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 Sujet du message: Chapitre 4: L'Echangeur
MessagePosté: Lun 3 Aoû 2009 21:17 
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L’eau salée de la mer monte en de violents remous des profondeurs de l’Echangeur, dont le pont se retrouve bientôt au niveau de l’océan dans lequel il est en train de sombrer… Les derniers liens le maintenant au Rubis Sanglant sont désormais rompus, et les cordes brisées munies de grappins restent plantées dans la coque, en souvenir de l’attaque pirate qui valut la vie à tout l’équipage, capitaine compris…

Tour à tour, chaque aventurier ayant juré allégeance à Tulorim enfile un masque de protection, ce fameux masque de survie prévu dans un rêve prophétique et nocturne qui est en train de se réaliser. Le drow, Ruméus, Mathis, Anarazel, Rosie et Hallena en haut de son mât, tous ont revêtu ce masque osseux pourvu d’un nez et d’une bouche féminine.

Et l’eau submerge le navire… Chacun peut en ressentir la pression, l’humidité, la force, mais parvient à y résister malgré tout. Vous vous maintenez en équilibre sur le pont, et ce malgré le tumulte marin vous entourant de toutes parts… En quelques secondes, l’entièreté du navire tulorain a été enseveli par l’océan, et le haut du grand-mât est lui aussi dans l’eau… Aussi étrange que ça puisse paraître, l’oiseau figé sur l’épaule d’Hallena ne semble pas prendre ombrage de l’eau vous cernant tous… Il reste stoïque, et, sans doute le plus curieux : vivant !

Quoi qu’il en soit, une fois submergé, le vaisseau au pavillon noir et blanc semble vouloir se mouvoir de sa volonté propre, ne suivant pas une trajectoire verticale comme tout bateau qui coule, mais se penchant vers l’avant, et avançant vivement, comme propulsé par une force invisible faisant gonfler ses voiles vers une destination inconnue…

Le voyage dure longtemps, un temps qui ne peut se mesurer, mais qui, selon vos sens, durerait entre 6 et 12 heures… et qui vous entraîne dans les profondeurs abyssales de l’océan, suivant une trajectoire rectiligne qui ne souffre pas de la moindre déviance. Animaux marins et autres plantes aquatiques, méduses et poissons, croisent votre route avec surprise… Mais le plus surprenant dans tout ça, c’est que, même lorsqu’aucune lumière n’est visible de la surface, les alentours du bateau semblent éclairés par une faible lueur blanchâtre, suffisante pour voir clair tout autour, à vue humaine.

Au terme de ce long et paisible voyage sans le moindre incident, une vision spectaculaire s’offre à la vue de tous : Une ville, une citadelle sous-marine, immense et inquiétante, qui semble être le point d’arrivée de votre voyage sous les mers…

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(Le voyage se fait en libre total, et vous pouvez pendant ce temps faire ce que bon vous semble pour la suite de l’aventure : Repos, entraînements, discussions avec les pnjs survivants, repas, observation de la faune et flore marine, affutage des armes, etc… Je m’occupe des réponses des PNJ. Vous avez jusqu’au vendredi 07/08, idéalement, pour faire tout ça.)

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 Sujet du message: Re: Chapitre 4: L'Echangeur
MessagePosté: Mar 4 Aoû 2009 16:46 
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Tout a débuté par un rêve, quoique cauchemar serait un terme plus approprié si l’on pense à ce visage mi-humain dont la calotte crânienne ressemble à une carapace de tortue, à cette voix sombre et à ce rire démoniaque, sans oublier ces prédictions de morts certaines.

Parce que le même cauchemar avait habité nos esprits simultanément, comme des pantins muent par des fils, nous avons suivi les directives de l’être malin. Au risque de ma vie, j’ai bravé le capitaine pirate, passé outre la défense de l’orque afin de m’approcher du coffre noir renfermant les fameux objets devant être les gages de notre survie, et sauté à pied joint dans un navire sur le point de couler.
Aveuglément, on a fait toutes ses actions, on a mis nos vies en péril sous prétexte qu’une voix dans nos rêves nous l’avait ordonné.

Et maintenant, encore une fois, grâce à ces images apparues dans notre tête, nous attendons la suite, debout sur le pont de l’Échangeur qui lui est en train de sombrer dans les profondeurs de l’océan. À la réflexion, je devrais plutôt dire à cause de celles-ci, puisque l’issue de cette aventure ne semble pas heureuse. Les apparences sont peut-être trompeuses, mais nous semblons voués à une mort certaine.
Ce visage osseux qui camoufle mes traits délicats deviendra-t-il un masque funéraire? L’Échangeur sera-t-il notre tombeau ? Cet être sombre s’est-il joué d’une centaine d’hommes dont une vingtaine d’aventuriers, seulement pour vérifier jusqu’où pourrait les mener leur cupidité ? Toutes ces manigances auraient pour but d'observer les humains, les elfes et les nains afin de constater ce qu'ils sont prêts à sacrifier pour obtenir un trésor ou pire encore pour la promesse d’un magot qui n’existe peut-être même pas ?

Les liens qui nous unissaient au Rubis-Sanglant sont désormais brisés, les éclairs déchirent le ciel, les nuages ne cessent de se vider et rageusement l’eau salée envahit rapidement le pont, permettant à l’océan de prendre ainsi possession du navire. De plus, six aventuriers tous affublés de masques grotesques patientent immobiles, espérant stupidement s’en sortir vivants. Des six, il y a moi, qui ai perdu tout espoir. Je me sens comme le petit garçon qui s’est fait berner par ses amis et qui attend en vain, le cadeau qu’on lui a promis.

(J’ai de l’eau jusqu’au nombril !)

Il est peut-être encore temps de m’en sortir et d’agir. À une dizaine de mètres de moi, de l’autre côté du mât, gît une barque. Sans aucune amarre, elle flotte librement sur l’eau, toutefois sérieusement ballotée par les vagues marines et les vents violents provenant de l’orage.
(Je pourrais me rendre au grand mât et puis de là, sauter dans cette embarcation.)
Je tente de me déplacer vers le pylône vertical, mais sans résultat, dès que je me hasarde à lever un pied, le tangage du bateau menace de me faire perdre l'équilibre : je dois me résigner à garder mes deux pieds bien fixés au sol si je ne veux pas tomber.

L’eau monte à une vitesse fulgurante. Plus petits que moi, Rosie et le drow sont à présent engloutis sous l’eau.

(Au cou, j’en ai jusqu’au cou !)

Instinctivement, mes talons se soulèvent. Sur la pointe des pieds, le menton relevé, j’essaie d’empêcher l’eau d’atteindre ma figure. Je ne pense plus à fuir, j’essaie seulement, désespérément, de rester vivant.

(Ma bouche ! Cette satanée eau salée veut s’y infiltrer !)

Et elle y serait parvenue si je n'avais pas pincé mes lèvres à temps. Paniqué à l’idée de laisser entrer dans mes poumons ce liquide salé, je bloque ma respiration.

Il n’est désormais plus possible de garder mes pieds au sol sans introduire ma tête dans les flots. Avant d’être immergé complètement, je dois tenter de me maintenir à la surface en nageant sur place. Je ne suis pas un excellent nageur, mais je parviens facilement à faire cet exercice d’endurance lorsque l’eau est calme et que le temps est au beau fixe. Mais ici, la tempête fait rage: la houle est menaçante et la pluie frappe rudement sur ma tête. Me maintenir hors de l’eau est presqu’impossible. Je descends, par chance sans avaler la moindre gorgée, puis remonte à la surface à force de coup de bras et de pieds. La mer plus forte que moi me cale de nouveau. Avec difficulté, mais grâce à la force de mes jambes, je réussis à me sortir la tête de l’eau. Victoire de courte durée: l’eau sans effort m’ensevelit encore une fois.
Comme un yoyo, je monte et redescends jusqu’à ce que les crampes envahissent mes jambes, me causant des douleurs atroces, et que mes bras fatigués refusent de fournir plus d’efforts. À bout de force, j’abandonne et je coule. Il n'a fallu que quelques secondes à mes pieds pour retrouver leur place sur le plancher de bois. Des dizaines de mètres d'eau surplombent à présent le vaisseau.
C’est terminé, je n’ai plus le courage de combattre. Abattu, je cède la victoire à la mort; je suis prêt à lui remettre mon splendide corps. Les yeux fermés, je formule toutefois une dernière pensée pour les êtres aimés.

(Adieu ma tendre maman! Adieu ma douce Angélie! Papa, je m'en viens te rejoindre au royaume des morts!)

La bouche grande ouverte, dans le but avoué d’abréger mes souffrances, je laisse l’eau pénétrer sans plus aucune opposition.

(Cette mort est douce…je ne sens rien.)

Je ne ressens aucune douleur dans mes poumons, et pour cause, aucun fluide ne pénètre mon orifice buccal. Perplexe, j’ouvre mes yeux et observe les autres aventuriers; ils sont tous sur pied et bien que je ne puisse voir leur visage, ils ne semblent pas indisposés.

(Vivant, je suis encore vivant, ce masque m’aurait vraiment protégé de la mort!)

Le sourire maintenant sur mes lèvres, ahuri, j’examine mes mains qui ont conservé leur couleur et ne sont donc pas bleuies par un manque d’air.

Incrédule, je suis devenu. Les doutes se sont peu à peu infiltrés dans ma conscience et m’ont envahi tout entier.
Incrédule, j’ai lutté. Je me suis débattu comme un forcené pour sauver ma précieuse personne.
Incrédule, j’ai abandonné. En désespoir de cause, j’ai capitulé. Croyant au triomphe de la mort et oubliant cet objet osseux me recouvrant le visage.
Incrédule, j’ai tout de même survécu. Ayez foi et vous survivrez, nous disent les anciens. Je n’avais aucune confiance en ce masque et pourtant je suis toujours vivant.

(Désolé chers dieux, d’avoir douté, jamais plus je ne le ferai!)

C’est aux dieux que je présente mes excuses, c’est eux qui tiennent mon destin entre leurs mains. Ce visage sans corps, cet être sordide qui hante les esprits, n’est qu’une marionnette de plus.

Me déplaçant à présent sur le pont aussi facilement que si j’étais à la surface, je regarde au dessus de moi : de l’eau, il n’y a plus que de l’eau. Le bateau est entièrement submergé et dans le nid de pie, on peut voir Hallena avec son aigle fièrement perché sur son épaule et paraissant, malgré tout, dans son élément. Ne pouvant cacher ma joie, et mon espoir retrouvé, je crie à pleins poumons:

« Je suis vivant ! »

Ce misérable casque osseux, malgré tout le scepticisme qui a rongé ma raison, m'a sauvé de la noyade.

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Dernière édition par Mathis le Jeu 24 Sep 2009 01:25, édité 26 fois.

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 Sujet du message: Re: Chapitre 4: L'Echangeur
MessagePosté: Mer 5 Aoû 2009 06:27 
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Les yeux perdus dans les larmes, Rosie enroula ses bras autour du mât, le regard toujours posé sur le navire pirate alors que le vent violent abattait ses cheveux en bataille contre ses joues. Elle leva son visage vers le ciel pour en contempler la colère qui s’y déchainait, laissant rouler librement l’eau qui brouillait la vue à ses deux émeraudes et qui alla rejoindre la pluie qui glissait déjà sur sa peau. Les choses empiraient toujours plus. Depuis le début, malgré quelques petites victoires, le mal et la mort finissaient toujours par prendre le dessus, emportant avec eux une partie de l’équipage. De tout ce vaillant monde il n’en restait que six. Six encore sur leurs deux pieds, ce qui normalement devrait être soulageant si ce n’était pas du fait que ces pieds en question étaient posés sur un navire qui s’enfonçait dans un océan glacial. Lorsque l’eau atteint la taille de la jeune fille, elle resserra son emprise, craignant de moment fatidique où elle se retrouvera complètement submergée par la mer. Le masque toujours en main, elle baissa les yeux sur le pont pour suivre l’évolution de l’eau qui montait. En fait ce n’était pas l’eau qui montait, mais bien le bateau qui descendait. Mais dans la tête de Rosie, il n’y avait aucune différence. Elle se retrouvera plonger de toute façon dans cette eau peu importe comment exactement.

L’océan lui atteint finalement les épaules et elle dû enfin se résoudre à mettre le masque tant convoité. Elle le posa sur son visage avant de s’agripper de nouveau au mât. Elle aurait de loin préféré rester à la surface malgré l’orage, mais elle savait que trop bien qu’il fallait qu’elle suive l’Échangeur, et cela au risque de courir à sa perte. Quant à avoir survécu à cette aventure jusqu’ici, aussi bien la suivre jusqu’au bout, en respect pour le capitaine Khamsin, tout son équipage ainsi que pour l’assassin qui ont tous dû payer de leur vie. Aucun d’eux ne méritait une telle mort Avec cette pensé, la semi-elfe ferma les yeux aussi fort qu’elle le put et lorsque l’eau recouvrit son visage, elle retint sa respiration. Dans ce monde dense qu’est la mer, elle se sentit devenir légère, libérée du poids de ses vêtements mouillé, de son arme, de son propre corps tout en se sentant tout de même compressée par la force des courants. En cette autre univers régnait un silence étrange, brisé par moment par des sons étouffés et échos, la plupart du temps en provenance du navire. Ce moment aurait été si paisible et agréable si elle n’avait pas été en train de lutter pour ne pas respirer. Elle tremblait à l’idée d’essayer de respirer au travers de ce masque squelettique. Pourtant, elle devait bien s’y résoudre. De toute façon, où elle en était, sois elle mourrait noyer, sois elle mourrait asphyxier par son oxygène usé. Le tableau était plutôt sombre à le voir de la sorte.

N’en pouvant tout simplement plus, l’adolescente ouvrit soudain la bouche et rejetât l’air qui encombrait ses poumons avant d’en reprendre une autre bouffé. À sa plus grande surprise, elle n’ingurgita pas de l’eau salé, mais bien de l’air tout ce qu’il a de plus banal. Encouragée par l’oxygène qui gonflait ses poumons mais aussi par un cri lointain clamant victorieusement sa survit, elle leva les paupières sur un monde qui lui était jusqu’alors, inconnu. Un infini bleu s’étendant tout autour de l’échangeur, donnant cette impression alarmante de plonger dans le néant.
« C’est trop grand. »

( J’ai peur. )

Partout, Rosie pouvait voir l’eau s’agiter, pousser par endroit par un courant brutal, parfois emporté dans des tourbillons étourdissant, parfois tiré violemment vers les profondeurs. La jeune fille pouvait sentir toute la puissance qui s’activait autour du navire et sincèrement, elle n’aimait pas ça du tout. Un rien pourrait la propulsé loin de ce bateau, loin de tout. À cette sombre idée, elle s’accrocha encore plus solidement contre le mât, collant son visage sur le bois, les yeux fixé sur le vide qui s’étendait à perte de vu. Pas question que le courant ne l’emporte là dedans. Toutefois, lorsqu’elle jeta un œil sur les autres, ils semblaient tous être stable, bien qu’une tension était apparente dans leur muscle et ce, avec raison : tout cela était étrange. Le courant aurait dû les entrainer sans aucune pitié depuis longtemps. D’ailleurs, il n’y avait pas que cela d’anormal. Le bateau ne coulait plus, il naviguait sous l’eau tout seul, dirigé par on ne sait qui. Se refusant tout de même d’abandonner sa grippe, Rosie tenta de s’adresser aux autres avec l’espoir que ses paroles se rendent bien jusqu’à eux, malgré la densité de l’eau.


« Qu’est ce qui ce passe? »

Dans sa voix, on pouvait lire de la détresse ainsi que de l’incompréhension. Surtout de l’incompréhension.

« Qu’est ce qui va nous arriver maintenant? »

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 Sujet du message: Re: Chapitre 4: L'Echangeur
MessagePosté: Mer 5 Aoû 2009 16:29 
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J'aimais l'océan. Le désir du vide, du non-être était pour moi comme un éden inaccessible, et qu'il me fallait sans cesse rechercher. L'océan était un désert. Et mon manoir était fait de sable...
Les dunes d'eau s'entrechoquaient avec une violence redoublée, tout autant mortelle que la roche des premiers âges, réduite en poussière par des millénaires de tempête.
Et rien. Un manoir - un navire. Et rien : l'horizon balayée par le vent, deux étendues qui se répondaient en échos d'ors et d'azurs : le ciel, la mer ou le désert sous l'emprunte du soleil...
L'inaccessible, et le vide répété de mes années prisonnières de la route du temps.

Puis en rythme du présent, la seule valeur inaliénable de la chair sur terre : la douleur...

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Au loin, la forme diffuse du Rubis-Sanglant lançait ses ombres éteintes, écrasées par le voile de pluie qui tempêtait, larmes du ciel déchaîné. Les déferlantes remplaçaient la douce houle en une danse chaotique d'écumes essoufflées, qui s'écrasaient contre la coque avec le cri du sourire et de la victoire. La proue, déjà, n'était plus qu'une ombre balayée par les flots, a peine visible sous le crêpe de la tempête. Le bout-dehors brandissait encore sa pointe, tel l'éperon perdu d'une bête mourante.

Des mugissements et des craquements parcouraient toute la carène depuis la blessure noyée que la Semi-Elfe avait portée. Sur le gaillard d'arrière, monté en hâte, le sang-mêlé sentait sa main vibrer des râles du navire mourant. Les deux braises pourpres de ses yeux, à peine visibles sous le masque blafard qui lui couvrait le visage, jetaient des éclats émerveillés et fous sur la beauté de l'instant.

Ce n'était pas une construction de l'homme qui coulait, mais bien une âme, confectionnée par tout le sang versé des marins de son bord. L'Echangeur ployait sous la tourmente en faisant tonner son désespoir tels les battements du ciel, en échos avec le tonnerre et les éclairs qui perçaient la voute des dieux.

En s'accrochant au mât d'artimon du navire, puis à la baume de la brigantine, le démon se hissa jusqu'à la barre.
Il était clair en ses pensées autant tempétueuses que l'orage, que lui seul maintenant possédait le commandement du navire. Khamsin était mort, emportant dans la tombe tout son équipage. Il ne mourrait jamais avec son bâtiment; et Anarazel ne pouvait s'empêcher de jouer ce jeu terrible à sa place.
L'Echangeur coulerait pour un capitaine déchu, avec à sa barre le second qu'il emportait - vivant - vers les desseins d'un maître aux marionnettes de sang et de chair.

Les sombres cheveux de l'être sans nez volaient avec les filaments du vent. Anarazel agrippa la barre à deux mains, ferma les yeux un instant pour savourer la beauté qui émanait de toute tragédie.

"- Lorsqu'on vit quelque chose incroyablement beau ou laid," cria le démon en déversant toute sa sombre joie dans sa voix vibrant comme les drisses du mât, "une part de cette chose se détache et s'incruste derrière notre regard, comme une cicatrice inviolable qui ferait battre le passé pour l'éternité."

Et lorsque les deux paupières blafardes se rouvrirent, ce fut pour regarder les six rescapés d'un équipage défait. L'eau passa alors le bastingage du pont, puis il y eut un dernier râle d'agonie, et le navire partit vers l'avant, plongeant tête baissée vers les abysses de Moura, à qui le démon avait vendu son âme, comme il l'avait fait à tant d'autres. Mais peut-être était-ce son âme elle-même qui répugnait les dieux...

L'océan avala la jeune demi-elfe vêtue de rouge qui s'agrippait au grand-mât, puis ce fut le tour de Mathis, dont les regards et les mouvements d'angoisse trahissaient une peur non contenue. Avait-il oublié qu'il portait un masque, expressément fait pour la présente situation?

Ce fut le tour des autres : Ruméus, la jeune demoiselle à l'aigle en haut du nid-de-pie, et enfin le Shaakt, dont la vision révulsa un instant le pourpre des orbites d'Anarazel. Mais ses plans étaient bien moins provinciaux qu'un simple meurtre: c'était deux peuples entiers qui l'intéressaient, dans une capitale transparente de haine.

Et enfin le navire entier sombra : à l'endroit du gaillard d'arrière, il ne devait rester que les remous d'un bateau vidant sa coque à l'image d'un poumon percé.

Puis en rythme du présent, la seule valeur inaliénable de la chair sur terre : la douleur...

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Lorsque le sel pénétra ma toge aux manches déchirées, il mit le doigt à deux endroits cruciaux : mon côté, où gisaient encore les éclats de verre d'une lanterne cassée, et une épaule incrustée d'un rubis autant rouge que mes yeux. Le feu de la mer me brûla, tendant sur ma bouche un rictus de souffrance. Je le ravalai vite sous le traditionnel sourire sans joie.

"- Je suis vivant !" Cria Mathis avec la joie de stupidité et du soulagement. Sa voix était légèrement déformée par la densité de l'eau, mais il sembla que le masque atténua les déformations dues aux changements de milieu.

Le contacte froid du faux visage sur ma peau me fit remarquer que je retenais toujours mon souffle, par simple réflexe. Sans plus attendre, je me forçai : l'air de mes poumons s'en alla vers la surface, avec les derniers souffles du navire. Puis, doucement, j'inspirai, empli du soulagement d'une personne qui ressent une peur d'instinct, sans savoir s'en défaire.
Oui, nous étions bien vivants.

Le navire prenait de la vitesse, comme mu par une étrange force. Une mystérieuse aura de lumière baignait les ténèbres environnant, provenant du bois sombre du galion tulorain, et nous permettait de nous voir les uns les autres. Le sillage creusé par la proue dans la mer nous emportait avec l'enchantement d'une quelconque puissance, et nous permettait de ne pas être happés par le courant.

Je sentis en moi les filins d'acier de mes volontés tissées s'entrouvrirent. Ma Sombre Déesse haine ressentait pour moi le plaisir d'être encore en vie.

"- Qu’est ce qui va nous arriver maintenant?" demanda d'une voix houleuse d'incompréhension et d'une goutte de détresse Rosie, dont le visage innocent était visible sous sa capuche battant dans l'eau transparente. Malgré le masque qu'elle portait, il m'était possible de deviner sa jeunesse.

Je ne pus m'empêcher de hasarder une réponse :

"- Maintenant, il nous est impossible de faire demi-tour. Si piège il y a, il se refermera." Je marquai une pause. Ma voix me paraissait étrange, comme beaucoup plus diffuse. "Je vous félicite pour ce brillant coup d'éclat, il nous a libéré de Pragatt'. Si je n'avais eu à découdre avec ce dernier pour sauvegarder votre vie prisonnière en prévision d'un voyage beaucoup plus long, j'aurais exécuté les ordres de celle ou celui qui a eu cette brillante idée. "

Je fronçai les sourcils, sous le contact du masque. Quelques chose n'allait pas : il manquait une personne. L'assassin, dont je sentais encore la froideur de la lame contre mon dos. Lui ne pouvait être le traitre, et pourtant il avait disparu...

"- En tant que second de ce navire, je prends temporairement la place de capitaine de l'expédition, si tant est qu'il en faut un," dis-je avec une voix dure, tintée par le goût âcre de la nécessité pour cacher mon ambition et ma peur. Puis je repris, sur un ton qui se voulait triste, espérant, et empli d'une interrogation soudaine : "Il manque une personne parmi nous, un être sans qui nous n'aurions rien pu faire. Où est l'assassin ?"

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Ecrire, c'est tuer, prier, délirer. Pour combler l'écart. Abolir l'Entre. Et n'y parvenir jamais. [Michèle Mailhot]


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 Sujet du message: Re: Chapitre 4: L'Echangeur
MessagePosté: Jeu 6 Aoû 2009 09:50 
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« Maintenant, il nous est impossible de faire demi-tour. Si piège il y a, il se refermera. »

( Le piège, il s’est refermé sur nous au moment précis où nous nous sommes enrôlées dans cette histoire. )

À cette pensé, Rosie se laissa glisser doucement et s’agenouilla devant le mât contre lequel elle appuya son front tout en écoutant Anarazel. Elle avait l’impression que son âme était semblable au monde dans lequel ils évoluaient en ce moment, vide. C’était comme si elle sentait son heure arriver, comme si elle savait que c’était la fin malgré le fait qu’ils soient tous vivant. Vivant, mais pour combien de temps encore. Elle avait l’impression de n’être qu’une petite pièce sur un échiquier que l’on déplaçait et sacrifiait comme bon nous semble. Aux yeux de l’être qui avait monté tous cela, ils n’étaient tous rien d’autre que des morceaux d’os et de chair ambulant. Est-ce seulement un jeu pour lui ? À bien y penser, peut être bien que oui. Les enfants qui jouent avec les fourmis en tuent souvent plusieurs au passage sans réaliser que c’est la vie qu’il enlève. De toute façon, ces petites bestioles n’ont pas vraiment de conscience, non ? Et pourquoi pas ? Qui sommes nous pour en juger? Quelque pars ailleurs, une force joue avec des fourmis. Celui qui se trouve derrière toute cette machination est-il seulement trop naïf ou bien trop sadique? De trop grandes questions pour une petite fille troublée, fatiguée et apeurée. Le rêve avait raison en fait. Elle se perdait dans une aventure trop grande pour elle. À se voir ainsi, elle se sentait faible.

Tout en gardant son appuie, l’adolescente tourna la tête en direction de l’elfe hybride qui venait de mentionné le plan qu’elle avait monté afin de s’emparer des masques. Cette mention, fit sourire l’adolescente derrière ses larmes. Elle avait au moins accompli cela, avec de l’aide il faut l’avouer, mais cela n’empêche qu’en y repensant, elle était plutôt fière de ce qu’elle avait fait. Ce capitaine pirate devait être rouge de colère et cette idée plaisait bien a la semi-elfe. Elle aurait payé chère pour pouvoir le voir s’arracher la barbe.


« Où est l'assassin ? »

Rosie se figea alors que cette phrase faisait écho dans sa tête, la torturant toujours plus à chaque fois que ces mots se répercutaient dans son crâne. Pendant un instant, elle avait faillis oublier celui qui avait en quelque sorte repris les choses en main dans la cale alors que les esprits s’embrouillaient, celui dont on ne pouvait se passer. Un être talentueux que la jeune fille ne reconnu pas assez tôt. Une pièce importante venait d’être tuée. Sans lui, le plan de Rosie n’aurait jamais pu être mené à bien. Elle se savait incapable de disparaître aussi bien que lui. Elle n’avait même pas eu le temps de le remercier, de le félicité où de même demander son nom. Il était mort, entrainant avec lui le fruit de plusieurs années de dur labeur, maintenant gâchés par une hache. La demi-elfe serra les dents, se refusant de pleurer à nouveau pour un inconnu. Elle semblait être la seule à l’avoir vu périr. C’est donc la jeune fille qui répondit, les yeux fixé sur le bois sombre du pont.

« L’assassin est mort… »

Elle étouffa un sanglot.

« C’est l’orque qui la tué. »

Rosie reprit rapidement le contrôle de ses émotions, ne voulant absolument pas céder de nouveau au désespoir et la tristesse.

« L’un de nous devait y passer de toute façon. »

C’était triste à dire, mais c’était vrai. Si ce n’avait pas été l’homme en noir, ça aurait été quelqu’un d’autre : Il manquait un masque. Ce jeu commençait drôlement à ressembler à la chaise musicale, ce qui était une façon assez sinistre de voir ce jeu. La jeune fille soupira sous son masque.


« Que faisons-nous maintenant... capitaine ? »

Elle leva les yeux vers ce dernier.


((( Aucune relecture n’a été faite donc ne soyez pas surpris de voir plusieurs phrases qui s’enchainent mal… je corrigerez tout cela, n’aillez crainte.)))

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 Sujet du message: Re: Chapitre 4: L'Echangeur
MessagePosté: Ven 7 Aoû 2009 05:10 
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Curieusement, le bateau sabordé, une fois immergé, recommence à bouger. Alors qu’on aurait pensé qu’il coulerait d’avantage, il se met plutôt à se déplacer vers l’avant. Anarazel installé à la barre n’est aucunement responsable de la direction emprunté par le navire, qui tel un vaisseau fantôme semble avoir lui-même choisi sa destination.

M’avançant vers la rambarde dans le but de profiter pleinement de cette exploration sous-marine, je n’éprouve guère le désir de rejoindre les autres aventuriers pour entamer une discussion, souhaitant plutôt me remettre tranquillement de mes émotions. Même si c’est à tort, j’ai quand même eu la frousse de mourir noyé.

Les voiles gonflés par une force invisible, l’Échangeur est doté d’une faible lumière qui nous évite ainsi d’être plongé dans le noir, nous permettant aussi d’examiner notre environnement immédiat.
Je distingue alors, médusé, un être vivant tout particulier : son corps transparent légèrement teinté de rose est en forme de cloche et en son centre pendent de longs filaments. Gracieux, ce spécimen mou apparemment dépourvu de squelette avance lentement par bond, propulsé par l’eau qu’il absorbe et rejette.

Plus en avant, je crois discerner deux énormes poissons armés chacun d’une épée.

(C’est impossible !)

Sous ce masque de survie, je plisse mes yeux espérant en percevoir davantage, attendant impatiemment que notre navire s’en approche un peu plus. C’est alors que je constate que ces poissons gigantesques arborant une peau noire parsemée de nombreuses taches blanches sont en fait munis d’une longue corne torsadée. Tel des chevaliers se battant fièrement en duel, dépourvus de nageoires dorsales, ils croisent le fer laissant échapper de temps en temps des bulles du trou proéminent de la région antérieure de leur dos.

Bien que la bise d’Ynorie m’ait toujours fasciné, ces jardins marins n’ont rien à y envier. Au contraire, des plantes parfois tubulaires, d’autres fois armées d’aiguilles ou encore de simples feuilles se laissant portées par le courant, mais affichant toujours les plus magnifiques couleurs : jaune, rose, bleu, turquoise avec une délicate touche de violet, se propagent dans la mer.

(Que de merveilles !)

Accoudé au bastingage de l’Échangeur, absorbé par l’attrayant spectacle marin qui s’offre à moi, j’écoute d’une oreille distraite les propos qui se tiennent sur le pont de ce navire échoué tout en évitant sciemment de les regarder. La vue de leur masque me rappellerait trop qu’un identique recouvre le mien et soustrait ainsi mon beau visage à la vue de tous. Des propos tenus, j’ai pu tout de même saisir que l’orque, cet être niais qui m’a tant effrayé, a tué l’assassin. Ce tueur ne représente pas une lourde perte pour moi. Il fallait que l’un de nous périsse et il était celui pour lequel j’éprouvais de la rancune. En effet, je n’ai pas encore digéré le fait qu’il ait convaincu Anarazel d’avorter mon plan pour sauver l’Échangeur. Malgré cela, je me dois d’admettre qu’en libérant les trois autres aventuriers, il a contribué à notre survie et que sans lui, nous ne serions pas ici. Quelques bribes de la conversation me font sourire : Anarazel s’est nommé capitaine. Ce qui ne m’incommode aucunement, au contraire. Cependant ce titre ne sera que symbolique, puisque le navire obéi déjà à un maître pour l’instant invisible et nous ne pouvons y changer quoi que ce soit.

Le temps s'écoule ainsi paisiblement et je demeure là à écouter les aventuriers discuter entre eux. Cherchant du regard une autre merveille pour mes yeux, j’aperçois au loin une imposante masse sombre qui se révèle à être une cité sous-marine qui par son allure inquiétante apporte un ombrage au jusqu’alors somptueux tableau.

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 Sujet du message: Re: Chapitre 4: L'Echangeur
MessagePosté: Ven 7 Aoû 2009 15:34 
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Une descente aux abysses, Partie 1 de 2


"- Que faisons-nous maintenant capitaine?" Hasarda Rosie après avoir annoncé la triste nouvelle.

Étrangement, Anarazel accusa la révélation sans trop de mal, avec un mélange de froideur et de soulagement. Si l'assassin était un atout non négligeable - et il l'avait plus d'une fois démontré -, ce dernier pouvait également être une menace face à l'ordre que voulait établir le démon. L'assassin avait agi en marge, absent mais toujours présent. Sa force et sa capacité de se mouvoir avaient, avec le souvenir froid d'une lame dans le dos, cassé bien des plans établis par le sang-mêlé. A commencer par les flèches enflammées de Mathis.

Anarazel se redressa, appuyé sur la barre qui ne servait à rien. Au moins les aventuriers prenaient ses déclarations et son statut de capitaine temporaire auto-proclamé sans trop de protestation. Mais que valait le rang de capitaine, dans une situation qui puait la folie et la mort?
L'eau elle-même semblait cacher une sournoise présence catalysée par le bateau, comme un étrange rire caché et planant, symbole d'une vérité cruelle. Cinq navires avec des équipages bien vivants étaient partis des quais de Kendra Kâr, après une mystérieuse pulsion de mort qui avait dominé chaque être, chaque parcelle vivante, faisant ressortir avec la plus grande anarchie les instincts primaires dont toute race était issue. Le sol avait vibré avec l'air, s'enflammant de la haine des siècles, et le galion tulorain avait payé le prix d'un renversement des esprits - de la tolérance à l'attaque.

Puis, ensuite, tendrement enlacés comme deux amants épineux, le Rubis-Sanglant et l'Echangeur s'étaient mutuellement déchirés avec les dards de la cupidité. L'un avait survécu, mangé l'autre, bu son sang. Et sur le pont du survivant, le démon s'était lui-même hasardé sous les assauts de sa Sombre Déesse et de sa folie à renverser la situation au profit des rescapés de l'Echangeur, et surtout à son profit. Il s'était lié à même sa chair avec un Rubis signant son appartenance à l'océan, s'était donné à Moura, qui n'avait voulu de lui. Âme trop faible ou répugnante, peu lui importait. Son ambition de vengeance, inscrite en vers sur une stèle du désert, ne s'en était que raffermie, plus sournoise et vile.

Et il était en fin au sommet. Au sommet vacillant de cinq aventuriers, et comme eux emporté dans les tréfonds des abysses pour servir les fins d'un maître aux marionnettes de chair. C'était sa soif de tourments et d'ailleurs qui l'avait poussé à prendre le large. Et c'était elle, comme le tranchant inverse d'une lame, qui allait peut-être couper le fil de sa vie.

En-dessus de lui, les voiles ferlées ondulaient légèrement avec le courant, masquant le haut du mât d'artimon à la vue des deux joyaux de braises enchâssés dans le crâne blafard, couvert d'un masque squelettique.

"- Nous ne sommes ni personnes, ni volontés," chuchota le démon, perdu dans les funestes ruines de son passé. "Il n'existe que notre conscience dominée par l'univers entier, et aucune entité. Nous sommes les ombres sur la tapisserie des dieux, des fils aux extrémités coupées. Le présent est une illusion. Notre avenir existe déjà, et depuis toujours..."

Il se rendit compte qu'il s'était doucement assis sur la cloche en bronze du navire, comme las. Il sentait le sens de son existence d'errance lui échapper, inaccessible, dans la paume des dieux créateurs. Seule sa conscience du présent - cette illusion - était véridique, et il vivait tout entier en elle...

L'éclat terne qui filtrait de la surface lointaine s'était totalement dissout dans le voile de l'eau sombre. Seule l'aura blafarde du navire diluait la noirceur des profondeurs. Et sur le pont, il y avait quatre taches, incrustées dans le bain de la lueur surnaturelle. L'une d'elles lui avait posé une question. Il ne s'en souvenait qu'alors.

"- Faire? " Souffla-t-il, tel le sifflement d'un serpent. "Il n'y a qu'une seule chose d'importance à accomplir : économiser ou régénérer nos forces, tout en gardant notre vigilance. Bientôt, je ne vois pas comment il pourrait en être autrement, le sang coulera de nouveau. Notre sang. Prévenez-moi, lorsque quelque chose arrive - car ça va arriver."

Anarazel descendit, battant légèrement des bras dans l'eau comme pour assurer son équilibre précaire, les marches de l'escalier de la dunette arrière. Puis il s'engouffra dans la cabine du capitaine, que personne ne lui avait refusée. Là aussi, l'aura étendait ses nuages de lumière. Quelques objets flottaient, plumes et papiers illisibles. Les plus lourds d'entre-eux formaient un petit amas informe sur le sol; ils étaient tombés lors du naufrage.

Le démon ne prit même pas la peine de lancer un dernier coup d'œil vers Mathis qui s'était rendu à la proue, ni sur ce que faisaient l'immonde Shaakt rebellé, ou la jeune demi-elfe. Il était assommé par le poids de ses propres pensées, et ferma la porte de la cabine sur les tourments de son esprit

Les pans de sa toge flottant étrangement dans l'eau salie par une quelconque encre, il entreprit de fouiller les tiroirs de Khamsin, ramassant ce qui lui semblait intéressant. Mais quelqu'un devait déjà avoir fait une part du ménage.

Puis, dans le silence de ses pensées qui semblaient écrasées par les mètres d'eau pesant sur le navire, il se coucha sur le lit du capitaine décédé. Le démon somnola d'un œil, toujours alerte, comme il avait appris à le faire depuis son évasion de sa prison des sables. Anarazel détestait rêver; ses cauchemars et ses songes lui faisaient peur, le réveillant plus fatigué encore.

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 Sujet du message: Re: Chapitre 4: L'Echangeur
MessagePosté: Ven 7 Aoû 2009 17:47 
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Une descente aux abysses, Partie 2 de 2


Il y avait un chant doux et mélodieux, comme si caché dans les ténèbres des lieux un musicien discordant grattait sur la voix d'une guitare. Mais aucune couleur, aucune chaleur n'émanaient des murs d'une pièce taillée par des nuances de gris contrastés. En face, une porte d'entrée. Grande, en fer forgé. Grise...

Les murs s'effritaient doucement sous le poids des siècles, constructions de poussière rappelées par le désert. Autour des quatre piliers qui soutenaient la lourde voûte, se profilaient les flammes ternes de chandeliers mourants, grisés par le temps. L'espace et le présent semblaient diffus, fades, à l'image de la salle, où toute chaleur était absente.

Devant la porte haute, à peine visible sur le gris sombre, un homme en armure attendait. Il avait la peau sombre du peuple des bannis de Raynna, et ses longues oreilles noires de Shaakt étaient cachées sous un casque lissé par des années de service. Étrangement, comme si la pièce s'était habituée à sa présence, il semblait faire partie des lieux. Même la poussière paraissait l'avoir pris en affection, et ses traits plissés et vieillissants étaient fripés par le temps.

Il y eut un grincement strident, celui d'une porte de bois trop longtemps laissée à l'abandon d'une serrure fermée. Un couloir autant terne et irréel que la salle se profilât, enlaçant une silhouette noire. C'était une toge de ténèbres profonds, dont les pans semblaient volés dans un vent qui les repoussaient vers l'intérieur, comme mu par une volonté pour l'empêcher de sortir.

Puis il y eut une déchirure dans la fadeur rêveuse de l'instant : deux éclats rouges, tranchant le voile surnaturel avec la profondeur des abysses. La vision paraissait étrangement modifiée; rehaussée par un voile de puissance créé pour rendre tout terne et mort. Mais deux yeux de braises, issus d'un visage sans nez qui se profilait dans l'embrasure de la porte, irradiaient d'une lueur malsaine, comme d'une haine toute-puissante.

Une main effilée aux ongles longs et sales, à la peau presque transparente, lissa des cheveux couleur suie. Puis une voix cassa le silence retombé, contrariant les flammes ternes avec un goût sucré d'intelligence viciée :

"- Cyrm, mon ami et gardien. Depuis combien d'années gardes-tu cette porte sans relâche? Rappelle-toi."

La voix, sortie de la fente d'une bouche sans lèvre, s'arrêta un instant, comme sous l'emprise d'un maléfice qui ramenait les souvenirs aux hantises du présent.

"- Rappelle-toi," reprit-elle, plus sournoise et dansante encore. "Pour garder mes aïeuls, vous étiez vingt. Pour mes parents, cinq. Et pour moi, le dernier descendant d'une lignée consanguine et immonde, il n'y a plus que toi."

L'être sans nez entreprit de faire les cent pas, seul mouvement dans l'instant brisé de son éternité statique.

"- Et bientôt, il n'y aura plus rien pour m'empêcher de passer cette porte," cingla la voix comme le fouet d'une accusation. "Ta vie est partie, Cyrm. Il ne reste dans les souvenirs de ton clan de bannis et dans celui des Sindeldi absolument aucune trace de ma naissance. Les deux communautés renégates qui avaient trouvé entente par ma conception se déchirent toujours. "

Le prisonnier s'était approché de l'armure, qui n'avait pas fait un mouvement. L'être la revêtant semblait s'être transformé en pierre, tassé par sa condition.

"- Cyrm, tu es vivant, tu as une famille et des amis," martela l'être sans nez. "Tu gardes un passé vide de sens, au nom de directives perdues - ceux qui les ont édictées sont morts et enterrés. "

Le gardien s'était mis à trembler. Non pas de peur, mais d'envie et de remords, comme si le poids de ses siècles passés loin des siens l'écrasaient d'un seul coup.

"- Ah, mais j'oubliais," reprit la voix, dansante à nouveau. "Ta famille ne se rappelle de toi que comme un être trépassé. Prouve-leur le contraire, rejoins-les..."

Les deux rubis pourpres cassant la fadeur irréel d'un présent effacé se ruèrent sur l'armure grelottante d'un froid inaliénable du cœur, dans un vacarme nouveau de métal entrechoqué.

"- Cyrm, je te somme de me laisser sortir du manoir d'Ellhar, je te somme de retrouver une vie, et je t'ordonne de me permettre de m'en construire une!"

Contre toute attente, la tête de l'armure s'affala, comme vaincue.

Puis tout devint flou, la moiteur des lieux se fondit avec les derniers échos de la voix tranchante, les contrastes de gris se dissipèrent, et le rouge se mêla dans la masse de noir. Puis il n'y eut plus rien – rien que le vide...

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Anarazel se réveilla en sursaut. Il aurait bondit, s'il n'était plongé dans l'eau salée d'une mer. Le navire était toujours penché, et le courant qui s'échappait des fentes de la porte prouvait qu'il n'avait pas fini de sombrer. Le démon se redressa doucement, épris de vertige.

Puis il sortit sur le pont, poussant la porte de la cabine du capitaine d'une main incertaine. Au dehors, il découvrit Mathis, toujours sur la proue, sa silhouette se découpant sur les eaux environnantes, où rien ne semblait visible.

Anarazel s'approcha, mi-marchant mi-nageant, de sa silhouette près du bastingage. Son bras s'éleva, lui arrachant un rictus de douleur à l'endroit de son épaule. Le rubis y était toujours enchâssé, mais la morsure du sel était diminuée. Il passa ses doigts dans ses cheveux, comme pour faire partir les restes d'un rêve, puis entreprit de les attacher pour éviter qu'ils n'ondulent dans la mer, telles les tentacules d'une pieuvre.

Son pas lent le mena à la proue, et il s'adossa au mât de misaine, observant la mer. Ses pas ne semblaient pas avoir troublé Mathis, qui regardait toujours au loin, contemplant la noirceur des tréfonds de l'océan.

Soudain, des lueurs se découpèrent, déchirant les fils tissés de la toile de ténèbres; de petites lumières firent bientôt apparaître le fond marin, gris et lointain.

Le cœur éprouvé du démon manqua un battement. Son sang noble se glaça, comme si la vision l'avait à tout jamais figé. Une forteresse sous-marine se dressait sur le fond de l'océan, étrange et presque plus irréelle que ses cauchemars d'un passé révolu.

"- Mathis", dit-il avec une emprunte de tension et une voix grinçante entre ses dents serrées. "Je crois que nous sommes arrivés à notre destination."

Comme s'il s'agissait d'un échappatoire à la tension qui l'habitait, la main du sang-mêlé triturait son épaule, cherchant à en extraire le rubis. Le Rubis-Sanglant devait avoir coulé à présent sous les déchaînements de la mer et du vent. Il ne devait donc plus avoir de lien avec celui-ci.
Le démon jugea que pour commencer une nouvelle partie de l'aventure, mieux valait d'abord en finir une autre totalement. Il tira doucement sur la pierre, prêt à éprouver de la souffrance.

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 Sujet du message: Re: Chapitre 4: L'Echangeur
MessagePosté: Ven 7 Aoû 2009 19:59 
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Dans la cabine du capitaine, Anarazel ne trouve qu’une chose intéressante, ou plutôt, un ensemble de chose qui attire son regard, et qui est si flagrant qu’il est curieux que personne n’y ait touché dans le sac du bateau par les pirates… Il s’agit ni plus ni moins de six coffres de tailles diverses, allant d’une longueur de 30 centimètres à plus d’un mètre. Et sur ces coffres, un message est affiché, à l’attention du capitaine de l’Echangeur : Sur un parchemin craquelé, qui semble parfaitement résister à l’humidité, ces termes sont notés :

« Six coffres, six armes pour six aventuriers. À chacune un nom devra être donné, et chacun devra la porter… »

Tu remarques alors que sur chaque coffre en bois noir laqué, un nom est gravé : Anarazel, Hallena, Mathis, Rosie, Ruméus, Shrez’Zarth. Le coffre qui arbore ton nom est le plus petit de tous, avec celui d’Hallena…

Quand Anarazel tente d'oter le Rubis de sa chair, celui-ci recommence à lumer de cette inquiétante lueur rougeâtre, et aussitôt, exerce une douloureuse résistance, comme s'il voulait se ficher plus profondément encore dans la chair de son porteur... Même coulé, la magie du Rubis-Sanglant semble faire effet...

À l’extérieur, quand le navire arrive à une distance raisonnable de la citadelle, ni proche, ni loin, juste de quoi la voir dans le fond de l’océan, il s’arrête tout bonnement. Et un cri féminin teinté d’horreur vous fait tous sursauter : en haut de son mât, Hallena pointe avec frayeur une créature marine immense et monstrueuse. La créature à tête de piranha géant fait bien 9mètres de long. Ses dents sont aussi grandes que le drow, et aussi effilée que la plus acérée des lames. Ses yeux globuleux semblent percer dans votre direction. Ses pattes antérieures sont munies de griffes immenses n’ayant rien à envier à sa dentition, et une crête dorsale court le long de sa colonne vertébrale. C’est un véritable monstre marin qui arrive vers vous avec une seule ambition : vous détruire…

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(C’est donc, vous l’aurez compris, un petit combat qui s’engage ici, et que j’espère rendre original de par sa nature sous-marine. Je vous demande donc, dans vos actions, de tenir compte de l’élément dans lequel vous vous trouvez et de ses diverses et nombreuses possibilités. On commence le combat en dirigé, le nombre d’action par tour est déterminé par votre agilité… et un tour dure 3jours (et pas un de plus, je serai intransigeant ! En avant !)

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 Sujet du message: Re: Chapitre 4: L'Echangeur
MessagePosté: Sam 8 Aoû 2009 10:38 
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Une douleur sourde lamina l'épaule du sang-mêlé, mais en vain. Le rubis obéissait à sa propre volonté, à une magie que même un naufrage ne semblait pouvoir briser. Le démon se reprit, secouant sa tête pour éveiller ses sens engourdis. La souffrance les avait remis en alerte.
Les yeux dans le vague de la citadelle, il se décida à parler à Mathis de ce qu'il avait vu dans la cabine de Khamsin.

"- Il y a plusieurs armes," commença-t-il en un souffle. Il n'avait pas voulu prendre seul le risque d'ouvrir les coffres. "Il y a plusieurs armes qui nous sont destinées dans la c..."

Un cri. Un seul, long et tinté d'horreur, provenant des cimes du navire, du nid-de-pie. C'était la voix d'Hellana, dont le bras tatouée pointait au loin, dans l'océan immense et ténébreux.

Et si le sang du démon s'était figé à la vision de la citadelle, il sembla alors qu'on y plongea une pierre ardente, et que tout son être rentrait en ébullition, empli des remous de la peur...

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Je sentis ma Sombre Déesse Haine éteindre ses battements, pour mieux faire poindre sa fureur. Une brèche perça alors mon masque de volontés tissées, et d'elle s'envola avec les volutes de ma concentration le désir rageur de faire couler le sang. Pas n'importe quel sang : celui dont la circulation avait fait venir une bête monstrueuse, et dont la bouche semblait être l'incarnation même des géants des temps passés.
Était-ce Moura elle-même qui nous l'envoyait, en réponse à mon affront? Ou, plus simplement, le magicien voleur de rêve?

Je me repris. Peu importait, la bête était là, monstre marin aux dents de rasoirs, dont le tranchant long d'une paire de mètre brillait sous les coups de la lueur blafarde du navire. Sur mes tempes, il ne devait plus qu'y avoir la couleur rose de la chair imbibée de son fluide, et sur mon front, les plissements sinistres de l'affliction alerte.

La menace était posée. Le piège, refermé. Et nous y étions de force...

Il était temps. Temps d'agir, de bouger...

"- Ruméus et Hellana, servez-vous des balistes du navire," commençai-je d'une voix plus sifflante que le cri du serpent, mais qui se voulait plus ferme et puissante que la plainte du loup. "Vous êtes les meilleurs tireurs, et elles sont sans doute bien plus efficaces contre un cuir épais!"

Mes yeux se tournèrent en même temps que mon corps, pour observer le monstre, qui arrivait obliquement vers le navire. Ce n'était pas une bête que l'on abattait à l'aide d'armes conventionnelles : seuls la magie - or, nous n'en avions aucune - ou les engins de siège et de bataille navale pouvaient avoir leur effet.

Il n'y avait qu'une seule chance pour nous en sortir, une chance qui dépendait elle-même du mystère. Il nous fallait prendre les armes, offertes par notre capitaine envolé en enfer. Avec un peu de bonheur, Ruméus et Hellana - puisqu'enfin je connaissais son nom - le retiendraient assez longtemps.
Quoiqu'il en fut, la sauvegarde du navire n'avait que peu d'importance. Il était déjà coulé, bien que retenu par une force magique. Mais une telle force magique avait bien la capacité de réparer une coque trouée à coup de hache...

"- Shrez’Zarth, Mathis et Rosie, il y a des armes inconnues dans la cabine du capitaine pour nous tous," criai-je cette fois, déformant le masque blafard dont je sentis la matière se tendre sur ma peau.

Tout en parlant, je m'étais élancé en suivant la courbe du navire, me tirant au bastingage pour aller plus vite. La porte de la cabine du capitaine était restée ouverte sur les ténèbres embuées de la lueur; les six coffres étaient encore visibles. Je m'y engouffrai sans plus attendre, laissant à Ruméus et Hellana la garde utopique d'un navire perdu. La mort guettait sur nos têtes, échappée des abysses. Une mort irréelle et monstrueuse, qui nouait les tripes de tout être de la surface. Les hommes, les elfes, comme beaucoup d'autres races issues des instincts primitifs, avaient une peur animale des profondeurs de l'océan...

Mon bras aux cicatrices de chaîne se tendit, et je me lançai en avant avec toute mon inertie, nageant presque. Mes doigts effilés s'emparèrent du coffre. Une bribe du mot de Khamsin me revint en mémoire :
"À chacune un nom devra être donné, et chacun devra la porter… "

"- Il faut les nommer," dis-je à voix haute. Puis je chuchotai, la tête penchée sur le coffre, en souvenir d'un langage que je maitrisais et d'un nom qui me tenait à cœur: "Thàran.". Brûler... Brûler comme ma haine... Peut-être donnerais-je ce nom là...

Et, d'un coup sec, mes doigts essayèrent d'ouvrir le coffre. L'un de six coffres pouvant contenir notre survie à tous...

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Dernière édition par Anarazel le Lun 17 Aoû 2009 07:47, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: Chapitre 4: L'Echangeur
MessagePosté: Sam 8 Aoû 2009 19:25 
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«Mathis, je crois que nous sommes arrivés à destination. »

Par un léger sursaut, je sors de l’état de rêverie dans lequel je me trouvais. Bien que je n’aie pas dormi, ces quelques heures passées à regarder les beautés marines m’ont fait le plus grand bien.

Puis, comme pour confirmer les dires de l’être sans nez, le bateau tranquillement cesse tout mouvement.
C’est alors qu’Anarazel qui vient à peine de quitter la cabine du capitaine, qui est maintenant la sienne, m’informe qu’il y a trouvé des armes. Il n’a pas le temps de poursuivre sa phrase, puisqu’il est interrompu par Hallena qui, en état de panique, nous avertit d’un danger. Cette femme d’ordinaire calme a poussé un cri à vous faire dresser les cheveux sur la tête. Regardant dans la direction pointée par son index tremblant, mon corps tout entier frissonne non pas de colère ou de surprise, mais bien de peur. L’orque bien qu’effrayant aurait paru un nabot à côté de cette affreuse créature qui en aurait fait qu’une bouchée.

(Qu’est-ce qu’est que ça ?)

Devant nous se dresse un énorme poisson muni de pattes d’humains, ou plutôt un orque musclé avec une tête et une queue de poisson. Peu importe sa nature, une chose est sûre : munie de longues dents aiguisées, d’interminables griffes pointues, sans oublier ses énormes yeux ronds exorbités, cette affreuse bête va non seulement nous empêcher d’atteindre la cité, mais elle va sans difficulté nous exterminer.

Alerte, Anarazel ordonne à nos deux archers de se servir des balistes du navire, puis il nous conseille de se rendre dans la cabine pour se procurer les armes qui nous sont destinées.

Soulagé de me soustraire quelques temps de la vue de ce mastodonte à la dentition effrayante, je pénètre dans le dit bureau. Sans perdre un instant, je cherche le coffre portant mon nom. Une fois celui-ci trouvé, sans précaution, d’une main, je vide ce qui se trouve sur la table de travail du capitaine et y dépose la boîte noire. Après avoir pris une grande respiration, j’ouvre ce coffret et y découvre une belle arme.

(Simple et sobre, elle me rappelle Cybèle)

À l’évocation de ce nom, un sourire naît sur mon visage. Cette appellation me rappelle un doux souvenir de mon enfance où j’aimais en compagnie d’Angélie, flâner des journées entières au marché. Cybèle était cette charmante vieille femme, grande et frêle, qui à chaque jour apportait ses fruits au centre de la place et patiemment répondait aux gens et marchandait ses produits. Elle ne se laissait jamais démonter par l’arrogance fréquente des clients. D’un regard, de ses petits yeux noirs, elle affrontait son vis-à-vis et finissait toujours par obtenir le prix qu’elle demandait. Jai toujours admiré pour sa persévérance cette dame dont les longs cheveux gris étaient toujours attachés en chignon. Elle ne baissait pas les bras et n’abandonnait jamais, mais gardait toujours l’espoir que tout finirait par s’arranger. Lui vouant une admiration secrète pour sa détermination à persévérer, j’ai inlassablement tenté de l’imiter, mais sans toujours y arriver.
Je me racle la gorge et solennellement de ma plus belle voix, je dis :

« Je te nomme Persévérance »

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Dernière édition par Mathis le Jeu 24 Sep 2009 01:38, édité 9 fois.

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 Sujet du message: Re: Chapitre 4: L'Echangeur
MessagePosté: Dim 9 Aoû 2009 07:22 
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( Se régénérer… )


La l’adolescente se leva doucement alors que leur sois disant capitaine se retirait dans sa cabine pour reprendre ses forces en paix. Elle le suivit des yeux un instant, las, avant de se retourner vers la proue du bateau pour encore une fois contempler la grandeur des lieux. Calmer, elle osa enfin faire quelques pas sur le pont, non sans sentir la résistance de l’eau a chacun de ses mouvements. S’était une sensation étrange, comme si quelqu’un appuyait sur ses membres a chaque fois qu’elle essayait de se déplacer, pour la retenir. La jeune fille savait évidemment que ce n’était que l’effet de l’eau, mais elle n’aimait pas pour autant se sentir aussi ralentit même si ce n’est que peu. Elle fit encore quelques pas avant de s’arrêter. Elle constata assez rapidement que cette univers dense n’était en rien vide, lorsque devant ses yeux défilèrent avec grâce quelques banc de poisson, certain multicolore d’autre doré. Même les bêtes les plus banales devenaient fascinantes aux yeux de la jeune fille qui n’avait jusqu'alors vu des créatures marines que sur des étalages dans un marché. Émerveillée, elle s’appuyait sur les rebords de l’Échangeur pour suivre des yeux une énorme créature marine qui nageait tranquillement sous la coque. Elle ignorait de quoi il s’agissait, mais elle était magnifique… dans son genre. Rosie sourit, se disant qu’en fait même si la mort les guettait tous, que ce voyage leur aura permis de voir ces lieux étonnement empreints de splendeur. La crainte de la semi-elfe face a cette étendu sous-marine s’était transformé en admiration.


Alors que ses yeux se perdaient dans l’immensité bleue, une ombre sombre s’esquissa au loin telle une tâche d’encre sur une toile bleue, œuvre d’art de la nature. Curieusement, ce qui semblait n’être à première vu qu’une montagne s’érigeant dans les profondeurs de l’océan, se transformait peu a peu en une forteresse imposante. La jeune fille écarquilla les yeux. On aurait dit une énorme cité de coraux jaillissant d’un désert azur.


( Des gens y vivent ? )

Pour elle, il était complètement insensé que des gens puissent vivre sous l’eau, quoi que ces connaissances quant à la faune aquatique fussent très limitées. Et puis après tout, si elle pouvait respirer sous l’eau au travers un masque tout en étant sur un bateau qui naviguait sous les flots, tout était possible. Rosie plissa les yeux avec l’espoir de mieux percevoir cette cité tout aussi fascinante qu’inquiétante. Il ne fallait pas oublier non plus que le navire se dirigeait vers cette tour et que jusqu'à maintenant, tout n’était que sang et carnage. La jeune fille était consciente que ce n’était pas maintenant que les ennuis allaient se stopper. Le pire semblait être a venir.

( Le calme avant la tempête. )

Effectivement, tout semblait être paisible dans les alentours. Un silence régnait, parfois briser par quelques échos lointains. Tout en poussant un long soupir, Rosie s’accouda sur le rebord, appuyant sa joue contre sa main, puis tourna la tête vers Mathis qui paraissait être tout autant émerveillé qu’elle du spectacle qui s’offrait a eux. Piètre récompense face aux situations auxquels ils ont tous dû faire face et au nombre de mort, toutefois il fallait s’en contenter. Le cœur lourd, l’adolescente eu une pensé pour l’assassin, mais aussi pour tous ses marins qui y avaient laissé leur peau. Combien succomberont encore. De nouveau maussade, la demi-elfe suivit distraitement des yeux quelques petits poissons violacés qui prenaient plaisir à nager dans tous les sens.

Prise de fatigue, elle allait s’endormir lorsqu’un cri déchirant lui transperça les tympans. Un cri de terreur. Le cœur battant, la jeune fille jeta un œil vers celle qui s’était époumoné, horrifiée avant d’apercevoir au loin une masse mouvante qui soulevait des nuages de sable alors qu’un son persistant résonnait comme un écho de tambour a chacun de ses pas. La mer était la demeure d’être magnifique à la splendeur légendaire, mais elle abritait aussi des créatures monstrueuses comme celle qui se dirigeait vers le navire. Le genre de monstre qui ne passe pas a côté de vous sans vouloir savoir qu’elle goût vous avez. Jamais, au grand jamais, Rosie n’avait vu quelque chose de vivant qui atteignant ces dimensions et sérieusement, elle avait souhaité ne jamais en rencontrer et pourtant.

Étrangement, pour une fois, elle ne céda pas à la panique, se contentant de reculer de quelques pas, question de ne pas se trouver trop près des bords de l’échangeur, ce sans lâcher des yeux la créature aux apparences de poisson. Ses grands yeux globuleux lui donnaient un air stupide. Par contre, devant sa dentition, personne n’oserait prendre ce poisson, si on peut le qualifier comme étant un poisson, a la légère.
« Ruméus et Hellana, servez-vous des balistes du navire. Vous êtes les meilleurs tireurs, et elles sont sans doute bien plus efficaces contre un cuir épais! »

Anarazel venait de réapparaître, sûrement alerter par la femme au nid de pid, hurlant des ordres.

( J’ai l’impression que ce n’est pas ça qui va arrêter ce monstre. )

Ses pensés n’étaient pas fondée, mais elle n’y croyait pas vraiment. Au mieux, ils le blesseraient, toutefois, la bête ne serait pas vaincue. La force n’était peut être encore une fois pas la solution. Faisant tourner ses méninges à des vitesses fulgurantes, elle analysa des yeux tous ce qui l’entourait en plus des balistes. Des tonneaux, des voiles… des cordes.

« Des cordes… »

Rosie l’avais chuchoté alors qu’une idée absurde lui traversa l’esprit comme une flèche. Elle jeta un œil vers Hallena. Son compagnon ailé toujours a ses cotés.
« Je me demande a quelle vitesse ce rapace peut aller ici. »

Elle fut soudainement tirer de ses réflexions lorsqu’une vois l’interpella. Elle tourna la tête d’un geste vif.

« Il y a des armes inconnues dans la cabine du capitaine pour nous tous. »

« Des armes ? »

Cela valait bien la peine qu’on y jette un œil. Sans perdre une seconde de plus, Rosie s’élança à leur suite sans toutefois renier son idée. Elle entra dans la cabine du capitaine, suivant de près Mathis et le drow, un peu inquiète de laisser Ruméus et Hallena s’occuper seuls des poissons humanoïdes. Pourtant, il fallait mettre tout les chances de son coté et donc ne pas renier des armes pouvant peut être tous leur sauvé la vie.

Dans la cabine, il y avait six coffres bien visibles. Apparemment, c’était a cela que l’elfe sans nez faisait allusion en parlant d’arme. Intriguée, Rosie s’avança lentement pour découvrir des noms finement écrits sur chacun des contenants. L’un d’entre eux portant son nom. Son nom a elle. Elle fit glisser ses doigts sur les lettres composant son nom. Comment pouvait-on savoir à l’ avance qui survivrait pour avoir put placer ces boîtes. Tout cela donnait froid dans le dos.


« Il faut les nommer. »


« Les nommer? »

Déjà, Anarazel avait offert un nom à l’objet qui se trouvait dans la boîte lui étant destiné, aussitôt imité par Mathis. Pour eux, offrir un nom a leur arme semblait être si facile, si spontané, mais la jeune fille, elle, n’avait aucune idée et le temps pressait. Sentant, la créature tout près, elle posa d’un geste vif ses deux mains contre la boîte et ferma les yeux durement.

« Sil te plait sors nous de là... Espérance. »

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 Sujet du message: Re: Chapitre 4: L'Echangeur
MessagePosté: Dim 9 Aoû 2009 17:05 
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Suivant les ordres de leur nouveau capitaine, successeur digne de Khamsin, Ruméus et Hallena se précipitent vers les balistes du navire. Ruméus, le plus proche, est le premier à y accéder, et charge celle-ci d’un fagot de lances, mettant en deux temps, trois mouvements sa machine en état de marche. Hallena, elle, doit bondir du mât avec une prestance presque aérienne, dans ces flots bleus, pour nager en ondoyant jusqu’à la seconde, où elle s’installe avec plus de difficulté que le guerrier casqué, s’acharnant pour charger l’arme d’un second fagot de lances avant de s’y installer.

Seul Ruméus est donc assez rapide pour tirer sa première lance, ce qu’il fait sans tarder, pointant l’arme de siège vers l’immense créature qui se dirige vers vous. Son tir fait mouche, et la lance vient se ficher dans la gorge rabougrie de l’immense monstre marin, sans lui causer apparemment de gros dégâts, bien qu’un sourd grondement de rage semble sortir de sa gueule grande ouverte. Sa blessure le met apparemment en colère, puisqu’il augmente encore sa vitesse, presque à portée du navire, désormais…

Dans la cabine du capitaine, chacun se pare de ses armes. Shrez’Zarth, le Drow, s’empare de la sienne, un sabre courbe à la lame noire et tranchante. C’est avec une voix fébrile qu’il la nomme :

« 'Elg'cahl*… » (*= poison, en shaakt)

L’arme dédiée à Anarazel sont quatre griffes tranchantes et acérées pouvant être glissées à une main. Chacune d’entre elle est faite d’un métal noir inquiétant, et semblent attirer l’être sans nez à s’en emparer… Vêtue de leur nouveau nom, elles poussent un soupir qui retentit uniquement dans l’esprit de l’être qui les possède :

« Anarazel d’Ellhar… »

Elles acceptent apparemment le nom qui leur a été donné, et le métal semble aussitôt rougir, comme si elle pouvaient, et ce même sous l’eau, s’animer d’un feu interne au métal, prêt à bruler les ennemis d’Anarazel, et non lui… Le bandeau de cuir solide et épais qui les maintient ensemble se pare alors d’une agate orangée, une agate de feu, qui semble briller tout autant que les lamelles d’une magie Menoienne.

L’arme de Mathis n’est autre qu’un poignard à la lame sombre et tranchante au manche dépourvu de tout ornement. Une arme simple, mais redoutable, faite pour tuer… Une fois son nom prononcé, un murmure résonne dans l’esprit du jeune homme :

« Mathis… »

Là encore, l’arme semble adopter son nom, et le manche se pare aussitôt d’une étrange pierre grisâtre aux reflets verts…

Pour l’arme de Rosie, il s’agit d’un Kriss à la lame sinueuse noire, entre la dague et l’épée courte, qui est effilée des deux côtés, comportant cinq courbes. Son manche, assez petit, est muni d’un petit emplacement vide, dans lequel se forme une émeraude d’un vert éclatant lorsqu’elle nomme l’arme : la couleur de l’espoir, en même temps qu’un souffle sinueux audible seulement de Rosie semble l’appeler :

« Rosie Skufita… »

Chaque arme semble posséder son porteur, ne vouloir faire plus qu’un avec lui, se fondant dans sa chair comme étant une prolongation de lui-même… sans pour autant soumettre l’esprit de son porteur à sa présence.

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 Sujet du message: Re: Chapitre 4: L'Echangeur
MessagePosté: Dim 9 Aoû 2009 22:50 
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Alors que je prononçais l’appellation que je lui avais choisie, l’arme, un beau poignard à la lame sombre, réagit en murmurant mon nom, puis sur son manche jusqu’alors dénué de tout apparat apparu une pierre grisâtre au reflet vert.

(Ce cadeau me paraît plus précieux qu’un simple poignard !)

Bien que d’habitude j’éprouve plus de plaisir à m’emparer moi-même de l’équipement que je considère utile, je ressens cette fois une sensation étrange, nouvelle, mais tout de même agréable au contact de ce présent. C’est comme si en prononçant mutuellement nos noms, nous avions pris un engagement l’un envers l’autre. C’est comme si un lien invisible nous unissait à jamais. Doucement, du bout des doigts, j’effleure l’étrange caillou, puis le tranchant de Persévérance. Avec respect, je range ensuite la dague à ma ceinture. Je ne suis plus seul désormais, j’ai une compagne à qui je peux jurer fidélité.

J’aurais aimé fouiller la cabine et trouver le mot adressé au capitaine le joignant à nous remettre ces armes. Il aurait été sans doute utile de connaître le mystérieux donateur ou encore mieux les raisons qui l’ont poussé à nous remettre ces instruments de combat. Il y a malheureusement plus pressant. Dehors, Ruméus et Hallena font face seuls à un monstre terrifiant. D’un pas pressé, je retourne immédiatement sur le pont.

Il nous faut réfléchir et trouver un plan. Il est trop gros, ses dents et ses griffes sont trop longues, il nous faudrait une armée de Shrez’Zarth enragé pour en venir à bout. Et encore, ce ne serait pas suffisant.

(Ce n’est pas par la force que nous réussirons à terrasser ce monstrueux géant.)

nonSous les ordres d’Anarazel, Ruméus a envoyé un premier projectile qui s’est fiché dans la gorge de la bête sans pour autant l’avoir incommodé.
Je m’approche d’Hallena qui n’a pas encore effectué de lancer.

« Face à une telle bête, je vous propose de travailler en équipe comme une meute. »
J’ai délibérément choisi ces mots, sachant pertinemment qu’elle est une amante de la nature. Espérant que faire référence ainsi aux comportements des animaux puisse la convaincre de suivre mon plan.

« Visez, les yeux. Si on réussit à l’aveugler, après il ne me restera plus qu’à le faire dévier de sa trajectoire. L’affronter directement serait un suicide. »

Je n’ai pas de temps à perdre. Je ne peux rester immobile et attendre son consentement, j’ai mieux à faire. Je dois m’emparer d'un grappin, vestige du sabordage de l’Échangeur par le Rubis-Sanglant.

Mon plan est simple. Sournoisement, je vais quitter le bateau par l’autre côté et à la nage je vais tenter de me rendre derrière l’animal, en conservant bien sûr un distance raisonnable. Si Hallena réussit, je profiterai alors de la cécité de l’animal malin et lui lancerai l’objet crochu sur le dos, pour ensuite m’éloigner à toute vitesse. Aveuglé, il se dirigera vers l’endroit où il a reçu le coup et le bateau sera épargné.

Grappin en main, je retourne vers Hallena, attendant un signe de sa part.

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Dernière édition par Mathis le Sam 3 Oct 2009 04:02, édité 5 fois.

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 Sujet du message: Re: Chapitre 4: L'Echangeur
MessagePosté: Lun 10 Aoû 2009 16:23 
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"- Anarazel d’Ellhar… "

Ce fut comme le chuchotement d'un poignard qui pénètre les chairs, comme une déchirure douce dans le tissu qui forme les esprits. Une nouvelle présence, autre que ma Sombre Déesse, venait de s'immiscer dans le champ de mes idées, calcinant le doute et la méfiance. C'était la présence d'une arme, qui ne pouvait être l'outil d'un magicien sournois. D'une arme faite de griffes, taillées pour percer et déchirer : quatre pointes de mort, qui devinrent aussi rouges que le feu, faisant vibrer l'eau qui les entourait d'une aura de chaleur.

Je les avais passées à ma main, et déjà elles s'érigeaient en mon être comme un prolongement de mon bras.

Les feux de mon attention se reportèrent vers le présent, vers la main noire qui allait s'abattre sur nous, menace d'une destruction soudaine. Tous les coffres, sauf deux, étaient ouverts. Et chacun d'entre nous - Rosie, Mathis, Shrez’Zarth devenus étrangement calme –, possédait une arme nouvelle. Et plus qu'une simple lame : une volonté propre, qui complétait les nôtres.

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Plus prompt, Mathis était sorti de la cabine du capitaine, pour exposer une idée à Hellana. Le sang-mêlé s'était approché d'eux en voyant les rênes qu'il s'était attribuées lui échapper, entre le contentement froid de la nouvelle présence de son arme, et la haine de voir son rang de capitaine froissé par un humain blond qui ne devait pas posséder le quart de son age. Il s'élança à sa suite.

"- Face à une telle bête," disait Mathis, "je vous propose de travailler en équipe comme une meute."

Le sourire sans joie sur le visage voilé du démon s'accentua : l'humain venant de souligner une évidence. A Ennemi commun, même bataille. Il fallait unir les forces des aventuriers, ne pas frapper au hasard. L'esprit du démon, muni de la présence conjuguée de sa Sombre Déesse Haine et de Thàran, mit en branle la lame aiguisée de sa folle raison.

Agir en groupe, oui. Qu'avaient-ils à disposition? Un navire, ce qui incluait cordages, balistes, mâts, grappins, vergues et voiles.

"- Visez, les yeux," continuait Mathis alors que le démon n'avait que vaguement conscience de ce qu'il disait, tout en écoutant. "Si on réussi à l’aveugler, après il ne me restera plus qu’à le faire dévier de sa trajectoire. L’affronter directement serait un suicide."

Affront directe? Concrètement, Anarazel avait de la peine à voir comment le monstre pourrait être arrêté à temps. Le contact entre le bois du navire et un corps immense dont la bouche faite de lame chercherait à happer toute chair était quasiment inévitable, évident.
De plus, dévier un tel monstre de sa trajectoire semblait être une solution à la facilité trop flagrante pour être réalisable : ce n'était pas être un bête poisson, et ses sens, habitués au noir localiseraient sans doute leurs mouvements.

Sans plus attendre, Mathis s'élança à la nage, emportant avec lui un grappin sectionné. Il quittait le navire par le flanc opposé à la bête, cherchant à mettre ses propres plans à exécution, tout en laissant le danger de mort imminente aux marins avec lesquels il avait lié sa vie.

Anarazel ne perdit pas une seconde à ressentir une quelconque haine envers l'humain, il avait mieux à faire. Ses yeux de braise se tournèrent furtivement vers Hellana et Ruméus, confirmant les dires de Mathis. Viser les yeux était un point de départ à l'efficacité non négligeable.

Le poids de l'eau sembla tomber d'un coup sur les épaules du démon, comme si sa conscience s'était soudain illuminée, sortie des terrains boueux où elle s'était embourbée. La présence du navire, sa forme, s'incrustèrent dans son schéma de la situation.
Peut-être y avait-il une mince chance pour arrêter la bête, la brider au maximum avant qu'elle puisse s'en prendre aux aventuriers. C'était comme une douce folie, qui coulait en pensées sombres dans l'esprit du démon. En réalité, et vu le présent danger, essayer était un luxe difficilement acceptable. Mais sans tentative, il n'y aurait que leur sang pour salir l'eau noire des abysses.

Sans plus attendre, le démon s'empara des deux écoutes de la grand-voile, qui pendaient sur le pont du navire, flottant à demi. Parmi les décombres, funestes souvenirs de la bataille navale, d'autres grappins, similaires à celui que Mathis avait emporté dans son plan inconnu, gisaient le long de la rambarde. Le sang-mêlé en ôta deux, et de par ses connaissances de marin, entreprit de faire des nœuds entre les bouts sectionnés et les écoutes, dont il jaugea la longueur conjuguée suffisante pour la folie qu'il voulait accomplir.

Il se tourna vers Hellana :

"- J'espère que ton aigle, par la magie qui semble l'étreindre, aura assez de vitesse et de puissance pour lui planter ça quelque part," dit-il sombrement, en tendant les deux grappins réparés. "Et dans les parties sensibles de sa tête..."

Puis il se tourna vers Rosie et vers le shaakt. Si le masque n'avait pas voilé les émotions qui déformaient son visage, les deux aventuriers auraient sans doute réussi à voir la lueur étrange qui avait pris le pourpre des yeux du démon.

"- Je vais passer ces cordages autour d'un piton rocheux du fond de l'océan, pour essayer de le brider et de le retenir," expliqua-t-il. "Attachez le long de ces écoutes le plus d'objets susceptibles de le blesser sans risquer de sectionner le cordage. Plus il tirera dessus, plus il se blessera."

Ses ordres donnés, Anarazel balaya le pont de l'éclat rouge de ses yeux, à la recherche de quelque chose de lourd qui l'aiderait à descendre la trentaine de mètres qui les séparaient du fond. Avec un long soupir, il se saisit d'un ancien ami, qui avait roulé sur le pont du navire : un chaudron vide, aux bords calcinés. Une arme improvisée dont le contenu avait laissé ses marques dans les chairs du démon.

Puis, les autres extrémités des cordages dans sa main gauche - où une lanière en cuir tenait les quatre griffes de Thàran- , et la lourde ferraille du chaudron dans l'autre, il passa le bastingage, et se laissa emporté par le poids du métal vers le fond de l'océan, en cherchant des yeux une roche assez grosse pour entraver l'animal marin, sortit des abysses inconnues de l'océan.

Sa dernière pensée avant de disparaître à la vue du pont fut un mélange disparate d'espoir et de stupeur. Et il escompta que la lueur irradiant du navire suffise à l'éclairer, et à le guider dans la folie qui pourrissait déjà son cœur d'un battement sombre ne l'ayant jamais réellement quitté : la danse sinistre de la brèche des limites, dont il voulait à tout jamais fouler le bord de son pas, muni de l'équilibre précaire qui l'engageait corps et âme.

(J'estime avoir accompli deux actions avec mes points d'agilités : 1/réparer les grappins, 2/la descente)

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Ecrire, c'est tuer, prier, délirer. Pour combler l'écart. Abolir l'Entre. Et n'y parvenir jamais. [Michèle Mailhot]


Dernière édition par Anarazel le Lun 17 Aoû 2009 07:58, édité 1 fois.

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