Tout était beau dans cette arme. Le bâton était sculpté dans une matière si belle que Ziresh était incapable de dire s'il s'agissait véritablement d'un bois (comme à l'habitude de bien des armes d'hast), ou si c'était un métal qu'il ne connaissait pas. Son extrémité, en tout cas, était bel et bien dotée d'une petite pointe d'un métal très lumineux. Presque doré. Le bâton, quant à lui, était taillé de manière à ce que les mains puissent être agrippées correctement que l'arme ne glisse involontairement. Mais le plus beau, bien entendu, était la lame. Sa droiture était remarquable et témoignait d'un travail supérieur à n'importe quel forgeron de Kendra Kâr (et pourtant, il n'avait pas à se plaindre de celui qui lui avait fait son équipement). La pointe brillait d'un tel éclat qu'elle semblait indestructible et les lames à sa base étaient décorées d'éclatantes arabesques. Même les cordons rouges, à la base de cette pointe, laissait émaner quelque chose de beau. Le jeune loup aurait pu rester longtemps ainsi, en pleine contemplation. Mais cela ne dura pas.
D'un coup, sans qu'il ne puisse l'expliquer, une grande douleur vint le mettre à genoux. Il laissa même tomber sa lance et très vite, il n'eut plus la capacité de tenir assis. Finalement sur le ventre, allongé devant l'autel, il ne put que tenter vainement d'ouvrir les yeux. La douleur l'avait tout à coup quitté, mais il était resté outrageusement faible. Ce n'était que maintenant qu'il prenait en compte les mises en garde de Pinga. Pourtant, sur toute sa progression, jamais il n'avait ressenti un tel malaise. Cette faiblesse l'avait frappé d'un coup, comme un poignard. Cela ne pouvait pas venir que de la grotte... Et il avait raison de le penser.
La tête tournée vers la droite, il avait pu voir le reste de la salle. Lui qui s'était dirigé bêtement vers l'autel n'avait pas remarqué ce que cachait le reste de cet endroit... Ce qu'il voyait alors, ce n'était pas un flérustre. C'était plus monstrueux encore. Une chose humanoïde, sans yeux, qui était comme renfoncée dans le mur. Au premier abord, il aurait pu penser qu'il s'agissait d'un cadavre momifié, comme dans une crypte. Mais lorsqu'elle décroisa les bras pour porter ses mains à son visage, il comprit que non. Cependant, ce n'est pas la simple animation de cette chose qui tétanisa Ziresh. C'était les yeux enfoncés dans chacune des mains du monstre.
"Un redoutard !" bredouilla le loup d'argent, terrifié.
Mais ce qui était d'autant plus effrayant, ce n'était pas seulement de savoir que ce monstre pouvait profiter de sa faiblesse pour le tuer. C'était la présence des cinq autres qui titubaient dans la salle. C'est alors qu'une image lui apparut, sans qu'il ne puisse l'expliquer. Le Dieu Pieuvre lui apparaissait. Successivement, sous formes de flashs, Ziresh pouvait voir de nouveau la créature qu'il avait tuée. Il n'y avait alors pas vraiment un sentiment de peur, mais plutôt celui de la colère. Cette image lui donnait une rage. Celle de vaincre, sans doute, mais surtout celle de vivre. Pourtant, sans comprendre pourquoi, s'il avait enfin réussi à bouger le bras, ce n'était pas pour se relever... C'était pour serrer la lame de la lance qu'il avait laissée tomber.
Le sang commençait à suivre le fil du tranchant de l'arme, mais pourtant, au lieu de sentir simplement la douleur que cela devait procurer, Ziresh sentit comme un "drain". Quelque chose en lui venait de disparaître, mais en contrepartie, il avait récupéré toute la force qu'il avait perdue.
D'un coup, comme s'il n'avait jamais chuté, le loup d'argent se jeta sur sa lance pour immédiatement se mettre en position de combat. Ce fut une action particulière instinctive, mais salvatrice. Car juste à ce moment, deux des redoutards avaient attaqué, raclant leurs griffes de fer contre les dalles de la "chambre".
Le cœur du jeune loup se serra quand il vit l'un d'entre eux tendre ses "yeux" vers lui. Pendant un instant, il crut que le maléfice allait être jeté de nouveau. Mais il semblait que sa propre malédiction l'avait immunisé contre tout affaiblissement physique. Il devait absolument en profiter tant qu'il le pouvait.
Plutôt que d'utiliser seulement sa lance, compte tenu du nombre d'ennemis, il dégaina son épée bâtarde pour la tenir de la main gauche. Ainsi, il saurait se défendre tout en étant encerclé. Mais surtout...
"Essayez de me voir avec ça..."Il serra sa Fleur de Lys. Une lumière vint alors illuminer sa patte tandis ce que progressivement, son corps devenait translucide. Quand sa vision devint bleutée, comme à travers le verre d'une bouteille, il comprit qu'il était imperceptible. C'est là qu'il mena enfin son assaut. Plein d'espoir, il se jeta entièrement confiant de toutes ses compétences dans la meute qui s'opposait à lui. Il visa immédiatement les deux plus proches redoutards en portant un coup circulaire devant lui, avec sa lance. Son objectif était clairement de porter un coup fatal ou au moins de les renverser. Pourtant, à sa grande surprise, ils bloquèrent sans aucun mal son attaque... Pire : ils lui avaient arraché sa lance pour la jeter plus... à l'autre extrémité de la salle.
(Merde ! Ils peuvent me voir !)C'était prévisible venant de créatures capables d'une magie psychique. Mais Ziresh n'était pas découragé. Au contraire, cela lui permit de prendre son épée à deux mains et de trancher horizontalement les paumes du premier de ses adversaire. Celui-ci sembla se rouler au sol, accompagnant son geste d'un hurlement de douleur (et peut-être de terreur, si ceux-ci pouvaient ressentir un quelconque sentiment). Le second, cependant, s'était préparé et avait dévié la lame grâce à ses griffes de fer. Le loup d'argent se serait bien attardé sur ce combat si les autres créatures ne s'étaient pas brusquement rapprochées de lui.
Comme si elles hoquetaient, elles balancèrent leurs bras à des rythmes saccadés, complètement irréguliers. Et c'était bien là que Ziresh y trouvait leurs forces, car même si elles étaient physiquement faibles, elles était imprévisibles. Finalement, il ne réussit à s'en défaire que grâce à un large mouvement de cape qui semblait avoir déstabilisé deux de ses ennemis les plus proches, emportant leurs compagnons en arrière. Il n'eut qu'à bousculer le dernier debout, d'un grand coup d'épaule, pour réussir à courir vers sa lance.
Quand il l'eut récupérée, il se retourna, entièrement rassuré par la récupération de son bien. Mais il ne s'attendait pas à ce que ces choses soient d'un coup aussi rapides. Car à ce moment là, ce n'est qu'à sentiments de visage que la créature avait approché sa gueule. Et ses mains jointes, au bas de sa taille, menaçaient de le transpercer de par ses griffes, tel un véritable poignard. C'est à la limite de la dernière fraction de seconde que Ziresh réussit à effectuer un saut en arrière. Toutefois, s'il avait évité un coup fatal, il ne s'en était pas sorti sans blessures : les lames étaient venues trancher son flanc gauche, l'une des seules failles de son armure. C'était à croire que ces choses voyaient bien mieux que l'on ne pouvait le penser.
C'est encore une fois d'instinct que suite à cet assaut, Ziresh contre-attaqua. Il lâcha sa lance pour attraper les mains jointes du monstre. Sa patte était bien plus grande que les maigres poignets de la chose, il n'eut aucun mal à la dominer. Et il eut encore moins de difficulté à briser ses avant-bras contre son genou. A la manière de son premier compère, le redoutard poussa un hurlement de douleur. Mais cela ne dura pas cette fois-ci. Car le loup d'argent en profita pour immédiatement, de son épée, trancher sa tête sans aucune sommation. Il n'en restait plus que quatre.
"Venez !" hurla Ziresh, comme annihilé par la rage.
Et les créatures ne se firent pas prier. Encore une fois, le maître d'armes se jeta sur lance, en plongeant cette fois-ci. Et c'est sans aucune hésitation qu'il accueillit son ennemi le plus proche en la lui plantant en pleine poitrine. La chose était cependant encore en vie, mais c'était bien la son but. Elle se débattait, sans rien pouvoir faire. C'est là qu'il la dirigea vers ses semblables. Ses proches griffes tailladèrent alors deux de ses alliés et ils finirent se blesser tous les trois. Cette mascarade se solda finalement par l'assassinat de la première victime de Ziresh, dont la tête fut transpercée par les griffes de ses frères.
Ce que le guerrier n'avait tout de même pas prévu, c'était que ces choses iraient jusqu'à chercher la pointe de sa lance avec leurs griffes. Ne pouvant la dégager du corps du monstre, il dut encore une fois l'abandonner pour aller combattre les créatures restantes au corps à corps.
Comme une bête, il chargea alors, sans vraiment à chercher de failles. Et ce fut là encore une de ses erreurs. Dominé par sa rage (et sans doute aussi sa peur), son épée fut bloquée par le premier des combattants. Le deuxième en profita alors pour venir enlacer le loup et planter ses griffes dans hanches. Un cri de douleur lui fut arraché. C'était une douleur bien pire que ce qu'il avait vécu dans la grotte des traqueurs sombres. Même dans les Mines de Lebher, il n'avait pas eu l'occasion de ressentir pareille souffrance. Mais ce n'était comparé à ce qu'il risquait de vivre à l'instant : le redoutard avait approché son visage de sa gorge, ouvrant grand la gueule. Il s'apprêtait bien à le dévorer. C'était sans compter sur la race à laquelle appartenait Ziresh.
Il se dégagea de l'emprise de lui celui auquel il faisait face d'un coup de pied, l'envoyant voltiger un peu plus loin. Avant que le dernier monstre encore valide ne vienne l'attaquer, il porta sa patte droite au visage de son bourreau et le dirigea vers le ciel. A ce moment-là, il planta ses propres crocs dans la gorge flasque de la créature, lui arrachant sans hésitations sa carotide. Les griffes se serrèrent encore dans les hanches du pauvre loup, mais cela ne dura pas. La création de Vellel venait de rendre l'âme. Quant au dernier redoutard debout, c'est certainement encore une fois la colère qui poussa le bratien à venir planter son épée sans difficulté dans son visage. Il ne restait alors plus que celui qu'il venait de jeter au sol.
Ne prenant plus vraiment d'autres risques, Ziresh se décida enfin à récupérer sa lance. Il réservait une attaque toute particulière pour le dernier monstre encore capable de le blesser. Il fit alors glisser le bâton de façon à ce que la pointe l'arme égalise la distance que pouvait prendre son épée bâtarde à bout de bras. Il croisa ensuite les lames après avoir posé le pieds droit devant lui, de sorte à garder un équilibre irréprochable. La créature était encore à dix mètres de lui.
Ses muscles se contractèrent, de sorte que ses armes semblaient trembler l'une sur l'autre. Sa respirations s'accéléra et ses poumons gonflaient tant sa poitrine qu'il donnait l'impression que buste avait doublé de volume. Le monstre n'était plus qu'à six pas.
La concentration de son Ki se fit de plus en plus intense. Celui-ci ne l'aidait pas seulement à stabiliser ses armes : il le complétait avec elle. Il n'avait plus l'impression d'être alourdi par elles. Elles étaient ses bras. A quatre pas du monstre.
Enfin, son Ki explosa. Le bas de son corps semblait être resté figé tel une statue. Mais le haut avait démontré toute la force dont Ziresh disposait. Ses bras se décroisèrent, raclant les lames à leurs extrémités. C'est alors que les deux lames vinrent cueillir les avant-bras du redoutard, cassant au passage ses ongles de fer. Celui n'était qu'à deux pas, mais il était désormais privé de toute arme.
Le monstre poussa encore une fois un cri de douleur avant de se recroqueviller sur le sol, tel un insecte se laissant mourir. Ce n'est pas par nécessité que le loup planta sa lance dans le visage infâme du dernier de ses assaillants.
Un cri demeurait cependant. Il ne s'en était pas rappelé, ni vraiment rendu compte, mais la première de ses victimes gisait encore sur le sol, devant l'autel. Ses paumes avaient été tranchées et le privaient maintenant de la vue et de ses armes.
Doucement, Ziresh s'approcha de lui. Mais ce n'était pour lui offrir immédiatement sa mort. C'était pour la Hallebarde Protectrice... Enfin, il y était arrivé. Jamais il n'aurait pensé mener une telle mission à son terme. Et pourtant ! Mais en vérité, cela ne faisait que commencer. Maintenant qu'il avait la main sur cette arme, il allait devoir trouver un moyen de sauver son village. Et puisque Pinga le désirait, il allait devoir chercher la source du mal. Même s'il haïssait les Noirs pour ce qu'ils avaient fait à Kâhra, il comprenait ce point de vue.
"J'y suis arrivé Kâhra... soupira le héros.
J'y suis enfin arrivé. Je viens de trouver une relique. Tu avais finalement raison : je suis un aventurier."Un instant, il pensa à la prendre pour tuer le dernier redoutard restant. Le pauvre lui faisait presque de la peine. Mais il n'était finalement pas sûr qu'il soit raisonnable de l'utiliser avant que Pinga aie déterminé l'authenticité de cette arme et lui aie aussi appris comment s'en servir dans sa totalité. Aussi, il planta lance dans la nuque du monstre, abrégeant ses souffrances.
Cette dernière besogne accomplie, il monta enfin sur l'autel. Ses griffes effleurèrent le manche et les cordons. Il y eut une minute d'hésitation. Et enfin, il l'empoigna.
Il avait réussi.
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Tentative d'apprentissage :
Double trancheur : Le combattant saisit ses deux lames et concentre tout son Ki pour trancher deux membres qu'il peut atteindre (à tirer au dé). Ils sont irrémédiablement coupés, sauf face à des PJ où le tranchage de membres n'a pas lieu. Rien ne peut résister à cette attaque dévastatrice sous l'effet de cette puissante énergie qui agit elle même comme une lame (for+20%).