Je n'eus fait trois pas que la porte derrière nous claqua violemment, nous plongeant dans les ténèbres. Alors que les autres continuaient, je m'arrêtai un instant dans le noir. Les muscles de mon ventre tressaillaient, et je sus que ce n'était pas l'action du froid. Depuis le début de l'aventure à plusieurs reprises j'eus des doutes, des faiblesses dans mes pensées qui avaient émoussées mon courage. En vérité, si j'avais été seul, je ne sus si mes mes jambes et surtout ma tête auraient pus me porter jusque là. En cela je remerciai le ciel de m'avoir donné des compagnons. N'allez pas croire que mon désir d'aventure se fut éteint à cet instant, car il resta tout à fait intact. Cependant je compris combien l'expérience me manquait, et sus qu'il ne suffisait pas d'un naïf idéal pour que la terre s'ouvre à mes pieds. Comme tout homme qui se retrouverait dans ma situation j'en fus ébranlé, de découvrir que les jolies phrases ne protégeaient pas de la réalité cruelle. Mais je me confortai dans l'idée qu'à présent je serais plus avertis de ce qui pouvait m'arriver. Je me sentis plus vulnérable à présent, et donc plus attentif, mais aussi plus léger. D'ailleurs je ne fus pas le seul à se sentir léger car soudain je vis autour de moi -indistinctement car la seule source de lumière fut la bague fournie par l'immonde prêtre, qui s'était soudain mis à briller d'une étrange lueur verte- flotter autour de moi une dizaine de petits bouts de bois, pratiquant une danse étrange et désordonnée. Je n'eus le loisir d'observer plus longtemps le phénomène, que déjà les copeaux dansants retombèrent sur le sol plongé dans les ténèbres. Plutôt interloqué par cette manifestation arboricole dans un premier temps, je ne mis pas longtemps à faire la corrélation entre la bague et l'étrange phénomène, Restait à savoir comment celui-ci fonctionnait. Je n'avais pourtant rien entrepris de spécial durant ces dernières minutes, cela faisait même un bon moment que j'en avais oublié l'existence de cette bague offerte par Amaryliel lors de nos préparatifs ! Tout ce que j'avais fait c'était... penser. Étrange alors, je ne vis pas comment... Oh mais... Une illumination se fis dans ma tête, je me souviens d'une histoire, oui une histoire que j'avais lus récemment, dans le livre même que je portais sur moi ! L'histoire d'une jeune femme dont le malheur était de déplacer les objets sans qu'elle ait à les toucher, sans pour autant réussir à contrôler son pouvoir. Il y avait un nom pour celui-ci mais je l'avais oublié. Et si... Et si cette bague me permettait de faire quelque chose de similaire, peut être avec des choses plus limitées. Je réfléchi à cette possibilité, qui s'annonçait comme une certitude quand j'entendis les premiers bruits de combat un peu plus loin. Je m'en voulus d'avoir délaissé mes compagnons, et me hâta de les rejoindre. Quand j'arrivai enfin, je découvris ceux-ci en bien mauvaise posture. Encore une fois je me maudis d'avoir trainé. La salle, circulaire, projetait à l'esprit l'image d'une arène circulaire, avec en son centre une tente crasseuse planté. De l'autre coté se distinguait une sortie salutaire. La soudaine lumière m'éblouit quelque peu, et c'est d'une démarche peu assurée que je franchis les premiers pas. Il me fallait agir vite, la situation l'exigeait, cependant il aurait été stupide d'agir sans avoir analysé la situation. Situé derrière une masse rocheuse, je pouvais supposer sans risque que les quatre créatures vertes qui assaillaient Bolin et Amaryliel ne m'avaient pas vues. La surprise était donc de mon coté, et il allait falloir en jouer si nous voulions nous en tirer au mieux. Mes compagnons ne m'avaient également pas remarqués, Amaryliel face à l'une des créatures, le nain en prise avec les trois autres. Celui-ci se battait vaillamment mais petit à petit ses adversaires prenaient le dessus, et ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne succombe à leurs assauts. Amaryliel, que je ne vis que de dos, s'employa à occire son opposant, sans que cela ne se transforme en succès. La créature, redoutable, ne rata pas l'occasion d'octroyer un vilain coups au bras de l'elfe, dont le sang commença à gouter. Je me mordis la lèvre inférieur de rage en voyant ce spectacle, et j'eus du mal à ne pas foncer tête baissée dans la mêlée. Cependant mon expérience des combats, même petite m'informait que ceci était une erreur. Pour l'instant, la situation était du deux contre un, mais une fois que je serais entré dans la danse, les adversaires n'auront qu'un faible avantage numérique. Toujours placé derrière le rocher, j'observais attentivement la scène de bataille, m'apprêtant à agir. L'état d'Amaryliel ne semblait pas critique, je pensais les elfes robustes malgré les apparences, de plus la créature verte l'ayant blessé s'était retournée, croyant sans doute son adversaire hors jeu. Le nain Bolin en revanche était en situation critique, et ce fus sur lui que je décidais de concentrer mon attention. Il me fallait une cible parmi les quatre, et je m'efforçais ainsi d'évaluer la plus dangereuse. Ceci ne fut pas des plus compliqué tant l'agressivité de l'une d'elle se distinguait, Une créature munie de deux longs poignards s'employait à taper frénétiquement sur le pauvre torkin, qui malheureusement ne réussissait pas toujours à esquiver les coups perfides. Je me devais absolument de soulager mon compagnon d'un adversaire, et celui-ci était tout choisit. Dégainant ma courte épée, légère et maniable, je me déplaçai tout en essayant de ne pas attirer l'attention des créatures verdâtres. Ainsi je m'approchais d'Amaryliel, afin qu'il puisse m'entendre dans tout ce vacarme sans que j'eus à élever trop la voix.
« Amaryliel ! Je vous prie de m'excuser pour ce retard, je... J'ai...Enfin cela n'a point d'importance, j'espère que cette vilaine blessure n'est pas trop grave... Malheureusement j'ai un service à vous demander. Vous voyez celui-là, là bas, avec ses deux vils poignards ? Il m'a l'air le plus dangereux de tous, et peut-être une fois pourfendu les autres se montreront moins gaillard. Si vous le voulez, nous ne seront pas trop de deux pour en venir à bout. »
Ainsi dit je me dirigeais vers ma cible, mon épée en garde, paré à porter le premier coup. Mes leçons de combat tout comme mes missions à Tulorim se rappelèrent à moi, et nulle peur ne vint en moi, car seule restait une certitude. Celle que dans l'instant, ce serait la vie de mon adversaire ou la mienne qui sera prise. Sachant cela, je portais mon premier coup, un coup de biais que je voulu rapide et précis, dirigé en plein sur le bassin du félon.
_________________ Cornélius, Humain, Guerrier

"I must not fear. Fear is the mind-killer. Fear is the little-death that brings total obliteration. I will face my fear. I will permit it to pass over me and through me. And when it has gone past I will turn the inner eye to see its path. Where the fear has gone there will be nothing. Only I will remain."
The Fear Litany, F.H.
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