon cul. Quand t'étais aussi plissée qu'une larve, j'tuais déjà mes premiers ennemis. J'avais trois ans. "

Hrist se redressa et observa avec stupéfaction qu'ils étaient en plein milieu de la route. " Qu'est ce qu'on fiche ici ? On devrait pas traverser par la forêt pour être à couvert ? "

Il lui adressa un regard étonné, un léger filet de salive brillait encore sur le coin de sa gencive. - Lui aussi, commençait à puer le poisson. " Si t'es si maligne, vas-y ! Prends les rennes et essaie de traverser c'bordel d'arbres sans t'enfoncer dans un tas de boue et d'y rester coincée. J'imagine que si ça arrivait, j'pourrais pas compter sur tes petits bras pour m'tirer de c'trou à merde. " Il termina sa phrase dans un ronchon vexé.

Hrist reconnu son erreur. Elle adressa un sourire complice à l'orque trop concentré sur la route pour le voir. " Alors, comme ça, tu chasses mieux que moi ? "

Gral et Hrist avaient fait leur bivouac non loin d'un vieux moulin complètement détruit dont il ne restait plus que les fondations et une partie du mur qui retenait ses ailes, lesquelles étaient couvertes de mousses et le tissus avait été rongé par la moisissure. Ils n'avaient pas fait de feu par sécurité. Gral avait besoin de dormir un peu pour terminer le trajet en sécurité, ne voulant pas que Hrist ne touche à son boeuf. A l'abri du vent et de la neige, ils étaient dissimulés derrière un tas de pierre qui faisait office de refuge à petit bétail si on en croyait la merde antique qui jonchait le sol.

La monture et le chargement quant à lui, étaient non loin d'un point d'eau de façon à ce que l'animal puisse s'abreuver tout en restant à proximité des deux voyageurs au cas où un prédateur assez affamé déciderait de se frotter à un bovin massif.

" N'empêche que c'est pas de la chasse. " Dit-il en grignotant la carcasse de son lapin.
" J'ai ramené le gibier, avec ou sans magie, je ne vois pas en quoi ça ne fait pas de moi une bonne chasseuse. "

" Ma fille, t'apprendras qu'on ne devient pas chasseur. On le né ! " Clama-t-il.

La tueuse roula des yeux et râla : " Non mais je rêve. T'es devenu philosophe en plus ? J'ai attrapé ces deux lapins, c'est quand même meilleur que le poisson pourri. "

Gral mâchait la bouche ouverte en la fixant d'un regard mauvais, chose qui avait vite fait d'irriter Hrist.
" N'empêche, si on nous lâchait tous deux en forêt avec un arc, et bien j'aurai plus de gibier que toi. Sans magie. "
" Et ça te prendrait combien de temps de traquer un cerf ou un lièvre ? Ces lapins j'ai pu les attirer en moins d'une dizaine de minutes. "
" Mais ils sont trop maigres ces putains de lapins !! " Gueula-t-il en agitant la carcasse décharnée de l'animal.
" C'est pas vrai ! Non mais c'est pas vrai d'être aussi mauvais perdant ! " Ils se turent un instant.

Au bout de quelques minutes à avoir écouté le vent souffler dans les branches et la pierre du moulin pleurer à mesure que l'eau de fonte glissait sur sa pierre mousseuse, Hrist dit d'une petite voix.
" Je n'ai jamais chassé autrement que par magie. T'es peut-être meilleur que moi, mais pas aussi efficace en situation d'urgence. "

" Ah ! " Dit-il satisfait." C'est certainement pas Xenair qui t'as enseigné la diplomatie. Tu viens d'où, gamine. "

" J'suis pas une gamine. Je viens d'Omyre. "
" M'étonnerait que t'es passé ta vie à Omyre... J'y ai grandi et avec un sale caractère comme le tien, t'y serais creusée depuis des âges ! "
La voix emprunte de nostalgie et tout en grattant du doigt les articulations de son lapin cru, Hrist continua : " C'est vrai, du plus loin que je me souvienne, j'étais à Tulorim, une ville horrible. J'ai dû m'enfuir après avoir... Accidentellement brûlé un ou deux. Sept quartiers. De même pour Kendra Kâr et Bouhen mais ça, c'était pour avoir torturé et massacré des centaines de personnes à la tête d'un duché. "

Il la regarda avec de grands yeux : " Vous vous battez entre vous ? "
" Nous sommes tous des loups. J'ai ce besoin de faire le mal. Un besoin pressant, sadique et primaire. Comment tu vois ça, toi. Le fait d'aimer faire le mal intentionnellement, avec pour seule ressource ton intelligence ou ton imagination ? "

" J'sais pas bien moi. Faire le mal par plaisir ? La perversité ? " Dit-il d'un air hésitant.
" Je crois oui. "
" Cela dit, j'ai connu une gobeline qui adorait qu'on lui chie dans la bouche pour prendre son pied. Ca aussi, c'est d'la perversité. "

Hrist lui adressa un regard emprunt de dégoût et d'incompréhension et préférant ignorer la remarque, enchaîna :
" Par la suite, je suis allée à Omyre pour y entrer dans la milice. J'y ai peu à peu gagné ma place.

" Et où t'as appris à tuer avec tes cordes ? "
" Et bien... La Mort est une corde raide. Je trouve que c'est silencieux et j'aime sentir la victime, son poids, sa force faiblir et ses yeux s'embuer de larmes de sang avant de rouler dans le vide. De temps en temps, je parviens à entendre le dernier soupir. Je trouve ça assez poétique. Une vie qui s'en va. "

Ils restèrent de nouveau silencieux. Puis Gral en tapant un coup sur ses cuisses dit haut et fort : " Bin si t'avais été une Garzok, j'ferais de toi ma femelle. En attendant, dors. " Et il s'allongea sur le côté pour finir par ronfler quelques instants plus tard.

Hrist quant à elle, resta assise en tailleur, silencieuse et profita de la fraicheur de la nuit. Elle n'était pas glacée comme les précédentes mais Gral disait que c'était à cause de la tempête à venir.

La femme roulait et déroulait la corde autour de sa main.

" La Mort est une corde raide... " Susurra-t-elle avant de s'endormir.

Le vent soufflait un peu plus fort. Il portait avec lui un froid glaçant venu du Nord et peu à peu, le monde s'éteignait. Il n'était pas encore midi à en juger par le soleil timide qui était dissimulé derrière son manteau de nuages, mais Hrist trouvait qu'il faisait déjà très sombre. La neige fine qui ne tarda plus alors à tomber confirma ses pensées.

Tous deux restaient silencieux. Gral avait conseillé de ne pas parler car ils pénétraient dans les zones de combat. Il pouvait y avoir des patrouilles d'un camp comme de l'autre. La route empruntée était déjà plus inconfortable et Hrist se félicita d'avoir pu dormir correctement la nuit passée car toute tentative de s'assoupir était achevée par un nid-de-poule ou une secousse violente. Le matériel s'entrechoquait et causait des bruits non-naturels, aussi elle ouvrit l'oeil et prêta l'oreille aux bruits étrangers mais rien ne l'alarmait. Pendant un temps, elle pensa à un excès de paranoïa de la part de son compagnon de voyage. Jusqu'à ce qu'ils arrivèrent au poste avancé. Quelques mètres avant, une petite odeur de fumée se faisait sentir et n'augurait rien de bon.

" Les crétins ! Ils ont fait un feu, ça va se sentir. Bande d'imbéciles par fichus d'attendre les couvertures. "
" Arrête toi ! Regarde. L'arbre, le gros là bas. Non là. Là." Dit-elle en pointant du doigt exagérément pour se faire comprendre. Une flèche était fichée dans le bois et aucun mouvement ne se fit à mesure qu'ils approchaient, à pieds cette fois.

Hrist retourna du bout de la botte un cadavre de Garzok ensanglanté. Gral quant à lui essayait de faire contre mauvaise fortune bon coeur et ramassait ce qu'il restait à ramasser. " On a toujours besoin d'une armes et ces gars là n'ont pas été assez prudents, ils sont morts au combat, c'est presque si je les envie. "

Hrist inspecta les blessures. Celui-ci était mort en s'enfuyant, visiblement il n'avait pas pris de coup de face mais bien dans le dos. Hrist mis un doigt dans sa plaie ensanglantée et en jugea par la tiédeur de son sang encore liquide qu'il n'était pas mort depuis bien longtemps.

" T'façons, j'ai toujours dit que ce camp était trop proche des lignes ennemies. C'est pratique pour aller piller un coup mais pas défensif pour un clou. "
" Gral... "

Hrist observa son doigt ensanglanté et vit sur la neige quelques traces de bottes encore fraiche, non recouverte.
" Regarde moi ça ! Même pas une palissade !" Dit-il en haussant le ton.
" Mais tu vas fermer ta grande gueule ?!" S'alarma Hrist en essayant de scruter les alentours pour savoir où pouvaient bien être les soldats ennemis.
" Heu... " S'interrompit Gral en observant à gauche et à droite pour savoir pourquoi Hrist se couchait à terre.
" Baisse-toi. Baisse-toi maintenant. "

Gral se laissa tomber en arrière, renversant au passage les Kikoups qu'il avait ramassé et un petit fagot de flèches qui chuta dans un bruit de métal froissé.
" Crétin d'Orque... "

Hrist savait que les soldats n'étaient pas bien loin, le petit feu de camp les avait sûrement alerté si ce n'était pas la discrétion légendaire des Garzoks. Quoiqu'il en était, la tueuse avait jusqu'à présent rencontré que des orques morts et aucun Kendrans pourtant, l'épée de certains guerriers orques était sale de sang. S'il y avait des morts chez l'ennemi, les corps morts ou blessés avaient été emportés par les autres soldats.

Gral se rapprocha, rampant à même le sol glacé et essaya de murmurer, la mine abrutie par l'incompréhension :
" J'ai vu personne, qu'est-ce qu'il te prend ? "
" Eux non plus n'ont vu personne jusqu'à ce qu'ils se soient fait déborder. On dirait que tes peaux de vaches vont pas servir de sitôt. Je sais probablement qui a fait ça. "
" Comment ça ? Bin c'est les soldats de Lebher. "
" Les sbires de Nael. Ils devaient être à ma poursuite, espérant me trouver morte dans un fossé et ils sont tombés sur ce camp. D'ailleurs doivent pas être bien loin. "

Un temps passa.
" Et donc. On fait quoi ? "
" Ma mission est de ramener Nael et sa compagne à Pohélis, ils ont le droit à une bonne semaine de torture. "
" Et moi là dedans ? Je rentre maintenant ? "
" Sûrement pas, je vais pas les promener au bout d'une laisse dans la forêt, on va les mettre dans ton chariot et les ramener tous les deux à Pohélis. Si tu m'aides à les captures, tu auras le droit à une jolie somme. "

Il resta silencieux un temps.
" T'façons, la tempête va bientôt tomber. Si on se perd en route, on sera morts gelés au réveil. "
" Elle dure combien de temps, cette tempête ? "
" C'que j'en sais moi. J'ai vraiment une tête à m'y connaître, en tempête ? "

Hrist soupira. " Le quartier où Nael me torturait n'est pas très loin de la forêt. Lorsque la tempête sera tombée, j'irais les chercher et on prendra la route, neige ou pas neige. "

" Z'êtes complètement folle. J'voyais déjà dans vos yeux que quelque chose ne tournait pas rond. Mais ça... " Gral faisait les cent-pas en se tenant le crâne, encore sous le choc et regrettait déjà amèrement d'avoir demandé à Hrist en quoi consistait son plan pour capturer les deux ennemis.

" T'as une meilleure idée ? " Fit-elle vexée en croisant les bras. Elle avait tourné le dos au vent, fatiguée de le prendre en pleine figure et ses cheveux s'agitaient dans tous les sens comme un nœud de serpents en colère.

Le projet de Hrist était simple mais il aurait le mérite d'être efficace. Les chevaux des soldats étaient entreposés dans la grange, elle même parée de foin en abondance. Si elle prenait feu, les bêtes affolées s'enfuiraient emportant quelques soldats à leur suite. Gral attendrait le signe de la tueuse pour venir avec le chariot pour charger les deux captifs que Hrist se chargerait d'appréhender.

" Et les soldats restants ? Une fois qu'ils auront rattrapé les montures, ils pourront charger avec et mon boeuf ne va pas aussi vite qu'un cheval ! "

Hrist renchérit : " Nael est arrogant, ce crétin ne s'entoure pas de soldats d'élite, c'est de la première classe. "

" Mais par les Dieux qu'elle est conne ! Une chiée de soldats même novices c'est dangereux, surtout quand on est à deux contre... Contre combien d'abord ? "
" Un peu moins d'une dizaine, je te parle d'un officier de Kendra Kâr, pas d'aller enlever le Roi. J'croyais que les garzoks étaient un poil plus enclins à se battre. "
" Se battre, gamine, c'est une chose, se faire dérouiller la gueule pour le plaisir d'une tueuse, c'est pas dans mon sang. D'ailleurs t'es quoi, dans l'armée toi ? "
" Instructrice. "
" Où il est ton insigne ? On m'la fait pas à moi. "
" Dans la poche de Nael. On y va ? "
" Moi j'dis que je suis le plus gradé et qu'il s'frai beau voir que j'obéisse à une recrue ! J'ai de l'expérience, j'ai des armes, j'ai une armure... "
" Et bientôt trois dents en moins... " Râla Hrist.

Gral et la tueuse s'échangèrent un regard chargé de mauvaise augure jusqu'à ce que la femme ne se défasse de sa cape et l'accroche à une épée plantée au sol. " On va régler ça de façon martiale. Le premier qui déclare forfait passe sous les ordres du second. "

Gral éclata de rire. Il était maintenant persuadé que la jeune femme avait un vilain problème dans la tête. Il cessa son rire soudainement et bondit sur la jeune femme en poussant un hurlement de rage. Tentant de la plaquer au sol, Gral essaya en même temps de lui bloquer les poignets, afin de l'empêcher de se défendre. Il réussit presque à la mettre à terre et à lui bloquer les poignets, du moins, il l'aurait réussit sans compter le genou de la femme se heurtant à son entrejambe. D'un cri essoufflé, il fut repoussé brièvement. La rage aux lèvres, il frappa trois fois dans le vide avant de finalement pouvoir lui envoyer un fantastique coup d'épaule, envoyant la femme tomber à la renverse.

Reprenant vite son souffle et son équilibre, il sauta vers la femme à terre qui intercepta sa chute, lui attrapant l'épaule et faisant glisser sa jambe sous son ventre pour le passer par dessus sa tête, allant s'échouer le cul en l'air un mètre plus loin.

D'un saut rapide, Hrist se leva et faisant volte-face pour intercepter son adversaire. Gral était rapide pour sa corpulence, il faisait preuve de beaucoup de force brute et de peu d'expérience martiale une fois l'épée restée au fourreau mais son mélange de brutalité et de rage faisait bon ménage. Il plongea de nouveau, affichant une stratégie visible de mettre la tueuse à terre pour l'entraver et l'empêcher de bouger. Entourant ses bras autour de sa taille, il la souleva comme une brindille, contractant ses muscles du torse pour intercepter un autre coup de genou directement dans le plexus. Le coup n'eut pas l'effet escompté mais Gral alla récupérer sa respiration au fond de ses bottes. Il se jeta à terre avec la femme de manière à la coincer sous sa masse et la sonner en la percutant contre le sol gelé.

Ivre de rage, la femme glissa dans la bouche de l'orque deux doigts couverts de terre et tira sa joue comme le ferait un pêcheur ferrant au bout de sa ligne un monstrueux poisson.

" Graaaaaaaaaa. " Beuglait Gral tout en inclinant la tête en arrière, forcé de suivre le mouvement de la femme s'il voulait garder un visage un temps soit peu correct. Lorsqu'elle pu l'attraper de son autre main, Hrist tira son menton en arrière. Gral était dans une sale postule, certes il dominait de son poids la femme, mais elle malmenait son visage en arrachant à la fois sa joue et son menton. A bout de souffle, Gral lâcha prise et Hrist enlaça son corps avec ses jambes, accrochée à son dos comme un parasite, elle essayait de le faire sombrer dans l'inconscience en exerçant une pression néfaste sur sa gorge pour bloquer l'afflux de sang au cerveau du guerrier.

Il se débattait, agitant ses bras dans tous les sens pour déloger la tueuse, il alla même à essayer de lui tirer les cheveux, malheureusement pour lui, elle ne se laissa pas faire. Dans un ultime recours, il se releva faisant preuve de beaucoup de force et courra en arrière dans l'espoir de percuter un arbre. Ce qu'il fit. Sous le choc, Hrist lâcha prise.

Sa vue s'était troublée brièvement lorsque son corps s'était vu coincé entre la masse de Gral aussi lourde et épaisse que celle du vieux chêne que dans sa bonne fortune il avait enfin rencontré.
Le guerrier était animé par une flamme terrible, comme s'il n'était plus capable de faire la différence entre ce combat pour le pouvoir et celui pour la vie. Il se tourna après avoir massé sa joue douloureuse et essaya d'envoyer un violent coup de botte sur Hrist qui encore une fois, esquiva.

Le choc de sa botte contre l'écorce avait été si fort que le bois avait éclaté, emportant avec lui des fragments de boue séchée qui recouvraient la semelle du garzok. Hrist roula sur le côté pour essayer de se mettre à bonne distance du guerrier. Derrière elle, le feu de camp dégageait une fumée âcre, les derniers morceaux de bois qui l'alimentaient étaient trop humides et ne brûlaient pas correctement, au fond de celui-ci, brillaient à la lueur de la nuit naissante quelques braises rouges.

Gral parvint à lui saisir les jambes et dans l'objectif de la trainer à terre jusqu'à ce qu'elle ne déclare forfait, la femme s'accrocha aux pierres chaudes du foyer à demi-mort. Elle attrapa une branche dont la pointe était rougie par les flammes et l'enfonça entre la nuque du guerrier et son armure. Ses yeux s'ouvrirent en grand et il lâcha la femme, gesticulant dans tous les sens comme s'il interprétait une danse folklorique ratée tout en abondant de jurons grossiers. Hrist se redressa et envoya un violent coup de pied dans les côtes du guerrier qui n'en avait pas fini avec sa braise. Une petite fumée blanche s'élevait dans son dos.

Déséquilibré par le coup de botte, il tomba sur le dos et se frotta à terre en répétant les mouvements d'épaule pour éteindre la braise. Il se leva. Hrist avait disparue de son champ de vision, son instinct lui susurrait à l'oreille qu'elle se trouvait derrière lui.

Son instinct avait vu juste. Elle lui attrapa un poignet qu'elle tordit et plaqua contre son dos. De son autre main valide, elle allait bloquer la gorge du guerrier mais sa tactique manqua de coordination et Gral eut le temps de lui envoyer un solide coup de tête en arrière qui fit trembler sa poitrine. D'une main puissante, il lui attrapa le bras et la fit basculer par dessus son épaule pour la faire s'échouer à terre, devant ses genoux. Il se laisser retomber sur elle pour la plaquer au sol mais, dans le feu du combat, Hrist lui envoya ses ongles dans la peau du visage et le pouce dans l'oeil, repoussant son adversaire qui gémissait de douleur.

Se relevant bien vite, Hrist envoya un coup de botte dans l'entre jambe de son adversaire qui, plié de douleur abandonna. A bout de souffle, les deux combattants rassemblèrent en silence leurs effets, Hrist enfila sa cape pour se protéger du froid qui revenait titiller sa peau chauffée par l'effort et Gral retira la cendre qui lui noircissait le cou en pestant.

" Les doigts dans les yeux et les noix... C'est vraiment pas loyal."
" Tu fais presque cent kilos de plus que moi. C'est ça, qui n'est pas loyal."
" J'suis un garzok moi, pas une danseuse. "
" Et mon plan. Tu es prêt ? Ce soir je tente une approche. "
" Une fois qu'un orque donne sa parole, il ne revient pas dessus. Je serais avec toi. "

L'aube déclinait déjà ses chaudes couleurs au loin. Peu à peu, elle chassa la nuit et ses nuages lourds. Bien que l'air était toujours glacé, l'horizon dégagée devant eux leur apparu comme un excellent présage. Hrist somnolait et commençait à avoir du mal à garder les yeux ouverts. Gral quant à lui, faisait preuve d'une capacité remarquable à lutter contre la fatigue et il pu maintenir le cap jusqu'au zénith.

Ils s'arrêtèrent un instant, de quoi donner du fourrage à la bête et pour eux de se ravitailler en eau fraiche auprès d'un cour d'eau.
" On grelotte ici. J'vais finir par en porter une, de tes peaux de vaches si ça ne se réchauffe pas un peu. "
" Pas question de faire un feu, gamine. On s'en tire déjà à bon compte sans avoir les soldats au cul. "
" Quel rapport avec tes peaux de vaches ? " Hrist se frottait les bras pour se réchauffer. Bien que sa cape enveloppait totalement son corps, elle était si légère que face au froid, elle n'était pas utile. " D'ailleurs... Ce pourri lui doit être au chaud dans son tas de fourrure. "

Ses yeux prirent une expression plus néfaste.
" Gral ? " Souffla-t-elle au Garzok qui se rinçait le visage au cour de l'eau glacée. Il leva un visage hargneux et fatigué à la jeune femme. Visiblement, il n'avait pas apprécié la tournure des événements et louait les Dieux d'avoir toujours sa tête fixée au reste du corps et non pas sur une pique. " Quoi ?! " Lâcha durement le Garzok.
" Il te reste de la corde ?"
" Que dalle. J'ai pas assez saucissonné l'ptit père ? "

Hrist marqua un silence et répondit après s'être baissée pour se laver les mains dans l'eau claire :
" Je l'aurais bien accroché à l'arrière du chariot, qu'il marche un peu. "
" Ça nous retarderait. " Il se leva et posa une main presque amicale sur l'épaule de la jeune femme. " Écoute, ma fille. J'comprends bien que tu puisses haïr c'gars là. Mais il va suffisamment souffrir une fois arrivé. Avec un peu d'chance, on y sera sous peu, à Pohélis. Faut prendre son mal en patience. "

Il retira sa main.
" Et puis, ça te laisse le temps de penser à quelques idées de torture..."
" Crois-moi, j'en déborde. " Elle lui adressa un sourire.
" Sans toi, ça n'aurait pas été possible, je n'aurais pas pu exécuter l'ordre de Xenair. Tu as été un compagnon admirable et je n'oublierai pas ce que tu as fait. "
Gral eut un début de sourire puis se renfrogna et tourna les talons en grommelant :
" Les gonzesses... Toujours une connerie à l'eau de rose à la bouche. "

Dans le chariot, Nael gémissait pour attirer l'attention sur lui. Gral lui détacha la bouche, comprenant bien que Hrist n'irait pas s'inquiéter de ses besoins, mais lui, n'avait pas envie de faire le reste de la route avec des gémissements incessants. Nael lui adressa quelques mots à demi-voix que Hrist ne pu entendre de là où elle se trouvait.

" Y'a notre invité qui dit qu'sa cousine a soif. "
" C'que j'en ai à foutre. Tu peux lui pisser dessus, si ça te fait plaisir. "
" J'dis ça, mais si elle crève en route, t'auras plus rien à torturer. "

Hrist vira au rouge pivoine. " Alors elle a soif, cette salope. "

Nael ouvrit de grands yeux démunis lorsque la tueuse attrapa la prisonnière par les cheveux pour la trainer jusqu'au ruisseau. Elle criait et se débattait, ses hurlements stridents apeuraient quelques oiseaux qui s'envolèrent des arbres en un nuage noir sur le ciel clair. Nael protestait et accusait l'honneur de la tueuse puis cria un " Non ! " lorsque de rage, Hrist enfonça la tête d'Adèle dans le ruisseau glacé. Elle laissa le visage sous l'onde luisante quelques secondes, assez pour que la jeune femme remue frénétiquement, espérant de détacher de la tueuse, en vain.

Hrist releva le visage de la femme qui en tira une grande inspiration. Les bandelettes trempées et alourdies par l'eau glissèrent le long du visage boursouflé et encore croûté de la jeune femme.
Gral remua la tête, à moitié amusé par le spectacle, il restait malgré ça nerveux sous les cris de la femme qui, au petit matin pourraient alerter n'importe qui à une bonne centaine de lieux.

" Mouais, j'crois qu'elle a plus très soif. " Dit-il en remettant autour de la bouche de Nael la corde pour cesser son flot d'insultes.
Hrist ramena Adèle trempée et tremblante jusqu'au chariot et se tourna vers Nael. Elle avait trouvé un grand sourire et demanda d'une petite voix amusé.

" Et toi, mon chou, tu as soif aussi ?"

" Finalement, tu avais raison. "
" Quoi ?!"
" Tu avais raison !! "

Gral et Hrist sous le vent hurlant qui emportait avec lui des averses de neige, tentaient de couvrir au mieux le boeuf des couvertures restantes. L'animal paniquait et refusait d'avancer sans personne pour le guider, ce fut Gral qui restait lui tenir la bride tandis que Hrist à l'arrière surveillait étroitement les deux captifs. Adèle n'avait pas encore récupéré du mauvais traitement à l'eau glacé et ses cheveux mouillés avaient rendu son état sous la tempête encore plus critique. Hrist était prête à parier sur le fait qu'elle n'aurait que Nael à torturer une fois arrivée à Omyre.

La route lui était méconnaissable, mais il fallait reconnaitre que sous le vent et la neige la femme perdait ses repères, de plus, elle devait observer à demi-clos sans quoi les éléments l'aveuglait.

Nael et Adèle étaient l'un contre l'autre sous le dernier manteau de peau de vache. Jamais à ce jour, Hrist n'avait mis autant d'énergie à maintenir quelqu'un en vie pour l'achever par la suite. La tueuse bascula son corps par dessus le chariot pour aller voir Gral.

Elle enfonçait ses jambes dans la neige jusqu'au mollet et priait tous les Dieux réunis que les roues tiennent bon jusqu'à l'arrivée.
" Je disais : Tu avais raison pour la tempête, je crois que j'ai compris l'expression le calme avant la tempête. "
" On est pas bien loin de Pohélis ! Retourne au chariot !"
" Et le bon côté, c'est qu'au moins, nos traces s'effacent derrière nous ! "
" Quoi ? "
" Les traces s'effacent !!"
" Retourne au chariot ! " Gueulait-il en pointant du doigt le chariot derrière le boeuf. Remontant malgré le poids de son manteau en peau de vache, Hrist retrouva ses deux captifs emmitouflés sous la couverture et ne pu résister à l'envie de décrocher un coup de botte à Nael.

Sa jambe était engourdie et elle n'avait pas précisé qu'elle crevait de froid, ses dents claquaient et ses doigts devenus douloureux ne se réchauffaient pas bien, même lorsqu'elle les collait sous ses aisselles.
" Vivement qu'on arrive... Cette salope risque de crever. "

La tempête hurlante s'apaisa peu avant le soir. Le gros temps était enfin passé, laissant derrière lui un territoire désolé et chaotique, tout y était d'un blanc immaculé et seuls les arbres aux branches agitées par le vent se découpaient de ce paysage.

Gral avait perdu la route pendant de longues heures et tous s'étaient retrouvés à camper à l'orée d'un bois où la terre gelée et glissante n'avait pas été recouverte de trop de neige et celle-ci était facilement déblayable. Hrist grelottait toujours, elle rêvait d'une soupe chaude et d'une couverture sèche, la sienne était encore toute couverte de givre et craquait à chacun de ses mouvements. Ses lèvres gercées commençaient à saigner quand par mégarde, elle se laissait tomber dans un sommeil léger et qu'elle baillait.

Gral suçait ses doigts couverts de sel, il venait de terminer la dernière ration de poisson salé et avait estimé que Pohélis n'était plus très loin.
Nael et Adèle étaient fermement attachés l'un à l'autre, Hrist savait que le jeune homme ne pourrait s'enfuir avec le corps de la femme en poids mort mais elle savait aussi que si elle privait sa prisonnière de la chaleur humaine que dégageait Nael, elle ne survivrait pas au voyage. Malmenés en permanence, le moral des deux prisonniers frisait le zéro absolu et ça se sentait, Hrist les observait se rendre avec nonchalence vers le chariot, résignés et ayant accepté leur sort, la mine basse et déconfite, ils détournaient le regard. Hrist ne savait pas ci cette acceptation du sort lui plaisait ou non. Elle avait vu des personnes conduites à la mort qui se plaignaient, gémissaient et criaient, implorant le monde et les Dieux mais plus rarement ceux qui le savaient, comme s'ils avaient accepté le sort, fait la paix avec eux même.

Si elle aimait voir la peur dans les yeux, elle détestait voir quelqu'un qui marchait presque calmement vers son sort, ayant accepté de mourir.

La nuit déclinait peu à peu la lumière du jour et enfin, après cette route éprouvante, ils arrivèrent enfin à Pohélis, majestueuse et impériale, elle semblait avoir été épargnée par les éléments à en juger les patrouilles aux alentours qui faisaient autre chose que de dégager des tonnes de neiges fondues et boueuse.

" Regarde ! " Dit-elle en attrapant Nael par la peau du cou pour lui soutenir le regard sur les portes de la ville qui approchaient à mesure que Gral y conduisait le chariot.
" Regarde bien, car une fois ces portes closes derrière toi, ce que tu vois maintenant sera ton ultime souvenir de liberté."