Crocus observa durant plusieurs secondes le fourré où son opposant venait de disparaitre. Quand elle fut certaine que le félin ne reviendrait pas, elle laissa tomber son arme sur le sol puis s'assit en poussant un long soupir de soulagement.
Ce simple contact avec la terre lui rappela son triste état: sa jambe était un nid de souffrances auxquelles s'ajoutaient les douleurs des innombrables blessures et bleus que sa chute précédente lui avait occasionné. Crocus gémit en soulevant ses jupes gorgées de sang. Cinq longues entailles violacées balafraient son mollet et le sang s'en écoulait à gros bouillons.
La rousse sinari sentit son ventre chaviré à cette vision. Elle plaqua sa main sur sa bouche pour ne pas vomir puis respira lentement afin de reprendre son calme. Il fallait qu'elle fasse quelque chose et vite. Nauséeuse, notre semi-home se concentra afin d'effectuer un garrot et de tenter de protéger la plaie. Il lui fut difficile d'occulter les élancements de douleurs de son pauvre corps martyre, mais les heures d'exercices de méditation passées avec son maître semblaient porter leurs fruits. Avec dextérité, dû à la pratique, elle déchira une de ses manches en lambeau et commença à panser les plaies. Puis l'apprentie détacha les lanières qui retenaient sa besace et s'en servit pour garrotter le tout et maintenir les tissues en place. Malgré le fait que l'opération fut difficile à cause du sang qui rendait sa jambe glissante, le pansement fut impeccable.
La jeune soigneuse se releva ensuite pour partir à la recherche du lutin. Le petit être des forêts c'était recroquevillé entre les racines d'un pin. Il avait perdu de sa superbe et tremblait de tout son être, absolument terrorisé. Avec une grimace de douleur, Crocus Belhiver se pencha vers lui et tenta tant bien que mal de le rassurer:
“ Ne t'en fais pas, le chat est parti. Il ne reviendra plus...”
Constatant l'état pitoyable du petit farceur, elle demanda:
“ Tu peux sortir?”
Les yeux couleurs miels du lutin regardèrent l'apprentie avec panique. Il secoua vivement sa tête en tentant, en vain, de ramper un peu plus à l’abri des racines. Son état de faiblesse l'empêcha d'aller plus loin. Il regardait Crocus visiblement désemparé. La sinari comprit que malgré elle, elle lui faisait peur, peut être même plus que le chat.
“ Ne t'en fais pas, je ne te veux pas de mal. Regarde je ne suis même pas armée. Je t'assure que je ne souhaite te causer aucuns tords. Au contraire, je voudrais t'aider.”
Crocus s'assit par terre, étendant sa jambe blessée. Des gouttes de sueurs perlèrent sur son front tant la douleur était atroce. Mais elle serra les dents et ne laissa rien paraitre. Une fois installée, Elle souleva ses bas pour montrer sa plaie bandée au lutin.
“ Tu vois?” Elle laissa retomber le tissus poisseux de sang. “Je suis vraiment désolée pour tout à l'heure, je voulais juste me venger. Tu m'as fait très peur tu sais. On peut dire que tu es un sacré farceur.”
Crocus sourit en disant cela et le lutin le lui rendit dans une pauvre petite grimace.
“ Le meilleur, tu veux dire.”
Sa voix était très faible.
“ Le chat est vraiment parti?”
“ Oui,” répondit la rouquine en hochant de la tête “ Il t'a fait mal? Tu veux que je t'aide?”
Le lutin regarda anxieusement la jeune semi-homme puis il répondit résigné:
“ il semble que je n'ai de toutes façons pas d'autres choix. Je ne peux pas bouger mes jambes et je suis trop faible pour voler. Si tu me laisses seul ici je mourrai sans aucun doute. Il va donc falloir que je remette mon sort entre tes mains.”
Crocus hocha de nouveau de la tête en silence, l'air grave. Puis elle tendit doucement la main et souleva avec milles précautions le petit corps. Le lutin se mit à gémir de douleur. De plus prêt on pouvait voir que son pied droit faisait un angle fort peu naturel avec la jambe. La soigneuse fit une grimace à cette constatation. Elle redoubla de douceur mais quoi qu'elle puisse faire, la souffrance était insupportable pour le lutin.
" J'ai mal, j'ai trop mal..."gémit le petit être " Cétayales aide moi."
Dans un cri perçant il s'évanouit. Crocus, paniquée, vérifia si il respirait encore. C'était le cas. Soulagée, elle l’ausculta rapidement. Sa syncope n'était dû, semblait il, qu'à la douleur, mais l'apprentie ne pouvait en jurer. Il pouvait très bien avoir des blessures internes qu'elle n'avait pas encore les capacités de reconnaitre. Et puis ses connaissances en anatomie des lutins étaient inexistantes. La rousse sinari commença à douter de son diagnostique. le petit être pouvait très bien être en train de mourir qu'elle ne le saurait même pas. De peur de le perdre, elle décida d'utiliser l'un des rares sorts de soin que son maître lui avait appris.
Rien que l'idée de le faire rendait l'apprentie nerveuse. Ce sort, elle ne l'avait utilisé que sur des animaux et des plantes, son maître étant toujours présent pour l'aider. Surtout, ce qui l'inquiétait le plus, c'est que les résultats avaient toujours étaient que partiels et cela allait être sa première utilisation dans des conditions réelles. Que ferait elle si il tournait mal?
Pour ce donner du courage, Crocus décida de prier les dieux pour qui lui viennent en aide. Elle détacha sa cape, l'étendit sur le sol puis y plaça, avec milles délicatesses le lutin évanouie. Puis la smi-homme lui apposa les mains, fermant les yeux, elle se mit à prier:
“ Ô Gaïa, déesse de la lumière et de la Connaissance,
Vous qui êtes la mère de toutes les âmes pures ,
Vous qui veillait avec amour sur vos enfants,
Je vous loue et je Vous adore.
Ô Jeri, Dieu de la santé et de la guérison,
Vous qui êtes la résurrection et la vie,
Vous qui êtes la santé des malades,
Je vous loue et je Vous adore.
Entendez ma prière car,
Je veux aujourd'hui Vous offrir tous les maux de ce pauvre être,
parce que Vous êtes les même, hier, aujourd'hui et toujours.
Vous implore donc d'avoir pitié de lui.
Je Vous en supplie, dieux bons.
Ayez pitié des souffrances qu'il endure dans son corps,
dans son cœur et dans son âme.
Bénissez le, déesse Gaïa
et faites qu'il recouvre la santé.
Jeri,
Je vous demande au nom de la foi que j'ai en vous,
guérissez- le, guérissez son corps,
guérissez son cœur, guérissez son âme.
Donnez-lui la vie, la vie en abondance.
Grands dieux,
Je suis tellement certaine de votre amour,
qu'avant même de connaître le fruit de ma prière,
je vous dis ma confiance et ma reconnaissance:
merci, pour tout ce que vous ferez pour cet être en souffrance,
Merci pour les malades que vous guérissez en ce moment,
merci pour ceux que Vous ne manquez pas de visiter avec miséricorde."
à peine eut-elle prononcée ces derniers mots que l'apprentie se sentit envahie par une douce chaleur. Une chaleur rayonnante. Une chaleur paisible. Baignée par elle, Crocus invoqua le souffle de Gaïa. Malgré ses paupières closes, Une lumière perça. Elle ouvrit les yeux et découvrit que son propre corps et le corps inconscient du lutin étaient auréolés d'une vive lueur dorée. Le temps sembla alors s’arrêter.
Quand elle repris conscience d'elle même, la jeune sinari resta prostrée dans son attitude de prière. Elle ne se rendit pas compte qu'il c'était mis à pleuvoir. Elle ne se rendit pas compte des résultats de son sort. Une immense lassitude l'envahit. Son corps vacilla et son esprit sombra dans les ténèbres du royaume des songes.