| Alors que la vision prend fin, je me rends compte que les bruits qui venaient du bas des escaliers sont de plus en plus proches et en jetant un œil, je constate que la source de ces derniers est visible. Encore une. Encore une bordel! Encore une créature dégueulasse loin de tout ce que les auteurs les plus fous et prolixes pourraient imaginer. Une immondice qui n'a rien de naturel. Une ignominie qui devait être humaine dans le passé. Enfin...pures spéculations, parce que la chose n'a d'humain que l'aspect général. Une peau grise comme l'acier, déchirée par endroit, laissant apparaitre des muscles à vif. Des muscles puissants qui permettent sans aucun doute à la chose de manier l'énorme hache qu'elle trimballe. Une arme que le plus fort des bourreaux utiliserait à deux mains, comme n'importe quel être normalement constitué. Mais justement, la normalité n'est pas de mise ici. Pas sur ce monde et encore moins dans cette foutue tour. Car oui, cette peau grise, cette force qui semble hors du commun ou le pagne visiblement cousu à même la peau sont encore ce qu'il y a de plus banal chez cette bestiole si je puis dire. 
 Son visage est caché par un masque de fer poli, m'empêchant de voir un quelconque détail et de ce fait, je me demande justement comment la chose fait pour se diriger. Pas d'yeux pour voir où elle met les pieds, pas de nez pour se guider comme le ferait un chien, une bouche à peine visible, rien de tout ça. Je ne distingue même pas d'oreilles qui lui permettraient de se repérer au son. Non, absolument rien. La tête de la créature et la manière dont elle arrive à se repérer sont un véritable mystère. Une énigme, mais pas de celle que l'on pose aux enfants pour qu'ils s'amusent à se triturer les méninges et trouver la solution, non. Une énigme dont la réponse n'a au final que peut d'intérêt tant le cheminement pour la trouver est mortel. Savoir et risquer de mourir, courir et survivre, le choix est vite fait. Car oui, si je m'approche dans l'état actuel des choses, je suis certain d'y laisser la vie. Non pas à cause de la hache, ni à cause de la forte musculature de la bestiole mais bien à cause d'un dernier "détail". Un détail...surprenant. Un détail qui a lui seul, rend la chose grotesque, effrayante, dangereuse. Son bras droit.
 
 Enfin je peux appeler ça un bras uniquement parce que ce truc est relié à l'épaule de l'engeance qui se tient plus bas. Complètement difforme, le membre ne ressemble à rien de tout ce que j'ai pu croiser. Constitué de muscles à vif encore plus puissant que ceux du reste du corps, de tentacules de chair semblables à une anémone de mer en décomposition et d'une excroissance osseuse, longue et pointue comme un sabre, cet engin de mort me fait frémir. A côté mes bras mécanique, bien que définitivement plus esthétiques, font bien pâle figure. Je n'ai absolument pas envie de me frotter à cette chose et je n'ai définitivement pas envie d'y prêter plus d'attention. Je dois vite me barrer, décamper ou tout autre chose impliquant le fait de ne pas rester dans les parages une seconde de plus.
 
 Ne sachant pas encore si le monstre m'a repéré, j'essaye de gravir les escaliers discrètement, me tenant prêt à courir au moindre signe de réelle hostilité. Arbalète chargée dans la main gauche, pierre bleue de communication dans la droite, je gravis lentement les marches une à une tout en jetant de temps en temps un regard en bas. Je ne suis pas dans la meilleure des situations, mais depuis que j'ai trouvé ce caillou magique, je ne suis plus dans la merde jusqu'au cou...jusqu'aux genoux dirons-nous. Le seul hic, c'est que je vais m'adresser à quelqu'un qui ne me connait pas, dont je ne connais pas la personnalité, les réactions, et que je ne peux pas me permettre de lui expliquer la situation en profondeur. Je vais devoir choisir mes mots avec soin pour qu'il accepte de transmettre mon message à l'archi-squelette. Surtout que je dois aussi transmettre à Thensoor le plus de détail possible pour qu'il n'ait pas trop de problèmes à me retrouver. De ce fait, je m'enfonce dans la merde jusqu'à la taille maintenant. Mais la situation n'est pas insoluble. Je réfléchis quelque instants et essaye de lister les infos primordiales. Mon nom, le lieu, ma nouvelle apparence et un très vague résumé de la situation. Et bien allons-y!
 
 Ne sachant pas à quoi ressemble la personne qui détient la pierre, j'essaye de visualiser l'endroit où elle se trouve pour ne pas me tromper de destinataire. Puis, jetant un dernier regard à la créature, espérant que mon hypothèse sur ses oreilles soit correcte, je délivre mon message.
 
 "Je suis Karz, un ami de Thensoor. J'ai besoin qu'il vienne comme convenu, me chercher à la tour d'Orsan. Je suis désormais blond, les yeux noirs avec des bras en métal. La situation est critique. Transmettez mon message s'il vous plait. Merci."
 
 Maintenant, je n'ai plus qu'à attendre une réponse ou directement un apparition de mon cher ami squelettique adepte des ombres. J'espère vraiment que celui à qui j'ai envoyé le message n'est pas un trou du cul à la cervelle de Bouloum, sinon je suis très clairement fait comme un rat. Tout ce qu'il me reste à faire en attendant, c'est d'échapper à mon nouvel ami le plus longtemps possible. De survivre comme j'avais si bien réussi à le faire jusqu'à mon voyage dans le désert. De courir, me cacher, ruser et ne pas me faire attraper jusqu'à que les secours arrivent, que la mort surviennent où que je croise la route d'une autre immondice difforme et flippante. Car oui...je suppose que celle qui me suit doit bien avoir quelques amis. Des amis chaleureux, accueillants. Des amis avec qui elle doit partager des tas de centres d'intérêt comme le massacre, l'éviscération, la boucherie. Ou le tricot qui sait ? Pas moi et je n'ai absolument pas envie de le découvrir.
 
 [ 1016 mots, Message à Azra 42 mots]
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 Car celui qui aujourd'hui répand son sang avec le mien,sera mon frère. - William Shakespeare 
 
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