Cromax a écrit:
Endormi dans mon lit douillet, mon esprit se repose entièrement, cessant presque de fonctionner. Même les rêves ne parviennent pas à percer l’épuisement qui a atteint mon corps durant ces deux semaines d’exploration sur cette île pas vraiment accueillante. Même si les derniers jours ont été plus paisibles, le fait de se retrouver dans un vrai lit, fut-il sur un bateau, est une chance qui amène le confort dans tout mon corps. Je dors confortablement, ne pensant à rien, pas même aux récents évènements avec les deux demoiselles qui m’ont offert leur cœur, ainsi que leur corps, depuis le début de cette aventure singulière…
Pourtant, Lysis reste active dans mon esprit et m’envoie d’étranges images fixes, les unes à la suite des autres, à un rythme effréné. Mon esprit ne parvient pas à contrôler le flux de ces scènes troublantes, ni à les contenir pour ne pas y tenir attention. Mon sommeil se fait moins calme, remuant même. Je transpire malgré moi, comme si un mal inconnu s’était emparé de moi et avait envahi mon esprit.
Les images qui volent dans ma tête sont horribles. Je vois du sang, beaucoup de sang. Des lames aussi. Des dagues salies de ce sang rouge vif. Rien qu’en le voyant, j’ai l’impression à l’intérieur de moi de sentir son odeur, la sensation de le sentir couler sur moi, chaud, luisant, liquide et visqueux. Je vois des yeux, vides de vie, par où le souffle de la mort a enlevé toute trace d’espoir, cette lumière qui fait que nous sommes vivants. Je vois deux mains, serrées l’une dans l’autre… Une main à la peau grise et une main plus rosée…une main de sindel et une main d’humaine… Nos corps, à Prunelle et à moi, sont superposés l’un sur l’autre, mort dans nos habits, le sang s’écoulant de notre gorge, de nos nombreuses plaies. Cheylas est debout, en arrière plan, nettoyant ses lames salies par notre liquide vital, salies par notre chair.
Un sourire glacial orne ses lèvres. Un sourire horrible, mesquin et sadique, alors que moi, mes lèvres sont closes, et un fin filet rouge coule le long de ma bouche…
Je me réveille en sursaut, en nage dans mon lit. Les images disparaissent avec mon réveil. Aussitôt, je questionne ma faera. Je la sens tremblante dans mon esprit…
(Pourquoi ces images ? C’est horrible !)
(J’ai peur pour toi…je ne veux pas te perdre…)
(Tu me fais peur aussi…Qu’est-ce qui te prend ?)
(Je ne veux pas que tu meures…C’est un futur possible dont je t’ai fait part là. Tiens en compte, s’il te plait…)
(Je le ferai…je serai tout le temps sur mes gardes, mais tu n’as pas à t’inquiéter…)
Je remarque alors que la porte de ma cabine est ouverte. Je me lève de mon lit et dégaine rapidement ma rapière, m’étant endormi tout habillé.
« Qui est là ? »
Pas de réponse…je regarde autour de moi. Ayant une vision assez correcte la nuit, j’aperçois vite une ombre dissimulée dans un coin. Je tends ma lame vers elle.
« Qui es-tu ? Que fais-tu là ? »
La silhouette tremblante se redresse doucement, et je reconnais seulement Prunelle, les larmes aux yeux. Elle s’effondre en pleurs dans mes bras. Je lâche mon arme, qui tombe sur le sol dans un bruit mat. Je serre la jeune femme contre moi, puis, l’écarte un peu.
« Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi ces larmes ? »
« Tu m’as fait peur…Je ne voulais pas… »
« Chuuut, ne dis plus rien…Tu as besoin de dormir toi aussi…Rejoins ta cabine…Dors… »
Elle ne dit rien de plus et je l’amène jusqu’à la porte de sa chambre.
« Demain ça ira mieux… »
Une fois sa porte close, je n’ai plus aucune envie de retourner me coucher. Ainsi, je monte sur le pont pour respirer l’air de la mer…Lothindil y est déjà, et je la rejoins sans rien dire, le regard vers le large…