Il ne portait pas son armure mais avait son épée à la main et un petit sourire au visage.
« Toi ? s'étonna le prêtre. Que fais-tu là ? Qu'à cela ne tienne, tu vas payer ! »
« Payer ? »
Il ricana :
« J'ai déjà été bien payé, et je ne pense pas devoir vous rembourser quoique ce soit... »
À ce moment là, il y eut un grand bruit dans le couloir et Brendan dû se retourner pour contenir de son bouclier la charge des pirates. L'escalier était étroit mais ils étaient nombreux et le prêtre fut forcé de l'aider, frappant de son bâton pour tenter de repousser l'ennemi, espérant que d'autre soldats allaient venir les aider. Désemparé, Leyna compris qu'elle était seule face au renégat.
« Tient donc... tu es toujours là, toi ? Tu aurais dû rester au temple. Déblatérer des propos sans queue ni tête pour impressionner les fidèles c'est tout ce que tu sais faire... Même si j'avoue que tes chants me manquent un peu. »
Il secoua la tête.
« Du gâchis... »
Et il se dirigea vers elle, l'épée tendue devant lui. Elle recula, pas à pas, ne sachant que faire. Elle doutait que ses maigres pouvoirs puissent faire la différence face à un guerrier magicien entraîné. À côté, Brendan venait d'abattre un pirate que le prêtre avait à moitié assommé d'un coup de bâton. Leyna se précipita et ramassa le sabre du défunt pour le brandir maladroitement. Lannec éclata de rire.
« Allons, tu ne sais pas t'en servir ! »
Elle tenta de l'attaquer de la pointe mais il dévia sans peine et elle esquiva de justesse sa contre-attaque. Sentant que le mur n'était pas loin dans son dos, elle s'élança pour le contourner, déviant de justesse encore une fois la lame qui la visait. Une fois qu'elle eut plus de champs, elle voulut attaquer, mais il la désarma d'une passe d'arme adroite puis, d'un coup d'épaule, la repoussa. Légère comme elle était, elle s'envola et s'écrasa sur la table. Elle ne fit que bousculer la lampe à huile, en revanche, elle entraîna le poignard avec elle. Malgré la douleur et l'étourdissement, elle le ramassa instinctivement et le glissa dans sa manche. Ce combat s'annonçait vraiment mal ! Elle rampa sur le dos pour s'éloigner tandis que son ennemi secouait la tête :
« Ça ne me plaît pas, de te tuer, mais tu n'aurais pas dû venir... »
Il fallait qu'elle se relève... et pour ça qu'elle gagne du temps.
« Pourquoi ? »
Il haussa un sourcil.
« Pourquoi ? Parce que l'argent m'intéresse plus qu'une déesse disparue depuis longtemps. »
Disparue de puis longtemps... cette phrase avait des échos sinistrement familiers.
« Tu as parlé au missionnaire de Brytha... »
« Oui, il m'a abordé dans la rue et m'a ouvert les yeux. »
Leyna se releva rapidement. Pris par surprise il réagit trop tard et ne parvint pas à la faucher au passage. Elle ne sentit que le souffle de la lame qui lui coupa quelques cheveux. Cela ne sembla pas le gêner outre mesure. Pourquoi est-ce que ça aurait dû ? Il ne pouvait perdre un combat aussi inégal. Il le faisait volontairement durer, et pour tout dire, Leyna commençait à se dire qu'il regrettait vraiment de devoir la tuer. Il faisait la même erreur que Valgan, le sang pourpre qu'elle avait vaincu, mais si elle ne parvenait pas à en profiter, il finirait par se décider. Elle n'aurait alors aucune chance d'échapper à Phaïtos. Elle était maintenant debout, mais reculait face à la lame adverse, elle serait bientôt contre le mur du fond.
« Il t'a utilisé... mais pourquoi ? Est-ce lui qui t'a demandé de voler le livre ? »
« Il nous avait suivi avec les garzok, d'autres fidèles de Brytha. Nous devions voler votre découverte, quelle qu'elle soit, pour essayer de déclencher les hostilités entre le temple et Omyre. »
« Pourquoi t'être laissé manipuler ? »
« J'ai fait ce que je croyais être le mieux pour lutter contre les faux dieux, Moura et Oaxaca. »
« Il t'a utilisé et maintenant il se cache. Tout ce qu'il voulait c'était que tu déclenches ce conflit, maintenant tu peux bien mourir, tu as joué ton rôle... »
« Tait-toi ! »
Il bondit et elle leva instinctivement la main. Une vive douleur. Elle avait évité l'essentiel du coup, mais son poignet était entaillé. Elle regarda le sang qui coulait, don perdu de Moura... Pour en perdre moins, elle suça une goutte qui arrivait au bout de son doigt tandis que de l'autre main, elle cherchait le réconfort de son amulette. Le poisson de saphir irradia d'une douce sensation de calme. Lannec la regardait, indécis. Il commençait à douter. Elle le regarda droit dans les yeux :
« Tu as fait ton choix... ton destin est tracé. Et quand l'heure viendra, tu devras être sûr de toi... »
« Non ! Meure ! »
Il tendit la main et une gerbe d'eau sous pression jaillit, suffisamment forte pour déchirer la chaire. Leyna réagit à la vitesse de l'éclaire et appela son pouvoir pour lancer le même sortilège. Les jets d'eau se rencontrèrent et s'annulèrent. Il se trouvèrent là, à lutter pouvoir contre pouvoir, aucun ne parvenant à repousser le sortilège de l'autre.
« La négation n'a pas de sens ! clama Leyna. Mais elle est prévisible de ta part. Tu es le pantin de la déesse qui est la négation de tout. Pas de bien, pas de mal, juste le gris de l'ennui... l'ennui perpétuel d'une vie qui n'a plus aucune valeur ! »
Avec un cri de rage, il tenta d'avancer pour la repousser. Mais elle appela alors un geyser qui jaillit sous ses pieds et le déséquilibra. Il reçut alors de plein fouet le sortilège de la semi-elfe et poussa un hurlement atroce, digne du cri d'un damné. Il bascula à terre et y resta prostré, la peau à demi arraché au niveau du bras gauche et du torse. Leyna s'approcha de son pas aérien... et il bondit en brandissant son épée ! Mais son coup était si malhabile qu'elle l'esquiva sans peine. Le poignard jaillit de sa manche et s'enfonça dans son ventre, remontant dans la poitrine. L'ancien chevalier de la lance de corail laissa échapper un gargouillement. Il tomba à genou et du sang coula de sa bouche. Il sortit une clé de sa poche et la tendit vers un coffre. Puis il parvint péniblement à cracher :
« Crois-tu... que Moura pourra me pardonner ? »
Leyna s'agenouilla devant lui et mit ses doigts poisseux de sang sur ses lèvres. Il en bût un peu, sans y prêter attention, et elle récupéra une goutte du siens pour la boire elle aussi.
« Elle seule en décidera. Moi, je te pardonne. »
Et il bascula en arrière, mort.
_________________
|