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Je me détachai d’elle avant de secouer ma main pour lui dire au revoir, je me retournai vers la porte, celle qui était censée s’ouvrir sur les réponses à mes questions. J’attendais ce moment depuis si longtemps, qu’une larme coula sur ma joue, la nettoyant, la purifiant avant d’entrer. Je fermai les yeux, posai ma main sur la porte, appuyai légèrement et entendit un grincement à réveiller un mort. Ce bruit inattendu me fit sursauter, m’éloignant de la porte comme si j’avais vu Thimoros derrière. Je tentai de reprendre une contenance, attendant une remarque de la part de Nad’, mais je n’entendis que le néant. Elle était donc partie. Je revins donc près de la porte, me reconcentrai et fis le vide autour de moi. Un, deux, trois. Un, deux, trois. Inspiration. Expiration.
Je poussai la porte, sans m’enfuir cette fois, malgré le bruit atroce qu’elle faisait. Ce qu’il y avait derrière m’étonna…en effet, la porte ne donnait pas sur la masure que j’avais vue, mais sur un escalier sombre et décrépi. La décoration la plus chaleureuse possible.
La crypte devant moi m’arracha un frisson. Glauque, sombre, oppressante, sans vie, elle était faite de la même pierre sombre que les escaliers, et était éclairée de la même lumière blafarde. Et pour faire un peu plus accueillant, il y avait des crânes, des ossements en guise de décorations. Mon regard se figea enfin sur l’autel, l’élément qui était le plus mis en valeur par la pièce, et sa statue de corbeau aux yeux rouge brillant, juste magnifique. Ce que je deviendrais serait aussi majestueux que cette statue, ce corbeau figé dans la pierre. Je m’approchai de lui, voulant le toucher…ma main passa sur la pierre dure, froide et implacable. Je caressai l’oiseau, songeant à mon futur, quand une voix m’interrompit.
- « Que faites-vous ici ? »
Une voix caverneuse, sombre, qui me fit sursauter à nouveau. Mon corps se raidit, et je me retournai pour voir un homme…s’il l’était toujours. Un homme à la peau jaunâtre, avec de longs cheveux blancs, squelettique, me fixait de ses yeux sombres, sondant mon regard, sondant mon âme. Personne ne douterait de son identité, étant une incarnation de la mort elle-même.
- « Je suis venue trouver le Prêtre de mon dieu, pour lui poser quelques questions, mais vous semblez m’avoir trouvée en premier. » répondis-je en baissant ma capuche.
- « Ren ? C’est toi ? » murmura le Prêtre.
- « Pardon ? » demandai-je, choquée.
- « Oh…pardonne-moi, petite. Je croyais que tu étais une vieille, ancienne connaissance. Elle n’a jamais su vieillir, alors…d’ailleurs tu lui ressembles, la connais-tu ? » expliqua-t-il.
- « En fait…si vous parlez de Ren de Fanilys, alors c’est ma mère. » souriai-je.
Il sembla me regarder de plus près, avant d’écarquiller les yeux.
- « Tu es bien sa fille, oui. Tu as ses traits, ses cheveux, et aussi ceux de ton père, Hakuryu. Bien, petite. Comment va ta mère ? » m’interrogea-t-il.
- « Elle est morte. » annonçai-je, sans détour.
- « Ah, elle est donc partie avec lui, hein ? Elle doit se plaire là-bas…quoiqu’il en soit, je t’écoute. Tu avais une requête ? » se rappela-t-il.
Ce qui était ma raison de vivre depuis toute petite allait enfin prendre une toute nouvelle direction. Enfin.
- « Oui. Je voudrais savoir ou pourrais-je rencontrer les Lords Nécromants. » demandai-je, pendue à ses lèvres.
Cette question, pourtant posée le plus sérieusement du monde, fit rire le Prêtre aux éclats, son rire terrifiant amplifié par la caverne.
- « Mais enfin, les Lords n’existent plus depuis des milliers d'années ! » rit-il.
Sa réponse me figea. Les gens pour lesquels j’avais vécu depuis des années, pour lesquels j’avais recouvert ma liberté à mes risques et périls, pour lesquels je me suis toujours battue, allant jusqu’à effectuer les plus sales besognes, n’existaient pas.
Ma raison de vivre n’existait plus.
Sans raison de vivre, qu’étais-je donc ?
Une chimère ?
Une fois que le Prêtre se calma, il reprit la parole.
- « Petite…ils n’existent peut-être plus, mais je crois que tu devrais rencontrer quelqu’un. » dit-il.
J’avais confiance en lui, mais…pourquoi ? Mon rêve était brisé, détruit, mort. Je n’avais plus de raison de continuer dans ce sens, pourquoi continuer ma vie ?
- « Pourquoi ? » demandai-je.
- « Parce qu’ils ont un rapport avec ceux que tu cherchais. Ce sont leurs descendants. Normalement, Mérilian est à Darhàm en ce moment…Et si tu allais les rencontrer ? Dis-leur que tu viens de ma part. Tu les trouveras du côté de la boutique de magie, elle m’avait dit qu’ils comptaient faire des achats. » répondit-il.
Mon but n’était pas si détruit au final. Autant aller voir, ça ne coûtait rien. Je remerciai le Prêtre du regard, remit la capuche sur ma tête et entreprit de sortir de la crique.
- « Attends ! » m’arrêta le Prêtre.
Je me retournai, l’interrogeant du regard.
- « Tu ressembles vraiment à ta mère. » dit-il d’un ton bourru.
Je lui souris, le saluai-je, et sortit vite de la Crypte, vers la boutique de Magie.
"Le corbeau, en apprenant la vérité, A vu son rêve se briser. Cependant, le rêve brisé, Va bientôt revenir dans le cœur de celle qui l’a abrité."
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