Lorsque le félin ouvrit la porte dans un grincement désagréable, une vision d'horreur s'offrit à lui. A la lueur des lampes, la cale réservée aux prisonniers était ouverte et le cadavre d'un des gardes gisait devant. A califourchon dessus, un second serviteur d'Oaxaca, d'après les dires du cadavre planté dans la chambre du fauve. L'homme releva les yeux, armé d'un minuscule couteau couvert de sang. Ne prenant le temps d'aucune réflexion, seul le danger représenté comptait pour le woran neige qui se précipita sur son nouvel ennemi.
-Capitaine! Hurla Aztai dans sa charge.
Il abattit sa lame trop à gauche de sa cible et des copeaux de bois volèrent des poutres. Dans une riposte surprenante, l'évadé décolla une gifle digne de ce nom au fauve qui chancela... avant d'exécuter un demi tour et ainsi pourfendre le torse de son adversaire de gauche à droite. Dans un glapissement, le fugitif s'écroula et laissa champ libre au tigré.
(Le Capitaine arrive!)
En effet, des bruits de pas annonçaient l'arrivée fracassante du Capitaine dans les cales. N'attendant pas une seconde, Aztai pénétra quand à lui dans le nid des prisonniers... Lame au clair, ses yeux tombèrent sur le cadavre d'un second milicien, ainsi que le reste des truands déportés enchaîné au mur. L'un d'eux venait visiblement de se délester d'une de ses entraves, le regard plein de haine de s'être fait prendre en flagrant délit.
(Tu es intervenu à temps...) (On pourrait croire à une mutinerie, mais tous ici veulent ma peau!)
Le Capitaine fit irruption dans la pièce, lampe et sabre au clair. Ses yeux s'imprégnèrent d'une noire colère et il partit dans un monologue tassé de haine, de rage et d'envie de meurtres...
-...Bande de saloperies, fulmina-t-il en fixant le groupe.
Il s'avança vers le premier et lui décocha un chassé qui le renversa à terre. Crachant sur son corps, il enchaîna avec quelques coups dans les côtes avant de le laisser geindre en silence.
Bizarrement, Aztai n'éprouva aucune pitié face à une telle correction, un tabassage de remise à plomb. Ces hommes voulaient attenter à sa vie, deux d'entre eux avaient payé pour ça. Et les quatre autre?...
-J'espère que les cachots de Kendra Kâr vous materons pour vos crimes, si votre jugement ne vous conduit malheureusement pas à la mort! Conclut le chef de bord.
-Il n'iront pas aux cachots de Kendra Kâr, interrompit le woran neige.
Le Capitaine fit volte-face. En silence, Aztai pointa son arme sur chaque émissaires d'Oaxaca:
-Comment me connaissez-vous? Tonna-t-il.
Le silence tomba comme la tonnerre après l'éclair. Devant ce mutisme général, témoin d'une complicité certaine, le fauve passa devant le Capitaine et arma son bras. Sa cible était la victime tabassée du marin, un peu plus tôt.
(Que comptes-tu faire?) Intervint Zénith. (Je joue à armes égales)
D'un revers, le bout de l'épée taillada la gorge du serviteur. une vague de sang s'en écoula et le corps s'effondra lamentablement, coupé des fils de la vie. La tension monta lourdement dans les rangs, le félin garda un silence de plomb devant les trois survivant et dans son dos, il sentit le malaise du Capitaine. Ce dernier souhaitait probablement intervenir, mais la colère d'Aztai était palpable. Enragé intérieurement, Zénith lui-même n'interviendrai pas une deuxième fois. Avançant vers sa deuxième proie, Le woran se contenta de hausser simplement les épaules. Toujours personne? Qu'importe. Un coup de poignet plus tard et de nouveau un corps se vidait de son sang, répandu sur le parquet détrempée des cales. De marbre, le fauve restait maître de sa situation, ignorant la raison pour acheminer sa vengeance.
-Votre mutisme est remarquable, quelle ténacité. Mais vous désirez simplement garder ainsi le silence, A quoi bon? Personne ne sera là pour raconter la bravoure et la fidélité dont vous avez fais preuve devant la mort puisque vos cadavres demeureront au fin fond de l'océan...
Silence.
...Soit, puisque c'est le hasard qui semble m'avoir conduit jusqu'à vous, je suppose que je peux simplement l'ignorer et faire comme si de rien n'était...
Son regard chercha celui d'un des prisonniers, le plus jeune des deux. Lorsque ce dernier leva le sien en direction du fauve, celui-ci sauta sur l'attention visuel qu'il portait à cet instant. Dans un rugissement à faire trembler les voiles, Aztai fut saisi d'une pulsion sanguinaire, en vue d'effrayer le survivant de son stratagème. Les griffes de sa pattes libres s'emparèrent du crâne de l'autre fugitif et l'épée en os de fulminaire transperça violemment sa gorge, sectionnant chairs et os pour se planter dans la coque juste derrière. Dégoulinante, elle maintint le cadavre un instant avant que le poids de celui-ci l'attire vers le sol, tranchant un peu plus son cou.
La scène eut l'effet escompté, un spasme de terreur avait saisi le jeune fugitif. Aztai ne le lâcha pas du regard, le gamin jouait sa vie et il le savait... a côté pendait son ami défunt, au bout de l'arme du woran tigré.
Enfin, il lâcha dans un souffle, d'une voix terrifiée:
-La forêt... nous avions déserté le combat pour finalement atterrir sur Nosvéris...
-Parle! rugit le fauve en sentant les souvenirs revenir.
-Que dire s'il s'agit réellement d'un pur hasard que l'on puisse te retrouver ici...
Soudain, le ton de sa voix bascula pour laisser place à un ouragan de haine vocable:
-Nous avons manqué à notre tâche aujourd'hui, encore. Te tuer aurait été le trophée ultime, alors nous nous en sommes donné les moyens! Par Oaxaca tu vas périr sale monstre! Beaucoup de nos frères fidèles en ont après toi depuis que tu as abandonné les tiens pour un autre continent... tu n'as fais que retarder ton échéance.
Cette idée qui avait tourmenté et qui tourmentait encore l'esprit du félin... non. Il était résolu à présent, il avait fait le bon choix, rester sur place n'aurait amener que la mort.
-C'est pour cela, affirma Aztai, que je reviens: endosser mon rôle de fils de la Flamme, et éradiquer tous ces fidèles dont tu parles.
Il lui plaqua alors violemment une patte au menton et le força à reculer, lui cognant le crâne sur le bois. Gorge à découvert, l'humain n'eut le temps de réagir alors que dans un coup bestial, son assaillant velu lui lacérait la carotide de ses griffes mortelles. Dans un mouvement final, le dernier prisonniers vint combler le tableau devant un Capitaine à l'air... dérangé.
-Ca change la donne pour la fin du voyage, commenta-t-il devant la mare de sang dans laquelle trônait Aztai.
-Pour moi il s'agit d'une vengeance personnelle contre d'anciens ennemis, si peu important étaient-ils. Pour vous... une simple mutinerie qui vous a causé la perte de deux gardes, et le gain de quelques yus...
D'un air désabusé, le Capitaine accepta ce marché, évitant au félin des ennuis supplémentaires.
_________________
|