La force n’avait jamais été un de mes points fort, j’en étais conscient mais cependant je ne pus que râler de nouveau après ma faiblesse relative lorsque celle-ci était incapable de faire bouger ne serait ce que d’un millième de mètre cette satanée porte. C’est qu’elle était massive en plus, et rien à faire, je n’arrivais pas à mouvoir ce gigantisme rocailleux. Et pour tout aide, je ne pus entendre que grincer justement les dents de Jena. Je n’avais pas été des plus conciliants avec ma partenaire et elle me renvoyait justement l’ascenseur. C’est sans surprise que dans mon dos, déjà fourbu par l’effort, j’entendis cette remarque acerbe voler vers mon être :
« Mon aide ? Serais-je une personne ‘compétente’, jeune guérisseur ? Peut-être est-ce là mon devoir, celui que je ne dois pas accomplir selon vos mots… »
( Ne soyez pas stupide, Jena ! Je vous admire mais il faut maintenant avancer et faire preuve d’un peu plus de courage que de couardise. Trop de morts sont sur nos consciences, je ne peux plus me permettre de me laisser aller à mes pulsions froussardes au mépris de l’avancée de toute une équipée… Il faut être soudé !)
Et comme une harmonisation à mes pensées, s’accordant tel un violon à son orchestre, Jena finit par ajouter avec une voix plus douce et plus responsable :
« Erfandir… Cessons ce petit jeu, il ne nous mènera nulle part. Je n’approuve pas toutes vos actions, et vous n’approuvez pas certaines des miennes, voilà, c’est dit, et il est inutile de créer des tensions autour de ça… Nous n’en avons pas besoin. Allons, laissez-moi faire… »
( Voilà enfin des paroles censées ! Avançons quelque soit nos différents. Nous avons le même but et cela ne serait que perte de temps que de se chamailler avant le grand dénouement.)
Et une nouvelle fois, telle la grammaire orthographique, nous conjuguions nos efforts pour ouvrir en grand ce gigantesque panneau. Et la stratégie lancière de Jena fut une nouvelle fois payante bien que la structure interne de l’arme soit à mon avis très affectée. Cependant, avec mon aide, il ne nous faut que quelques secondes pour ouvrir avec ce levier de fortune , la porte dans un concert étonnant de grincement en tout genre. Nous voilà arrivé !
Et là, surprise, nous découvrions un gigantisme absolu, une scène à couper le souffle. J’en restais bouche bée quelques secondes avant de pouvoir ne serait ce que bouger ou penser. C’était époustouflant, la salle était quasiment aussi grande que la citadelle elle-même, du moins j’en avais l’impression.
Devant nous s’étendait la plus grande salle que mes yeux aient jamais pu voir, une voûte d’une grandeur incommensurable. De plus, l’endroit était beau, parcouru d’une lumière douce et mystérieuse, comme cadre d’un événement trop secret pour être révélé. Ce lieu aiguisait ma curiosité et ma détermination, ce serait le parfait théâtre pour la mort du nécromant… Ou la mienne.
( C’est splendide, il n’y vraiment qu’à accepter sa petitesse face à une si belle merveille architecturale… On aura beau dire, le maître des lieux a bon goût !)
« Entrons , Jena ! Ce lieu est magnifique, mais restons sur nos gardes. » [/color]
Et sur ce, je me décidais enfin à traverser la porte, déjà grande, pour entrer dans cette pièce irréelle. C’était un gigantesque cercle monté d’un dôme magistral. Ce dernier était tellement haut que je n’en pouvais voir le bout, même en plissant les yeux. Seule une brume bleuâtre était visible depuis ma position, insecte insignifiant face à cette immensité. Et ce ne fut qu’un choc de plus lorsque je vis la taille du terre plein, des marches et des cercles cylindriques qui menait vers la pièce. Il aurait presque fallu courir de bonnes minutes pour traverser cette salle. Plusieurs fois ma maison se logeait au creux de ce foyer mystérieux. Il était tout bonnement inconcevable d’imaginer pareil gigantisme.
( Cette pièce est un lieu de réunion… Elle est si grande, il y a tant de portes… Mais une réunion pour quoi ? )
Je fis alors le tour des portes ci-dessus mentionnés, toute aussi grande les unes que les autres, semblables à celle que nous venions de franchir. A chaque entrée, j’avisais avec espoir d’un petit groupe, reste immaculé de notre expédition, sans succès. Nous avions abandonné l’Aigle et ses aventuriers, et j’espérais vivement en revoir certains avant la fin de tout ceci. Du moins, avant que je passe de vie à trépas. La drague rigolote du marin blond et la pertinence des réflexions d’Angharad me manquait, c’était une certitude, mais je ne pouvais montrer de tels sentiments en ces lieux. Je ne les connaissais que depuis peu, il ne fallait pas s’y attacher aussi tendrement.
Pour penser à autre chose, je continuai mon inspection, longue, de ce lieu si phénoménale. ET je découvris que face à nous, à l’exact opposé de notre entrée, il y avait une sorte de passage intemporelle, comme un vortex improbable. Une sorte de typhon sans force qui me rappelait étrangement les soupes de choux noirs de ma grand-mère. Cependant, je sentais mes fluides m’alertant de la concentration magique d’une telle entité. Il fallait donc rester sur ses gardes face à un tel phénomène. En parlant de phénomène, il était aussi très impressionnant de voir la disposition de cette salle, tournée vers son centre. Pour y aller, il y avait des marches hautes comme moi et des distances faramineuses. En son centre, une sorte de cercle mouvant, imperturbable à l’extérieur, je ne comprenais pas ce que c’était, ni son mécanisme, ni son but.
Mais je ne pus me concentrer davantage sur la salle car à mes côtés je sentis une crispation certaine de ma partenaire. Qu’avait elle vu pour réagir ainsi, elle , l’impassible ? Je me tournais dans l’alignement de ses yeux pour découvrir à quelques mètres de nous , un cadavre. Et pas n’importe lequel, c’était tout bonnement le père de Jena, le chef de notre expédition, Perth Longargent, qui gisait là dans son sang. Il semblait plus mort que vif et l’état de charpies de son corps me confirma ce point. Il n’y avait pour lui plus aucun espoir de retour. Il resterait ici, à jamais.
Ma partenaire hurle de douleur et se précipite vers le corps, rageant d’une colère sourde et d’une fureur sans égale. Moi-même , je sentis mon cœur se serré en voyant l’état de ce misérable. Une mort de plus que je n’avais pas pu éviter, un ami de plus que j’avais perdu. Mes dents grincèrent tandis que la fureur emplissait mes yeux. La marionnettiste était allée trop loin et il fallait en finir. Les poings serrés, je m’approchais tendrement de Jena, ne la touchant pas, lui montrant simplement ma présence. Tentative sans doute infructueuse de réconfort mais malgré tout nécessaire.
Pendant que la guerrière craquait pour la première fois, ma fureur réveillée me faisait trépider, regardant partout à la recherche de l’être dont je voulais la mort. Il en avait trop fait, c’en était fini de ma sainte patience et de mon amour de la vie. Je voulais sentir sa peau arrachée sous mes ongles sanglants. Je n’avais qu’une envie : l’écharper.
( Montre-toi Marionnettiste, montre-toi ! )
J’avisais alors le centre de la pièce, toisant d’un regard froid les bulles tournantes sur ce plateau infini. L’une d’elles contenait le bateau noir, l’une d’elle était gigantesque. Je ne m’étonnais plus de rien, n’ayant plus l’esprit à m’émerveiller devant une quelconque démonstration de puissance runique. La seule chose que je voulais était le nécromant. La seule chose que je voulais était ma vengeance.
Et soudain, alors que mes yeux s’enfuyaient vers les volutes du plafond, je l’aperçus, trônant au dessus de son infernale machination, le sourire aux lèvres, satisfait de son œuvre.
( Te voilà…)
Je ne pus aucunement décrocher mes yeux de cet être désormais, comme fixé à cette vengeance tant attendue. Ma colère, mes émotions, mon courage remontèrent à travers mon corps, brulant ma gorge, injectant mes yeux. Je ne voulais plus me contenir et la vue de mon ennemi faisait rebondir cette fureur belliqueuse. Je n’avais aucune chance, mais je voulais tellement la mort de cet être que plus aucun raisonnement intelligent ne pouvait m’atteindre.
Le feu brûlant, la gorge sèche, je pose une main réconfortante sur Jena, signe d’une amitié désormais indestructible. Après cela, j’ajoutais avec une peine et une fureur palpable :
« Jena, il est là … Venez, finissons en ! »
Sur ces mots, j’avançais lentement jusqu’au abord de la première marche, gigantesque saut de l’ange. Tournant mes yeux vers l’ennemi et le pointant du doigt, je hurlai, écumant de colère, de rage, de fureur, je hurlai d’une voix de stentor, résonnant comme la foudre et le tonnerre, résonnant comme mon indescriptible haine, résonnant comme un appel à la mort :
« Nous sommes là, nécromant de malheur ! Nous sommes là… Viens et affronte ta mort ! »
[color=#FFFFBF]Je n’avais plus qu’à attendre, crosse à la main, ferveur dans l’autre, prêt à tout !
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Terminator des cours d'écoles ! Théurgiste en formation, prêt au combat ! Près de mourir !
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