Bonus de Lillith.
Lillith a écrit:
Des images défilent dans mon esprit, fugaces et floues. Le nuage se dirige droit vers nous, massif et puissant. Ses volutes noires tournoient laissant apparaître de temps en temps des lignes rougeoyantes inquiétantes. Elles laissent présager de ce que contient ce nuage une fois les fumées obscures franchit.
(La colère de la terre et du feu… rien ne peut stopper ça… Lallydir, pardonne moi de t’avoir quitter si bêtement…)
Alors que je repense aux moments avec elle, je remarque que Bogast me fait signe de l’approcher, troublant mes derniers instants. Il lève la main au ciel et fait apparaître une minuscule tornade dans sa paume, puis me lance un sourire insondable. Perplexe, j’observe le petit tourbillon qui soulève un peu de poussière, l’assombrissant un instant.
Je comprends alors où il veut en venir. Comment se protéger d’un élément si ce n’est par son opposé. Mais pour combattre une nuée ardente, il lui fallait non seulement l’air, mais aussi la glace.
(Je n’y arriverais pas… Je suis trop faible !)
Mais face à la situation et à la confiance, peut-être forcée par la force des choses, que me faisait Bogast, je ne peux pas reculer. Je m’approche de lui, réfléchissant brièvement à mes possibilités. Le temps manque et je ne peux qu’esquisser une tentative sans pouvoir réfléchir aux chances de réussite.
(Se protéger… Le miroir des glaces… Ca marchera, il protège contre les éléments. Mais il n’est pas assez fort contre ça… et pas assez grand !)
«Je dévie le souffle au dessus de nous, tu nous protégeras ensuite. »
Il prend les choses en main et me dit quoi faire. Ca me soulage un peu mais ne m’aide pas beaucoup. Je dois produire un bouclier immense et plus épais. Le seul soulagement, c’est de savoir que je n’aurais pas à le faire bouger, ce qui m’avait demandé bien trop de concentration la dernière fois. La nuée ardente est presque sur nous et Bogast commence à faire les gestes pour invoquer les vents. Je lève les bras vers le ciel qui sera bientôt entièrement recouvert par le nuage. Mes mains tendues en l’air sont balafrées par de profondes entailles d’où mon sang coule encore, semblable à cette lave qui surgit de la montagne.
Je me concentre pour sortir toute ma puissance au bout de mes mains. A quelques centimètres de mes doigts se forme une maigre pellicule de glace, transparente et luisante. Les plaques de mes deux mains se rejoignent, créant un cercle plus gros. Consommant autant de magie que je le peux, j’étends mon bouclier grappillant millimètre par millimètre par l’accumulation de flocons apparut par ma simple volonté. Très vite, un dôme lévite au dessus de nos têtes et je me hâte de la finir entièrement, laissant juste une fenêtre par laquelle Bogast va envoyer le vent.
(Je me concentrerais sur la solidité du toit, mais les bords éviteront que la nuée revienne par derrière pour je ne sais quelle raison.)
Mais la coquille est frêle, tenant à peine. Je décide de la renforcer, essayant d’appliquer mes sorts différemment. Si je concentre l’énergie de mes glaces sur mon, bouclier déjà présent, je pourrais sûrement le renforcer, épaississant la couche de gel jusqu’à la rendre indestructible. Peu à peu, la plaque s’opacifie pour rendre une image déformée de la mort brumeuse qui déferle dans notre direction. Malgré le flou provoqué par le bouclier, on peut aisément voir la nuée qui arrive si vite qu’elle est maintenant presque sur nous. Bogast entame alors des gestes compliqués et une bourrasque d’une rare violence surgit, rencontrant la nuée. Un creux se forme sous le nuage sombre, puis grossit, nourrit par des vents répétés par Bogast. La déferlante se soulève et arrive sur le dôme de glace.
M’attendant au choc, je ne cherche pas à limiter ma magie. Je m’ouvre entièrement à elle. Dans un dernier élan de lucidité, j’adresse à Yuia une ultime prière.
(Yuia, je m’offre entièrement à ta magie. J’ai été ton instrument de colère, maintenant je veux être l’instrument de ta main protectrice. Que mon corps ne soit plus que le vecteur de ta puissance pour sauver ce groupe de ton ennemi de feu. Qu’il périsse dans ton poing glacé, et que nous continuions notre chemin, louant ta gloire et ta force.)
Je me fais déborder par l’énergie magique. Je sens mon propre sang être son chemin. Les bordures de mes blessures aux mains se couvrent de givre, pris dans du gel, tandis que mon sang me donne l’impression d’être comme le fluide que j’ai absorbé il y a peu. Il pâli perdant son rouge éclatant et la gravité ne le concerne plus, alors que son flux monte vers le bouclier de glace.
Puis la nuée frappe mon bouclier. Pendant une fraction de seconde, j’ai l’impression que la fin est arrivée. La collision fait trembler toute la structure et la glace se fissure en de nombreux endroits. Je décuple mes forces que je sacrifie dans mon bouclier, renforçant les endroits sensibles et refroidissant, encore et toujours plus pour que cela ne finisse pas en flaque d’eau autour de nos cadavres…
Du coin de l’œil, j’aperçois brièvement Seldell, sur un coté de la bulle.
(Ce serait si simple… Perdre la concentration à un endroit… ce ne serait pas ma faute. Et l’on serait enfin débarrassé de celui qui a attaqué Yuia…)
Mais je repousse vite cette pensée malveillante en voyant non loin de lui les deux enfants, es deux filles qui ne devraient pas courir de tels dangers. Je ne peux laisser ma colère emporter en dommages collatéraux des innocents, plus cette fois…
Je me sens de plus en faible tandis que ma vie s’échappe en un souffle froid. Mes yeux se voilent, et je vois dans un flou grisâtre que Bogast m’aide à maintenir la structure en soufflant dessus avec une main pendant que l’autre continue son office, avant que ma vue s’éteigne dans un blanc immaculé. Je reste là, à ressentir rien d’autre que mon bouclier, ne faisant qu’un avec lui. Les ravages destructeurs nous passent dessus, fracassant notre épiderme à maintes reprises, sans jamais réussir à percer. Endoloris, nous avons un repos d’un coup, après une tempête qui semblait durer des heures.
Peu à peu, je reprends conscience de mon propre corps. Les derniers événements n’ont duré à peine une minute, mais j’ai l’impression d’avoir vieilli de plusieurs années. Usé jusqu’à l’os, je reste néanmoins debout, tandis que la coquille de glace se désintègre en fondant à toute vitesse. Ma vue revient brièvement, me menant dans un autre monde. Le sol est couvert d’une épaisse couche d’un blanc grisâtre, tout autour de nous.
(Yuia… suis-je mort ? Suis-je dans ton paradis ?)
Mais je me rends vite compte que non. Ce ne sont pas des neiges magnifiques, mais des cendres asphyxiantes et nous montrant l’étendue de la destruction de la nuée. En contrebas, une bonne partie de la forêt a disparu sous la pellicule grise et en haut, la montagne est défigurée. Son sommet semble arraché, sa neige éternelle a périt. Le ciel est sombre, remplit de nuages aux allures malveillantes. Seul réconfort, le monstre a disparut, laissant juste le carnage qu’il a causé.
Je tombe à genou, ne pouvant plus me porter moi-même. Je me sens si faible. Je pensais même y rester devant nourrir mon sort jusqu’au bout. Mais je suis encore là, au milieu d’une désolation affligeante et décourageante. Mais un regard circulaire me réconforte, c’est de voir mes compagnons vivants. Le sourire franc de la plus jeune du groupe met un baume à mon cœur qui bat au ralenti, faiblement. Dans un dernier murmure, je rends grâce à ma déesse, avant de m’affaler au sol.
« Yuia, ma reine ! Merci… Merci d’avoir sauver nos vies… Je suis éternellement tien… Tu nous as sauvé… »
Vidé de mes forces, je ne suis plus qu’une loque, à la limite de la vie. Je regrette alors le froid que l’on a quitté et qui est parti à jamais. Et alors que je perds conscience, je me jure de faire tout pour empêcher que le monde de ma reine soit ainsi à nouveau détérioré.
((( Sans soins magique, je suis parti pour un sommeil, ou plutôt coma de 32 heures environ)))