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 Sujet du message: Route entre Shory et les Duchés des Montagnes
MessagePosté: Jeu 30 Jan 2014 14:30 
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Voyage entre Shory et les Duchés des Montagnes


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Bien que formant une petite communauté, les Sinaris de Shory sont réputés pour un certain nombre de leurs productions. Fruits, céréales, une fois les celliers pleins, les produits de la terre généreuse et riche sont exportés en Nirtim, y compris vers les Duchés des Montagnes ; hommes et nains sont d'excellent clients pour les productions de vins, liqueurs et eaux de vie de cette extrémité du continent.

La route vers les montagnes emprunte le même itinéraire que celle menant à Cuilnen dans un premier temps, puis bifurque vers l'ouest, suivant le pied des hautes pentes ; des chemins secondaires mènent aux villages les plus proches ; au final, le voyageur rejoindra les itinéraires orienté sud-nord qui relient Kendra-Kâr aux Duchés.

Durée du trajet à pied ou sur monture sur le continent de Nirtim [Note : le temps des trajets diffère selon le duché où vous vous rendez.]

Basez vous sur les cartes et présentations décrites dans les 4 continents de Yuimen

(Postez ici vos trajets de voyage)

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 Sujet du message: Re: Route entre Shory et les Duchés des Montagnes
MessagePosté: Lun 27 Avr 2015 13:34 
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Mon étape à Shory dura plus longtemps que je l’avais prévu, sept jour, ce qui était encore trop peu pour ces bons hobbits qui entouraient ma présence de dizaines de petites attentions. Une semaine de plus et je serais devenu gras comme un bourgeois. En même temps que je me reposais, je m’astreignais à quelques activités, pour estimer l’état de mes capacités : chaque jour je marchais dans la neige autour du bourg, je fendais du bois pour ceux qui en avaient besoin, je donnais la main à quelques menus travaux d’intérieurs – lorsque la hauteur de plafond me le permettait tout du moins. Mais je ne pouvais souffrir cette attente, cette inactivité : le désir de mener à bien cette quête déjà entamée me tourmentait dès le soir venu. La seule piste que les dieux ont bien voulu mettre sur mon chemin est celle de ces gnolls, et je ne la laisserai pas refroidir. Convenablement équipé, alourdi par tout ce qu’il me fallait pour lutter contre le froid pendant plusieurs jours, j’ai fini par me remettre en route, avec la bénédiction de maître Viki, et une promesse à Maelle de repasser la voir bientôt.

J’ignore si je saurai tenir ce dernier engagement, au moins constitue-t-il une bonne motivation pour ne pas me laisser aller, une forme d’incitation à la prudence aussi. Les dieux savent que j’en aurai besoin. La saison n’est pas bonne pour le voyage, seulement, comme je l’ai expliqué à maître Viki, il me faut profiter du temps que mettront les gnolls pour panser leurs plaies afin de les surprendre dans la tanière où ils n’auront pas manqué de se réfugier pour hiverner. Quelques squelettes qu’il m’a été donné d’observer portaient de marques de dents ; l’homme avec qui j’avais fait cette découverte me confia alors qu’il n’était pas rare que, famine aidant, des affrontements se produisent en interne, et que le vaincu devienne une source de provision.

Les cartes examinées à Shory, ainsi que mon expérience de précédents saisons de chasse, m’ont amenées à estimer la durée de mon voyage à près de huit jours, peut-être plus si les conditions se dégradent, ou si une rencontre d’infortune m’oblige à faire une pause, ou à rebrousser chemin. Pour ce premier jour de marche, je me dirige vers le nord-nord-ouest, sur une piste relativement bien délimitée : c’est par là que les caravanes sinaris font parvenir leurs productions aux Duchés des Montagnes et aux nains de Mertar ; plus rares sont celles qui vont plein nord, vers le port de Luinwë. Pour la première moitié du trajet, je devrais être tranquille : au nord, les elfes veillent, à l’ouest, les kendrains et leurs alliés font rempart, et je pourrai de toute manière voir venir de loin le danger. Les montagnes m’inquiéteront déjà plus.

Vers le Duché de Valorian - Deuxième jour

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Dernière édition par Jager le Lun 4 Mai 2015 15:40, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Shory et les Duchés des Montagnes
MessagePosté: Lun 4 Mai 2015 15:39 
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Vers le Duché de Valorian - Premier jour


La nuit fut froide, et la journée ne s’annonce guère plus clémente : le ciel est couvert de lourds nuages. La température me paraît trop basse pour qu’il se mette à neiger, aussi ce temps me convient bien : la plaine s’est enneigée avant mon départ, pas de quoi entraver sérieusement mon avancée, mais la rendre plus inconfortable avec la réverbération. Sur ce manteau immaculé, je ne doute pas de faire une cible parfaite, alors je préfère avoir une chance d’apercevoir un potentiel ennemi plutôt que de profiter des bienfaits du soleil.

Qu’est-ce qui me guette, en ces lieux abandonnés par les bêtes, les dieux et les hommes ? Je redoute le vent, la tempête, un déchaînement de la colère de Rana. J’ai prié à mon lever la déesse des mes aïeux, imploré sa pitié pour le misérable que je suis. Je n’ai pas toujours agi en conformité avec ses enseignements, mon exil en est la preuve. Mais je ne désespère pas d’être un jour assez inspiré pour ne plus avoir à quémander son pardon.

Ma principale ennemie est finalement la monotonie. J’aime à marcher dans les bois, et me laisser surprendre par les rayons du soleil perçant la frondaison, être toujours attentif à là où se posent mes pieds, aux traces laissés par les animaux, aux prédateurs qui parfois me guettent ; les sons multiples m’informent, et m’accompagnent. Ce voyage, en revanche, endort mes sens. La mauvaise saison m’est également familière, mais je l’ai toujours passée en montagne, sur la piste des animaux parés de leurs plus belles fourrures, dans des lieux qui me sont familiers et qui pourtant exigent toute mon attention pour n’être pas traitres. Rien à voir avec ces quelques jours de marche qui m’attendent. Il y a ça et là des bosquets, à ma droite, à ma gauche, des formes sombres sur l’horizon, mais c’est à découvert que j’évolue, sur cette vague piste à demi-invisible, que je ne devine qu’à la régularité du manteau neigeux, par laquelle vont marchands, chariots, camelots. Je me sens plus seul que jamais.

La tombée de la nuit est l’occasion de m’activer un peu. Un de ces nombreux bois qui parsèment la plaine me paraît être un refuge approprié, je préfère m’arrêter là et écourter un peu ma marche, plutôt que de tenter le hasard d’un abri plus loin. J’aurais aimé y trouver un de ces sapins qui forment une cache naturelle, mais il ne s’en trouve aucun. Couper certains des arbustes et des branches me réchauffent, et je retrouve avec plaisir les gestes familiers, la prise ferme sur la hache d’Aaron, autant arme qu’outil ; je fais le tour de ce bosquet, multipliant les aller et retour, pour ne prélever que ce dont j’ai besoin pour dresser une armature de fortune de telle sorte qu’au printemps mes coupes auront aéré un peu la végétation, laissant l’opportunité à d’autres arbres de mieux se développer. C’est une leçon ancienne que je me suis toujours efforcé d’appliquer : de ça, au moins, mon père pourrait être fier.

Dans cet abri de fortune, aux airs de cercueil, de toile imperméable tendue sur des arches rudimentaires en bois, couverte d’une fine couche de neige pour la dissimuler et l’isoler, je me glisse en rampant, tout emmitouflé dans mon manteau et ma couverture. Le sol est relativement sec et propre, la couche de feuilles mortes et d’humus me fournit le seul confort dont j’ai besoin. Le sommeil me vient rapidement : peut-être est-ce le privilège de ceux qui n’ont que faire du lendemain et de ce qu’il réserve.

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 Sujet du message: Re: Route entre Shory et les Duchés des Montagnes
MessagePosté: Ven 8 Mai 2015 13:57 
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Vers le Duché de Valorian - Deuxième jour


A l’aube tardive du quatrième jour, pour la première fois, il m’a semblé apercevoir un autre bipède sur cette plaine. Jusque là, seules les bêtes m’avaient fait la grâce de leur fugitive compagnie, inoffensives, ou discrètes au point que je ne remarquais que les traces de leur pas dans la neige. Là, c’était probablement un être pensant, qui ne désirait pas être vu, ou craignait quelque mauvaise rencontre. A peine avais-je perçu sa présence, et lui la mienne par la même occasion, que la silhouette s’était tapie dans quelque repli du terrain, un talus, une bosse. Si haut au nord de Shory, il n’y a guère que les elfes, ou les marchands, et quelques rares voyageurs comme moi ; je doute que les montagnards descendent sans raison dans la plaine, a plus forte raison vers l’est. Un elfe sans doute : mais pourquoi se cacher alors ? Je n’ai jamais eu de véritables contacts avec ceux de leur race, toutefois ce que j’en avais entendu ne me laissait pas à penser qu’il s’agit d’êtres particulièrement craintifs, surtout si près de leurs royaumes. Ma marche m’amènera avant la nuit à obliquer vers l’ouest, en me servant des sommets comme repère, pour me rapprocher des Duchés, de ma destination finale, et peut-être de villages plus bas sur les pentes où me reposer et m’approvisionner. Qui que soit l’autre, là bas, il n’allait plus être sur ma route d’ici peu.


C’était tout du moins ce que je croyais. Du haut d’une colline, prémisse des monts, j’entrevis encore cet être qui pouvait poursuivait sa route, ou me traquait. La prudence est de mise, et je préfère penser que cet individu me veut du mal plutôt que de me laisser surprendre, quitte à me tromper, et à avoir redoublé de vigilance pour rien.

Les hasards du voyage, mon appréciation des distances faussées par la blancheur du paysage, ou quelque autre facteur comme la fatigue, l’attention portée à ce potentiel traqueur, à mons que ce ne soit une combinaison de tout cela, quelque chose m’a partiellement égaré. Alors que j’espérais parvenir au premier fleuve sans peine, en demeurant loin de la forêt des elfes, voilà que sa lisière se profile devant moi. Dans une certaine mesure, c’est un point plutôt positif : je trouverai peut-être un abri sous son couvert, même si je préfère m’abstenir de chasser les bêtes qui y pullulent, tant les rumeurs sur la protection jalouse dont elles font l’objet sont vivaces. Cependant, la nuit tombe déjà, et une partie de ma progression s’effectuera à la pâleur de la lune.

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Dernière édition par Jager le Sam 9 Mai 2015 12:43, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Shory et les Duchés des Montagnes
MessagePosté: Sam 9 Mai 2015 12:42 
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Vers les Duché de Valorian - Quatrième jour


Caché de mon mieux derrière un bouquet d’arbustes, j’observe avec attention le feu qui brûle un peu plus loin, et la forme allongée près de lui. Même sans l’étrange capacité à mieux percevoir ce qui se voile dans l’obscurité, acquise au contact du Gentâme, je n’aurais eu aucun mal à discerner le campement, car les flammes sont encore vivaces. J’ai fait en sorte que ce feu soit suffisamment alimenté pour être perçu de la plaine sans mal, et assez longtemps pour que l’on puisse s’en servir de repère. Le simulacre d’homme couché sous ses couvertures me semble assez convainquant, même si le froid me fait regretter de n’en avoir pas conservé une pour ma veille, en sus de mon manteau ; le plus difficile a été de choisir une position permettant à cette forme d’être perçue de loin, tout en restant dans la trajectoire de mes flèches. Puis j’ai attendu. Un guet-apens qui aura rogné une part de ma nuit, mais profitable. Deux flèches, tirées à très faible intervalle, viennent transpercer la couche improvisée, un tir loin d’être à la portée d’un novice, surtout de nuit. Voilà qui règle la question de l’hostilité. Une autre demeure : tueur ou traqueur ?

Les crissements de la neige m’apportent la réponse. Voilà le tireur qui vient se soucier de sa proie. L’identifier ou la détrousser ? Je ne compte pas lui laisser le temps de se justifier, d’une part parce que je m’en fiche, d’autre part parce que ses intentions à mon égard ont été largement éclaircies par ses deux traits. Par précaution, j’attends qu’il soit en pleine lumière. Ce qui s’avère être une grossière erreur. Est-ce l’affaissement des couvertures sous l’impact, ou l’absence de sang, de gémissement ? Toujours est-il que l’individu fait un écart alors que ma flèche est déjà en vol, si bien qu’au lieu de lui percer proprement le thorax, elle le touche à l’épaule. Le bruit métallique est sans équivoque, mais le grognement à peine étouffé me rassure : l’impact a été atténué par des mailles métalliques, tout en conservant une force suffisante pour déchirer leur bel agencement et blesser. Ce n’est pas à distance que j’en finirai avec lui, j’ai laissé passer ma chance.

De son côté, il abandonne également son arc, tirant du fourreau deux glaives, et si dirige vers moi de telle sorte qu’il place toujours entre nous un arbre, un obstacle. Le bougre semble savoir ce qu’il fait. L’arc ne me sera plus d’aucun secours, et je l’abandonne immédiatement au profit du bouclier gardé près de moi, et de la hache. Il m’est difficile d’apprécier la carrure de mon adversaire, comme moi vêtu pour l’hiver, mais il me dépasse en taille, et son allonge est plus importante. Je n’aime pas non plus ses lames, trop légères pour servir les coups d’un batailleur grossier, comptant plus sur la force que l’habileté. Cette position est en quelque sorte la mienne, et c’est en levant mon bouclier que je pare le premier estoc, faute de pouvoir l’esquiver. Mes appuis sont solides, et je sais le terrain derrière moi dégagé, je pourrai reculer sans peine. Le deuxième coup, de taille, me surprend, et un mouvement du bouclier là encore me permet de le dévier. Cependant, le troisième parvient à se frayer un chemin jusqu’à mon épaule, à peine atténué par un mouvement du buste en arrière et la protection bienvenue des épaulières du liykor noir. Sentant ma position affaiblie, je riposte de mon mieux d’un bon coup de bouclier, en y mettant tout mon poids, qui faute de le blesser le fait au moins reculer. A défaut d’être vraiment rempart, il peut devenir une arme intéressante de toute évidence, qu’il va me falloir apprendre à apprivoiser. Poussant mon avantage, j’avance sur mes appuis pour porter un coup de hache vers sa nuque, qu’il ralentit des deux glaives croisés le temps de se dérober, pour mieux repasser à l’attaque. Malgré ses épais vêtements d’hiver, et l’acier qu’ils dissimulent, il se meut comme un chat, sans paraître entravé ou gêné le moins du monde. S’il est bon tireur, il est également bon bretteur, pour mon plus grand malheur.

(Mais j’vais pas m’laisser crever, ça non. Pas ici, pas comme ça…)

Deux des coups de taille que je lui porte sont à nouveau contrés de cette parade-esquive, une dépense de force sans grand succès, qui me permet toutefois de remarquer que le bras gauche – celui de l’épaule blessée – est moins assuré que l’autre. Hors de question de le travailler de ce côté-là pour l’instant : s’il sait que je sais, il m’opposera un profil où son point faible ne pourra plus être exploité. Car il bouge beaucoup, et il bouge bien ; trop bien à mon goût. Je profite d’une de ses attaques vers mon buste pour lever à nouveau le bouclier, et frapper un grand coup circulaire vers ses jambes. Il est prompt à abaisser ses lames pour parer le coup, mais j’ai anticipé son mouvement de recul, et la force mise dans le coup, ainsi que le poids de la hache, entraînent ses glaives vers la cuisse droite. La manœuvre le contusionne non loin du genou gauche, et les quelques déchirures de son vêtement, il ne les doit qu’à sa parade manquée, qui lui a toutefois évité de se faire broyer l’os sous ma lame. Le juron qu’il ne peut s’empêcher de pousser est une langue qui sonne étrangement à mes oreilles, que je suis certain de n’avoir jamais entendu.

(Si tu jures, c’est que je t’ai déstabilisé. Bon ça. Ca t’apprendra à traquer les pauvres types comme moi qui n’ont rien demandé à personne. T’as cru abattre un pigeon, te v’là avec un lérion.)


Ma comparaison est sans doute un peu prétentieuse, mais je me sens d’humeur à en finir avec cet adversaire. Ce n’est plus simplement une question de survie, mais un affront personnel qu’il m’a fait, une offense à venger.

(Et tu vas tenir bon… Nous allons le vaincre…)

Une vague réminiscence de l’odeur de la fumée, du goût du sang, l’écho de hurlements dans la nuit. Quelque chose traverse fugacement ma mémoire, et me fouette les sangs, allumant dans mon cœur une colère nouvelle. Ainsi porté par ce sentiment enfoui, je redouble de concentration et de détermination. Ce n’est pas en cherchant à rivaliser de finesse avec ce guerrier que j’en finirai, au contraire. Je suis un bûcheron avant tout, et la hache que je manie est celle d’un de mes pairs. Lui ne vaut pas mieux que les rats affrontés dans la grotte, et j’ai bien plus de respect pour les arbres que pour son corps qui tombera sous mes coups. Je tourne légèrement pour mettre derrière lui un arbre, puis relève mon bouclier à hauteur de mon buste afin de m’assurer la meilleure défense possible, avant de le charger de tout mon poids. Surpris, il n’a pas le temps de se dérober, et essaie de me blesser dans la manœuvre. Il parvient à entailler mon bras droit, me causant une souffrance assez vive pour que je laisse tomber la hache. Peu m’importe, dans mon esprit, la résolution de mon action est plus forte que la douleur, et en poussant un grognement de bête je pousse un peu plus sur mes jambes pour me projeter contre le tronc, et lui avec moi. A peine a-t-il touché l’écorce que je remonte le bouclier pour le toucher au menton, et l’étourdir, sans lui laisser le temps de se dérober ; mon genou droit a opéré la même translation, visant son entrejambe. Un gémissement prononcé m’informe que j’ai eu raison de tenter cette manœuvre peu orthodoxe, et que le sexe de mon adversaire a joué en sa défaveur. Reculant d’un pas, je lui assène un coup de la tranche de mon bouclier au visage. Il tombe à genoux, à la merci d’un coup de pied à la tempe. Pas de quoi le tuer, mais assez pour le sonner.

La blessure à mon bras se rappelle à mon bon souvenir comme une flèche pourpre dans mon crâne. L’affaire n’est pas encore finie. Retournant l’inconscient au prix d’un redoublement de la douleur, je peux prendre le temps de l’observer plus en détail au profit de la lune passant sans peine les branchages nus. Le visage dissimulé par sa capuche est aussi sombre que la nuit, les traits fins, les oreilles pointues.

« Un shaakt… »

Ce peuple, je ne le connaissais que de nom ; je n’avais jamais jusque là rencontré un de ses représentants et je ne compte pas profiter de l’occasion pour faire la causette. Sa tentative d’en finir avec moi a conditionné son avenir dès la première flèche tirée. Je le retourne non sans peine sur le ventre et le saigne proprement d’une large entaille à la gorge. La découpe de ses chairs semble le tirer de son inconscience, car je le vois remuer légèrement. Mais quelques secondes suffisent pour que le flot de sang le renvoie dans les vapes en attendant la mort. Je dégrafe la cape, chaude et de bonne facture, pour ne pas qu’elle se tache, et retourne vers le feu pour panser mes plaies. Je m’occuperai du cadavre plus tard.

Vers le Duché de Valorian - Cinquième jour

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 Sujet du message: Re: Route entre Shory et les Duchés des Montagnes
MessagePosté: Dim 10 Mai 2015 17:06 
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Revenu auprès du feu, j’ai profité de la lumière pour prendre la mesure de ma blessure, la nettoyer et la bander grossièrement avec quelques bandes de tissu conservées à cet effet dans mon sac. L’absence d’un onguent apaisant se fait cruellement sentir, et il devient évident à mes yeux qu’une escale dans un village s’imposera le plus tôt possible, pour trouver un guérisseur, ou tout du moins des simples me permettant de faire face aux imprévus des voyages, qui ont tendance à me coller à la peau ces derniers temps.

L’elfe noir a abandonné, au moment où mon tir l’a blessé, à mon campement son arc, son carquois et son sac, pour m’attaquer plus librement au corps à corps. Le bagage, justement, est de bonne facture, moins usé que le mien, permettant de porter une charge plus importante sans vraiment gêner les mouvements ; les boucles et les fermetures sont forgées dans un acier noir, et le cuir est fin et dans les mêmes nuances sombres. L’opportunité est trop belle, je profite donc de la lueur des flammes pour le vider, et commencer à remplacer les affaires du shaakt par mes propres effets. De ses vivres, je ne conserve que les galettes de farine et les quelques pommes fripées, la viande séchée ne m’inspire rien qui vaille, les histoires qu’il m’a été donné d’entendre sur ce peuple des cavernes ne me rassurent pas sur sa provenance, potentiellement discutable. Il y a là également des bandages, du fil et des aiguilles, quelques herbes que je préfère également jeter, faute de savoir à quoi elles servent vraiment, un briquet à pierre et une bonne réserve d’amadou. La trouvaille la plus intéressante est sans doute une carte, représentant la moitié est du continent de Nirtim, avec les cités des elfes, et quelques marques dans la forêt, ainsi que sur la plaine nord.

(Pourquoi m’a-t-il traqué ? Etait-ce un espion ? Un messager ? Un tueur, justement, chargé de perturber les routes dans ce coin ci du monde ? … Pas bête… En hiver ne circulent peut-être que des messagers, des gens dont le déplacement a une bonne raison, qui ne peut pas attendre les jours meilleurs. Les cynores et d’autres canaux permettent de communiquer entre les villes, mais il peut toujours être utile, par des temps troublés, de faire périr un individu dans l’incertitude générale. Qui m’aurait retrouvé ? Personne, probablement, il aurait dissimulé mon corps dans un fourré un peu épais, et les charognards auraient fait le reste. Ses flèches récupérées, rien ne pouvait plus l’incriminer, et il aurait continué sa veille, là bas…)

Par prudence, une fois le transfert opéré j’emmène avec moi l’ancien sac – vide – et le nouveau – plein – et mes couvertures ayant servi à l’embuscade jusqu’à un coin plus éloigné, qui me semble assez abrité ; au deuxième voyage, j’éteins le feu, et masque de mon mieux mes traces, chargé des armes. Avant de songer à m’endormir, je retourne auprès du cadavre. Sans éprouver de scrupule à me comporter comme un détrousseur, je lui fais les poches ; son sang, dans la neige, a déjà commencé à figer. A part un peu d’or, de menus bijoux, je ne trouve rien qui me permette de l’identifier, ni blason ni couleur. Ses vêtements sont pleins de sang, ses bottes trop petites pour moi, il n’y avait guère que la cape pour m’aller. Je prends toutefois le temps de le déshabiller à l’aide de mon poignard, déchirant ses vêtements sans remords, pour rendre la viande plus accessibles aux animaux ; avec la cotte de maille, j’ai un peu plus de mal, mais je parviens à délasser certaines attaches, assez pour qu’un museau puisse fouailler dans les chairs.

« Puisse ton âme descendre aux Enfers, et trouver le repos. »

Repartant avec les deux glaives et leurs fourreaux, je retrouve sans trop de peine le reste du paquetage. Une fois glissé dans mes couvertures, réchauffé un peu plus par la cape du mort, je m’endors sans trop de peine, soulagé d’être encore en vie.


Le soleil au travers des branches nues m’éveille. Un rapide coup d’œil me permet de constater que je n’ai pas été approché dans mon sommeil, la neige est fraîche. Je roule les couvertures, la nouvelle cape, rentre dans le nouveau sac ce qui peut l’être, y sangle le reste : l’ancien sac, les couvertures, les glaives dans leur fourreau. Le bouclier, aussi attaché à ce paquetage, domine le tout, et je devine grâce à mon ombre la silhouette étrange qui est la mienne, un peu semblable à un escargot qui transporte avec sa coquille toute sa demeure. Les flèches passent dans mon propre carquois : même si je n’aime guère leur empennage corbeau, les fûts sont droits et les pointes solides, une belle fabrication sur laquelle je ne peux pas cracher. L’arc, en revanche, m’est trop peu adapté, je ne récupère que sa corde, et laisse le bois retourner à la terre.

Avant de reprendre la route, je passe voir ce qu’il est advenu du shaakt. Sa figure a déjà été un peu grignotée, des traces indiquent que quelques charognards sont déjà venus renifler le cadavre. Au moins, son trépas sera utile.

La journée de marche se passe sans encombre, même si je ne peux m’empêcher de me retourner régulièrement afin de veiller à n’être pas suivi. C’est sans trop de peine que je parviens au fleuve, mais il me faut d’abord trouver un moyen de le passer. Je l’ai abordé assez au nord pour avoir la certitude, grâce aux cartes que m’a montré maître Viki lors de mon escale à Shory, qu’en descendant son cours je trouverai un village où, à coup sûr, il se trouvera bien un pêcheur pour m’emmener de l’autre côté dans sa barque.

Vers le Duché de Valorian - Sixième jour

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Dernière édition par Jager le Mer 10 Juin 2015 10:26, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Shory et les Duchés des Montagnes
MessagePosté: Mer 10 Juin 2015 10:24 
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Vers le Duché de Valorian - Cinquième jour

Dans le coin d’une étable, réchauffé par les bêtes et leurs souffles chauds, j’ai pu me reposer toute une journée avant de reprendre mon périple. Une couche sommaire, un accueil assez froid, mais je ne peux pas blâmer les paysans de leur méfiance, je ne sais que trop bien quels personnages peuvent aller sur les routes à la mauvaise saison, et je doute sincèrement que mon allure plaide en ma faveur. Quelques yus ont suffi pour m’obtenir des provisions, quelques soins prodigués par un aïeul aussi habile à traiter les mots des bêtes que ceux des hommes, avec des résultats qui me donnent satisfaction : la seule odeur de son onguent doit suffire à repousser les maux et la gangrène. Contre une rallonge, et non sans un surcroît de protestation, le vieux consent à me céder un pot de cette mixture. J’espère ne pas en avoir besoin avant longtemps, mais dans le doute… Qui sait quels périls m’attendent encore dans les montagnes, une fois que j’aurai commencé à gravir les pentes ? Ceux qui possèdent le casque ne me le cèderont sans doute pas sans résistance… Chose étrange, il ne m’a été posé aucune question sur l’origine de ma blessure, pas plus que sur ma destination ou ma provenance. Pourtant, par habitude de la vie des villages, je sens au fond de moi que cette escale nourrira encore quelques conversations bien après que je me sois éloigné.

Après cette journée de repos, et une traversée monnayée à prix d'or, je reprends ma route, non sans avoir demandé conseil sur la direction à suivre. La neige est tombée haute cette année, et les avis ont été catégoriques : suivre la route la plus proche de la plaine est la solution la plus intelligente ; il sera toujours temps de se risquer dans les montagnes une fois au sud de la destination précise. Personne ne prend la peine de dégager le chemin, en revanche, il est toujours marqué par de hautes perches solidement fichées en terre, marquées par des cercles de peinture ; pour trouver la ville de Pont d’Orian, d’où je pourrai aller vers le nord, il me suffira de suivre les cercles bleus et jaune, signalant son port fluvial et la richesse de son commerce.

C’est ainsi que s’écoule ma sixième journée de voyage dans le duché. Ma connaissance des frontières est lacunaire, je chasse bien où je veux et mes chemins ne sont pas de ceux qu’empruntent les caravanes, mais il se pourrait que je sois enfin entré sur les terres du duc de Valorian. Les rumeurs sur l’état du duché courent jusqu’à Shory, tournant autour de la difficile succession, des sacrifices liés à l’armement, de la guerre. De mauvaises rumeurs. Peut-être mes actions pourront-elles soulager quelque peu les gens du cru.

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 Sujet du message: Re: Route entre Shory et les Duchés des Montagnes
MessagePosté: Mer 10 Juin 2015 14:10 
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Vers le Duché de Valorian - Sixième jour

Au milieu du huitième jour de mon voyage, quelque chose vient troubler la sérénité de la fatigue et de la marche. Mon repas pris sur mes provisions allant s’amenuisant, je suivais toujours les poteaux jalonnant la route couverte de neige, espérant presque rencontrer une patrouille ou quelque voyageur aux honnêtes intentions pour me confirmer que ma direction est la bonne. Au lieu de cela, c’est un concours de croassements qui vient troubler la paix de la plaine ; l’ensemble macabre se fait entendre à ma droite, du côté des montagnes. Quittant prudemment la route après avoir apprêté mon arc et encoché une flèche, je me dirige vers la provenance supposée du trouble. Après deux cents mètres environ, caché par une congère, je ne tarde pas à apercevoir le festin des charognards. C’est le cadavre d’un bouc qui est disputé à grands coups de bec, de ceux dont les nains font des montures ; là où elle n’a pas été déchirée, la peau laisse encore apparaître sa toison, et dans la nuée de plumes, je distingue clairement le harnachement et la selle. Deux longues cornes courbes émergent de la mêlée, inutiles maintenant.

Les sens en alerte, je guette ça et là les alentours, craignant de subir moi aussi une embuscade. Car quelque chose a mis à terre cette bête, lui lacérant le ventre plus sûrement que les dégâts causés par les corbeaux, et a sans doute réservé un sort bien pire à son cavalier. A moins que la monture ne se soit égarée seule. Les récents évènements avec l’elfe noir, sans compter la mésaventure liée aux changeformes et à Maelle, m’ont rendu plus que méfiants, aussi est-il hors de question pour moi d’explorer les environs à la recherche d’un survivant ou d’un trépassé. D’autant qu’une bête au comportement étrange retient mon attention. Au lieu de participer comme ses congénères à la ripaille, il se tient immobile, insensible à toute l’agitation, au sommet d’une des cornes du bouc, dominant l’ensemble de son perchoir. C’est lorsqu’il tourne la tête vers moi que je distingue enfin ce troisième œil caractéristique, au dessus de son bec. Bien que n’ayant jamais rencontré un de ses semblables auparavant, un frisson me parcoure l’échine, et ma réaction ne se fait pas attendre. Je bande l’arc, et la flèche siffle aussitôt vers sa cible. Plus prompt que ma cible, je l’emporte, et le trait le transperce alors que ses ailes déjà se déployaient. Panique générale dans l’attroupement de volatiles, le sang d’un des leurs et les craillements d’agonie prenant le pas sur la faim, tous se dispersent à grands coups d’aile, pour ne pas aller se poser bien loin, à portée de regard ; le fauteur de trouble éloigné, ils achèveront leur tâche de nettoyeurs.

Les histoires que tout ynorien connaît sur ces bêtes m’ont sans doute sauvé la mise ; sans elles, j’aurais réfléchi, probablement hésité, et cette créature se serait envolée. Les corbeaux de Phaïtos sont depuis mon enfance indissociables des forces d’Omyre, cette menace permanente pesant sur mon ancienne patrie. Que faisait celui-là dans les duchés ? Les bardes avertis prétendaient qu’on ne les trouvait que dans les lieux que le dieu des morts hante. Créature véritablement néfaste ? Sa présence sur cette scène de mort n’était pas anodine. En m’approchant un peu pour achever d’un coup de hache les souffrances de l’oiseau peu disposé à mourir, je constate que ce qui a déchiré les flancs du bouc est une créature redoutable. Les fontes ont été ouvertes, leur contenu dispersé dans la poudreuse, preuve de la présence d’un être aux doigts agiles : les sangles sont défaites et non arrachées. Une rapide inspection me permet de constater qu’il ne reste rien, sinon divers vêtements de taille naine, des objets de moindre valeur, communs ; ils avaient à n’en pas douter une histoire pour leur possesseur, mais ce sont à mes yeux des artefacts anonymes. Inutile de m’encombrer ; et pourquoi d’ailleurs ? Je signalerai cet évènement une fois parvenu à Pont d’Orian, et peut-être expédieront-ils alors un groupe pour identifier la monture et son cavalier – j’en doute.

Avant de m’en aller, je récupère ma flèche et l’essuie soigneusement dans la neige, ne souhaitant pas remiser au carquois une pointe tachée du sang de cet oiseau de malheur. A grands pas, je retrouve la route, et me hâte de mettre derrière moi la sanglante découverte. Je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir que sitôt éloigné, les corbeaux ont repris possession de leur charogne, insensibles au destin de leur semblable.

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 Sujet du message: Re: Route entre Shory et les Duchés des Montagnes
MessagePosté: Mer 2 Sep 2015 16:40 
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La fête au village

(Ras le bol de cette neige, de ces voyages, de ces quêtes insensées !)

L’agacement point à mesure que décline le jour. Chier dans la neige, se geler les noix pour pisser, pioncer à peine à l’abri du vent, toutes les contraintes de la vie hivernale sur les routes commencent à me passer largement au dessus du crâne. Heureusement qu’il y a ces petits villages et hameaux où parfois faire halte, et manger un repas chaud. J’ai traversé le fleuve, dans l’autre sens, changeant de passeur, de barque, d’hébergement. Pas envie de raconter ce qui s’est passé, de dégoiser sur mes aventures, et sur toutes ces histoires. Je dors mal, bien trop mal. Je fais des rêves étranges, où se mêlent sang, mort, village assiégé, une immense armée dans la nuit. Ces songes ne sont pas sans me rappeler le premier, celui qui m’avait semblé si réaliste que j’aurais pu jurer l’avoir vécu. A moins que je devienne cinglé, le vieux Grutgont, il va falloir qu’il me donne quelques explications. C’est lui qui m’a fichu le pied à l’étrier. Maintenant j’aimerais bien qu’il m’explique comment on arrête l’étalon, parce que je n’ai pas envie de me retrouver jeté au sol, ou emporté à l’autre bout du monde sans que je sache pourquoi.

J’envie ces paysans qui m’ont logé. Des gens simples, une vie simple : l’hiver, ils s’occupent des bêtes puis s’occupent d’eux comme ils peuvent. La bonne femme, vieillie prématurément par le travail et peut-être la maladie, tant elle semble fragile, affinait d’un petit canif les cuillères sculptées par son mari. Au printemps, un colporteur viendra leur racheter le stock, et puis il ira vendre tout cela ailleurs, plus loin, pour ceux qui ne se sont pas donnés la peine de tailler un bout de bois. Moi aussi, j’aurais pu avoir une vie comme celle-ci, attendre la fin de l’hiver en me livrant à divers travaux manuels. J’aurais pu… Au lieu de ça, me voilà armé comme un guerrier que je ne suis pas, trainant ma carcasse sur les chemins qui ne me mènent nulle part.

Encore quatre jours, et si tout se passe bien, j’apercevrai Shory.

Derniers jours de voyage

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Dernière édition par Jager le Ven 18 Sep 2015 09:23, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Shory et les Duchés des Montagnes
MessagePosté: Ven 18 Sep 2015 09:22 
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Retour à Shory

La suite du voyage n’est pas mieux ; pas pire non plus. J’aurais pu me prendre sur le paletot une tempête de neige, des bourrasques, un vent à décorner les bœufs qui m’aurait fait marcher à reculons et du flocon à me geler la barbe. Rien de tout ça, et je suppose que je dois en être reconnaissant aux dieux. Pas facile d’être complètement reconnaissant avant de se trouver devant un bon feu : ça ne doit pas être pour rien que les temples ne se trouvent pas dans le trou du cul du monde, mais dans les grandes villes, parfois au chaud, là où le bourgeois n’a pas à se cailler les miches trop longtemps pour aller invoquer la divinité dont il a besoin pour régler son petit souci. Enfin pas tous les temples… Il y a encore celui de Rana, et ce culte qui met sur les routes bien des gens, à commencer par des ynoriens qui prennent un navire jusqu’à l’autre bout du continent pour aller à pied, de stèle en stèle, de relai en relai, prier tout au long de la route, s’user les semelles pour revenir au temple comme le plus humble des pèlerins. Des fois je me demande si tout ce que j’entends sur les ynoriens dans les duchés n’est pas justifié. Va encore que j’ai plus pris de ma mère, mes traits ne donnent pas vraiment d’indications sur mon origine, sous la crasse, la barbe, les cheveux, j’ai le physique passe-partout du vagabond un peu ours, et tant mieux. Peut-être faudra-t-il qu’un jour je me fende de ce rituel. Des fois je me dis que ce qu’il me manque, c’est peut-être un souffle de sagesse. Mais pour l’heure, ce qui me manque, c’est une bonne flambée, une chope d’hydromel épicé, un pot-au-feu gras à m’en lubrifier les boyaux et de bonnes tranches de pains pour récurer les gamelles. Avec peut-être, par gourmandise, une de ces petites pommes acidulées d’hiver des vergers de Shory. Pour sûr, je trouverai ça à mon arrivée. Pas avant, hélas.

La foutue monotonie des montagnes laisse place à la foutue monotonie de la plaine, avec en vue une nouvelle montagne quand le temps se dégage un peu. Et le tout recouvert de neige. De ce côté-là, cette année, nous sommes gâtés ! De ce que j’entends dans les villages, les récoltes n’ont pas forcément été des meilleures non plus dans des vallées, si bien qu’il faudra pour certains paysans taper dans les bas de laine pour assurer l’ordinaire de la famille, et surtout le fourrage des bêtes, auprès de paysans mieux lotis, peut-être ceux des plaines, si l’hiver s’attarde vraiment longtemps. Avec la difficulté d’obtenir quoi que ce soit en mauvaise saison. J’aimerais pas qu’il y ait une disette cet hiver à Shory. Au besoin, je pourrai toujours aller chasser du gibier, quitte à m’éloigner franchement du bourg, avec quelques solides gaillards pour m’aider à ramener les carcasses. Nous verrons.

Le plus gênant pour moi, c’est encore de passer du côté de la lisière de la forêt des elfes. Pas que ce soit vraiment inquiétant, le paysage est plutôt serein, mais ma blessure de l’aller est encore à peine cicatrisée, et la crainte d’une nouvelle embuscade – que je ne verrais peut-être pas venir cette fois – est bien là. Les chances de tomber à nouveau sur un de ces enfants de putains de shaakt sont minimes, mais bien là tout de mêmes. Alors je guette, fais attention au moindre bruit, à la moindre silhouette que je crois apercevoir. Et comme grandit progressivement face à moi le massif au sud-est qui annonce Shory, cette crainte se dissipe. Non seulement je pourrai y espérer un peu plus de sécurité – malgré les rumeurs persistantes sur la présence d’un clan de gobelins – mais j’y trouverai sans doute un recoin où m’abriter pour passer la nuit, dans une des caches à fagots que je me suis constitué au fur et à mesure de mes aller et retour entre la ville sinarie et mes territoires de chasse.

Bon accueil à la taverne

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