Les matinées n’ont pas la force de réchauffer suffisamment l’air pour en chasser l’humidité fort fraiche qui règne à la fin de la nuit, alors cette dernière se prolonge encore une partie de la journée et enveloppe les pierres ancestrales d’un voile invisible et saisissant. C’est ainsi que, maussade, Hutcha s’éveilla d’un bref repos, tout de même salutaire. PinPin partit manger les herbes fraîches qui poussaient depuis belle lurette sur les terres abandonnées et décimées de Nayssan. L’herbe gouteuse et juteuse réconfortait le lapin de la perte de sa famille, il ne s’en rendait même pas compte à dire vrai, c’est une bonne herbe, bien verte, au doux parfum. Mais Hutcha, dans son coin, s’affairait à partir après une brève inspection de la tour où ils avaient dormi. Un délabrement antique en somme cette tour. Eux s’étaient couchés dans le coin près de l’éboulis qui leur permit d’entrée, un peu en dehors de la lumière qui pénètre parfois dans la tour. Le tas de gravats formait une pente douce et bien tassée par les années. Rien de ragoutant dans cette cave, des araignées tissaient des toiles qui ne capturaient rien. Au fond de la pièce, dans le coin droit, se tenait quelques morceaux de poteries cassées, des restes d’amphores, des hanses détruites, de l’autre côté, on pouvait avec moult imagination comprendre qu’il y avait eu un râtelier retenant quelques lances, il ne restait de l’ouvrage du temps que des pointes rouillées et inutilisables. Hutcha vint en soupeser une pour s’apercevoir qu’elle ne lui serait d’aucune utilité. Il avait en tête de se procurer une petite lame, pour tailler rapidement dans le vif lors de combats mineurs comme ils avaient eu à faire avec les rats et l’effraie, s’eut été fort utile en ces moments là de blesser ces bêtes de répugnance. Mais cette cave ne lui donnerait guère l’occasion de trouver son petit objet. Et puis que peut-on imaginer trouver dans un lieu vieux de plusieurs siècles abandonnés au brigand, dépouilleur de trésor et autres crève-la-faim. Rien assurément rien. Il ne fallait pas se leurrer. Puis y’avait aussi une porte sur le mur du fond. Ce qu’il en restait, c'est-à-dire une planche vermoulue de bois qui puait l’humidité et des gonds bouffés de rouilles.
(Vais essayer d’ouvrir cette porte voir s’il n’y aurait pas de quoi ramasser cette espèce de lame qui me manque)
C’était sans compter sans la force démesurée qu’un lutin de vingt centimètres pouvait dégager. Mais quand même, vu l’usure du temps, il y avait moyen de faire un trou dans la porte déjà si détériorer.
Le temps se figea étrangement, une note de cloche sibylline se fit entendre, plongeant dans un grand étonnement pierres et vivants se trouvant dans la cité. Mais le son semblait ne sortir de nulle part sur terre. Il semblait planer de partout à la fois sans pouvoir distinguer sa source. La cloche qui émit se son ne se trouvait pas en ces lieux et pourtant elle résonnait bien entre les murs de Nayssan.
(Mouais, on va dire que c’est à moitié hanté par ici et ça suffira bien comme ça pour expliquer d’où c’est que cela peut venir et si un jour on m’en parle, j’en sais rien.)
De ses petits pieds, il frappe la porte qui remue tout de même. Elle va céder se dit-il. Oui, ça ne devrait plus tarder, ajouta-t-il même. Et ça céda, on sent que le petit lutin prend de l’assurance par rapport à sa taille de microbe et la force qu’il peut en dégager. Le souci c’est qu’il est faisait encore plus sombre que sombre, la grotte d’un troll devait être même plus éclairé que ce trou. Une bouffée d’air ancienne remonta jusqu’à ces narines, d’un air si lourd et porteur de tant de vie, mélangé aussi à une odeur de pourriture organique qui s’était agglutiné au fil des ans.
« Pouahhh ! Ca pue par ici ! Tu m’étonnes que personne ne vienne se balader par ici ! Déjà avant d’ouvrir c’était coton mais là ! »
Après une microseconde d’hésitation toute lutine, il franchit le seuil, ses yeux s’habituant à la pénombre progressivement. C’est autre chose comme pièce, en fait c’était même un escalier, il n’y avait pas de pièce derrière la porte, juste un escalier qui descendait en colimaçon visiblement après avoir franchi les deux premières marches. Et encore de douter pendant cette microseconde. Y’avait quelque chose de bizarre derrière l’odeur des cavernes fétide, un air plus chaud et plus abondant faisait place. Une odeur moins désagréable. Une odeur de feu peut-être. Pas de fumée ni lumière.
(Si ça descend trop, on remonte tranquillement, sinon on se promène)
Arrivant toutefois à se décontracter, à la manière lutin, il passe ses bras derrière sa tête et sifflote un air des bois, une espèce de conjuration enfantine des ténèbres, qui n’avait jamais fonctionné mais ça permettait de tenir le coup et de dissiper les petites craintes. Les marches étaient étonnamment en très bon état et peu souillé par des débris ou des cassures. De la poussière ça oui ça s’en volait à chacun de ses pas mais rien de plus. Se fiant à sa chance, ne cherchant aucun bord pour se tenir, il continue sa descente avec en tête de voir et seulement voir. Il comptait aussi le nombre de marches. 27. Plus aucun lumière n’affleurait et l’exploration si elle devait se faire ne serait pas aisé et il ne voyait pas trop comment faire pour se trouver de la lumière. Le bâton d’églantier ne présentait guère une solution. Y’avait bien quelques phrases magiques donnant de la lumière, mais delà à ce qu’il les connaisse… De fait, il n’aurait su dire si la pièce était grande, ou petite, pleine ou vide, menaçante ou non. On n’y voyait que tchi. Il aurait du réfléchir avant de descendre mais ce n’était pas son fort. Son anneau- bracelet…Peut-être après quelque incantation inconnue à son esprit.
« Pouah ! T’as l’air bien bête ! »
Et l’odeur chaude de refluer.
« Euh là y a un truc pas clair, ça vient en vague… Une odeur douce comme ça, si calme et si réconfortante et si paisible et si bonne… »
La chaleur l’attirait, l’emmenait dans un tourbillon de sensations délicates desquelles il ne savait et ne voulait plus se séparer. Un brin de sérénité envahissant, cajoleur et porteur, tirant délicatement vers sa quiétude.
« Oh on est super bien làààà… Faut rester là comme ça »
En dodelinant de la tête, évasif et serein…Toujours est-il qu’il marchait maintenant dans la pénombre sans buter contre quelconques obstacles. Son approche se faisait dans la douceur de la sérénité éternelle, comme dans les moments où l’on fume à la pipe la bonne herbe des sous-bois. Cette herbe que l’on récolte tous ensemble près du trou aux fées où elle pousse en touffe épaisse ne souhaitant que se faire cueillir et sécher et fumer. C’était pareil, dans un état second après avoir fumé pendant une heure ou deux. Limite hallucinatoire. Il percute pourtant un objet de grande taille, le faisant tomber, reprendre quelqu’instant ces esprits et malgré tout repartir suivant comme attaché à une laisse la bonne odeur qui venait du néant. Et la pièce ne semblait pas se terminait, enfin avec ses petites pattes avec lesquelles il fallait faire cinq pas de lutin pour un pas d’homme, ça prend plus de temps. Mais les dimensions de la pièce étaient considérables. Il sentit que les murs se trouvaient plus proches de lui, empruntant un couloir vers un lieu que son imagination éteinte n’aurait su voir même un tout petit peu éveillée. Par contre, ici le sol était jonché de déchets, le faisant trébucher plus d’une fois, et à tâtons se relever pour repartir dans sa course délirante. Qu’est-ce qu’homme avait dissimulé à la vue de tous aussi profondément dans les sous sols de la tour, au creux de la terre. Si il avait eu une vision globale de la ville tant sur terraine que souterraine il aurait compris qu’il traversait par les souterrains la route et prenait un chemin de ronde creusé dans la terre qui débouchait directement dans les caves de l’ancien château où se tenait en temps de siège une garnison prête à fondre sur l’ennemi ayant parvenu à passer le premier mur d’enceinte, tout cela ne se voit plus, la partie aérienne de la ville se trouvant en lambeaux. Mais avant de survenir au niveau du château on arrivait sur la tour de guet est celle qui regardait la mer et ça devait être à peu de chose sa destination bien qu’on ne vît rien. Hutcha sautait au dessus des décombres se jouant de l’obscurité quand un pantin articulé par cette chaleureuse odeur venue d’un autre temps. Penser bien que s’il devait combattre la chose qui l’envoutait à l’heure actuelle, il serait bien en peine par ces propres forces car les émanations de puissance qu’un être averti pourrait ressentir, traduisait un personnage de qualité et pas des moindres dans la manipulation des énergies spirituelles et naturelles. A ce stade de l’avancée des choses pour le pauvre petit lutin, surnommé parfois par ces pairs nabots, le lecteur se doit de s’inquiéter sérieusement de l’issu de cette exploration forcée d’où on ne vient rien. Pris dans les griffes d’une odeur tranquillisante et inhibitrice de volonté, Hutcha n’a guère de chance de s’en sortir sans l’aide extérieure de la chance. A se figurer, un être si petit, sorti juste de sa forêt, combattre contre une monstruosité sortie des ténèbres ? Non,non,non ce n’est pas imaginable. Et pourtant la suite verra comment il s’en sortit. Planant à deux milles lieux de là, entre réalité et douces rêveries, le lutin continue sa course et comme il est descendu, cela remonte, 27 marches de nouveaux pour rejoindre le premier niveau de la cave, enfin d’une cave. L’odeur l’entraîne à droite maintenant, il enjambe une porte tombée, les restes de la porte, et brusquement les choses se font plus, l’odeur évanouit et Hutcha tiré de sa rêverie. La pièce est exsangue et éclairée par un puits de lumière et le jeu de deux trois miroirs allumant ces lieux plongés dans le silence et l’obscurité. Une table est dressée, avec un cierge éteint et un livre intacte à l’agression du temps. Ce livre Hutcha ne saura pas le lire, écrit dans une langue aujourd’hui inusitée.
« Qu’est ce que je fais là et comment j’y suis arrivé ? »
Le mystère de ce déplacement était total pour le petit lutin malicieux.
« Par Rana, protège moi et offre moi la chance de revoir le jour et sa lumière dès aujourd’hui, Zewer » Ne sachant plus trop lequel de ces dieux prier. Il regarde à travers le puits de lumière et ne parvient pas à voir à quoi correspond l’autre bout.
« Affronte moi et ce que tu désirais en entrant en ces lieux te sera donner. »
Bondissant de tout part, Hutcha s’affole légèrement ne voyant pas qui il aurait pu rencontrer ici hormis la mort elle-même et ses sbires fantomatiques. Le lutin se jette dans un coin pour éviter le plus de lumière possible et se cacher le temps que cette chose passe et l’oublie.
« Affronte moi et tu seras libre et riche de ce que tu désirais. »
Tétanisé, accolé au mur poisseux (Poisseux, mais je suis où !!!), ses yeux cherchaient dans cette lumière la source des sons.
« Mais...mais mais...mais euh…Moi je suis pas là pour me battre, j’allais même, j’allais même partir… » « Affronte moi et tu seras libre de t’en retourner. » « Et sinon… ? » « Affronte moi et tu n’auras pas à souffrir ton éternité emmuré ici avec les anciens de Nayssan. » « Mais euh…je ne sais pas si vous pouvez voir mais je suis tout petit moi, je fais pas de bruit, je ne mange pas grand-chose et je ne fais pas grand mal » « Affronte moi et ta liberté te sera rendu » « Mais jamais je ne pourrai »
La voix était calme et simple tout le long de cette échange, aucune agressivité ne se faisait ressentir dans les tons caverneux émanant de chaque pierre de cette cellule.
« Affronte-moi ! »
Une auréole enflammée surgit du néant pris sa forme définitive de disque de feu et s’élança dans le coin qui détenait le lutin. Les yeux écarquillés par l’horreur à venir, se signant de tout ce qu’il connaissait comme signe de protection des maléfices magiques du feu, tétanisé par la fin carbonisée qui l’attendait…Il bafouilla quelques mots agitant sa baguette d’églantier pour conjurer la flamme qui approchait très,très rapidement. Les mots ne traduisent que mal l’agitation qui régnait au sein de la pièce et la peur qu’Hutcha éprouvait mais tout cela était bien réel dans des proportions dix à vingts fois plus intenses que ce qui se relatent ici.
« Szargrnjzageaeoifoa »
L’anneau devint rouge de la couleur de la couronne enflammée. Un écran de protection se dessinât devant le lutin déviant l’attaque de justesse.
(Ah il sert à ça cet anneau…Il peut dévier les attaques…ouf)
Son cœur microscopique battait à tout rompre, la sueur goutait effroyablement de tous ses pores et l’aveuglait par moment. Cela l’avait drôlement affaibli tout de même, l’anneau pour se manifester et activer ses pouvoir avaient puisé directement dans l’énergie vitale du lutin, réduisant son énergie.
" Attaque moi,attaque moi,attaque moi, attaque moi… "
La voix résonnait misérablement ainsi prise dans l’étau d’une folie hystérique transformant les mots en des bouillies de sons inintelligibles, des traits de démence parcourraient les airs qui se troublaient alors. Hutcha agita alors sa baguette misérable d’églantier cueilli il y a bien longtemps par son maître qui l’avait enchanté aux mélodies de la magie de la terre, pour que ce simple bâtonnet d’églantier soit transmetteur de magie, pour que l’apprenti puisse se servir de ce frêle bâton comme d’une défense. L’incantation de fabrication du bâton avait duré deux jours entiers où il avait du veillé sur son maître psalmodiant. Ce moment fut une de ses épreuves pour s’accomplir géomancien apprenti. Les lutins ne voient la magie que comme un sacrifice de soi, un très grand sacrifice, contre lequel la Nature octroie à sa guise, en échange, un peu de ses pouvoirs. Ce bâton fut la première étape pour Hutcha dans le maniement de la magie. La première prise de conscience que cela était bien plus puissant que lui et que jamais il n’aimerait réellement en usé. Agitant son églantine face à lui en répétant les rituels d’émanation des forces de la terre, se forma un cercle à son tour, arborant toutes les couleurs que la terre de la forêt peut revêtir, ce cercle s’agrandit un peu, la volonté d’Hutcha totalement bandé vers la réussite de ce sort, dans un état de quasi transe, les yeux révulsés et convulsant lui-même, le cercle prit une intensité nouvelle et en sortie des milliers de dards, fruit de la réussite de son sort poudres cristallines. Les morceaux de terre projetés jaillirent en tous sens cognant sur chaque paroi, un alors fracassé le deuxième miroir du puits de lumière atténuant la lumière qui difficilement pénétrait la pièce. Et le vide d’un coup, la présence qui était palpable une seconde auparavant avait disparu. Une quiétude régnait à présent dans la pièce, le cierge s’était allumé, le livre refermé, et la lumière fusait dans tous les couloirs comme si les maîtres du château était revenu et faisait l’inspection de la bonne marche des choses en leur demeure. Sur la table apparut aussi un poignard, au manche adapté à la petite taille de la main du lutin, la lame allait en ondulant et possédait un file des plus tranchant, sur la lame encore on pouvait lire qui brillait une inscription elfique qu’il ne sut déchiffrer, le manche finement travaillé. L’épreuve n’avait pas été de réussir le sort, bien que cela, en fait, en constitua une tout de même, mais il avait fallut transcender ce corps si faible, faire taire la peur, réveiller l’anneau, et Hutcha avait beaucoup joué dans son inconscient, à tout cela. Maintenant savoir la nature de la rencontre, de l’être qui l’avait amené jusqu’ici, le pourquoi de cet affrontement éclair, on ne pourrait avancer d’hypothèses qu’erronées et fantasques. La lame devait avoir une existence magique mais ces caractéristiques ne pourraient se deviner comme ça, surement il faudrait la montrer et interroger des personnes compétentes en ce domaine.
Hutcha convulsait encore.Une voix dans le lointain se mit à parler et à le rassurer.
"Calme toi petit lutin, tu as accompli ce à quoi Zewer t'avait taché, tu as réussi plus que tu ne pourrais le savoir et le comprendre, va en paix, tu as ma bénédiction...Repose toi en ces ruines et savoures les splendeurs passées car il n'est pas dit que tu ta tâche est accomplie totalement, d'autres sorts se joueront peut-être pour toi encore ici. Repose toi Hutcha d'Ellaientharbra!"
_________________ Hutcha, le lutin nabot
---------------------------Niveau 2--------------------------- En passe de se faire mettre en charpies
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