J'ai voyagé dans bien des endroits et de bien des manières, mais je dois avouer que devenir une ombre c'est une première. Je ne sais pas vraiment comment décrire ce que ça fait tant le voyage est rapide. J'ai à peine le temps de me rendre compte de ce qui vient de se passer que nous sommes déjà arrivés et que Thensoor a déjà disparu. Le squelette ambulant m'a largué sans aucune explications dans une pièce qui ma rappelle étrangement la salle lumineuse du bagne, mais qui me laisse l'étrange sensation de ne pas toucher le sol. Je le sens pourtant. Je sais pertinemment que mes pieds touchent quelque chose, mais je n'arrive pas à me départir de cette sensation étrange que je peux basculer dans le vide à tout moment.

D'ailleurs en parlant de vide...Quand j'ai demandé à en apprendre plus, Thensoor semblait assez sûr de lui quand à la destination, pourtant, dans cette salle il n'y a rien d'autre qu'une sorte de maquette. Relativement bien faite cela dit. Mais quand je demandais à en apprendre plus, je pensais rencontrer d'autres personnes pour leur poser des questions. Pourtant, je ne crois pas que l'archi-sorcier soit stupide. Pour que j'en sache plus sur la géographie de ce monde, une simple carte sur un parchemin m'aurait suffit, mais c'est ici qu'il a décidé de m’amener.

Alors oui cette carte est d'un réalisme impressionnant, oui elle semble montrer ce qui se passe en temps réel si j'en crois la masse sombre à l'est de ce qui semble être Esseroth, mais il doit y'avoir quelque chose de plus. Je le sens, j'en suis sûr. D'ailleurs, je n'ai fait que le supposer depuis tout à l'heure mais...qui me dit que je suis réellement seul ici ? J'ai rencontré un créature bizarre qui a arrêté le temps pour me donner un sifflet et un homme avec la troche d'un mort-vivant capable de se fondre dans les ombres...Alors une personne invisible n'aurait strictement rien d'étonnant...

Dans le doute, autant vérifier. Et puis, si je suis bel et bien seul, personne ne pourra me trouver ridicule de parler dans le vide, je n'ai donc rien à craindre au final.

"Hey, il y a quelqu'un ?"

Rien. Aucune réponse. Pas le moindre mot. Rien. Et pourtant, pourtant, je suis maintenant sûr qu'il y a quelqu'un, sûr que mon intuition ne m'a pas trompé, sûr que je ne suis pas seul ici. J'en suis persuadé. D'une certaine manière et sans vraiment savoir pourquoi, je me sens rassuré, mais également légèrement énervé. Je ne sais pas pourquoi cette ou ces personne refusent de se montrer, mais je n'aime pas vraiment être ignoré de la sorte.

Enfin, je les comprends. Voir un inconnu débarquer n'a sans doute rien de rassurant. Mais je dois établir le contact, J'ai besoin d'aide, pour que je puisse aider ce monde à mon tour.

D'une voix calme je décide de parler dans le vide à nouveau, ne sachant pas vraiment dans quelle direction me tourner.

"Je sais que vous êtes là. Si vous êtes timides, je vous assure que vous n'avez rien à craindre. Si vous avez peur, je suis prêt à déposer les armes. Si vous n'avez tout simplement pas envie de vous montrer, je peux le comprendre. Mais répondez, ne me laissez pas dans le flou. Je veux aider votre monde et c'est dans ce but que je suis venu ici. Sauf que je ne suis qu'un pauvre archer venu d'un autre monde, je ne peux rien faire tout seul. Aidez-moi pour que je puisse vous aider en retour!"

Je fais tout mon possible pour rassurer mon ou mes interlocuteurs. Je leur parle en toute honnêteté, ce que je n'ai pas fait depuis un certain temps. J'espère vraiment qu'ils vont se montrer.

Personne ne se montre, mais des mots sont prononcés. Des mots dont je n'arrive pas à cerner la provenance. De mon esprit ou des alentours, de la bouche de celle d'une femme ou de celle d'un homme, je n'en sais rien. Mais des mots sont prononcés...Le seul réel souci, c'est qu'il ne m'apportent aucune réponse. Je n'ai le droit qu'à d'autres questions, encore ce qui me fait me poser d'autre questions, qui me fait réaliser des choses sur cet endroit.

Cette lumière environnante, cette présence omniprésente, cette voix qui semble sortir avec force de ma propre tête, ce manque de réponse clair...J'ai l'impression d'être plongé dans mon propre esprit. Baigné dans mes fluides à discuter avec mon propre subconscient...Mais comment le prouver et surtout, comment trouver de l'aide ici ? Si je suis en train de me parler à moi-même, comment puis-je trouver la moindre réponse sur ce monde et sur le moyen de le sauver ?

Bah au moins, je peux peut-être en apprendre plus sur moi-même...C'est donc dans cet esprit que je poursuis la discussion avec mon interlocuteur, qui qu'il soit.

" Pourquoi je me bats ? Pour être honnête, avant tout pour moi-même, un peu comme une vendetta personnelle, pour trouver d'une certaine manière, qui je suis vraiment. Mais aussi pour les Esserothéens, que j'ai vu se battre avec un courage sans faille. Certes, les monde changent et évoluent, mais seul les habitants d'Aliaenon devraient pouvoir décider du sort d'Aliaenon. Personne d'extérieur ne devrait pouvoir influer sur le destin de ce monde, que ce soit les Armées d'Oaxaca où celle d'Oranan. Je demande de l'aide pour..."

Je dois bien choisir mes mots avant de continuer. Les choix que je peux faire ici risque de changer pas mal de choses.

"...pour qu'Aliaenon retrouve sa liberté. Pour que ses habitants vivent comme ils le désirent. Pour qu'ils continuent d'ignorer le terrible fléau qu'est la guerre. Alors je vous en prie...aidez-moi."

Maintenant ce dont je suis sûr, c'est que je ne suis pas vraiment bon pour ce qui est d'argumenter. Les propos de la voix ne me laissent pas vraiment de quoi répliquer, mais au moins me laisse-t-elle répondre. Finies les explications, il est temps de poser des questions claires et concises, d'obtenir des réponses. Peu importe où je suis et avec qui je parle, je suis venu ici pour obtenir de l'aide, pas pour perdre plus de temps à discuter.

"Vous avez raison, je ne peux définitivement pas vous contredire. Donc venons en au fait. Je suis ici pour obtenir de l'aide, sous forme de renseignements. Où puis-je trouver des gens aptes à se battre contre les armées d'Oaxaca ? Où le gros des forces se trouve-t-il ? Où se trouve le fluide par lequel ils débarquent ? Voilà le genre d'information dont j'ai besoin. Tout ce qui pourra m'aider à organiser la contre attaque...d'une certaine manière."

Je ne suis pas certain de pouvoir organiser cette contre attaque moi-même. Mais il faudra bien que j'essaye.

Cette voix commence un peu à me gonfler et je me demande vraiment pourquoi le squelette m'a amené ici. Premièrement, la voix se fout de ma gueule sans que je ne comprenne vraiment pourquoi. Deuxièmement, elle réponds à quelques unes de mes question sans vraiment y répondre et je me retrouve avec à peine plus de renseignement qu'avant. Troisièmement, elle me dit, si j'essaye de résumer les choses...de me démerder.

" Un squelette m'a amené ici pour que j'en apprenne plus sur votre monde et j'ai la curieuse impression que vous vous foutez de moi, que vous jouez avec moi. Alors oui, je ne pose peut-être pas les bonnes questions, mais jamais au grand jamais je ne suis venu ici dans l'espoir que vous débarrassiez le monde d'Oaxaca. Je sais comment tuer un verdâtre, je sais, en théorie, comment gagner une guerre, mais je sais aussi reconnaitre quelqu'un qui se moque de moi."

Il faut que je m'efforce de rester calme...

"Mais soit, recommençons depuis le début. Je vais vous poser des questions simples et j'attends de vous des réponses claires et précises...juste pour voir si vous en êtes capables et voir si on peut s'entendre. Pour commencer, comme je l'ai dit, deux questions faciles: Qui êtes-vous et où suis-je ?"

Et les réponses claires que j'attendais sont aussi limpides que surprenantes. Une seule réponse pour mes deux questions, une réponse que peu de gens arriverait à croire. Je suis en train de converser avec l'équivalent Aliaéronien de Zewen. Pour pousser le surprenant encore plus loin, je suis même dans son esprit...J'ai en quelque sorte fusionné avec lui, j'ai fusionné avec un dieu!

Je ne sais pas vraiment quoi dire pour le moment, je ne sais même plus quelle question poser...quoique. A écouter les dires de celui qui se fait appeler le Sans-Visage une question me vient. Une simple et unique question qui m'a l'air d'être en totale contradiction avec ce que le divin m'a dit juste avant. Mais maintenant que je sais à qui j'ai à faire, j'ai une légère appréhension, mais bon, converser avec l'esprit même d'un dieu n'est pas donné à tout le monde, alors autant en profiter.

" Une question me vient monsieur le divin. Croyez-vous que se faire massacrer par Oaxaca fasse partie des attentes de ceux que vous avez créés ? N'entendez-vous pas les prières de ceux qui s'apprêtent à passer au fil de l'épée des garzoks ? Je ne porte pas de jugement, je cherche à comprendre."

Je ne sais pas à quoi peut bien ressembler un dialogue avec Gaïa ou Yuimen sur mon monde, mais ici c'est assez amusant d'une certaine manière. Il faudra que je tente le coup sur Yuimen pour comparer quand je serai rentré...si je rentre. Parce que oui, le Divin me permet de partir vers l'endroit de mon choix et je sais où je veux aller. Je sais ce que je dois faire et je sais aussi que j'ai de forte chance d'y laisser ma peau. Mais une dernière petite idée traverse mon esprit, ou plutôt une envie que j'ose à peine soumettre à l'Unique.

"Merci pour tout Monsieur le Sans-Visage. Je n'ai pas eu autant de renseignements que voulu, mais au moins je sais où je dois aller et ce que je dois faire. Par contre, si je peux me permettre d'abuser de votre bienveillance une dernière fois, j'aimerais vous demander un petit service supplémentaire si cela ne vous dérange pas. J'aimerais que vous préveniez Xel, un aventurier de Yuimen et Glanae, une Esserothéenne, que je suis toujours en vie et que je vais essayer de renverser le cour de la guerre en m'attaquant à la racine du mal, à Eslcar'Olth. Car oui, c'est là bas que j'aimerais atterrir si possible. Et si possible sans que personne ne me voit."

Je me demande si j'en ai pas demandé un peu trop. Il faut que j'en rajoute pour ne pas paraitre trop grossier. Je suis quand même en train de parler à un dieu.

"Après si ce n'est pas possible ce n'est pas grave, le voyage est déjà plus que suffisant."